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T 0474/04 (Attestation/ALTHIN MEDICAL) 30-06-2005
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B. Braun Melsungen AG
Fresenius Medical Care Deutschland GmbH
Déclaration tenant lieu de serment - ci-après dénommée attestation (eidesstattliche Versicherung
Contestation d'affirmations figurant dans une déclaration - demande d'audition de témoin rejetée - vice substantiel de procédur
Renvoi (oui)
Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours est formé contre la décision de la division d'opposition, en date du 6 février 2004, de révoquer le brevet européen nº 0 668 793.
II. La mention de la délivrance du brevet a été publiée le 5 avril 2000. Le brevet a ensuite fait l'objet d'une opposition formée par les deux intimés. Une première décision de révocation du brevet a été rendue le 24 juin 2002, mais elle a été annulée au stade du recours (cf. décision T 838/02, en date du 29 janvier 2003) pour avoir été rendue par une division d'opposition dont la composition n'était pas conforme à l'article 19(2) CBE. A la suite du renvoi de l'affaire, une seconde décision de révocation du brevet (la décision attaquée) a été rendue par la division d'opposition dans une composition différente.
III. La présente décision se référera aux documents suivants :
D12 : CMS 08 - Handbuch, Fresenius AG Medizintechnik, 4 éd. 1988
D14 : Attestation (eidesstattliche Versicherung) de M. Spickermann, en date du 27 décembre 2000, concernant l'allégation, par l'intimé 02, d'un usage antérieur d'un appareil d'hémodialyse lors de la conférence EDTA (Association Européenne de Dialyse et de Transplantation) tenue à Paris du 28 juin au 1er juillet 1992.
IV. L'invention a trait à un appareil d'hémodialyse dont l'interface utilisateur/machine est configurée comme un écran tactile. Selon la décision attaquée, l'objet de la revendication 1 de la requête principale implique une activité inventive eu égard à l'ensemble de l'état technique divulgué par écrit. L'objet revendiqué a toutefois été considéré comme évident compte tenu de l'usage antérieur décrit dans le document D14 combiné avec le document D12. La même conclusion a été tirée pour la revendication 1 telle que modifiée conformément à la requête subsidiaire. Se référant à la décision T 674/91 en date du 30 novembre 1994 (non publiée au JO OEB), la division d'opposition a estimé qu'il n'était pas nécessaire de citer l'auteur du document D14 comme témoin, étant donné que son attestation était "claire en ce qui concerne l'étendue du dispositif qui avait été présenté au public" (motifs 2.1, 2.2. et 2.3 de la décision).
V. Dans l'exposé des motifs du recours, le requérant (titulaire du brevet) a sollicité le maintien du brevet tel que délivré. Il a soutenu que c'est à tort que la division d'opposition avait conclu que l'usage antérieur avait été dûment établi. Les moyens de preuve consistaient en quelques photographies et en l'attestation D14, les photographies ne permettant cependant pas d'établir s'il s'agissait d'un écran tactile. L'intimé 02 avait reconnu lors de la procédure orale devant la division d'opposition que le système exposé n'était pas en état de fonctionner. Les affirmations figurant dans l'attestation étaient des allégations infondées. Rien n'indiquait que les caractéristiques opérationnelles de l'interface utilisateur/machine configurée comme un écran tactile avaient effectivement été présentées et de ce fait rendues accessibles au public, comme prescrit par l'article 54(2) CBE. Un autre participant à la conférence, M. Kelly, n'avait pas observé d'interface utilisateur/machine de ce type et aucun dispositif analogue ne lui avait été présenté. Une déclaration sous serment de M. Kelly figurait au dossier. L'intimé 02 n'avait donc pas prouvé de manière incontestable le bien-fondé de ses allégations. Pour le cas où la Chambre aurait l'intention de conclure que la divulgation avait été dûment étayée, le requérant a demandé que M. Spickermann soit cité pour déposer oralement.
VI. En réponse aux motifs du recours, l'intimé 01 a demandé le rejet du recours et, à titre subsidiaire, la tenue d'une procédure orale. Il a fait valoir que l'invention était évidente eu égard à l'état de la technique divulgué par écrit et a cité un document supplémentaire de l'état de la technique. Il n'a pas été fait mention de l'usage antérieur allégué.
VII. Dans sa réponse, l'intimé 02 a conclu au rejet du recours. Il a abordé aussi bien l'usage antérieur allégué que l'état écrit de la technique. Une nouvelle déclaration de
M. Spickermann a été produite et trois nouveaux témoins ont été indiqués. Plusieurs nouveaux documents ont été cités, certains concernant l'usage antérieur.
VIII. Dans une notification en date du 3 février 2005, la Chambre a estimé que la division d'opposition aurait dû citer M. Spickermann comme témoin, étant donné qu'il était disponible et que sa déposition se révélait importante pour la décision. L'article 111(1) CBE offrait deux options à la Chambre. Celle-ci pouvait soit annuler la décision et renvoyer l'affaire à la division d'opposition pour suite à donner, y compris l'audition des témoins qui seraient éventuellement nécessaires, soit poursuivre l'examen de l'affaire afin de parvenir sans délai à une décision définitive. Les parties ont été invitées à prendre position.
IX. Dans leurs réponses, le requérant et l'intimé 02 ont sollicité le renvoi de l'affaire à la division d'opposition. Le requérant a soutenu que le renvoi était particulièrement approprié au vu des nouveaux documents que les intimés avaient cités au cours de la procédure de recours et que la division d'opposition n'avait pas pris en considération.
X. L'intimé 01 a fait observer qu'un renvoi signifierait que l'affaire passerait pour la troisième fois devant la division d'opposition. Cela entraînerait des coûts supplémentaires considérables pour les parties, alors que l'OEB était seul responsable de ces renvois. La division d'opposition n'avait commis aucun vice substantiel de procédure qui puisse justifier le renvoi de l'affaire.
XI. Dans une seconde notification, en date du 15 avril 2005, la Chambre a annoncé et motivé son intention de renvoyer l'affaire à la division d'opposition. Elle a donné à l'intimé 01 jusqu'au 29 avril 2005 pour indiquer s'il maintenait sa requête en procédure orale en ce qui concerne cette question.
XII. Par une lettre en date du 28 avril 2005, l'intimé 01 a retiré sa requête en procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Le brevet en cause a été révoqué au motif que l'invention n'impliquait pas d'activité inventive par rapport à l'usage antérieur démontré par le document D14. Pour la division d'opposition, l'état écrit de la technique seul ne suffisait pas à rendre l'invention évidente. La force probante du document D14 était donc déterminante pour les conclusions énoncées dans la décision attaquée.
3. Le document D14 est une "eidesstattliche Versicherung". Il s'agit d'une déclaration tenant lieu de serment (ci-après dénommée attestation), c'est-à-dire qu'elle n'a pas été faite sous la foi du serment. Son auteur, M. Spickermann, est employé par l'intimé 02. L'attestation concerne la démonstration alléguée par l'intimé 02 d'un appareil d'hémodialyse lors d'une conférence tenue à Paris du 28 juin au 1er juillet 1992. Deux photographies du dispositif sont jointes. Selon son attestation, l'appareil, dont les caractéristiques sont énumérées, et son mode de fonctionnement ont été présentés aux personnes intéressées sans obligation de confidentialité.
4. Le requérant conteste les affirmations figurant dans le document D14. Dès la procédure devant la division d'opposition, il a demandé que M. Spickermann soit cité comme témoin (lettre en date du 21 octobre 2002, p.8) et il a réitéré cette requête dans l'exposé des motifs du recours. L'intimé 02 a à tout moment été disposé à proposer M. Spickermann comme témoin (cf. par exemple le procès-verbal de la procédure orale devant la division d'opposition, p.4). La division d'opposition n'a pas cité M. Spickermann comme témoin, étant donné que son attestation était "claire en ce qui concerne l'étendue du dispositif qui avait été présenté au public", et s'est référée à la décision T 674/91 (cf. ci-dessus), selon laquelle l'un des objectifs d'une déclaration est de permettre de ne pas avoir à convoquer son auteur.
5. Le brevet a donc été révoqué sur la base des affirmations contestées figurant dans l'attestation D14, bien que l'intimé 02 ait expressément proposé et le requérant expressément demandé que son auteur soit entendu.
6. L'OEB admet les "eidesstattliche Versicherungen" comme moyen de preuve (cf. Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4e édition, 2001, VI.J.2). Ces attestations ne sont toutefois pas un moyen de preuve habituel en droit allemand. Elles ne sont recevables que dans des cas particuliers et leur force probante est inférieure à celle des moyens habituels, notamment à celle des preuves par témoin. Le Tribunal fédéral des brevets (Bundespatentgericht) a ainsi conclu qu'en cas de contestation des affirmations figurant dans une "eidesstattliche Versicherung", il doit être fait droit à la requête d'une partie d'auditionner le témoin (cf. décision du Bundespatentgericht 6 W (pat) 21/89 BPatGE 32,11). La question de savoir si l'OEB est une autorité habilitée à admettre des "eidesstattliche Versicherungen", avec pour effet qu'une fausse attestation serait considérée comme une infraction pénale au sens de l'article 156 du code pénal allemand (Strafgesetzbuch), semble ne pas encore avoir été soulevée dans la jurisprudence. La Chambre note qu'en vertu de l'article 27(1), première phrase, de la loi sur la procédure administrative non contentieuse (Verwaltungsverfahrensgesetz), les "eidesstattliche Versicherungen" ne peuvent être admises que par les autorités publiques qui y sont expressément habilitées par la loi. Aux fins de la présente décision, cet aspect n'a pas lieu d'être approfondi, étant donné qu'une simple déclaration peut déjà constituer un moyen de preuve au sens de l'article 117(1) CBE.
7. Selon les "Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets", les divisions d'opposition de l'OEB devraient suivre cette approche de manière générale (et même dans le cas de déclarations sous serment), étant donné qu'une déclaration ne permet pas à la division d'opposition d'"apprécier les facteurs connexes ou sous-jacents" (chapitre E-IV, 1.2). Les Directives énoncent que "si l'autre partie conteste les faits allégués, la division d'opposition ne fonde généralement pas sa décision sur cette déclaration, mais elle peut, si la partie le propose, citer son auteur à comparaître comme témoin".
8. L'approche adoptée dans la décision BPatGE 32, 11 et recommandée dans les Directives (cf. ci-dessus) est justifiée dans la mesure où une déclaration écrite ne peut être considérée qu'en l'état. Il est impossible de vérifier si elle reflète ou non les faits réels. En revanche, dans le cadre de l'audition d'un témoin, la fiabilité d'une déposition peut être examinée selon de nombreuses approches. Celles-ci peuvent concerner, entre autres, la mémoire du témoin, la question de savoir si sa déposition repose sur ses propres observations, ses conclusions ou des informations émanant de tiers, la question de savoir si la déposition est corroborée par d'autres moyens de preuve, ou encore celle de savoir si le témoin était en mesure d'observer ce qu'il affirme avoir observé. Elles peuvent également concerner le témoin lui-même ou des éléments susceptibles d'indiquer qu'il dit la vérité ou, au contraire, que sa déposition repose sur une erreur de perception ou sur une mémoire déficiente, ou encore qu'il n'est pas disposé à dire toute la vérité et rien que la vérité. Aussi la proposition d'entendre comme témoin l'auteur d'une attestation est-elle une proposition pertinente et appropriée, susceptible de réfuter le contenu de sa déclaration.
Le principe de la libre appréciation des preuves, qui s'applique aux procédures devant l'OEB, ne justifie pas de rejeter une telle proposition. La libre appréciation des preuves signifie qu'il n'existe aucune règle déterminée qui définisse la force probante à attacher ou non à certains moyens de preuve. Elle ne signifie pas que l'instance appelée à statuer peut choisir les moyens de preuve qu'elle juge suffisants pour la recherche de la vérité. Il convient au contraire de vérifier sur la base de tous les moyens de preuve pertinents si un fait peut ou non être considéré comme prouvé (cf. décision G 3/97, JO OEB 1999, 245, point 5 des motifs). Considérer que le contenu d'une déclaration écrite ne peut pas être réfuté en entendant son auteur comme témoin reviendrait à apprécier par anticipation un moyen de preuve sans avoir procédé à des mesures d'instruction (cf. décision T 927/98 en date du 9 juillet 1999, non publiée au JO OEB, point 2.3.5 des motifs), à moins que l'instance appelée à statuer ne constate certains faits précis qui justifient en l'espèce une telle conclusion.
9. La division d'opposition s'est référée à la décision T 674/91 (cf. ci-dessus), qui énonce :
"Etant donné que l'un des objectifs de ce type de preuve est d'éviter de devoir entendre le signataire comme témoin, il semble superflu de confirmer le cadre de ces déclarations par l'audition des personnes concernées, comme le suggère le requérant" (point 3.1 des motifs).
Les principales questions à régler dans cette affaire consistaient à savoir si une copie de la déclaration pouvait être utilisée comme moyen de preuve à la place du document original et si des questions orientées avaient éventuellement été posées au signataire. Comme indiqué dans la décision, c'est le cadre de ces déclarations qui était déterminant. La présente affaire est différente en ce sens que les affirmations fondamentales figurant dans l'attestation sont contestées, que l'auteur a été proposé comme témoin et que le requérant a constamment sollicité l'audition de ce dernier.
10. La décision de la division d'opposition de ne pas citer M. Spickermann comme témoin, malgré sa disponibilité, a nui au requérant dans sa réfutation de ce qui s'est révélé être le moyen de preuve décisif. Il n'a en réalité pas pu faire en sorte que soit apprécié son moyen de preuve, selon lequel l'usage antérieur n'avait pas eu lieu de la manière prétendue par l'intimé 02 (cf. également décision T 1070/98 en date du 4 juillet 2000, non publiée au JO OEB, point 5 des motifs). Cela était d'autant plus inapproprié que l'usage antérieur était celui fait par le requérant lui-même et que le moyen de preuve se trouvait donc largement "en la possession de l'opposant" (cf. décision T 472/92, JO OEB 1998, 161). Aussi la division d'opposition avait-elle enfreint le droit du requérant d'être entendu (article 113(1) CBE) et ainsi commis un vice substantiel de procédure, qui, en l'absence de raisons particulières, justifie le renvoi d'une affaire à la première instance (article 10 du règlement de procédure des chambres de recours, JO OEB 2003, 89).
11. Le requérant et l'intimé 02 ont consenti au renvoi de l'affaire à la division d'opposition par la Chambre. L'intimé 01 a toutefois fait valoir que la division d'opposition disposait d'un pouvoir d'appréciation pour décider d'entendre ou non le témoin. Il n'y avait donc pas de vice substantiel de procédure et de motif de renvoi. Un renvoi serait en outre inacceptable en raison des frais supplémentaires qui seraient occasionnés aux parties par la seule faute de l'OEB.
12. Il est compréhensible que l'intimé 01 soit contrarié par un second renvoi pour des motifs de forme. Etant donné que c'est toutefois le requérant qui a été principalement affecté par le vice substantiel de procédure imputable à la division d'opposition, sa requête en renvoi mérite donc une attention particulière. Le fait que d'autres éléments de l'état de la technique aient été invoqués lors du recours et que de nouveaux témoins aient été proposés constitue un motif supplémentaire pour la Chambre de ne pas examiner le recours quant au fond. Etant donné que la Chambre a traité la présente affaire de manière prioritaire et que l'on peut attendre de la division d'opposition qu'elle en fasse de même, le retard peut être réduit à un minimum. L'affaire est donc renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.
13. Le remboursement de la taxe de recours visé à la règle 67 CBE est équitable en raison de la violation de l'article 113(1) CBE, qui a entraîné le renvoi.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.