T 0820/92 (Méthode contraceptive) 11-01-1994
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Brevetabilité d'une méthode contraceptive impliquant une étape thérapeutique concomitante (non)
Présence d'une étape, interdite par l'article 52(4) CBE, qui s'oppose à la brevetabilité de la méthode
I. La demande de brevet européen n 87 902 913.0, déposée en tant que demande internationale et publiée sous le numéro WO 87/05514, a été rejetée par la division d'examen.
La décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 13 déposées par lettre en date du 26 avril 1991.
II. La demande a été rejetée au motif que les revendications 8 à 13 ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 57 CBE.
La décision se fondait essentiellement sur les motifs suivants :
a) Les revendications 8 à 13 portent sur une méthode destinée à prévenir une grossesse chez des mammifères femelles, et notamment chez la femme (cf. revendication 9). Les revendications comprennent l'utilisation à des fins personnelles et privées du contraceptif (cf. revendication 10 : administration par voie orale).
b) Malgré l'absence d'une exclusion explicite de la brevetabilité dans la Convention sur le brevet européen (CBE) ainsi que de toute jurisprudence à ce sujet, la pratique courante de l'Office européen des brevets (OEB) est de ne pas admettre les revendications de méthodes contraceptives destinées à la femme, lorsque ces méthodes impliquent l'utilisation à titre personnel et privé d'une substance. En effet, une telle utilisation n'est pas comprise dans la définition de l'application industrielle énoncée à l'article 57 CBE.
c) La décision T 144/83 (JO OEB 1986, 301), à laquelle le demandeur a fait référence, ne porte pas sur une méthode contraceptive, mais sur une méthode de traitement esthétique. Bien que cette décision implique que l'administration par voie orale, à titre privé, de substances non thérapeutiques est admissible en vertu de l'article 57 CBE, la nature hautement personnelle et confidentielle de la contraception différencie clairement les méthodes destinées à éviter une grossesse des méthodes de traitement esthétique et de l'administration de nourriture.
III. Le requérant a formé un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Il a déposé les première et deuxième requêtes subsidiaires avec le mémoire exposant les motifs du recours.
IV. Dans une notification officielle établie conformément à l'article 110(2) CBE, la Chambre a ajouté deux questions supplémentaires à prendre en considération, à savoir : i) si la combinaison d'une méthode contraceptive et d'une méthode thérapeutique est exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE, et ii) si l'une des requêtes versées au dossier satisfait aux exigences de l'article 84 CBE.
V. Au cours de la procédure orale qui a eu lieu le 11 janvier 1994, une nouvelle requête principale ainsi qu'une première et une deuxième requêtes subsidiaires ont été déposées dans une version valable pour tous les Etats.
La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :
"Système d'administration destiné à prévenir la grossesse chez un mammifère femelle et comprenant :
1) un premier système d'administration applicable audit mammifère durant la phase folliculaire du cycle menstruel, comprenant une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH et une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique, et
2) un second système d'administration applicable audit mammifère durant la phase lutéale du cycle menstruel, comprenant une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH, une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique et une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde progestatif."
Les revendications 2 à 7 portent sur des modes de réalisation spécifiques du système d'administration selon la revendication 1.
La revendication 8 de la requête principale s'énonce comme suit :
"Méthode destinée à prévenir la grossesse chez un mammifère femelle et comprenant :
a) l'administration, par le biais d'un système conçu à cet effet, d'une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH et d'une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique audit mammifère femelle durant la phase folliculaire du cycle menstruel, dès le début des règles normales dudit mammifère, et
b) le remplacement, à la fin de la phase folliculaire, du premier système d'administration par un second système d'administration, lequel administre audit mammifère femelle une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH, une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique et une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde progestatif durant la phase lutéale du cycle menstruel, jusqu'au début des règles normales dudit mammifère."
Les revendications 9 à 13 portent sur des modes de réalisation spécifiques de la méthode selon la revendication 8.
La première requête subsidiaire diffère de la requête principale en ce que la revendication 8 s'énonce comme suit :
"Utilisation d'une composition de LHRH, d'un stéroïde oestrogénique et d'un stéroïde progestatif dans la préparation d'un agent destiné à prévenir la grossesse chez un mammifère femelle et comprenant :
1) un premier système d'administration applicable audit mammifère durant la phase folliculaire du cycle menstruel et comprenant une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH, ainsi qu'une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique, et
2) un second système d'administration applicable audit mammifère durant la phase lutéale du cycle menstruel et comprenant une dose contraceptive efficace d'une composition de LHRH, une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde oestrogénique et une dose physiologiquement efficace d'un stéroïde progestatif."
Les revendications dépendantes 9 à 14 de cette requête portent sur des modes de réalisation spécifiques de l'utilisation.
La deuxième requête subsidiaire diffère de la requête principale en ce que les revendications 8 à 13 sont supprimées.
Le requérant a essentiellement avancé les arguments suivants quant à l'objection soulevée par la chambre au titre de l'article 52(4) CBE :
a) Bien que les stéroïdes oestrogéniques et progestatifs n'aient pas été ajoutés dans le système d'administration faisant l'objet de la présente demande pour produire un effet contraceptif, mais pour corriger toute fonction biologique ayant subi les effets indésirables de la LHRH, il n'en demeure pas moins que le système d'administration revendiqué produit un effet global contraceptif. Les revendications n'ont pas pour objet une thérapie. Les revendications de méthode, en particulier, visent à prévenir une grossesse et ne portent pas sur une application thérapeutique. Il y a lieu de considérer que la présence, dans le système d'administration, de doses physiologiquement efficaces de stéroïdes oestrogéniques et progestatifs constitue un simple "avantage" du système, grâce auquel il est remédié à tout problème de santé provoqué par la principale substance contraceptive (la composition de LHRH).
b) Mention a été faite de la jurisprudence du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne pour montrer que :
i) la grossesse n'est pas une maladie ;
ii) la contraception n'est pas considérée comme une forme de traitement utilisé en cas de maladie ;
iii) la contraception n'est donc pas une méthode de traitement médical en vertu de la jurisprudence nationale ou de la définition médicale.
Etant donné que les présentes revendications de méthode visent uniquement à prévenir la grossesse, elle ne devraient pas tomber sous le coup de l'exclusion visée à l'article 52(4) CBE.
c) Conformément à la jurisprudence européenne établie, toute exception à la brevetabilité devrait s'interpréter de façon restrictive (cf. par ex. T 320/87, JO OEB 1990, 71, point 6 et T 19/90, JO OEB 1990, 476, point 4.5).
Dans les affaires T 144/83 (loc. cit.) et T 36/83 (JO OEB 1986, 295), dans lesquelles il n'était pas possible de distinguer clairement entre effet thérapeutique et effet esthétique, la chambre a estimé que cela ne devait pas tourner au désavantage du demandeur et a jugé admissible la méthode de traitement esthétique.
Dans la décision T 290/86 (JO OEB 1992, 414), la chambre a souligné l'importance que revêt le texte d'une revendication pour trancher la question de savoir si une invention revendiquée doit ou non être exclue de la brevetabilité conformément à l'article 52(4) CBE. A la lumière de cette dernière décision, l'exclusion de la brevetabilité conformément à l'article 52(4) CBE serait justifiée dans le seul cas où les présentes revendications de méthode porteraient sur "l'utilisation de stéroïdes en vue de prévenir ou d'atténuer les effets indésirables de la LHRH". Or, elles ont pour objet une méthode destinée à prévenir la grossesse ; elles devraient donc être admises.
d) Conformément à la décision T 208/84 (JO OEB 1987, 14), même si l'idée qui sous-tend une invention peut être considérée comme résidant dans une méthode mathématique (laquelle est exclue, en soi, de la brevetabilité conformément à l'article 52(2)a) CBE), la revendication ayant pour objet un procédé technique dans lequel la méthode est utilisée ne recherche pas la protection pour la méthode mathématique en tant que telle, et n'est donc pas exclue de la brevetabilité. A la lumière de cette décision, la méthode contraceptive revendiquée ne devrait pas, dans la présente espèce, tomber sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité visée à l'article 52(4) CBE, parce qu'aucune protection n'est recherchée pour l'effet thérapeutique des stéroïdes oestrogéniques et progestatifs qui ont été ajoutés.
Le requérant a également présenté d'autres arguments quant aux motifs de rejet avancés par la division d'examen.
VI. Le requérant a demandé que la décision entreprise soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base de la requête principale, de la première requête subsidiaire ou de la seconde requête subsidiaire, telles que produites durant la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité quant à la forme des nouveaux jeux de revendications (art. 123(2) CBE)
La revendication 1 de chaque requête a été modifiée afin de bien préciser que les systèmes d'administration comprennent en fait une composition de LHRH et un ou plusieurs stéroïdes, ce qui répond ainsi à l'objection de manque de clarté soulevée dans la première notification officielle de la chambre. Cette modification trouve son fondement dans les pièces initiales de la demande (cf. par exemple page 12, lignes 11 à 18, et page 4, deuxième paragraphe).
En outre, dans la revendication 1 de toutes les requêtes, ainsi que dans la revendication 8 de la requête principale et de la première requête subsidiaire, la dose efficace de stéroïdes oestrogéniques et progestatifs a été qualifiée par l'ajout de l'adverbe "physiologiquement". Cette modification trouve son fondement dans les pièces initiales de la demande (cf. par exemple page 10, lignes 21 et 22, et page 11, lignes 4 et 5).
Par conséquent, aucune objection n'est soulevée au titre de l'article 123(2) CBE.
3. Clarté (article 84 CBE)
L'objet revendiqué est défini de façon appropriée afin de satisfaire aux exigences de l'article 84 CBE. Le langage fonctionnel adopté ("dose contraceptive efficace" et "dose physiologiquement efficace") est admissible et conforme à la jurisprudence (cf. notamment T 68/85, JO OEB 1987, 228).
4. Brevetabilité des revendications de produit 1 à 7 de toutes les requêtes
Au cours de l'examen quant au fond, la division d'examen a reconnu la brevetabilité du système d'administration selon les revendications 1 à 7 (cf. point 8 de la décision entreprise), conformément à l'article 52(1) CBE. La chambre estime également qu'aucun des documents disponibles de l'état de la technique, pris isolément ou combinés, ne divulgue ou ne suggère le système d'administration revendiqué. Il est donc considéré comme brevetable conformément aux dispositions des articles 54 et 56 CBE.
Ces revendications n'appellent aucune autre objection à la brevetabilité.
5. Requête principale : revendications de méthode 8 à 13
5.1 La revendication 8 porte sur une méthode destinée à prévenir la grossesse chez un mammifère femelle. L'effet contraceptif produit chez ce mammifère est assuré par l'administration d'une composition de LHRH.
L'administration des doses élevées de compositions de LHRH nécessaires pour bloquer l'ovulation chez le mammifère femelle produit une castration biochimique complète et réversible au niveau de l'hypophyse, ce qui a pour effet de supprimer totalement la sécrétion de gonadotrophine, ainsi que la sécrétion ovarienne de stéroïdes (oestradiol et progestérone), cf. présente description pages 2 et 3. Cette quiescence hypophysaire provoque les effets indésirables dus à une carence en oestrogènes, tels que bouffées de chaleur, sécheresse vaginale et, plus grave encore, l'ostéopénie et l'ostéoporose (cf. description, page 3, lignes 23 à 29 ; page 10, lignes 26 à 28, et page 11, deuxième paragraphe).
Les stéroïdes oestrogéniques et progestatifs sont administrés conformément à la méthode revendiquée, non pas pour maintenir ou renforcer l'effet contraceptif de la LHRH, mais uniquement pour "imiter la sécrétion physiologique de stéroïdes durant le cycle menstruel" (cf. page 5, lignes 5 à 7 de la description), et ainsi neutraliser les effets indésirables énoncés ci-dessus. En fait, les doses "physiologiquement" efficaces desdits stéroïdes sont administrées dans le but de compenser la suppression totale de leur sécrétion, provoquée par la composition de LHRH.
5.2 Selon la jurisprudence établie, un traitement prophylactique, visant à préserver la santé en prévenant les effets indésirables qui se produiraient en l'absence de ce traitement, est une méthode de traitement thérapeutique, telle que visée à l'article 52(4) CBE, et la thérapie ne se limite pas aux traitements qui rétablissent la santé en guérissant les maladies déjà déclarées (T 144/83, loc. cit. ; T 81/84, JO OEB 1988, 207 ; T 19/86, JO OEB 1989, 25 ; G 5/83, JO OEB 1985, 64).
Dans la présente affaire, tandis que le traitement à base de LHRH appliqué au mammifère femelle vise à produire l'effet contraceptif désiré, le traitement simultané à base de stéroïdes oestrogéniques et progestatifs est quant à lui appliqué non pas dans le but de produire un quelconque effet contraceptif, mais à des fins prophylactiques, pour prévenir les effets indésirables qui résulteraient de l'utilisation de la composition de LHRH. Cette dernière étape constitue donc un traitement thérapeutique au sens de l'article 52(4) CBE.
5.3 Le requérant a cherché à éviter cette conclusion en alléguant que la méthode, prise dans son ensemble, est une méthode contraceptive, et que de ce fait, la revendication ne tombe pas sous le coup de l'interdiction visée à l'article 52(4) CBE. Cet argument se fonde sur une conception erronée de la nature de l'interdiction visée à l'article 52(4) CBE. En disposant que ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle, les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, la première phrase de l'article 52(4) CBE crée une exclusion de la brevetabilité, qui a été constamment interprétée par les chambres de recours de l'OEB comme signifiant qu'une telle méthode ne saurait être l'objet ou faire partie de l'objet couvert par une revendication.
5.4 Le parallèle que le requérant a établi avec l'affaire T 208/84 (VICOM, loc. cit.) n'est pas considéré comme pertinent. L'article 52(2) CBE dispose que certaines activités de nature abstraite et intellectuelle ne sont pas considérées comme des inventions, mais l'article 52(3) CBE prévoit quant à lui que cette exclusion s'applique uniquement aux activitités considérées en tant que telles. L'interprétation qui en a été donnée est qu'une revendication n'est pas admissible lorsqu'elle porte sur ces activités, considérées en tant que telles, mais qu'elle l'est lorsque l'interaction d'une activité de cette nature avec autre chose peut être considérée comme une invention. Cela contraste avec l'article 52(4) CBE, selon lequel les méthodes spécifiées ne sont pas brevetables, bien qu'elles puissent par ailleurs être considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle, comme requis à l'article 52(1) CBE. Il est à noter qu'aucune disposition comparable à l'article 52(3) CBE ne limite la disposition d'exclusion de l'article 52(4) CBE.
5.5 Les affaires tranchées montrent que lorsqu'il s'agit d'examiner l'admissibilité, au regard de l'article 52(4) CBE, d'une requête présentant un jeu de revendications particulier, la question à poser est essentiellement de savoir s'il est divulgué une méthode qui ne comporte aucune étape tombant sous le coup de l'interdiction visée à l'article 52(4) CBE, c'est-à-dire qui ne comprend aucune étape représentant une méthode de traitement thérapeutique ou chirurgical du corps humain ou animal, ou une méthode de diagnostic appliquée au corps humain ou animal. L'examen ne se limite pas au libellé approprié de la revendication, mais porte sur l'admissibilité d'une telle méthode au moment de la divulgation.
5.6 Dans l'affaire T 290/86 (loc. cit.), aucune revendication de méthode n'a été considérée comme admissible, car la méthode divulguée, qui avait pour but d'éliminer la plaque dentaire, produisait inévitablement un effet thérapeutique, à savoir prévenir les caries et les affections périodontiques. Elle tombait donc sous le coup de l'interdiction visée à l'article 52(4) CBE, indépendamment du fait que l'élimination de la plaque dentaire peut également avoir un effet esthétique, en l'occurrence améliorer l'apparence des dents.
Aucune revendication de méthode n'a été davantage considérée comme admissible dans l'affaire T 780/89 (JO OEB 1993, 440). Le requérant avait allégué que l'immunostimulation était utilisée afin d'augmenter la production carnée et non pas en tant que traitement thérapeutique. La chambre a toutefois estimé que les motifs et le dispositif de la décision n'en étaient pour autant aucunement modifiés (cf. point 7 des motifs), car même si la production carnée était augmentée en raison d'une diminution du nombre d'animaux malades ou de leur taux de mortalité, la méthode dont la protection était recherchée n'en demeurait pas moins un traitement thérapeutique.
Dans l'affaire T 116/85 (JO OEB 1989, 13), la chambre a estimé que l'utilisation particulière d'une composition pesticide qui était divulguée comme traitement de lutte contre les ectoparasites (sarcoptes) des porcs constituait un traitement thérapeutique, de sorte que les revendications dont elle faisait l'objet tombaient sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE, bien qu'en général, une utilisation à des fins agricoles fût brevetable. Selon la chambre, le simple fait qu'une méthode mise en oeuvre par un éleveur puisse être considérée comme une activité industrielle ne lui ôte pas sa qualité de traitement thérapeutique.
Dans chacune de ces trois affaires, le requérant n'a pas convaincu la chambre que les revendications de méthode ne portaient pas sur une utilisation interdite par l'article 52(4) CBE.
5.7 Dans l'affaire T 144/83 (loc. cit.), sur laquelle le requérant s'est particulière fondé, la chambre a estimé que l'utilisation revendiquée d'un produit anorexigène n'avait aucun rapport avec une thérapie appliquée au corps humain ou animal, et que les revendications étaient formulées de façon à porter clairement sur une utilisation non thérapeutique. La décision se base donc sur les faits constatés par la chambre dans cette affaire particulière. Il est également dit que les exclusions de la brevetabilité, telles que visées à l'article 52(4) CBE, doivent s'interpréter de façon restrictive et qu'elles ne sont pas applicables à des traitements à caractère non thérapeutique. En outre, toujours selon cette décision, la difficulté qu'il y a à distinguer entre effet esthétique et effet thérapeutique ne devrait pas tourner au désavantage du demandeur, lequel, conformément au libellé de ses revendications, recherche la protection par brevet pour le traitement esthétique et non pour le traitement thérapeutique en tant que tel. Cela doit être replacé dans son contexte, à savoir que de l'avis de la chambre, le traitement en question pouvait bel et bien être utilisé à des fins non thérapeutiques. Cette affaire ne permet pas de conclure que s'il existe le moindre doute quant à l'application de la disposition d'exclusion visée à l'article 52(4) CBE, il doit être éclairci en faveur du demandeur, ou qu'un traitement décrit comme ayant des fins esthétiques peut ipso facto être considéré comme non thérapeutique.
Dans l'affaire T 36/83 (loc. cit.), la chambre a estimé que deux utilisations étaient décrites : une utilisation non thérapeutique nouvelle et une utilisation thérapeutique nouvelle du peroxyde de thénoyle, notamment pour son activité comédolytique. Elle a donc admis deux revendications, l'une portant sur une utilisation à des fins cosmétiques et l'autre sur le composé utilisé pour la mise en oeuvre d'une méthode de traitement thérapeutique du corps humain ou animal, conformément aux dispositions de l'article 54(5) CBE. En parvenant à cette conclusion, la chambre a estimé que l'emploi du terme "cosmétique" était suffisant, dans le contexte de cette demande, pour exclure toute utilisation à des fins thérapeutiques, sans qu'il soit nécessaire de recourir à un disclaimer spécifique à cet effet.
Dans chacune de ces affaires, la chambre a donc acquis la conviction que les revendications qu'elle a admises ne couvraient pas une méthode de traitement thérapeutique.
5.8 Dans l'affaire T 182/90 en date du 30 juillet 1993 (JO OEB 1994, 641), les revendications de méthode ont été admises (cf. point 2.5.2 des motifs de la décision), bien que la méthode comportât une étape chirurgicale appliquée à un animal vivant, au motif que la méthode utilisée dans ce cas conduisait intentionnellement à la mort de l'animal de laboratoire et que de ce fait, l'étape chirurgicale ne pouvait pas être considérée comme une méthode de traitement chirurgical exclue de la brevetabilité. La chambre a dit au point 2.5.1 des motifs de la décision que normalement, la présence d'une étape chirurgicale dans un procédé à plusieurs étapes destiné au traitement du corps humain ou animal confère un caractère chirurgical à ce procédé, lequel tombe dans ce cas sous le coup de l'interdiction visée à l'article 52(4) CBE.
5.9 Dans le cas d'une méthode impliquant l'administration de deux ou plusieurs substances, la question à se poser aux fins de l'article 52(4) CBE n'est pas de savoir si la mise en oeuvre de la méthode revendiquée, prise dans son ensemble, est principalement ou même uniquement motivée par son caractère non thérapeutique. En effet, une revendication de méthode tombe déjà sous le coup de l'interdiction visée à l'article 52(4), si l'administration de l'une des substances a pour objet un traitement thérapeutique et qu'elle constitue une caractéristique de la revendication. 5.10 Etant donné que la méthode destinée à prévenir la grossesse selon les revendications 8 à 13 de la requête principale comprend un traitement thérapeutique, la chambre estime que lesdites revendications tombent sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE.
5.11 Au vu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant la question de savoir si et dans quelles circonstances un brevet peut être délivré, conformément à la Convention sur le brevet européen, pour une méthode contraceptive.
6. Première requête subsidiaire : revendications 8 à 14
La revendication 8 porte sur l'utilisation d'une composition de LHRH, d'un stéroïde oestrogénique et d'un stéroïde progestatif dans la préparation d'un agent destiné à prévenir une grossesse chez un mammifère femelle et comprenant un premier ainsi qu'un second système d'administration, tels que présentés dans la revendication 1. Conformément à la décision G 5/83 (loc. cit.), la revendication est admissible. La revendication 8 ainsi que, par voie de conséquence, les revendications dépendantes 9 à 14 sont considérées comme brevetables conformément aux dispositions de l'article 52(1) CBE pour les motifs déjà cités au point 4 supra. La première requête subsidiaire est donc admissible.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision entreprise est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour elle de délivrer un brevet sur la base des revendications de la première requête subsidiaire produite le 11 janvier 1994 au cours de la procédure orale, ainsi que des pages 1 à 5, 7 à 10 et 12 à 16 de la description telle que déposée initialement et des pages 6 à 11 de la description telle que produite par courrier en date du 14 octobre 1991.