T 0507/99 (Disclaimers/PPG) 20-12-2002
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Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours:
1. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer est-elle inadmissible au regard de l'article 123(2) CBE au seul motif que ni le disclaimer ni l'objet exclu par le disclaimer de la portée de la revendication ne trouvent de fondement dans la demande telle que déposée ?
2. S'il est répondu par la négative à la question 1, quels sont les critères applicables pour déterminer si un disclaimer est ou non admissible ?
a) En particulier, la question de savoir si la revendication doit être délimitée par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE ou par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE est-elle pertinente ?
b) Est-il nécessaire que l'objet exclu par le disclaimer soit strictement limité à celui qui est divulgué dans une pièce particulière de l'état de la technique ?
c) La question de savoir si le disclaimer est nécessaire pour rendre l'objet revendiqué nouveau par rapport à l'état de la technique est-elle pertinente ?
d) Le critère établi par la jurisprudence antérieure selon lequel la divulgation doit être fortuite est-il applicable, et si oui, quand une divulgation doit-elle être considérée comme fortuite, ou bien
e) faut-il appliquer l'approche selon laquelle un disclaimer qui se borne à exclure un état de la technique et qui n'a pas été divulgué dans la demande telle que déposée est admissible au regard de l'article 123(2) CBE, l'examen de l'objet revendiqué quant à la présence d'une activité inventive devant en ce cas être effectué comme si le disclaimer n'existait pas ?
I. La présente procédure de recours porte sur la décision intermédiaire de la division d'opposition en date du 11 mars 1999, qui constate que, compte tenu des modifications apportées par le titulaire du brevet au cours de la procédure d'opposition, le brevet européen n° 536 607 et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la Convention. Cette décision était fondée sur deux jeux de revendications différents pour les Etats contractants d'un premier groupe A (DE, FR, GB, IT) et ceux d'un second groupe B (CH, ES, LI, SE).
II. L'opposant (requérant 1) et le titulaire du brevet (requérant 2) ont formé un recours contre cette décision. Le requérant 2 (titulaire du brevet) a déposé à plusieurs reprises au cours de la procédure des revendications modifiées. Les revendications désormais valables sur lesquelles la présente décision est fondée ont été déposées par le requérant 2 à titre de requête principale lors de la procédure orale qui s'est tenue le 12 juin 2002 devant la Chambre. Ces revendications contiennent des disclaimers, comme c'était déjà le cas dans les requêtes précédentes déposées devant la Chambre et dans les revendications défendues par le requérant devant la division d'opposition. Dans une notification jointe à la citation à la procédure orale, la Chambre a notamment attiré l'attention des requérants sur la décision T 323/97 en date du 17 septembre 2001 (JO OEB 2002, 476).
III. La revendication indépendante 1 déposée à titre de requête principale pour les Etats contractants du groupe A lors de la procédure orale devant la Chambre s'énonce comme suit :
"1. Article revêtu, d'aspect métallique, susceptible d'être traité thermiquement, comprenant :
(a) un substrat en verre transparent ;
(b) un film d'un composé de métal à propriétés métalliques, choisi dans le groupe formé par les borures de métaux, les carbures de métaux, les oxynitrures de métaux, le nitrure de chrome, le nitrure de titane, le nitrure de zirconium, le nitrure d'hafnium, le nitrure de tantale, le nitrure de niobium ; et
(c) une couche protectrice comprenant un métal différent du film du composé de métal, qui minimise l'oxydation du film du composé de métal et qui est choisi dans le groupe formé par le chrome, le titane et les nitrures et les oxynitrures des alliages silicium-métal, à l'exception du nitrure de silicium-zirconium et du nitrure de silicium-étain (disclaimer (i), les parenthèses et les caractères gras sont ajoutés par la Chambre), à la condition que, si le film du composé de métal est du nitrure de titane, la couche protectrice ne soit pas en chrome (disclaimer (ii), les parenthèses et les caractères gras sont ajoutés par la Chambre).
La revendication indépendante 17 selon la requête principale déposée pour les Etats contractants du groupe A, qui porte sur un procédé de fabrication d'un article d'aspect métallique traité à la chaleur, contient également le disclaimer (i) et la caractéristique supplémentaire de procédé qui consiste à chauffer le substrat en verre sur lequel on a déposé le film du composé de métal et la couche protectrice à une température suffisante pour bomber le verre. Cette revendication ne contient pas le disclaimer (ii).
La revendication indépendante 1 selon la requête principale déposée pour les Etats contractants du groupe B diffère de la revendication 1 pour les Etats contractants du groupe A par la suppression du disclaimer (i). Elle contient en revanche le disclaimer (ii).
IV. S'agissant de l'admissibilité des disclaimers, le requérant 1 (opposant) a essentiellement fait valoir que la décision T 323/97 avait opéré un revirement de la jurisprudence relative aux disclaimers et que les disclaimers n'étaient pas admissibles. Selon lui, il n'est en l'espèce pas satisfait aux conditions attachées à l'admission d'un disclaimer, telles que prévues dans la jurisprudence constante, à savoir non seulement que le disclaimer doit être défini de manière précise et se borner strictement à exclure l'objet divulgué dans l'état de la technique, mais encore que ledit état de la technique doit représenter une antériorisation fortuite.
V. Le requérant 2 (titulaire du brevet) a pour l'essentiel présenté les arguments suivants :
La décision T 323/97 est contraire à la pratique courante de l'OEB et à la jurisprudence constante, telle qu'établie par exemple par les décisions T 433/86, T 170/87, T 434/92, T 653/92, T 710/92, T 426/94, T 982/94 et T 318/98.
Au cas où il ne serait pas fait droit à sa requête principale, le requérant 2 a demandé que la Grande Chambre de recours soit saisie des trois questions suivantes, afin d'assurer une application uniforme du droit :
"Est-il permis d'utiliser les disclaimers pour exclure tout état de la technique destructeur de la nouveauté au sens de l'article 54(2) CBE ?
Est-il permis d'utiliser les disclaimers pour exclure tout état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE qui représente une antériorisation fortuite ?
Est-il permis d'utiliser les disclaimers pour exclure tout état de la technique destructeur de la nouveauté au sens de l'article 54(3) CBE ?"
VI. A l'issue de la procédure orale qui a eu lieu devant la Chambre le 12 juin 2002, la Chambre a informé les parties qu'elle saisirait la Grande Chambre de recours sur la question des critères applicables pour apprécier l'admissibilité des disclaimers et qu'elle rendrait la décision par écrit.
VII. Dans la décision intermédiaire T 507/99 en date du 28 août 2002, la Chambre a déclaré que l'objet des revendications 1 à 22 selon la requête principale déposée pour les Etats contractants du groupe A (DE, FR, GB et IT) lors de la procédure orale qui s'est déroulée le 12 juin 2002 devant elle et l'objet des revendications 1 à 21 déposées simultanément pour les Etats contractants du groupe B (CH, ES, LI et SE) remplissaient les conditions de brevetabilité énoncées aux articles 52(1), 54 et 56 CBE. Après avoir apprécié la nouveauté et l'activité inventive de l'objet de ces revendications, telles qu'elles étaient libellées, afin d'établir si la question de l'admissibilité des disclaimers y figurant était décisive pour l'issue du recours, la Chambre est parvenue aux conclusions suivantes, qui ne sont reproduites ci-après que dans la mesure où elles sont pertinentes pour la présente décision de saisine de la Grande Chambre de recours. S'agissant de l'argumentation détaillée de la Chambre sur la nouveauté et l'activité inventive en ce qui concerne la requête principale du requérant 2, il est fait référence aux motifs de la décision intermédiaire du 28 août 2002.
L'objet des revendications selon la requête principale pour les Etats contractants du groupe A et du groupe B est nouveau par rapport à l'état de la technique.
En particulier, le brevet en litige revendique les priorités du 30 septembre et du 29 novembre 1991. Dans la mesure où le document D1, à savoir la demande EP-A- 0 546 302 publiée le 16 juin 1993, peut bénéficier de la priorité revendiquée du 30 octobre 1991, D1 fait partie de l'état de la technique, conformément à l'article 54(3) et (4) CBE, pour les Etats contractants du groupe A en ce qui concerne certaines variantes qui sont couvertes par les revendications 1 et 17 selon la requête principale déposée pour ces Etats contractants, mais qui ne peuvent pas bénéficier de la priorité revendiquée du 30 septembre 1991. L'objet des revendications 1 et 17 selon la requête principale déposée pour les Etats contractants du groupe A est nouveau par rapport au document D1, en particulier dans la mesure où le nitrure de silicium-zirconium et le nitrure de silicium-étain divulgués dans D1 en tant que couche protectrice ont été exclus par le disclaimer (i) (points 5 et 5.1 des motifs). La Chambre a par ailleurs rejeté l'argument du requérant 1 selon lequel le document D1 divulgue également le nitrure de silicium-aluminium, les nitrures d'alliage silicium-métal et les oxynitrures d'alliage silicium-métal couverts par les revendications 1 et 17, et donc davantage que ce qui est exclu dans le brevet en litige (point 5.1 des motifs).
L'objet de la revendication 1 est également nouveau par rapport au document A8, c'est-à-dire la demande US-A-4 900 630, car la combinaison d'une couche de TiN et d'une couche de Cr qui est divulguée dans le document A8, lequel fait partie de l'état de la technique visé à l'article 54(2) CBE, est exclue par le disclaimer (ii). La revendication de procédé 17 se distingue également de ce qui est divulgué dans le document A8 en ce que celui-ci ne divulgue pas le chauffage du substrat en verre revêtu à une température suffisante pour bomber le verre (point 5.7 des motifs).
Le document D1 n'est pas compris dans l'état de la technique pour les Etats contractants du groupe B. En ce qui concerne le document A8, la Chambre a appliqué les mêmes considérations que pour la revendication 1 destinée aux Etats contractants du groupe A. Aussi l'objet de la revendication 1 selon la requête principale pour ces Etats a-t-il été considéré comme nouveau, même s'il ne contient pas le disclaimer (i) (point 5.9 des motifs).
S'agissant de l'activité inventive, plusieurs documents ont tour à tour été considérés comme l'état de la technique le plus proche, à savoir les documents A7, A3 et A6. Si l'on retient l'un de ces documents comme état de la technique le plus proche, on peut considérer que le problème technique à la base du brevet en litige consiste à fournir d'autres articles revêtus qui conservent pour l'essentiel leur aspect métallique ainsi que leurs propriétés de réflectance et de transmission pendant tout le traitement à haute température tel que le bombage (points 6.1 et 6.5 des motifs). La Chambre a estimé que l'objet des revendications indépendantes impliquait pour tous les Etats contractants une activité inventive par rapport aux documents cités par l'opposant, et ce qu'ils soient pris isolément ou en combinaison. Quant au document A8, elle a notamment relevé que les plaques de verre revêtues qu'il divulgue étaient utiles en tant que matériel de construction ou de décoration. La couche de Ti ou de Cr qui recouvre la couche de TiN adhère fortement à cette dernière et confère au revêtement multicouches une durabilité suffisamment élevée et une résistance à l'usure. Ce document n'aborde pas le problème consistant à éviter la dégradation des propriétés optiques lorsque le verre revêtu est exposé à des températures élevées durant le bombage. Il ne suggère pas non plus que le dépôt d'une couche protectrice de chrome sur une couche de TiN pourrait résoudre ce problème technique. Aussi l'homme du métier confronté au problème susmentionné eu égard au document A7 n'aurait-il pas été incité par le document A8 à remplacer la couche protectrice d'aluminium selon l'enseignement du document A7 par une couche de chrome ou de titane, et ce d'autant plus qu'il résultait du document A7 que les tentatives de remplacement de la couche d'aluminium par d'autres métaux comme le titane n'avaient pas abouti (point 6.7 des motifs).
La Chambre a en outre observé, sans pour autant se prononcer sur la question de savoir si les revendications modifiées sont conformes à l'article 123(2) CBE dans son ensemble, qu'elle n'avait aucune objection au titre de cette disposition à l'encontre des modifications autres que les disclaimers qui ont été apportées après la délivrance dans les deux jeux de revendications selon la requête principale déposée pour les Etats contractants des groupes A et B. Toutefois, le disclaimer (i) n'était pas divulgué dans la demande de brevet en litige telle que déposée et le disclaimer (ii) ne semblait pas y être divulgué non plus. En revanche, l'objet des disclaimers (i) et (ii) était divulgué dans les documents D1 et A8 respectivement, et c'est en relation avec ces documents que ces disclaimers ont été introduits dans les revendications du brevet en litige (point 3 des motifs).
L'article 112(1)a) CBE dispose qu'afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'une décision est nécessaire à ces fins.
1. Ainsi que l'on peut déduire des motifs exposés au point VII ci-dessus, que la Chambre a énoncés dans sa décision intermédiaire du 28 août 2002, la décision de faire ou non droit à la requête principale du requérant dépend en l'espèce de la question de savoir si les disclaimers introduits dans certaines revendications pour les deux groupes d'Etats contractants sont admissibles ou non.
Le terme "disclaimer" a été utilisé dans certaines décisions des chambres de recours non seulement dans le sens d'une caractéristique négative excluant des modes de réalisation bien définis de la portée d'une revendication, mais également dans le sens d'une formulation "positive" conduisant au même résultat. Ces décisions seront prises en considération ci-après dans la mesure où elles sont pertinentes pour définir les exigences auxquelles un disclaimer doit satisfaire pour être admissible, bien qu'en l'espèce il s'agisse uniquement de disclaimers au sens classique du terme, à savoir une caractéristique négative excluant des modes de réalisation bien définis de la portée des revendications.
2.1 L'introduction d'un disclaimer dans une revendication a été autorisée dans la jurisprudence des chambres de recours pour la première fois dans la décision T 4/80 (JO OEB 1982, 149). Dans cette décision, il a été considéré qu'un disclaimer dans sa forme négative pouvait être admis afin de délimiter l'objet revendiqué par rapport au contenu d'une demande de brevet nationale antérieure ne faisant pas partie de l'état de la technique au sens de l'article 54 CBE, dès lors que l'objet à exclure est divulgué dans la demande de brevet européen telle que déposée et que l'objet restant dans la revendication ne peut pas être défini de façon plus claire et plus concise par des caractéristiques techniques positives (sommaire I et points 2 et 3 des motifs). Dans la décision T 433/86 du 11 décembre 1987, la chambre a admis l'introduction d'un disclaimer (qui en l'espèce était formulé "de manière positive") afin d'exclure une divulgation dans un document compris dans l'état de la technique tel que défini à l'article 54(2) CBE qui se recoupait avec l'objet revendiqué, même si le disclaimer définissait l'objet exclu par des valeurs qui n'étaient pas divulguées en tant que telles dans la demande telle que déposée, mais qui l'étaient dans le document de l'état de la technique par rapport auquel la revendication devait être délimitée. Selon cette décision, lorsqu'il y a un recoupement entre l'état de la technique et l'objet revendiqué défini en termes génériques, un état de la technique particulier peut être exclu même si l'objet exclu ne trouve aucun fondement dans les pièces initiales.
2.2 Cette jurisprudence est devenue la jurisprudence constante des chambres de recours. Même si celles-ci y ont apporté par la suite des restrictions, ainsi qu'il sera exposé ci-après, lorsque le disclaimer est introduit pour délimiter la revendication par rapport à un objet compris dans l'état de la technique conformément à l'article 54(2) CBE, elles ont constamment autorisé l'introduction d'un disclaimer définissant l'objet divulgué dans une demande interférente au sens de l'article 54(3) CBE lorsque l'objet restant dans la revendication ne pouvait pas être défini de façon plus claire et plus concise par des caractéristiques techniques positives. Dans la littérature, l'admission de tels disclaimers du point de vue de l'article 123(2) CBE est justifiée par le fait qu'ils ne modifient pas l'enseignement technique, mais qu'ils ne font que tenir compte du fait que différents demandeurs ont droit au brevet pour différents domaines et qu'il est nécessaire d'autoriser les disclaimers dans cette situation étant donné qu'un demandeur ne peut normalement pas avoir déjà connaissance des demandes interférentes au sens de l'article 54(3) CBE au moment où il rédige sa demande (Teschemacher in Singer/Stauder, Europäisches Patentübereinkommen, deuxième édition, Cologne 2000, article 84, numéro 21).
Cette position a été confirmée récemment dans la décision T 351/98 rendue par la chambre de recours 3.3.4 le 15 janvier 2002 (cf. points 11 et 45 des motifs). Dans cette décision, la chambre, sans méconnaître la décision T 323/97 (cf. point 2.3 infra), a cependant estimé qu'une interprétation équilibrée de la CBE justifierait d'autoriser un demandeur ultérieur de limiter ses revendications, par le biais d'un disclaimer, à ce qui est nouveau par rapport à l'état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE.
2.3 Comme l'a résumé la chambre dans la décision T 323/97 (JO OEB 2002, 476), les chambres de recours ont par le passé également autorisé l'introduction dans une revendication de disclaimers n'ayant aucun fondement dans la demande telle que déposée, afin de conférer un caractère de nouveauté à l'objet revendiqué en le délimitant par rapport à une antériorisation "fortuite" selon l'article 54(2) CBE (point 2.2 des motifs, qui fait référence à un certain nombre de décisions antérieures). Dans ce contexte, une antériorisation a été considérée comme fortuite si un homme du métier chargé d'apprécier la valeur inventive du brevet (ou de la demande de brevet) n'en tiendrait pas compte, soit parce que cette antériorisation fait partie d'un domaine technique complètement différent, soit parce qu'elle ne contribue pas à résoudre le problème technique à la base de l'invention revendiquée. Mention y a été faite de la décision T 608/96 du 11 juillet 2000, point 6 des motifs. Il semble que dans cette décision, l'expression "antériorisation fortuite" a été définie différemment ou tout du moins en des termes différents. Cet aspect sera traité ultérieurement (cf. point 7.3 infra), étant donné qu'il n'est pas pertinent pour la première et principale question qui fait l'objet de la présente saisine, à savoir la divergence entre les principes relatifs à l'admissibilité des disclaimers qui ont été développés, d'une part, dans la jurisprudence des chambres de recours et, d'autre part, dans la décision T 323/97.
Les motifs donnés dans la jurisprudence pour justifier l'admissibilité des disclaimers formulés en relation avec un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE sont très semblables à ceux qui ont été cités précédemment à l'appui des disclaimers formulés en relation avec des demandes interférentes au sens de l'article 54(3) CBE.
Dans la décision T 170/87 (JO OEB 1989, 441), qui est souvent citée comme étant à l'origine de l'abondante jurisprudence qui s'est développée par la suite sur les disclaimers, la chambre, se référant aux décisions T 4/80 et T 433/86, a relevé au point 8.4.1 des motifs que selon la jurisprudence constante des chambres de recours, il est permis, lorsque l'objet revendiqué de manière générale se recoupe avec l'état de la technique, d'exclure de l'invention revendiquée, au moyen d'un disclaimer, un état de la technique particulier, même s'il n'y a pas de fondement concret dans les pièces initiales pour une telle exclusion. Au point 8.4.3 des motifs de cette décision, cette pratique a été justifiée eu égard aux considérations suivantes : "l'enseignement inventif initialement exposé de manière explicite dans la demande ne subit globalement aucune modification à la suite d'une simple délimitation par rapport à l'état de la technique ou à ce qui s'est révélé ne pas fonctionner, le disclaimer (ou toute autre formulation "positive" conduisant au même résultat) ayant pour effet de ne "retrancher" de cet enseignement, au sens d'une renonciation partielle, que la partie que le demandeur ne peut revendiquer, en raison de l'absence de nouveauté ou de possibilités d'exécution. ... Il ne s'agit que de définir de manière appropriée ce qui dans ces conditions peut encore être protégé dans l'enseignement inventif initialement exposé."
A l'inverse, il a été considéré qu'un disclaimer ne saurait rendre inventif un enseignement nouveau (T 170/87, point 8.4.4 des motifs ; T 597/92, JO OEB 1996, 135, point 3 des motifs). Ainsi, dans l'affaire T 170/87 (loc. cit.), il s'agissait non pas de retrancher quelque chose de l'enseignement inventif exposé initialement, mais de conférer une qualité inventive à un enseignement évident, en ajoutant après coup un élément qui, à l'origine, n'était pas exposé de façon spécifique, ce qui conduirait à modifier considérablement l'enseignement technique contenu dans les pièces initiales de la demande.
3. Dans la présente affaire, le disclaimer (i) a été introduit dans les revendications 1 et 17 du jeu de revendications destiné aux Etats contractants du groupe A afin de rendre l'objet revendiqué nouveau par rapport au document D1, lequel constitue un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE pour certains modes de réalisation couverts par ces revendications. Le disclaimer (ii) a quant à lui été incorporé dans la revendication 1 des deux jeux de revendications afin de délimiter leur objet par rapport au document A8, lequel constitue un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE pour les jeux de revendications destinés aux Etats contractants du groupe A et du groupe B. La Chambre a considéré que ni les disclaimers en tant que tels, ni l'objet exclu n'étaient exposés dans la demande telle que déposée, mais qu'ils excluaient un objet divulgué dans les documents D1 et A8 respectivement. Ainsi qu'il ressort directement du texte des revendications selon la présente requête principale contenant les disclaimers, les deux disclaimers sont étroitement définis de façon à exclure, d'une part, les matériaux particuliers qui constituent la première couche protectrice dans le document D1 et, d'autre part, les matériaux présents dans les deux couches dans le document A8, et ce parmi le nombre considérable de matériaux susceptibles de constituer les couches respectives qui sont englobés dans les revendications selon la requête principale. Il est clair également que la limitation des revendications qui est recherchée par ce moyen ne pourrait pas être exprimée de manière plus précise et concise en termes positifs, par exemple en énumérant tous les matériaux restants, sans restreindre indûment la portée desdites revendications.
Ainsi qu'il a été constaté dans la décision intermédiaire du 28 août 2002 (point 6.7 des motifs) et rappelé au point VII ci-dessus, le document A8 n'aborde pas le problème consistant à éviter la dégradation des propriétés optiques lorsque le verre revêtu est exposé à des températures élevées durant le bombage. Il ne contient rien qui suggère que le dépôt d'une couche protectrice de chrome sur une couche de TiN pourrait résoudre ce problème technique. Aussi l'homme du métier confronté au problème à la base du brevet eu égard au document A7 n'aurait-il pas été encouragé par le document A8 à remplacer la couche protectrice en aluminium selon l'enseignement du document A7 par une couche de chrome ou de titane, et ce d'autant plus que le document A7 enseignait également que les tentatives de remplacement de la couche d'aluminium par d'autres métaux comme le titane avaient échoué. Par conséquent, même s'il est douteux que le document A8 ne soit pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive, la divulgation qu'il contient, prise isolément ou en combinaison avec d'autres documents cités, n'est en tout cas pas de nature à rendre l'objet revendiqué évident aux yeux de l'homme du métier confronté au problème à la base du brevet en litige.
4. Or, la décision T 323/97 précitée a non seulement remis en question fondamentalement et très généralement la pratique et la jurisprudence constantes sur les disclaimers, mais elle a même considéré leur poursuite comme injustifiée. Dans cette décision, la chambre de recours 3.3.6 a statué sur un cas où le disclaimer introduit dans la revendication 1 selon la requête principale afin d'exclure de sa portée certains modes de réalisation n'avait aucun fondement dans la demande telle que déposée (point 2.1 des motifs).
4.1 Après avoir examiné la jurisprudence existante sur les exigences auxquelles un disclaimer doit satisfaire pour être admissible, la chambre de recours 3.3.6 a estimé qu'une modification apportée à un brevet par l'ajout, dans une revendication, d'une caractéristique technique négative donnant lieu à l'exclusion de certains modes de réalisation constitue néanmoins, indépendamment du terme "disclaimer", une modification régie par l'article 123(2) et (3) CBE. Cela signifie selon elle que la revendication modifiée doit avoir un fondement dans la demande telle que déposée (point 2.2 des motifs). La chambre, analysant ensuite l'avis G 2/98 (JO OEB 2001, 413), a conclu que compte tenu des principes de sécurité juridique et de cohérence qui ont été examinés dans cet avis dans le cadre de l'interprétation des dispositions relatives au droit de priorité, elle n'a trouvé aucun argument qui pût justifier le maintien, à la lumière de l'avis G 2/98, de la pratique des décisions antérieures qui consistait à admettre des disclaimers n'ayant aucun fondement dans la demande telle que déposée (point 2.4 des motifs, c'est la présente Chambre qui souligne). Au point 2.4.1 des motifs, elle a en particulier fait référence à la décision T 433/86, qui utilise au point 2 des motifs la formulation suivante : "... il est possible d'exclure un état de la technique particulier, même si cette exclusion ne se fonde pas sur les pièces initiales" (c'est la présente Chambre qui souligne). Il découle donc des points 2.4 et 2.4.1 des motifs de la décision T 323/97 que ce que la chambre entendait exprimer, lorsqu'elle a déclaré qu'à la lumière de l'avis G 2/98 elle n'a trouvé aucun argument qui justifierait le maintien de la pratique consistant à admettre des disclaimers dépourvus de fondement dans la demande telle que déposée, était que soit le disclaimer lui-même, soit l'objet exclu par le disclaimer doit être divulgué dans la demande telle que déposée.
La principale raison pour laquelle la chambre de recours 3.3.6 a considéré que l'admission de disclaimers non fondés sur la demande telle que déposée, dès lors qu'ils portent sur une divulgation fortuite dans l'état de la technique, est inconciliable avec les principes de sécurité juridique et de cohérence examinés dans l'avis G 2/98 (JO OEB 2001, 413) semble donc liée au rejet par la Grande Chambre de recours dans son avis de l'approche suivie dans la décision "Aliment à croquer" pour établir la validité d'une priorité revendiquée (cf. p. ex. points II(iv) et 8.3 des motifs de l'avis G 2/88, qui fait référence à la décision T 73/88 , JO OEB 1992, 557). Selon la chambre, il ne serait pas possible de déterminer avec certitude une fois pour toutes, à un moment donné, si la restriction opérée par la modification implique ou non une contribution technique à l'invention revendiquée, et si l'enseignement destructeur de nouveauté est réellement fortuit ou non. Ainsi, lorsqu'un mode de réalisation particulier est exclu par un disclaimer de l'enseignement générique d'une demande de brevet parce qu'il a été fortuitement divulgué dans un domaine technique tout à fait étranger à celui de la demande, il est possible de découvrir par la suite qu'un autre document cité divulgue des propriétés du mode de réalisation exclu par ce disclaimer à l'intérieur du domaine technique de la demande ou en rapport avec ce domaine. Cela pourrait nécessiter une redéfinition du problème technique à la base de l'enseignement technique envisagé à l'origine, avec toutes les conséquences négatives relevées dans l'avis G 2/98 (T 323/97, point 2.3 des motifs).
La chambre 3.3.6 a estimé que la modification d'une revendication par l'ajout d'un disclaimer sans fondement dans la demande initiale n'est pas davantage admissible au titre de l'article 123(2) CBE à la lumière de la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541), selon laquelle la restriction d'une revendication par l'adjonction d'une caractéristique non divulguée dans la demande initiale peut être admise si elle ne fait qu'exclure de la protection une partie de l'invention couverte par la demande telle que déposée et qu'elle n'apporte pas de contribution technique à l'objet revendiqué. Selon la chambre 3.3.6, un disclaimer visant à différencier davantage le brevet de l'état de la technique qui doit être pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive ne saurait être considéré comme une simple renonciation à la protection et procurerait au titulaire du brevet un avantage injustifié au sens de la décision G 1/93 (T 323/97, point 2.5 des motifs).
4.2 Bien que la chambre 3.3.6 n'ait eu à traiter dans sa décision que d'un cas où le disclaimer introduit visait à délimiter la revendication par rapport à un document constituant un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE, la constatation qu'elle a faite au point 2.4, selon laquelle la pratique consistant à admettre des disclaimers sans fondement dans la demande telle que déposée ne saurait être maintenue, est si générale qu'elle couvre également le cas où un disclaimer non divulgué dans la demande telle que déposée est introduit dans une revendication afin de la délimiter par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE. La présente Chambre n'est semble-t-il pas seule à comprendre cette constatation en un sens si large. Ainsi, dans la récente décision T 351/98 mentionnée plus haut (cf. points 11 et 45 des motifs), qui portait sur un disclaimer en relation avec un document tel que visé à l'article 54(3) CBE, la chambre 3.3.4 a expressément fait référence à la décision T 323/97 et souligné que lorsqu'il s'agit d'un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE, la position qu'elle a adoptée dans cette affaire, à savoir qu'un disclaimer est admissible même si l'objet exclu ne trouve aucun fondement dans la demande telle que déposée, représente une interprétation plus appropriée de la CBE que celle qui est donnée dans la décision T 323/97. Pour la présente Chambre, les constatations faites dans la décision T 351/98 rejoignent les siennes, à savoir que la conclusion générale énoncée dans la décision T 323/97, selon laquelle il convient de ne pas admettre des disclaimers sans fondement dans la demande telle que déposée au regard des exigences de l'article 123(2) CBE, s'applique également à la délimitation voulue d'un objet par rapport à une demande antérieure visée à l'article 54(3) CBE.
5.1 Il va sans dire qu'une conception aussi différente et restrictive des conditions attachées à l'admissibilité des disclaimers constitue une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1)a) CBE. Elle revêt en effet une grande importance en ce qui concerne l'étendue de la protection dont peuvent bénéficier les demandeurs ou les titulaires de brevets appelés à définir ou à redéfinir les inventions qu'ils revendiquent par rapport à l'état de la technique considéré. Dans le domaine de la chimie en particulier (mais pas exclusivement), les disclaimers sont devenus des instruments très importants pour les demandeurs qui cherchent à obtenir la meilleure protection possible pour leurs inventions, mais sans limiter plus que nécessaire la portée de leurs revendications par rapport à l'état de la technique. La décision T 323/97 a suscité l'incertitude parmi les demandeurs quant à la façon dont ils seront autorisés à formuler à l'avenir leurs revendications, selon la position adoptée par la chambre appelée à statuer dans le cas d'espèce concerné. Il est donc nécessaire de clarifier cette question à un niveau plus large.
5.2 En outre, la chambre 3.3.6 a expressément reconnu dans sa décision (cf. point 2.4 des motifs) que ses conclusions s'écartent des principes que les chambres de recours ont appliqués jusque-là pour apprécier l'admissibilité des disclaimers dans les revendications. La présente saisine vise donc également à assurer une application uniforme du droit au sens de l'article 112(1)a) CBE.
5.3 Au point 2.6 de la décision T 323/97, la chambre 3.3.6 a également exposé brièvement que le disclaimer introduit dans la revendication 1 de la requête principale n'était pas non plus admissible, conformément aux principes établis antérieurement par la jurisprudence des chambres de recours, au motif que les documents servant de base au disclaimer n'étaient pas des antériorisations fortuites. Or, de l'avis de la présente Chambre, les conclusions énoncées par la chambre 3.3.6 dans la décision précitée sur les exigences auxquelles doit satisfaire un disclaimer pour être admis ne sauraient être considérées comme une opinion incidente, dans la mesure où elles constituent l'essence même des motifs donnés dans la décision pour justifier le rejet de la requête principale du requérant. Aussi la Chambre ne partage-t-elle pas l'avis exprimé dans "La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets", quatrième édition 2001, II.B.1.2.1. Des constatations faites dans une décision ne constituent pas des opinions incidentes pour la simple raison que la décision est fondée sur plusieurs motifs qui, pris isolément, justifieraient chacun la décision rendue. Il ressort clairement du raisonnement détaillé de la décision T 323/97 que la chambre 3.3.6 a principalement voulu fonder sa décision sur l'avis selon lequel des revendications modifiées par l'ajout d'un disclaimer dépourvu de fondement dans la demande telle que déposée sont contraires à l'article 123(2) CBE, et qu'en conséquence il est selon elle injustifié de maintenir la jurisprudence constante antérieure. En outre, des opinions incidentes peuvent également, selon la présente Chambre, concerner des questions de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1)a) CBE, comme c'est le cas en l'espèce. Selon l'avis G 3/93 (JO OEB 1995, 18, point 2 des motifs), elles peuvent même justifier une saisine de la Grande Chambre de recours au motif que deux chambres ont rendu des décisions divergentes sur la question concernée, car même une opinion incidente peut être cause d'insécurité juridique.
6. La nouvelle approche fondamentalement différente qui a été adoptée dans la décision T 323/97 à propos des disclaimers n'est pas la seule raison de clarifier les critères applicables à l'appréciation de l'admissibilité d'un disclaimer non fondé sur la demande telle que déposée. Si l'on examine de plus près les formulations utilisées à ce jour dans la jurisprudence des chambres de recours pour définir les exigences auxquelles un disclaimer doit satisfaire pour être admissible, on constate que la terminologie employée n'est pas toujours identique. La présente Chambre doute que ces différentes formulations aient nécessairement la même signification, comme elle l'explique ci-après.
7.1 En premier lieu, la jurisprudence des chambres de recours est ambiguë en ce qui concerne la question de savoir si un disclaimer non divulgué dans la demande telle que déposée et visant à exclure un objet destructeur de nouveauté, y compris des éléments appartenant à l'état de la technique visé à l'article 54(3) CBE, doit strictement se borner à exclure l'objet divulgué dans le document de l'état de la technique pour que son introduction dans une revendication soit admissible au regard de l'article 123(2) CBE.
7.1.1 Dans certaines décisions, les chambres ont admis des disclaimers excluant davantage que ce qui était divulgué dans le document de l'état de la technique. On peut citer à cet égard la décision T 296/87 (JO OEB 1990, 195, point 3.3 des motifs) et la décision T 12/90 du 23 août 1990, point 3.1 des motifs, dans lesquelles il a été considéré qu'un tel disclaimer présentait l'avantage d'être beaucoup plus clair. Dans la décision T 12/90, l'admissibilité d'un tel disclaimer a également été justifiée par un autre motif, à savoir que le disclaimer ne rendait pas l'objet restant différent de la divulgation initiale au point de donner lieu à un enseignement technique différent (aliud).
A l'inverse, dans la décision T 1071/97 du 17 août 2000 par exemple, la chambre a expressément posé comme condition à l'admission d'un disclaimer que l'objet exclu soit précisément défini et strictement limité à l'étendue réelle de l'antériorisation. Cette condition, qui a également été posée dans la décision T 43/82 du 16 avril 1984 (point 9 des motifs), peut être déduite de la décision T 434/92 du 28 novembre 1995, point 5.3 des motifs ainsi que de la décision T 982/94 du 16 septembre 1997, point 2.1 des motifs (cf. également à cet égard la décision T 898/91 du 18 juillet 1997, point 2.1.1 des motifs, où il a cependant été considéré que le disclaimer avait été formulé de manière trop étroite).
Il semble qu'une position intermédiaire ait été adoptée dans la décision T 426/94 du 22 mai 1996, où le disclaimer contenu dans la revendication du brevet tel que délivré a été modifié ultérieurement afin de rendre son texte aussi proche que possible de celui de l'antériorisation (cf. point 3 des motifs).
7.1.2 En l'espèce, il a été allégué (cf. point IV supra) que le disclaimer (i) ne se borne pas strictement à exclure l'objet compris dans l'état de la technique. Cette question n'a pas encore été tranchée. Les faits de la présente espèce sont toutefois les suivants :
Le document D1 ne peut être considéré comme compris dans l'état de la technique visé à l'article 54(3) CBE que dans la mesure où son objet correspond à ce qui a été divulgué dans la demande de brevet japonaise n° 311723/91 dont il revendique la priorité (cf. point VII supra). Or, cette demande japonaise divulgue dans sa revendication 1 un procédé de fabrication d'un verre revêtu bombé qui comprend les étapes consistant à former une couche de régulation du rayonnement solaire (laquelle peut être constituée de certains des matériaux qui forment le film du composé de métal selon les revendications 1 et 17 du brevet en litige pour les Etats contractants du groupe A) sur un substrat en verre, à former une première et une deuxième couche protectrice afin de fournir un verre revêtu d'un revêtement multicouches comprenant au moins trois couches et à bomber ledit verre revêtu. Cela correspond au mode de réalisation de la revendication dépendante 2 du document D1, qui exige la présence d'une deuxième couche protectrice et où le verre revêtu est bombé, ainsi que le divulgue le document D1 à la page 2, ligne 24. A l'inverse, la revendication 17 pour les Etats contractants du groupe A porte sur un procédé de fabrication d'un verre revêtu bombé qui comprend l'étape consistant à déposer deux couches, de sorte que le dépôt d'une troisième couche est facultatif. Dans la revendication 1 destinée aux Etats contractants du groupe A, le verre revêtu susceptible d'être traité à la chaleur comprend deux couches, la troisième couche étant donc facultative, et le procédé de chauffage auquel ce produit doit pouvoir se prêter peut, selon le brevet, être un procédé de bombage.
Cette question pourrait donc être pertinente en l'espèce s'il ne fallait pas déclarer les disclaimers non admissibles pour d'autres raisons. La Chambre relève à cet égard qu'il pourrait se révéler difficile de trouver pour le disclaimer (i) une formulation claire et concise qui se limite strictement (ou plus littéralement) à exclure l'objet compris dans l'état de la technique.
7.2 Dans le passé, lorsque les chambres ont admis des disclaimers afin de délimiter une revendication par rapport à l'objet divulgué dans une demande interférente au sens de l'article 54(3) CBE ou une demande nationale antérieure (cf. point 2.1 supra), elles ne se sont, à la connaissance de la Chambre, jamais demandé s'il était satisfait à l'exigence selon laquelle seule une divulgation fortuite justifie l'introduction d'un disclaimer lorsque son objet n'a pas été divulgué dans la demande telle que déposée, car seule la nouveauté de l'objet revendiqué était en cause dans ces affaires. On peut citer à cet égard la décision T 653/92 du 11 juin 1996, point 2 des motifs, où la chambre a examiné l'admissibilité d'un disclaimer formulé en relation avec un état de la technique au sens de l'article 54(3) et (4) CBE et fait expressément référence aux décisions T 170/87 et T 597/92 selon lesquelles un disclaimer ne peut pas être utilisé pour rendre inventif l'objet d'une revendication, sans toutefois examiner s'il pourrait s'agir d'une condition - possible - à remplir pour qu'un disclaimer formulé en relation avec un état de la technique au sens de l'article 54(3) et (4) CBE soit admissible ; cf. également décision T 351/98 du 15 janvier 2002, points 11 et 45 des motifs, et décision T 318/98 du 8 août 2000, point 2.2 des motifs.
7.3 S'agissant des disclaimers formulés en relation avec des documents compris dans l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE, la jurisprudence constante qui admet l'introduction dans une revendication de disclaimers non divulgués dans la demande telle que déposée afin de délimiter la revendication par rapport à une "divulgation fortuite" de l'objet revendiqué a été évoquée au point 2.3 ci-dessus. A titre d'illustration des différences de formulation, la Chambre cite les exemples suivants :
Dans l'affaire T 323/97, point 2.2 des motifs, la chambre 3.3.6 a déduit de la jurisprudence qu'elle a analysée qu'une antériorisation serait considérée comme fortuite si un homme du métier chargé d'apprécier la valeur inventive du brevet (ou de la demande de brevet) n'en tenait pas compte, soit parce que cette antériorisation fait partie d'un domaine technique complètement différent, soit parce qu'elle ne contribue pas à résoudre le problème technique à la base de l'invention revendiquée. A cet égard, la chambre s'est référée également à la décision T 608/96 du 11 juillet 2000, point 6 des motifs.
Dans la décision T 608/96, qui est rédigée en allemand, une divulgation est considérée comme "détruisant fortuitement la nouveauté" si un homme du métier confronté au problème technique auquel se rapporte la demande ou le brevet n'en tiendrait pas compte, par exemple ("etwa" dans le texte allemand) parce que cet état de la technique appartient à un domaine technique éloigné ou qu'il ne contribue pas du tout à résoudre le problème technique. D'après cette décision, cela signifie également que l'exigence de la "destruction fortuite de la nouveauté" ne peut être remplie que si cette divulgation est totalement dénuée de pertinence ("ohne jede Bedeutung" dans le texte allemand) pour l'appréciation de l'activité inventive qu'implique l'invention revendiquée (point 6 des motifs).
7.3.1 S'agissant du critère selon lequel une antériorisation est fortuite dès lors que l'homme du métier n'en tiendrait pas compte du fait qu'elle relève d'un domaine technique différent, on peut se demander si cette différence de formulation marque une différence sur le fond dans l'approche adoptée. Dans la décision T 323/97, la chambre a considéré qu'une antériorisation est fortuite si "elle fait partie d'un domaine technique complètement différent". En revanche, dans la décision T 608/96, il est question d'un domaine technique éloigné ("weitab liegendes Fachgebiet" dans le texte allemand qui fait foi). Il se peut en effet que dans certaines situations l'homme du métier soit amené à consulter un document appartenant à un domaine qui devrait normalement être considéré comme éloigné de l'objet auquel se rapporte l'invention revendiquée. Ce n'est donc pas parce qu'un document relève d'un domaine technique éloigné qu'il est automatiquement écarté lors de l'appréciation de l'activité inventive de l'objet revendiqué. De surcroît, il découle du texte de la décision T 608/96 que les deux critères qui y sont mentionnés sont en fait uniquement cités à titre d'exemple de ce que peut être une "antériorisation fortuite", et qu'une définition plus générale serait que l'état de la technique en question devrait être totalement dénué de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive.
7.3.2 S'agissant du deuxième critère formulé dans la décision T 323/97, on peut également se demander s'il existe ou non une correspondance sur le fond, car selon la décision T 323/97, point 2.2 des motifs, une divulgation est fortuite si elle ne contribue pas à résoudre le problème technique à la base de l'invention revendiquée, tandis que selon la décision T 608/96, une divulgation est fortuite si, par exemple, son objet ne contribue pas du tout à la solution du problème que la demande ou le brevet se propose de résoudre. Cela signifie également que selon la décision T 608/96, l'état de la technique en question doit être totalement dénué de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive.
7.3.3 Dans la décision T 863/96 du 4 février 1999, point 3.2 des motifs, la Chambre de recours 3.3.2 n'a pas utilisé les critères spécifiques mentionnés dans la décision T 323/97, mais a défini les exigences attachées à l'admission d'un disclaimer en ces termes :
"Conformément à la jurisprudence des chambres de recours, il serait admissible au regard de l'article 123(2) CBE de formuler un disclaimer qui est précisément défini et limité à une divulgation comprise dans l'état de la technique à condition que celle-ci détruise fortuitement la nouveauté de l'objet revendiqué. Il ressort clairement de la jurisprudence des chambres de recours relative à ce moyen exceptionnel de rétablir la nouveauté que le disclaimer à formuler sur la base de cette divulgation ne peut être admis que si le document cité contenant la divulgation en question est dénué de pertinence pour tout examen de l'invention revendiquée et qu'il doit "disparaître" ensuite du domaine de l'état de la technique à prendre en considération. "
Cette approche a également été suivie dans la décision T 13/97 du 22 novembre 1999, point 2.3 des motifs. Dans cette décision, la chambre a aussi appliqué le principe selon lequel l'objet exclu ne doit pas contribuer à résoudre le problème. A cet égard, la chambre a fait référence à la décision T 313/86 (non publiée), à la décision T 170/87 (JO OEB 1989, 441) et à la décision T 623/91 (non publiée).
7.3.4 La décision T 932/94 du 13 janvier 1998 emploie encore une autre formulation au point 6 des motifs, où il est affirmé que l'expression "divulgation de l'état de la technique détruisant fortuitement la nouveauté" doit s'entendre d'un état de la technique qui porte sur un but différent et qui résout un problème différent. Cette décision n'exige semble-t-il pas que la divulgation de l'état de la technique soit "totalement dénuée de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive" (cf. décision T 608/96) ou qu'elle "doit disparaître de l'état de la technique à prendre en considération" (cf. T 863/96 et T 13/97).
7.3.5 Dans la décision T 934/97 du 6 juin 2001, point 2.3 des motifs, la chambre a énoncé les critères applicables lors de l'examen de l'admissibilité d'un disclaimer. Se référant à un certain nombre de décisions, y compris les décisions T 13/97 et T 863/96, elle a estimé qu'un disclaimer qui n'est pas divulgué dans la demande telle que déposée ne pouvait être admis, conformément à l'article 123(2) CBE, que s'il existait un état de la technique destructeur de la nouveauté et si, entre autres, les conditions suivantes étaient remplies :
ii) l'état de la technique représente une antériorisation fortuite ;
iii) l'état de la technique "exclu" "disparaît" ("ausscheidet" dans le texte allemand) de l'état de la technique à prendre en considération pour apprécier l'activité inventive. Référence était notamment faite à la définition donnée dans "Singer, The European Patent Convention, revised English edition by Raph Lunzer" (1995), page 735, selon laquelle un disclaimer peut être utilisé pour établir une distinction par rapport à une antériorisation fortuite, par exemple lorsque le document cité porte sur un but différent, résout un problème différent et n'a aucune incidence sur le problème et la solution auxquels se rapporte l'invention.
Dans les deux derniers alinéas du point 2.6 des motifs, la chambre a examiné si, dans cette affaire, les critères ii) et iii) étaient remplis. Elle a conclu que l'état de la technique portait sur le même objectif, le même problème et une solution similaire, si bien que le critère ii) n'était pas rempli. Vu la similarité de la solution proposée, elle a estimé que le critère iii) n'était pas davantage rempli. On peut donc se demander si, dans cette affaire, une "antériorisation fortuite" était considérée comme équivalant ou non à une divulgation "qui disparaît de l'état de la technique" à prendre en considération pour l'appréciation de l'activité inventive.
7.3.6 De l'avis de la présente Chambre, la jurisprudence précitée des chambres de recours ne fournit pas de réponse claire à la question de savoir quels sont les critères auxquels doit satisfaire une divulgation comprise dans l'état de la technique visé à l'article 54(2) CBE pour être considérée comme une "antériorisation fortuite" sur la base de laquelle un disclaimer peut être admis. La réponse à cette question pourrait être pertinente en l'espèce si ce critère devait être considéré comme décisif, dans la mesure où le disclaimer (ii) porte sur une divulgation susceptible de ne pas être totalement dénuée de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive, mais dont il s'est avéré, après examen de son enseignement technique en combinaison avec d'autres documents cités, qu'il ne rendait pas évidente la solution apportée au problème traité dans le brevet en litige (cf. point 3 supra).
7.4 En outre, dans les décisions relatives à des disclaimers visant à exclure un état de la technique visé à l'article 54(2) CBE, les chambres n'ont pas toujours appliqué les critères ci-dessus lors de l'examen de la conformité aux exigences de l'article 123(2) CBE.
Ainsi, dans certaines décisions, comme la décision T 871/96 du 8 octobre 1998, points 2, 3.3 et 4.2 des motifs, et la décision T 710/92 du 11 octobre 1995, points 3, 4.2 et 5 des motifs, les chambres ont admis le disclaimer au regard de l'article 123(2) CBE, même s'il n'était pas divulgué dans la demande telle que déposée, dès lors que le disclaimer se limite à exclure ce qui est divulgué dans le document de l'état de la technique. En ce cas toutefois, il y a lieu d'examiner si l'objet de la revendication implique une activité inventive comme si le disclaimer n'existait pas (cf. décision T 871/96, point 4.2 des motifs et T 710/92, points 5 et 7 des motifs). Lors de l'examen de l'activité inventive, la chambre a ainsi considéré, dans la décision T 710/92, que le "disclaimer", qui était rédigé sous la forme d'une caractéristique positive, ne contribuait pas à l'enseignement de la demande initiale dans son ensemble (cf. point 6.2 des motifs), alors que dans la décision T 871/96, elle a considéré que le disclaimer, qui était rédigé sous la forme d'une caractéristique négative, ne contribuait pas à la définition du problème technique à la base de l'invention (point 4.4 des motifs).
Cette approche est semble-t-il très différente de celle qui a été adoptée dans les décisions citées au point 7.3 ci-dessus.
7.5 Dans la décision T 982/94 du 16 septembre 1997, qui a été invoquée par le requérant 2, il a été estimé que la modification résultant de l'introduction d'un disclaimer dans une revendication afin de répondre à une objection d'absence de nouveauté satisfaisait aux exigences de l'article 123(2) CBE, dans la mesure où le disclaimer était dûment fondé sur ce qui était divulgué dans le document de l'état de la technique (cf. point 2.1 des motifs). Aucune autre condition n'a été posée.
8. La Chambre a examiné le libellé des questions telles qu'elles ont été formulées par le requérant 1. Compte tenu des cas à distinguer dans la jurisprudence examinée ci-dessus et des définitions données dans ces décisions, et vu les circonstances de la présente affaire, la Chambre a conclu que les questions à soumettre à la Grande Chambre de recours doivent être formulées telles qu'elles sont énoncées dans le dispositif de la présente décision.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours:
1. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer est-elle inadmissible au regard de l'article 123(2) CBE au seul motif que ni le disclaimer ni l'objet exclu par le disclaimer de la portée de la revendication ne trouvent de fondement dans la demande telle que déposée ?
2. S'il est répondu par la négative à la question 1, quels sont les critères applicables pour déterminer si un disclaimer est ou non admissible ?
a) En particulier, la question de savoir si la revendication doit être délimitée par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE ou par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE est-elle pertinente ?
b) Est-il nécessaire que l'objet exclu par le disclaimer soit strictement limité à celui qui est divulgué dans une pièce particulière de l'état de la technique ?
c) La question de savoir si le disclaimer est nécessaire pour rendre l'objet revendiqué nouveau par rapport à l'état de la technique est-elle pertinente ?
d) Le critère établi par la jurisprudence antérieure selon lequel la divulgation doit être fortuite est-il applicable, et si oui, quand une divulgation doit-elle être considérée comme fortuite, ou bien
e) faut-il appliquer l'approche selon laquelle un disclaimer qui se borne à exclure un état de la technique et qui n'a pas été divulgué dans la demande telle que déposée est admissible au regard de l'article 123(2) CBE, l'examen de l'objet revendiqué quant à la présence d'une activité inventive devant en ce cas être effectué comme si le disclaimer n'existait pas ?