J 0016/94 (Acte de recours) 10-06-1996
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I. La demande de brevet européen n ..., qui, conformément à la requête en délivrance présentée par le requérant, devait être traitée comme demande divisionnaire relative à la demande de brevet européen n .... (demande initiale), a été déposée le 29 octobre 1993 auprès de l'Office britannique des brevets.
Le même jour, le requérant a adressé une lettre à l'Office européen des brevets, dans laquelle, conformément à la règle 51(4) CBE, il déclarait son accord sur le texte de la demande de brevet.
II. L'Office européen des brevets ayant reçu cette déclaration le 2 novembre 1993, le requérant a été informé le lendemain par l'Office britannique des brevets que sa demande divisionnaire avait été transmise à l'OEB puisque, en application de l'article 76(1) CBE, elle ne pouvait être déposée que directement auprès de celui-ci. L'OEB a reçu la demande le 5 novembre 1993.
III. Le 12 janvier 1994, la section de dépôt de l'OEB a informé le requérant que la Grande Chambre de recours avait été saisie de la question de droit relative à la date limite de dépôt d'une demande divisionnaire, et que, pour ne pas préjuger de cette décision, la pratique actuelle à l'OEB serait suivie. Si le requérant devait requérir une décision, il serait décidé que la demande ne peut être déposée en tant que demande divisionnaire.
IV. Par lettre en date du 27 janvier 1994, le requérant a requis une décision en l'espèce de l'OEB, qui, le 24 mai 1994 a décidé que la demande n ... ne pouvait être traitée comme demande divisionnaire.
V. Le 7 juillet 1994, le requérant a adressé une lettre qui contenait plusieurs requêtes et qui commençait par la déclaration suivante :
"La présente communication constitue une requête en restitutio in integrum conformément aux dispositions de l'article 122 CBE."
La requête principale présentée dans la lettre était une requête en restitutio in integrum quant au "délai" de dépôt d'une demande divisionnaire prévu par la règle 25(1) CBE.
A titre de première requête subsidiaire, la lettre contenait une requête en restitutio in integrum tendant à ce que la demande soit traitée comme si elle avait été déposée à la date à laquelle elle a été reçue par l'Office britannique des brevets.
A titre de seconde requête subsidiaire, cette lettre contenait aussi un acte de recours contre la décision du 24 mai 1994 ainsi que, conformément à l'article 108 CBE, le mémoire exposant les motifs du recours. A cet égard, il était précisé ce qui suit :
"Dans le cas où il n'est pas fait droit à la requête en restitutio in integrum, j'informe l'OEB par la présente que le demandeur (...) forme un recours contre la décision de l'OEB du 24 mai 1994 de refuser de traiter la demande comme demande divisionnaire (...)". Il était outre indiqué :
"Dans le cas où il est fait droit à la requête en restitutio in integrum, je demande le remboursement de la taxe de recours (...)".
La taxe de recours et la taxe de restitutio in integrum ont été acquittées le 8 juillet 1994.
VI. A l'appui de ces requêtes, le requérant a fait valoir qu'à la suite d'une erreur excusable commise par le responsable de la gestion des dossiers, la demande divisionnaire avait été envoyée à l'Office britannique des brevets. Si elle avait été directement déposée auprès de l'OEB, elle serait parvenue à l'Office à la même date que l'accord sur le texte de la demande initiale visé à la règle 51(4) CBE.
Le requérant a en outre soutenu que cet accord était clairement lié au dépôt en bonne et due forme d'une demande divisionnaire. Ainsi, aucun accord valable n'avait en fait été donné sur le texte. Le remboursement de la taxe de recours a été demandé en raison de vices substantiels de procédure imputables à l'OEB dans la mesure où l'accord du requérant sur le texte n'aurait pas dû être considéré comme définitif au moins jusqu'à la date à laquelle l'OEB a reçu la demande divisionnaire.
VII. Dans une lettre du 6 juillet 1995, le requérant a confirmé ces requêtes et a en outre demandé que la taxe de restitutio in integrum lui soit remboursée dans le cas où la Chambre de recours juridique déciderait d'annuler la décision attaquée.
VIII. Le 11 septembre 1995, la Chambre de recours juridique a émis une notification indiquant qu'il ressortait de la lettre du requérant du 7 juillet 1994 que le recours avait été formé sous la condition que la requête en restitutio in integrum soit rejetée, ce qui relève de la compétence d'une autre instance de l'OEB. Or, un recours ne peut être formé à titre subsidiaire en fonction de l'issue d'une autre procédure en instance devant l'OEB. Même si le recours était considéré comme formé et recevable, il n'aurait aucune chance d'aboutir compte tenu de la jurisprudence de la Chambre de recours juridique en ce qui concerne le dépôt de demandes divisionnaires.
IX. Dans sa réponse en date du 25 octobre 1995, le requérant a allégué que la lettre du 7 juillet 1994 devait être considérée à la fois comme une requête indépendante en restitutio in integrum en application de l'article 122 CBE (destinée à la section de dépôt) et comme un recours (destiné à la Chambre de recours juridique) contre la décision antérieure de la section de dépôt.
X. Dans une seconde notification jointe à la citation à la procédure orale et émise le 18 mars 1996, la Chambre de recours juridique a fait référence à plusieurs passages de la lettre du 7 juillet 1994, d'où il ressort que le recours était formé sous réserve du résultat de la procédure en instance devant la section de dépôt. Le requérant a été informé que la première question à examiner lors de la procédure orale était donc celle de la recevabilité du recours.
XI. Dans une autre lettre, datée du 8 mai 1996, ainsi que lors de la procédure orale tenue le 10 juin 1996, le requérant a demandé que :
- la recevabilité du recours soit confirmée et la décision quant au fond suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête en restitutio integrum présentée auprès de la section de dépôt, et que
- la requête en restitutio in integrum soit immédiatement examinée par la section de dépôt.
En ce qui concerne le contenu du recours, il a demandé que :
- la décision attaquée soit annulée et la demande de brevet européen n ... traitée comme demande divisionnaire, et que
- la taxe de recours soit remboursée en application de la règle 67 CBE.
XII. A l'appui de la recevabilité du recours, le requérant a essentiellement développé les arguments suivants :
i) Dans la décision J 11/94, il a été constaté que dans l'intérêt de la sécurité juridique, les actes de procédure doivent être sans équivoque, c'est-à-dire - conformément à la décision J 27/94 - qu'ils ne peuvent être assortis de conditions, quelles qu'elles soient, qui ne permettraient pas à l'OEB de savoir sans doute possible comment il devra poursuivre de la procédure. Ainsi, l'examen permettant de savoir si un acte de procédure est ou non équivoque, consiste à vérifier s'il est assez clair pour permettre à l'OEB de poursuivre la procédure. Dans les circonstance de l'espèce, les actes de procédure du requérant étaient parfaitement clairs et ont mis l'OEB en mesure de savoir comment poursuivre la procédure.
ii) Il convient de distinguer entre l'examen évoqué ci-dessus et d'éventuelles considérations exposées dans un acte de procédure et concernant l'ordre dans lequel l'OEB devrait examiner les requêtes. Cette distinction est opérée dans la pratique par l'OEB lors de l'examen de la requête principale et des requêtes subsidiaires. Il était donc évident, en l'espèce, que pour le requérant, l'expression "requête subsidiaire" visait l'ordre dans lequel les requêtes devaient être examinées. En employant cette expression, le requérant a utilisé une terminologie en usage dans ce contexte.
iii) La réception d'une notification selon la règle 69(1) CBE peut nécessiter de la part du demandeur qu'il présente plusieurs requêtes parallèles concernant différentes instances de l'OEB. La Convention ne contient cependant aucune disposition exigeant que ces requêtes soient présentées séparément.
iv) La Convention fixe les exigences minimales requises pour former un recours recevable. Toutes ces exigences ont été remplies en l'espèce. Imposer des conditions supplémentaires non prévues par la Convention serait contraire au principe de la confiance légitime.
1. Le requérant soutient que, bien qu'il ait introduit ce recours sous la forme d'une requête subsidiaire, toutes les exigences prévues par la Convention pour la formation d'un recours recevable ont été remplies.
2. Conformément à la règle 65 CBE, un recours doit être rejeté comme irrecevable s'il n'est pas conforme aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 1(1) et de la règle 64 b) CBE, à moins qu'il n'ait été remédié aux irrégularités avant l'expiration, selon le cas, de l'un ou l'autre des délais fixés à l'article 108 CBE.
3. La règle 64 b) CBE, en particulier, fixe le contenu minimal d'un acte de recours avant l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 108 CBE. Selon cette règle, il n'est pas nécessaire que l'étendue du recours soit expressément indiquée dans l'acte de recours (voir p.ex. décisions T 32/81 JO OEB 1982, 225 ; T 7/81, JO OEB 1983, 98; T 85/88). Cependant, seul le paiement de la taxe de recours ne constitue pas une formation valable du recours, à moins que le paiement soit accompagné d'un acte de recours contenant une déclaration explicite de la volonté de former un recours (voir décisions J 19/90, points 2.1 et suivants des motifs (non publiée au JO OEB) ; T 371/92, point 3.5 des motifs, JO OEB 1995, 324).
4. L'un des principaux objectifs des dispositions de l'article 108, première phrase et de la règle 64 b) CBE est de conférer une sécurité juridique quant à la question de savoir si une décision de l'OEB est attaquée ou non. Un acte de recours ne doit donc pas susciter ou laisser planer des doutes sur la question de savoir si une partie souhaite effectivement attaquer une décision par un recours. Cela importe non seulement eu égard au délai prévu à l'article 108, première phrase CBE et aux autres mesures que la première instance doit prendre en application de l'article 109 CBE, mais aussi et surtout eu égard à l'effet suspensif que produisent les recours en instance conformément à l'article 106(1), dernière phrase CBE, ce qui peut porter atteinte aux droits des tiers.
Cette interprétation est conforme aux documents préparatoires de la CBE concernant l'adoption du délai de deux mois disponible pour former un recours, conformément à l'article 108, première phrase CBE. A cet égard, il a été allégué que "toute autre partie à la procédure de même que le public en général, ont un intérêt naturel à savoir le plus tôt possible si la décision de l'OEB est contestée ou non " (cf. prises de position sur les documents préparatoires : M/15, point 49, et M/21, point 9).
Ainsi, pour qu'un acte de recours soit conforme à l'article 108, première phrase et à la règle 64 b) CBE, il doit exprimer l'intention définitive d'attaquer une décision susceptible de recours.
5. Dans les circonstances de l'espèce, la lettre du requérant datée du 7 juillet 1994 (cf. point V supra) constituait en tout premier lieu une requête en restitutio in integrum en application des dispositions de l'article 122 CBE, le recours étant déposé en tant que "seconde requête subsidiaire".
Dans la pratique de l'OEB, une requête subsidiaire est généralement considérée comme une requête qui ne joue que s'il n'est pas fait droit à la requête principale (et aux éventuelles requêtes subsidiaires qui la précèdent) (voir p.ex. décision T 153/85, point 2.1 b) des motifs, JO OEB 1988, 1).
En fait, la déclaration du requérant selon laquelle il formait un recours contre la décision du 24 mai 1994 de la section de dépôt "dans le cas où il n'est pas fait droit à la requête en restitutio in integrum", est conforme à la terminologie et à la pratique en usage en ce qui concerne les requêtes subsidiaires.
6. Dans ce contexte, la question de droit se pose de savoir si les déclarations que le requérant a faites dans sa lettre du 7 juillet 1994 constituent ou non un recours répondant aux exigences de l'article 108 et de la règle 64 b) CBE, comme indiqué au point 4 ci-dessus.
6.1 Pour la Chambre, la lettre du requérant ne saurait être comprise qu'en ce sens que celui-ci souhaite ne voir son recours examiné que s'il n'est pas fait droit à la requête en restitutio in integrum selon la requête principale et la première requête subsidiaire.
6.2 La Chambre ne partage pas l'avis du requérant selon lequel la requête principale et les requêtes subsidiaires concernent simplement "l'ordre" dans lequel elles doivent être traitées par l'OEB. Suivant la pratique de l'OEB susmentionnée, une requête subsidiaire ne peut normalement être prise en considération s'il est fait droit à la requête principale ou à une requête subsidiaire prééminente. Une partie à la procédure (de même qu'un tiers) ne peut jamais être sûre qu'une requête subsidiaire vienne à jouer. Ainsi, un recours formé en tant que requête subsidiaire, c'est-à-dire sous réserve qu'il ne soit pas fait droit à une requête principale en première instance, n'exprime pas l'intention définitive (mais simplement une intention conditionnelle) d'une partie à former un recours.
6.3 Cela est confirmé par la requête suivante du requérant, selon laquelle la taxe de recours devrait être remboursée dans le cas où il n'est pas fait droit à la requête en restitutio in integrum en première instance, ce qui implique clairement que, dans ce cas, le recours ne doit pas être considéré comme formé.
6.4 Contrairement à l'argumentation du requérant, son acte de procédure ne permettait pas à l'OEB de savoir comment poursuivre la procédure. En particulier, il n'apparaît pas clairement si la première instance aurait dû poursuivre la procédure conformément à l'article 109 CBE (révision préjudicielle) sans examiner préalablement la requête principale du requérant ou si elle aurait dû traiter celle-ci sans prendre en considération les délais applicables à la révision préjudicielle.
6.5 Ainsi, la lettre du requérant susmentionnée n'est pas conforme aux exigences de l'article 108 et de la règle 64 b) CBE relatives à l'acte de recours. En conséquence, le recours doit être rejeté comme irrecevable en application de la règle 65 CBE.
7. Les autres arguments avancés par le requérant n'ont pas davantage emporté la conviction de la Chambre.
7.1 Le critère proposé par le requérant pour savoir si un acte de procédure est ou non équivoque ne tient pas compte du fait qu'un acte de recours doit non seulement permettre à l'OEB de savoir comment poursuivre la procédure, mais aussi, en particulier, être clair et non équivoque aux yeux du public, qui peut être affecté par l'effet suspensif du recours. Or, comme indiqué ci-dessus, l'acte en question ne répondait à aucune de ces exigences.
7.2 La Chambre reconnaît qu'il peut exister des situations où des requêtes "parallèles" concernant différentes instances de l'OEB peuvent être présentées dans une seule et même lettre. En l'espèce, la question n'est pas là. Comme précisé plus haut, la requête en restitutio in integrum et le recours n'avaient pas été formés, dans la présente affaire, à titre de requêtes "parallèles" mais, sans ambiguïté aucune, à titre de requête principale et de requêtes subsidiaires.
8. Le recours devant être rejeté comme irrecevable, il ne peut être examiné quant au fond.
Pour la même raison, il n'y a pas de fondement juridique pour ordonner le remboursement de la taxe de recours.
9. Pour éviter tout malentendu, il est précisé que la présente décision ne concerne que le recours que le requérant a formé en tant que "seconde requête subsidiaire", par sa lettre du 7 juillet 1994. La requête principale et la première requête subsidiaire, qui ont été présentées dans cette lettre et qui constituent une requête en restitutio in integrum en vertu de l'article 122 CBE, sont toujours pendantes et devront être traitées par l'instance compétente de l'OEB.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté comme irrecevable.