T 0489/14 (Simulation de flux de piétons/CONNOR) 22-02-2019
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Invention brevetable procédé de simulation
Saisine de la Grande Chambre de recours
Exergue :
Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :
1. Aux fins de l'appréciation de l'activité inventive, la simulation assistée par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique peut-elle résoudre un problème technique en produisant un effet technique allant au-delà de la mise en uvre par ordinateur de la simulation, lorsque cette simulation assistée par ordinateur est revendiquée en tant que telle ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la première question, quels sont les critères pertinents pour déterminer si une simulation assistée par ordinateur, revendiquée en tant que telle, résout un problème technique ? En particulier, suffit-il pour cela que la simulation repose, au moins en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé simulé ?
3. Comment faut-il répondre à la première et à la deuxième question lorsque la simulation assistée par ordinateur est revendiquée comme faisant partie d'un procédé de conception, notamment dans un but de vérification d'une conception ?
I. Le demandeur (requérant) a formé un recours contre la décision par laquelle la division d'examen a rejeté la demande de brevet européen n° 03793825.5, publiée en tant que demande internationale n° WO 2004/023347.
II. Sans citer de document, la division d'examen a conclu dans sa décision que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale et selon les première à troisième requêtes subsidiaires alors présentes dans le dossier n'impliquait pas d'activité inventive.
En ce qui concerne la revendication 1 selon la requête principale et selon les première et deuxième requêtes subsidiaires, ayant pour objet la simulation assistée par ordinateur du déplacement d'une entité autonome dans un environnement, la division d'examen a fait valoir en substance que le modèle de simulation était dépourvu de technicité et que sa mise en uvre par ordinateur était évidente.
S'agissant de la revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire, qui avait été limitée à un procédé de conception d'une construction comprenant une étape consistant à simuler le mouvement de piétons dans cette construction, la division d'examen a fait valoir que la simulation revendiquée du mouvement des piétons "ne contribue pas à l'objectif technique de la revendication, c'est-à-dire à la conception d'une construction, puisque aucun élément ni aucune caractéristique du modèle numérique n'est limité du point de vue fonctionnel à cet objectif technique". L'argument du requérant selon lequel la simulation fait partie intégrante du procédé de conception d'une telle construction, puisqu'elle permet au concepteur de valider sa conception, a été rejeté par la division d'examen au motif que la revendication ne précisait pas en quoi ledit procédé de conception était lié au procédé de simulation.
III. Dans le mémoire exposant les motifs de son recours, le requérant a remplacé ses requêtes par une requête principale, ainsi qu'une première et une deuxième requête subsidiaire dans des versions modifiées.
IV. Dans une notification accompagnant la citation à une procédure orale, la Chambre a notamment fait observer que l'affaire en instance présentait une certaine similitude avec la décision T 1227/05 (JO OEB 2007, 574), dans laquelle la simulation numérique d'un circuit soumis à un bruit avait été considérée comme une caractéristique technique fonctionnelle. La Chambre a ajouté qu'elle tendait toutefois à considérer que le procédé de simulation sous-jacent à la revendication 1 de chacune des requêtes ne contribuait pas au caractère technique de l'invention et que l'objet de la revendication 1 selon chacune desdites requêtes était dépourvu d'activité inventive.
V. Par lettre en date du 9 mars 2018, le requérant a présenté une troisième, une quatrième et une cinquième requête subsidiaire.
VI. Lors de la procédure orale, qui s'est tenue le 11 avril 2018, il a été discuté de la question de savoir s'il convenait de soumettre une ou plusieurs questions à la Grande Chambre de recours. À la fin de la procédure orale, le président a déclaré que la procédure se poursuivrait par écrit.
VII. Dans une lettre datée du 25 juin 2018, le requérant a proposé les questions suivantes en vue d'une saisine :
"I. Un procédé de simulation mis en uvre par ordinateur qui repose sur les lois de la physique ou sur le calcul de valeurs représentant des quantités physiques et qui est destiné à faciliter la conception d'aspects techniques d'un système physique ou d'un produit technique ou bien à faciliter le fonctionnement technique d'un système physique ou d'un produit technique, peut-il être considéré comme constituant un objectif technique ou comme aidant à réaliser un tel objectif, pour autant que cet objectif technique soit suffisamment défini ?
II. S'il est répondu par la négative à la question I, lorsqu'une revendication portant sur un procédé de conception, de fabrication ou d'exploitation du système physique ou du produit technique énumère des étapes d'un procédé de simulation destiné à faciliter la conception d'aspects techniques du système physique ou du produit technique ou bien à faciliter le fonctionnement technique du système physique ou du produit technique, lesdites étapes du procédé de simulation seraient-elles considérées comme contribuant au caractère technique de le revendication et prises en compte, à ce titre, aux fins de l'appréciation de l'activité inventive ?
III. Un procédé de simulation mis en uvre par ordinateur peut-il encore être considéré comme constituant un objectif technique ou comme aidant à réaliser un tel objectif technique, pour autant que cet objectif technique soit suffisamment défini, lorsqu'il fait intervenir des valeurs représentant des quantités physiques qui peuvent être influencées ou déterminées par un facteur ou des facteurs non physiques (comme le comportement d'une foule) mais qui peuvent néanmoins encore être simulées avec précision et présenter un intérêt technique de sorte que la simulation permette malgré tout de faciliter la conception d'aspects techniques du système physique ou du produit technique ou bien de faciliter le fonctionnement technique du système physique ou du produit technique [?]"
VIII. Le requérant demande que la décision contestée soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base des revendications selon la requête principale ou, à titre subsidiaire, selon l'une des première à cinquième requêtes subsidiaires.
IX. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :
"Procédé mis en uvre par ordinateur de modélisation du mouvement d'une foule de piétons dans un environnement, ledit procédé comprenant :
la simulation du mouvement de plusieurs piétons dans l'environnement, caractérisée en ce que la simulation du mouvement de chaque piéton comprend les étapes suivantes :
fournir un trajet provisoire (9) dans un modèle de l'environnement entre un emplacement actuel (6) et une destination cible (7) ;
fournir un profil dudit piéton ;
déterminer sur la base dudit profil et dudit trajet provisoire un pas préféré du piéton (112') vers une position préférée (123') dans la direction de ladite destination cible, la détermination dudit pas préféré comprenant la détermination d'une fonction d'insatisfaction qui exprime le coût du pas effectué et correspond à la somme d'une fonction d'inconfort, exprimant un coût de déviation par rapport à une direction donnée, et d'une fonction de frustration, exprimant un coût de déviation par rapport à une vitesse donnée ;
définir un périmètre (29) autour de ladite position préférée (123') ;
identifier des obstructions situées dans ledit périmètre, lesdites obstructions englobant d'autres piétons (21) ainsi que des obstacles fixes (25) ;
définir un espace personnel (24) autour dudit piéton ;
établir s'il est possible d'effectuer le pas préféré (112') en déterminant si les obstructions (21, 25) empiètent sur ledit espace personnel pendant que le pas préféré est effectué (112')."
X. La revendication 1 selon la première requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la requête principale en ce que le terme "environnement" a été remplacé par "construction".
XI. La revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire d'une part en ce que le texte suivant a été inséré après "fournir un profil dudit piéton ;" :
"ledit profil comportant une vitesse de marche préférée ;
déterminer une vitesse de marche instantanée préférée en additionnant à ladite vitesse de marche préférée une valeur de bruit à laquelle est soumise la vitesse de marche ;"
et, d'autre part, en ce que l'expression "un coût de déviation par rapport à une vitesse donnée" a été remplacée par "un coût de déviation par rapport à une vitesse de marche instantanée préférée".
XII. La revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire en ce que le texte suivant a été ajouté à la fin de la revendication :
"et
afficher le mouvement simulé sous la forme d'une série de captures successives indiquant l'emplacement actuel de chaque piéton dans le modèle au fur et à mesure de sa progression."
XIII. La revendication 1 selon la quatrième requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire d'une part en ce que le texte figurant avant "fournir un trajet provisoire" a été remplacé par :
"Procédé de conception d'une construction, ledit procédé comportant :
- la fourniture d'un modèle de ladite construction ;
- la simulation assistée par ordinateur du mouvement de plusieurs piétons dans ladite construction, caractérisée en ce que la simulation du mouvement de chaque pas du piéton comprend les étapes suivantes : "
et, d'autre part, en ce que le texte suivant a été ajouté à la fin de la revendication :
"et
- réviser ledit modèle de ladite construction en fonction du mouvement des piétons."
XIV. La revendication 1 selon la cinquième requête subsidiaire diffère de la revendication 1 selon la troisième requête subsidiaire en ce que le texte suivant a été inséré avant "et afficher le mouvement simulé" :
"si le pas préféré n'est pas réalisable, :
déterminer une zone dans laquelle un pas de compromis est recherché, la détermination de cette zone dans laquelle un pas de compromis est recherché comprenant l'adaptation des paramètres du pas du piéton pour déterminer cette zone en fonction d'une mémoire de conditions antérieures ; et
déterminer si au moins un pas de compromis est réalisable ; "
XV. Les arguments du requérant peuvent être résumés comme suit :
La demande de brevet porte sur la modélisation du mouvement de piétons, qui peut être utilisée pour faciliter la conception ou l'adaptation d'un site. Elle vise à fournir une simulation plus précise et plus réaliste des foules de piétons dans des situations du monde réel, lesquelles ne peuvent pas être modélisées de manière adéquate par des simulateurs conventionnels. La demande repose, au moins en partie, sur le constat selon lequel les interactions humaines peuvent être exprimées et modélisées de la même manière que les interactions physiques.
Les étapes du procédé selon la revendication 1 de la requête principale, ayant désormais pour objet un procédé de modélisation du mouvement d'une foule de piétons dans un environnement à l'aide d'une simulation, apportent une double contribution au caractère technique de l'invention. Premièrement, les étapes du procédé elles-mêmes sont des caractéristiques techniques, puisqu'elles se rapportent à des paramètres physiques qui peuvent être exprimés sous forme de quantités physiques et qu'elles font intervenir à la fois les lois physiques du mouvement et des considérations liées au coût ou au travail. Deuxièmement, ces étapes contribuent au caractère technique de l'invention du fait de leur interaction avec l'ordinateur. Le procédé selon la revendication 1 produit un effet technique qui revêt la forme d'une simulation plus précise du mouvement d'une foule. Suivant la décision T 1227/05, la modélisation du mouvement d'une foule de piétons dans un environnement constitue un objectif technique suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur. Le procédé revendiqué produit des résultats précis et reproductibles qui ne se distinguent en rien de ceux produits par un procédé de modélisation d'un électron à l'aide d'un procédé numérique similaire. En outre, le procédé de simulation revendiqué ne se prête pas davantage à une mise en uvre intellectuelle que le procédé faisant l'objet de la décision T 1227/05.
Les aspects du procédé de simulation qui reposent sur des considérations liées au comportement humain, comme la notion d'espace personnel, sont modélisés à l'aide d'équations semblables à celles qui décrivent les lois de la physique et, à ce titre, ils apportent également une contribution technique.
La revendication 1 selon les première et deuxième requêtes subsidiaires précise en outre que l'invention se rapporte à des quantités et à des paramètres physiques.
Les troisième, quatrième et cinquième requêtes subsidiaires contribuent à clarifier l'effet produit à l'extérieur de l'ordinateur et font ressortir que le procédé en jeu ne peut être exécuté simplement à l'aide d'un crayon et de papier.
Selon le requérant, la chambre a adopté une approche correcte dans l'affaire T 1227/05. Elle a reconnu l'importance des simulations et bien cerné les questions concrètes qui peuvent se poser lorsqu'une simulation est revendiquée. Cette approche a été suivie dans la décision T 625/11 du 19 janvier 2017.
Dans la question I du requérant, le terme "aspects techniques d'un système physique ou d'un produit technique" est destiné à couvrir l'agencement d'une construction telle qu'une gare ferroviaire. La simulation précise du mouvement de la foule peut être utilisée pour faciliter la conception de l'environnement construit, en prescrivant des modifications physiques de cet environnement qui améliorent la performance de la construction. Du point de vue du requérant, la question I reflète l'approche adoptée dans la décision T 1227/05 et appelle une réponse affirmative, tout comme la question II qui est proposée comme solution de repli.
D'après le requérant, il y a lieu, de la même manière, de répondre par l'affirmative à la question III. L'utilité des simulations ne se limite pas à des structures ou produits tels que des circuits électriques ou des réacteurs nucléaires, mais s'étend à des environnements tels que les stades et les gares ferroviaires, ainsi qu'à l'infrastructure de transport. Le mouvement des acteurs concernés, comme les piétons, peut être modélisé de manière précise et reproductible à l'aide d'un ensemble de règles qui sont comparables aux lois de la physique.
Recevabilité du recours
1. Le recours est conforme aux dispositions visées à la règle 101 CBE et est donc recevable.
La demande de brevet
2. L'invention se rapporte à un procédé mis en uvre par ordinateur, à un programme d'ordinateur et à un dispositif pour simuler le mouvement d'une foule de piétons dans un environnement.
La demande publiée décrit, de la page 11 à la page 56, un modèle mathématique représentant des piétons individuels, ainsi qu'un algorithme destiné à simuler leur mouvement dans un environnement. Est ensuite décrit, de la page 56 à la page 70, un système de conception qui met en uvre la simulation. Ce système, tel que reproduit à la figure 21, permet à l'utilisateur d'élaborer un modèle de l'environnement en le créant ou en important un projet depuis une source de conception assistée par ordinateur (CAO) (page 58, lignes 28 à 32). Lorsque la simulation est mise en uvre, une série de captures successives est affichée, indiquant l'emplacement actuel de chaque piéton dans l'environnement modélisé. Les résultats de cette simulation peuvent être analysés soit en ligne, à savoir pendant que la simulation est en cours d'exécution, soit hors ligne, une fois que la simulation est terminée et que les résultats ont été enregistrés (page 60, ligne 18, et page 61, ligne 5).
La simulation a pour finalité première d'être utilisée dans un procédé de conception d'un site tel qu'une gare ferroviaire ou un stade, comme le font apparaître la figure 22 et la description de la page 65 à la page 70. En résumé, le concepteur crée ou importe le modèle d'un site architectural, définit les composantes de la population piétonne qui est caractéristique de ce site en cours de conception, et effectue un certain nombre de simulations des flux de piétons qui peuvent être définis de manière très précise (en termes de sources (entrées), de puits (sorties) et de taux de rotation). Les résultats de la simulation sont ensuite examinés et le modèle est révisé le cas échéant.
Outre l'utilisation du procédé de simulation à des fins de conception de sites, la description mentionne, à la page 3, lignes 17 à 19, le recours à ce procédé pour régler des problèmes de flux de piétons, ou à fins de gestion opérationnelle ainsi que de définition et d'application de normes de sécurité et d'un contrôle de la qualité. Ces finalités ne sont pas développées séparément ailleurs dans la demande de brevet.
Examen de la revendication 1 selon la requête principale
3. La revendication 1 selon la requête principale porte sur un procédé mis en uvre par ordinateur, permettant de modéliser le mouvement d'une foule de piétons dans un environnement. Le procédé simule plusieurs piétons à mesure qu'ils se déplacent dans cet environnement. Pour chaque piéton un "pas préféré" est déterminé sur la base d'un profil spécifique à chacun, d'un trajet provisoire dans le modèle d'environnement ainsi que de certaines fonctions exprimant des coûts d'"insatisfaction", d'"inconfort" et de "frustration". Il est également déterminé si le pas est réalisable eu égard aux obstructions qui se trouvent dans le périmètre entourant le piéton ainsi que dans son espace personnel.
4. Abstraction faite, dans un premier temps, de la caractéristique "mis en uvre par ordinateur", la revendication 1 énonce une série d'étapes procédurales qui pourraient être exécutées indépendamment de tout moyen technique précis. Ces étapes peuvent certes être mises en uvre à l'aide d'un ordinateur, mais aussi du moins en principe de manière exclusivement intellectuelle. En d'autres termes, sans la caractéristique "mis en uvre par ordinateur", la revendication 1 couvre des méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles en tant que telles, qui sont exclues de la brevetabilité en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE.
À ce propos, la Chambre fait observer que, en termes pratiques, pour mettre en uvre la série d'étapes spécifiée avec un nombre important de piétons et dans un environnement relativement complexe, une personne aura peut-être besoin d'une aide, par exemple d'un crayon et de papier, afin de retenir les résultats de calculs intermédiaires ou visualiser les résultats finals. Cependant, la complexité d'une activité n'est pas normalement considérée comme un facteur suffisant pour que le procédé échappe à l'exclusion des activités intellectuelles (cf. par exemple décision T 309/10 du 19 juin 2013, point 16 des motifs).
5. Le requérant a fait valoir que les étapes de la revendication 1 sont bien de nature technique, car elles portent sur des notions physiques, comme la direction et la longueur, pouvant être exprimées sous la forme de quantités physiques. Cependant, une méthode qui peut être mise en uvre intellectuellement reste exclue de la brevetabilité, même si l'on peut alléguer qu'elle fait intervenir des considérations techniques. Dans son avis G 3/08 (JO OEB 2011, 10), la Grande Chambre de recours a confirmé ce principe en expliquant qu'il n'est en rien contradictoire d'affirmer d'une part que la programmation (plus précisément l'activité intellectuelle visant à déterminer quelles étapes doivent être incluses dans un programme d'ordinateur) fait toujours intervenir des considérations techniques et, d'autre part, qu'elle est une activité intellectuelle exclue de la brevetabilité (point 13.3 des motifs). La Grande Chambre de recours a établi l'analogie suivante :
"La conception d'une bicyclette implique clairement des considérations techniques (et, le cas échéant, des considérations non techniques, par exemple esthétiques), mais elle correspond à un processus qui, du moins au départ, peut se dérouler dans l'esprit du concepteur, autrement dit elle peut constituer une activité intellectuelle et serait, dans cette mesure, exclue de la brevetabilité, exactement comme dans les affaires [ ] T 833/91, T 204/93 et T 769/92 (cf. également les décisions T 914/02, General Electric, en date du 12 juillet 2005, point 2.3 des motifs, et T 471/05, Philips, en date du 6 février 2007, points 2.1 et 2.2 des motifs)."
6. La présence de caractéristiques non techniques dans la revendication 1 ne signifie pas pour autant que son objet est exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE en tant que "non-invention". La limitation à un procédé mis en uvre par ordinateur garantit que tout mode de réalisation de l'invention revendiquée implique l'utilisation d'un ordinateur, lequel est sans conteste un moyen technique. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, une revendication de méthode qui implique des moyens techniques n'est pas exclue de la brevetabilité (voir décision T 258/03, JO OEB 2004, 575, point 4 des motifs).
Cette interprétation étroite des exclusions prévues à l'article 52(2) et (3) CBE repose sur le principe selon lequel il faut déterminer indépendamment de l'état de la technique si un objet particulier est exclu de la brevetabilité. Dans sa décision G 2/07 (JO OEB 2012, 130), la Grande Chambre de recours a confirmé cette approche lorsqu'elle a estimé qu'il convient d'appliquer le même principe pour délimiter un procédé essentiellement biologique par rapport à un procédé brevetable d'obtention de végétaux ou d'animaux (point 6.4.1 des motifs).
7. Cela étant, il est également établi dans la jurisprudence que l'activité inventive ne peut être fondée que sur la partie technique de l'invention, c'est-à-dire sur les caractéristiques qui contribuent à la solution d'un problème technique, étant entendu que les caractéristiques qui ne peuvent pas être considérées comme contribuant à la solution d'un problème technique donné en produisant un effet technique n'ont aucune importance pour l'appréciation de l'activité inventive (voir T 641/00, JO OEB 2003, 352, points 4 à 6 des motifs ; G 3/08, points 12.2.1 et 12.2.2 des motifs). Les caractéristiques non techniques doivent donc être prises en considération pour apprécier l'activité inventive dans la mesure où elles interagissent avec l'objet technique de la revendication aux fins de résoudre un problème technique ou, à titre équivalent, pour produire un effet technique (voir G 1/04, JO OEB 2006, 334, point 5.3 des motifs ; T 154/04, JO OEB 2008, 46, point 5 (F) et 13 à 15 des motifs).
8. Dans la présente affaire, les étapes de procédé selon la revendication 1 interagissent avec la caractéristique selon laquelle le procédé doit être "mis en uvre par ordinateur", au moins dans la mesure où les étapes du procédé doivent être exécutées sur un ordinateur.
Dans certains cas, le problème consistant à mettre en uvre un procédé non technique sur un ordinateur peut avoir une solution non évidente, à savoir si la mise en uvre requiert des caractéristiques techniques non banales. Ces caractéristiques techniques constituent dès lors des caractéristiques essentielles de l'invention et doivent à ce titre figurer dans la revendication pour qu'il soit satisfait à la règle 43(1) et (3) CBE. La présente invention ne relève pas de ce cas de figure, étant donné que la mise en uvre des étapes de la revendication 1 représente une activité simple, qui ne requiert qu'une connaissance élémentaire des structures de données et des algorithmes.
Dans d'autres cas, la mise en uvre sur un ordinateur d'un procédé non technique peut constituer en soi une activité de programmation simple, mais la conception du procédé peut néanmoins être motivée par des considérations techniques liées au fonctionnement interne de l'ordinateur, qui conduisent à l'obtention d'un effet technique particulier lorsque le procédé est exécuté sur un ordinateur (voir par exemple décision T 2330/13, en date du 9 mai 2018, points 5.7.9 et 5.7.10 des motifs). Dans de tels cas, le problème technique ne saurait être formulé de sorte qu'il corresponde à la question de savoir comment le procédé non technique doit être exécuté sur un ordinateur, et doit en revanche être reformulé en substance de sorte qu'il corresponde à la question de savoir comment cet effet peut être obtenu. La présente invention ne relève pas non plus de ce cas de figure, étant donné que les étapes de la revendication 1 sont l'expression directe de la simulation à effectuer et qu'aucune considération ayant trait au fonctionnement interne d'un ordinateur ne ressort de la demande ni ne peut être relevée autrement par la Chambre.
Par conséquent, si l'on considérait que le procédé revendiqué avait pour seul aspect technique le fait qu'il est mis en uvre sur un ordinateur, force serait de conclure à son absence d'activité inventive par rapport à un ordinateur universel connu.
9. C'est pourquoi il y a lieu de déterminer si d'autres aspects techniques peuvent être mis en évidence dans l'objet de la revendication 1. Le requérant a allégué à cet égard que l'invention produisait un effet technique consistant en une "simulation plus précise du mouvement d'une foule". Étant donné qu'un ordinateur universel ne simule pas du tout de lui-même le mouvement d'une foule, l'allégation du requérant équivaut à l'argument selon lequel la simulation assistée par ordinateur du mouvement d'une foule constitue bien un effet technique auquel les étapes de la revendication 1 contribuent.
La Chambre fait observer que la revendication 1 ne précise pas explicitement quelles informations sont fournies en fin de compte à l'utilisateur du procédé, mais elle admet que la revendication 1 apporte des informations concernant le mouvement simulé de piétons dans un environnement modélisé.
10. S'agissant de la technicité d'une tâche consistant à simuler le mouvement d'une foule, le requérant a fait valoir que les résultats produits par la simulation du mouvement de piétons ne se distinguent en rien de ceux obtenus par la modélisation d'un électron à l'aide de procédés numériques. Selon lui, à l'instar de la simulation d'un électron, la simulation revendiquée du mouvement de piétons repose au moins en partie sur les lois de la physique.
La Chambre n'est pas en désaccord avec ces observations, mais elle n'est pas convaincue que le calcul numérique de la trajectoire d'un objet, telle que déterminée par les lois de la physique, constitue en soi une tâche technique produisant un effet technique.
11. De l'avis de la Chambre, un effet technique exige, à tout le moins, un lien direct avec une réalité physique, comme une modification ou la mesure d'une entité physique. Un tel lien fait par exemple défaut lorsque l'on calcule la trajectoire parabolique que suit un objet hypothétique sous l'effet de la gravité. La Chambre ne voit pas non plus de tel lien direct en ce qui concerne le processus qui consiste à calculer les trajectoires de piétons hypothétiques à mesure qu'ils se déplacent dans un environnement modélisé, tâche qui est précisément revendiquée en l'espèce. De fait, il se peut que cet environnement modélisé n'existe pas et qu'il ne devienne jamais réalité. La simulation pourrait de surcroît être effectuée dans le but d'appuyer des recherches scientifiques d'ordre purement théorique, ou être utilisée pour représenter le mouvement de piétons dans le monde virtuel d'un jeu vidéo.
La Chambre fait observer à ce propos que la Grande Chambre de recours a affirmé dans sa décision G 2/07 (point 6.4.2.1 des motifs) que l'"intervention humaine, qui vise à produire un résultat en utilisant les forces de la nature, touche au cur de ce qu'une "invention" est censée être." Il semble à la Chambre qu'il n'y a pas de différence, en ce qui concerne la manière d'utiliser les forces de la nature pour produire un résultat, entre le fait de se servir d'un ordinateur pour calculer les trajectoires de piétons hypothétiques à mesure qu'ils se déplacent dans un environnement modélisé, et le fait de se servir d'un ordinateur pour effectuer un autre type de calcul.
12. Sur la base de l'analyse qu'elle a effectuée jusqu'ici, la Chambre conclurait que l'objet de la revendication 1 est effectivement dépourvu d'activité inventive par rapport à un ordinateur universel connu. Cependant, le requérant a aussi invoqué la décision T 1227/05 pour faire valoir que la modélisation du mouvement d'une foule de piétons dans un environnement représente un objectif technique suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur.
Décision T 1227/05
13. Dans l'affaire T 1227/05, la chambre a conclu que la simulation numérique revendiquée d'un circuit soumis à un bruit, décrit par un schéma comprenant des canaux d'entrée, des canaux d'entrée de bruit et des canaux de sortie et par un système d'équations différentielles ou d'équations algébrodifférentielles, était une caractéristique technique fonctionnelle.
La chambre a jugé que la revendication était limitée à la simulation d'une "classe suffisamment définie d'objets techniques" ("eine hinreichend bestimmte Klasse von technischen Gegenständen"), l'expression "suffisamment définie" semblant relever essentiellement d'une exigence de clarté (points 3.1 et 3.1.1 des motifs). Les raisons qui ont conduit la chambre à conclure que la simulation constituait un procédé technique sont exposées au point 3.2.2 des motifs, qui s'énonce comme suit :
"Die Simulation erfüllt technische Aufgaben, die für eine moderne Ingenieurtätigkeit typisch sind: Die Simulation erlaubt eine realitätsnahe Vorhersage des Verhaltens eines entworfenen Schaltkreises und unterstützt dadurch dessen Entwicklung im Idealfall so genau, dass vor einer Fertigung abgeschätzt werden kann, ob der Bau eines Prototyps Erfolg verspricht. Die technische Bedeutung dieses Ergebnisses vervielfacht sich mit zunehmender Geschwindigkeit des Simulationsverfahrens, denn damit kann eine umfangreiche Klasse von Entwürfen virtuell getestet und auf erfolgversprechende Kandidaten durchsucht werden, bevor mit einer aufwendigen Herstellung von Schaltkreisen begonnen wird.
Ein vorausschauender Test eines komplexen Schaltkreises und/oder eine qualifizierte Auswahl aus einer Vielzahl von Entwürfen wäre ohne technische Hilfe nicht oder nicht innerhalb annehmbarer Zeit möglich. Das computergestützte Simulationsverfahren zum virtuellen Ausprobieren stellt somit ein praktisches und praxisrelevantes Werkzeug des Elektroingenieurs dar. Dieses Werkzeug ist gerade deshalb wichtig, weil in der Regel keine rein mathematische, theoretische oder gedankliche Methode existiert, die eine vollständige und/oder schnelle Voraussage des Schaltkreisverhaltens unter Rauscheinflüssen liefern würde."
[La traduction en français dans le Journal officiel s'énonce comme suit : "La simulation remplit des fonctions techniques propres à l'ingénierie moderne. La simulation permet de prédire, de façon concrète, le comportement d'un circuit projeté. Elle peut orienter le développement du circuit avec une précision telle que l'on puisse estimer les chances de réussite d'un prototype avant même de le construire. La signification technique de ce résultat croît avec la vitesse du procédé de simulation : on peut tester une large gamme de circuits virtuels pour en retenir ceux qui ont des chances de réussite, avant de se lancer dans des fabrications coûteuses.
Sans aide technique, tester un circuit complexe de façon prédictive ou choisir, dans un ensemble de projets, ceux qui offrent les meilleures chances de réussite, serait impossible ou prendrait trop de temps. Pour l'électronicien, le procédé de simulation assisté par ordinateur pour l'expérimentation virtuelle constitue donc un outil concret et pratique. Cet outil est d'autant plus précieux qu'il n'existe généralement aucune méthode purement mathématique, théorique ou intellectuelle permettant de prévoir, de manière exhaustive et/ou rapide, le comportement d'un circuit soumis à un bruit."]
14. Dans la présente affaire, le procédé selon la revendication 1 peut être considéré comme une méthode destinée à tester à l'aide d'une simulation un environnement modélisé soumis au mouvement d'une foule de piétons. En se plaçant sous cet angle, on constate une analogie manifeste avec une méthode destinée à tester à l'aide d'une simulation un circuit modélisé soumis à un bruit. De la même manière que le procédé de simulation revendiqué dans l'affaire T 1227/05 peut être utilisé pour prédire le comportement d'un circuit projeté soumis à un bruit avant sa construction, le procédé de simulation revendiqué en l'espèce peut être utilisé pour prédire le comportement d'un environnement projeté soumis à la présence de piétons, avant sa construction (dans les deux cas, c'est le terme "modélisé", et non le terme "projeté", qui est employé dans les revendications pour qualifier respectivement le circuit et l'environnement).
Bien que le terme "environnement" soit large, la revendication est limitée à la simulation d'environnements dans lesquels des piétons se déplacent et qui comportent des obstacles fixes. La Chambre estime que de tels environnements, lorsqu'ils existent dans une réalité physique, sont de nature technique et que le "comportement" d'un environnement parcouru par une foule de piétons, par exemple le nombre de piétons qui peuvent le traverser par unité de temps, constitue une propriété technique de cet environnement, qui est comparable à la capacité d'un toit à évacuer l'eau de pluie. S'il est vrai que le déplacement d'un piéton est déterminé dans une large mesure par les décisions subjectives prises par celui-ci, en définitive, son déplacement obéit inéluctablement aux lois de la physique, un piéton ne pouvant pas passer à travers un mur ou à travers un autre piéton. Concevoir une gare ferroviaire qui puisse accueillir un million de personnes amenées à la traverser chaque jour, ou un bâtiment qui puisse être évacué en quelques minutes relève principalement du travail d'un ingénieur, même si les connaissances d'un psychologue comportementaliste peuvent être utiles.
Comme indiqué plus haut, les calculs qui sous-tendent la simulation du mouvement d'une foule de piétons, telle que revendiquée en l'espèce, peuvent, au moins en principe, être effectués de manière purement intellectuelle, l'ordinateur ayant pour simple fonction d'assurer une performance satisfaisante et fiable. Cependant, cette affirmation peut aussi s'appliquer au procédé en question dans l'affaire T 1227/05. Dans les deux cas, l'utilité pratique du procédé de simulation croît avec la rapidité de son exécution, une vitesse accrue permettant en effet de tester une gamme plus large de projets virtuels pour en retenir ceux qui ont des chances de réussite, avant de se lancer dans le processus coûteux de fabrication ou de construction. Dans l'un comme dans l'autre cas, tester un circuit ou un environnement complexe de façon prédictive ou choisir, dans un ensemble de projets, ceux qui offrent les meilleures chances de réussite prendrait trop de temps sans l'aide d'un ordinateur.
15. Somme toute, la Chambre partage l'avis du requérant selon lequel la décision T 1227/05 plaide en sa faveur. Elle n'est toutefois pas entièrement convaincue par l'argumentation de cette décision, et ce pour deux raisons.
Premièrement, bien qu'une simulation assistée par ordinateur d'un circuit ou d'un environnement soit un outil à même de remplir une fonction "propre à l'ingénierie moderne", elle n'aide l'ingénieur que dans le processus cognitif consistant à vérifier la conception du circuit ou de l'environnement, c'est-à-dire à étudier le comportement du circuit ou de l'environnement virtuel projeté. Le circuit ou l'environnement, une fois qu'il s'est matérialisé, peut constituer un objet technique, mais le processus cognitif qui consiste à vérifier sur un plan théorique sa conception semble être fondamentalement dépourvu de caractère technique.
Deuxièmement, la décision T 1227/05 semble fonder le caractère technique du procédé sur la vitesse accrue de sa mise en uvre par ordinateur. Or, tout processus défini sur la base d'un algorithme et à même d'être réalisé sur un plan intellectuel peut être mis en uvre plus rapidement s'il est exécuté sur un ordinateur, et la mise en uvre d'une méthode non technique sur un ordinateur n'aboutit pas nécessairement à un procédé qui apporte une contribution technique allant au-delà de sa mise en uvre par ordinateur (voir par exemple décision T 1670/07 en date du 11 juillet 2013, point 9 des motifs).
16. Au point 3.4 des motifs de la décision T 1227/05, où est analysée la décision T 453/91 en date du 31 mai 1994, la chambre a abordé indirectement le fait que le procédé de simulation revendiqué n'a pas d'effet physique direct sur le monde réel. La chambre ayant statué dans l'affaire T 453/91 avait exigé qu'une étape de "production matérielle de la puce ainsi conçue" soit ajoutée à un procédé de conception d'une puce, étant donné que les revendications rejetées par la division d'examen portaient sur des procédés qui pouvaient être interprétés comme se bornant à fournir un modèle qui n'existait pas dans le monde réel et qui ne deviendrait pas forcément un objet réel (voir T 453/91, point 5.2 des motifs).
La chambre ayant instruit l'affaire T 1227/05 a reconnu qu'il existait un antagonisme avec la décision T 453/91. Elle a fait observer que les procédés de simulation industrielle jouent un rôle de plus en plus décisif pour le progrès technique et que dans une industrie mondialisée, le développement et la production sont de plus en plus souvent séparés matériellement et géographiquement. C'est pourquoi, à son avis, les outils de développement numérique à finalité technique doivent bénéficier d'une protection par brevet spécifique (point 3.4.2 des motifs).
S'il ne fait aucun doute que les outils de développement numérique ont encore gagné du terrain depuis que l'affaire T 1227/05 a été tranchée, la présente Chambre hésite à fonder sa décision sur des considérations d'ordre politique concernant l'étendue adéquate de la protection par brevet, alors même que de telles considérations n'ont pas été exprimées par le législateur et qu'elles ne sont en fait apparues qu'après l'adoption des dispositions pertinentes de la CBE (la Conférence diplomatique pour la révision de la CBE en 2000 n'ayant pas entraîné sur le fond de modifications de ces dispositions). La Chambre sait fort bien que le législateur a délibérément omis de définir les termes "technique" et "technologique" afin de ne pas empêcher qu'une protection adéquate soit disponible pour des résultats de futurs développements dans des domaines de la recherche qu'il ne pouvait anticiper (cf. décision G 2/07, point 6.4.2.1 des motifs), mais elle estime qu'il y a une différence entre l'émergence d'un nouveau domaine d'innovation et une évolution concernant l'importance perçue d'un domaine existant.
17. Cela étant, compte tenu du rôle essentiel que jouent désormais les outils de développement numérique, en particulier les simulations assistées par ordinateur, dans l'élaboration de nouveaux produits, il est particulièrement souhaitable de garantir la sécurité juridique concernant la brevetabilité de tels outils. La Chambre tend certes à considérer que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale est dépourvu d'activité inventive par rapport à un ordinateur universel, mais elle reconnaît que l'approche développée dans l'affaire T 1227/05 mène à une conclusion différente. Cette approche n'a pas encore été suivie dans un nombre très élevé de décisions des chambres de recours, mais c'est celle qui prévaut actuellement dans la jurisprudence (voir La Jurisprudence des Chambres de recours, 8e édition, 2016, I.A.2.4.3, point f)). Elle est également exposée au point G-II, 3.3.2 des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB (novembre 2018).
18. Si la présente Chambre venait à suivre la décision T 1227/05, elle devrait reconnaître que certaines ou l'ensemble des étapes du procédé de simulation selon la revendication 1 contribuent à un effet technique de l'invention et doivent donc être prises en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. Il serait dès lors nécessaire de comparer l'invention à des éléments de l'état de la technique autres qu'un ordinateur universel. De tels éléments de l'état de la technique sont disponibles, mais n'ont pas été examinés dans la décision frappée de recours. La Chambre renverrait donc l'affaire à la division d'examen en vue de la poursuite de la procédure.
19. La présente affaire exige donc qu'une décision soit prise, pour l'exprimer tout d'abord de façon générale, au sujet de la brevetabilité des procédés (ou méthodes) de simulation. Il s'agit d'une question de droit liée à l'interprétation des articles 52(2) et (3) et 56 CBE à laquelle il ne peut être répondu directement et sans ambiguïté en se référant à la CBE et, à ce titre, d'une question de droit d'importance fondamentale (cf. décision G 1/12, JO OEB 2014, A114, point 10 des motifs). La réponse est importante non seulement pour la présente affaire, mais aussi pour un nombre potentiellement important d'autres affaires relatives à des simulations assistées par ordinateur (voir, par exemple, les décisions mentionnées aux points 38 à 41 ci-dessous, qui ont été rendues par quatre chambres de recours distinctes de l'OEB). Par ailleurs, la présente Chambre envisage à ce stade de s'écarter de l'interprétation et des explications concernant la CBE retenues à ce sujet dans la décision T 1227/05, si bien que l'application uniforme du droit est également en cause. La Chambre relève par ailleurs que les réflexions qui doivent être menées pour trancher cette question de droit contribueront probablement à clarifier la signification de l'article 52(2) et (3) CBE et, plus généralement, l'articulation de ces dispositions avec l'article 56 CBE. Elle estime donc qu'il y a lieu de soumettre ce point de droit à la Grande Chambre de recours sous la forme des questions énoncées ci-après.
Questions à soumettre
20. Avant de formuler ses questions, la Chambre tient à présenter ci-après un bref récapitulatif de sa position.
Lorsqu'une invention comporte des caractéristiques à la fois techniques et non techniques, les caractéristiques non techniques ne doivent être prises en considération aux fins de l'appréciation de l'activité inventive que dans la mesure où elles interagissent avec les caractéristiques techniques pour résoudre un problème technique/produire un effet technique par rapport à l'état de la technique. Dans le cas du procédé mis en uvre par ordinateur selon la revendication 1, il n'apparaît pas de manière évidente que les étapes non techniques de ce procédé interagissent avec les caractéristiques techniques pour produire un effet technique allant au-delà de la simple mise en uvre du procédé sur un ordinateur. La question essentielle est de savoir si, lorsque l'on prend comme point de départ, en tant qu'état de la technique le plus proche, un ordinateur universel connu, la simulation assistée par ordinateur effectuée au moyen du procédé décrit dans la revendication 1 peut en soi être considérée comme un effet technique aux fins de l'appréciation de l'activité inventive.
La Chambre pencherait pour une réponse négative à cette question, et ce pour les motifs exposés au point 11 ci-dessus. Cependant, comme expliqué au point 14 ci-dessus, elle estime que la présente affaire concerne une simulation assistée par ordinateur qui, selon la décision T 1227/05 (et contrairement au point de vue de la présente Chambre), constituerait une caractéristique technique fonctionnelle.
21. Il y a lieu de déterminer en particulier ce que recouvre le terme "simulation". Au sens strict, on entend par simulation une imitation approximative du fonctionnement d'un système ou procédé à partir d'un modèle de ce système ou procédé. Dans le cas d'une simulation assistée par ordinateur, le modèle n'existe qu'à l'intérieur de l'ordinateur et la simulation permet d'évaluer ou de prédire le fonctionnement du système ou du procédé modélisé.
La Chambre fait observer que les réponses ou les motifs que la Grande Chambre de recours est susceptible de fournir pourraient s'appliquer à une catégorie plus large de calculs. Il se peut notamment qu'il n'y ait aucune raison de faire une distinction entre le fait de simuler, à savoir imiter approximativement, le fonctionnement d'un système à partir d'un modèle de ce système, et, par ailleurs, le fait d'utiliser un modèle pour évaluer ou prédire le fonctionnement du système.
Une autre catégorie de calculs à laquelle les réponses ou les motifs fournis par la Grande Chambre de recours pourraient éventuellement s'appliquer découle de la décision "Logikverifikation" de la Cour fédérale de justice allemande, dont il est question au point 46 ci-dessous et qui pourrait être interprétée en ce sens que le procédé revendiqué, qui repose sur des considérations techniques et consiste à vérifier des aspects d'un modèle ou d'un dessin, apporte une contribution technique s'il peut servir d'étape intermédiaire dans le processus de développement et de fabrication d'un produit technique.
étant donné que la simulation assistée par ordinateur selon la présente revendication 1 correspond à une simulation au sens strict, la Chambre limitera ses questions en conséquence.
22. La première question à soumettre à la Grande Chambre de recours s'énonce donc comme suit :
"Aux fins de l'appréciation de l'activité inventive, la simulation assistée par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique peut-elle résoudre un problème technique en produisant un effet technique allant au-delà de la mise en uvre par ordinateur de la simulation, lorsque cette simulation assistée par ordinateur est revendiquée en tant que telle ?"
23. Si la présente Chambre considère à tort qu'un effet technique exige un lien direct avec une réalité physique, la question se pose de savoir ce qui est exigé d'un calcul pour qu'il produise un "effet technique" aux fins de l'appréciation de l'activité inventive en vertu de la CBE. L'exclusion, en vertu de l'article 52(2)c) et (3) CBE, des "programmes d'ordinateur" "considéré[s] en tant que tel[s]" semble signifier que les calculs ne produisent pas tous un effet technique.
Dans le cas d'une simulation assistée par ordinateur, la décision T 1227/05 exige que la simulation porte sur une "classe suffisamment définie d'objets techniques". Selon l'interprétation que la présente Chambre fait de cette décision, l'exigence de "[classe] suffisamment définie" ("hinreichend bestimmt") correspond à une exigence de clarté. En effet, il a été considéré dans cette décision que le simple fait de limiter la revendication à la simulation d'un "système technique" conduisait à une "indication générale" insuffisante, contraire à l'article 84 CBE (point 3.1.1 des motifs).
La présente Chambre estime néanmoins qu'une limitation (claire) à des éléments simulés qui présentent un caractère technique ne suffit pas. La décision T 531/09 en date du 3 mai 2012, par exemple, portait sur la simulation d'un poste de contrôle de sécurité comportant des équipements techniques tels qu'un détecteur de métaux et un dispositif à rayons X. La chambre qui a statué a toutefois estimé que la simulation revendiquée dans cette affaire ne présentait pas de caractère technique au motif que la modélisation dudit détecteur et dudit dispositif ne se distinguait en rien de la modélisation des tâches non techniques au point de contrôle, à savoir en ce qui concernait l'estimation des temps d'attente. Dans plusieurs autres décisions, l'exigence prévue dans la décision T 1227/05, selon laquelle la simulation doit porter sur une "classe suffisamment définie d'objets techniques", semble aussi avoir été interprétée comme impliquant une condition supplémentaire, à savoir une condition de fond sans rapport avec la question de la clarté (voir par exemple la décision T 1806/07 en date du 6 mars 2012, points 3.3 à 3.5 des motifs, et les autres décisions mentionnées aux points 38 et 41 ci-dessous).
S'il est répondu par l'affirmative à la première question, la Chambre tend néanmoins à considérer qu'une simulation assistée par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique ne peut produire d'effet technique que si elle repose sur des principes ou des considérations techniques qui sous-tendent le procédé ou le système simulé. Comme il a été expliqué au point 14 ci-dessus, la Chambre estime que la simulation selon la présente revendication 1 repose bien, au moins en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le procédé simulé. Elle n'est toutefois pas certaine que cette condition suffise ni qu'elle corresponde à l'interprétation de la décision T 1227/05 qui a été retenue dans des décisions ultérieures.
24. La deuxième question soumise est donc la suivante :
"S'il est répondu par l'affirmative à la première question, quels sont les critères pertinents pour déterminer si une simulation assistée par ordinateur, revendiquée en tant que telle, résout un problème technique ? En particulier, suffit-il pour cela que la simulation repose, au moins en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé simulé ?"
25. Une réponse négative à la première question signifierait que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale est dépourvu d'activité inventive par rapport à un ordinateur universel connu. Il en irait de même si la réponse à la deuxième question inclut des critères que la Chambre juge non remplis dans la présente affaire.
Les première, deuxième, troisième et cinquième requêtes subsidiaires seraient alors vouées au même sort que la requête principale, les modifications qu'elles contiennent n'ayant aucune incidence quant au fond sur l'analyse de la Chambre :
- dans la première requête subsidiaire, le terme "environnement" est remplacé par "construction", mais le terme "environnement" s'entend déjà, dans le contexte de la revendication 1 selon la requête principale, au sens d'objet technique (voir le point 14 ci-dessus) ;
- les modifications apportées aux deuxième et cinquième requêtes subsidiaires ne concernent que les étapes de la simulation ;
- la troisième requête subsidiaire comprend une étape explicite consistant à afficher les résultats de la simulation, mais la Chambre est convaincue que la revendication 1 selon la requête principale fournit déjà des informations concernant le mouvement simulé de piétons dans un environnement modélisé (voir point 9, ci-dessus).
26. Dans la quatrième requête subsidiaire, la revendication 1 porte sur un procédé de conception d'une construction (d'un modèle de construction). Ce procédé comprend une étape consistant à fournir un modèle, des étapes consistant à simuler le mouvement des piétons dans la construction à l'aide d'un ordinateur, et une étape consistant à réviser le modèle en fonction du mouvement des piétons. Il est précisé dans la description de la demande que l'étape de révision peut être exécutée par un concepteur humain à l'aide d'un programme de CAO (voir par exemple page 70, lignes 7 à 9, de la publication internationale).
Cette modification limite la simulation assistée par ordinateur qui est revendiquée à son utilisation dans un procédé de conception. Étant donné que selon la décision T 1227/05, le caractère technique des simulations assistées par ordinateur réside essentiellement dans l'importance que celles-ci revêtent pour les processus modernes de développement de produits, la limitation susvisée renforce sans doute la cause du requérant. Nonobstant cette modification, la présente Chambre reste d'avis que la simulation assistée par ordinateur qui est revendiquée ne contribue pas à un effet technique, puisqu'un lien direct avec une réalité physique fait toujours défaut.
27. La Chambre relève à ce stade que la simulation assistée par ordinateur qui est revendiquée aide le concepteur à accomplir ses activités de conception en ce sens que la simulation lui permet de vérifier le comportement du modèle conçu. Cependant, elle ne conduit pas, par un lien de cause à effet, à une amélioration de la conception de l'environnement (ou à une amélioration de l'environnement une fois construit), puisque toutes les modifications apportées au modèle sur la base des résultats de la simulation relèvent toujours de l'activité intellectuelle du concepteur (voir l'affaire T 1875/07 en date du 5 novembre 2008, exposée au point 45 ci-dessous, pour un cas semblable). Dans la présente affaire, la limitation à un procédé de conception semble donc ne faire de différence que si l'on estime que l'activité (intellectuelle) consistant à concevoir un environnement ou une construction constitue un procédé technique.
28. La troisième question à soumettre s'énonce donc comme suit :
"3. Comment faut-il répondre à la première et à la deuxième question lorsque la simulation assistée par ordinateur est revendiquée comme faisant partie d'un procédé de conception, notamment dans un but de vérification d'une conception ?
29. Ces trois questions correspondent en substance aux questions I et II que le requérant a proposées dans sa lettre datée du 25 juin 2018 (voir point VII ci-dessus). Le requérant y avait ajouté la question III, concernant un autre aspect des discussions qui ont eu lieu lors de la procédure orale, à savoir la mesure dans laquelle les caractéristiques d'une revendication qui reposent sur des considérations d'ordre psychologique peuvent apporter une contribution technique dans le présent cas de figure.
La Chambre avait envisagé de soumettre une question à cet effet, afin de pouvoir donner à la division d'examen des repères précis sur la manière de procéder au cas où il serait conclu que la simulation assistée par ordinateur qui est revendiquée apporte une contribution technique par rapport à un ordinateur universel. Elle s'est néanmoins ravisée. S'il est jugé que la simulation assistée par ordinateur apporte une contribution technique, il sera normalement nécessaire de comparer l'invention à des éléments de l'état de la technique autres qu'un ordinateur universel (voir point 18 ci-dessus). Ce sont les résultats de cette comparaison qui détermineront si, en ce qui concerne la contribution technique de caractéristiques reposant sur des considérations d'ordre psychologique, une question d'importance fondamentale se posera, si bien qu'en l'état actuel des choses, toute prévision à ce sujet est impossible.
30. Quelques décisions susceptibles d'être pertinentes au regard des questions soumises sont examinées et, dans certains cas, commentées ci-après par la Chambre.
Exigence d'un lien direct avec une réalité physique
31. Dans son avis G 3/08, la Grande Chambre de recours a jugé irrecevable la question de saisine 3a), soumise en vertu de l'article 112(1)b) CBE, et s'énonçant comme suit : "Une caractéristique revendiquée doit-elle produire un effet technique sur une entité physique dans le monde réel pour contribuer au caractère technique de la revendication ?", au motif qu'il n'existait pas de divergence sur ce point entre, d'une part, les décisions T 163/85 (JO OEB 1990, 379) et T 190/94 en date du 26 octobre 1995 et, d'autre part, les décisions T 125/01 en date du 11 décembre 2002 et T 424/03 en date du 23 février 2006. En particulier, il n'était indiqué ni dans la décision T 163/85 ni dans la décision T 190/94 qu'"un effet technique sur une entité physique dans le monde réel" était une condition nécessaire pour qu'une caractéristique contribue au caractère technique d'une invention (point 12.3 des motifs).
Dans la décision T 163/85, il s'agissait de déterminer si un signal de télévision éphémère pouvait faire l'objet d'une protection par brevet. La décision T 190/94 est d'une plus grande pertinence à cet égard, puisque la chambre ayant statué avait conclu que la différence entre le système revendiqué et celui de l'état de la technique apparaissait dans le monde réel, sous la forme d'un effet technique exercé sur une entité physique au sens de la décision T 208/84 (JO OEB 1987, 14).
32. La décision T 208/84 portait sur une méthode de traitement numérique d'images. Au point 5 des motifs de cette décision, la chambre ayant statué a établi une distinction entre les méthodes mathématiques et les procédés techniques :
"Toutefois, une différence fondamentale entre une méthode mathématique et un procédé technique peut être perçue dans le fait qu'une méthode mathématique ou un algorithme mathématique s'applique à des nombres (quoi que ces nombres puissent représenter) et donne un résultat également sous forme numérique, la méthode mathématique ou l'algorithme n'étant qu'un concept abstrait prescrivant la façon de traiter les nombres. Aucun résultat technique direct n'est produit par la méthode en tant que telle. Par contre, si l'on utilise une méthode mathématique dans un procédé technique, ce procédé s'applique à une entité physique (qui peut être un objet matériel mais également une image mémorisée sous forme de signal électrique) par quelque moyen technique mettant en uvre la méthode et il en résulte une certaine modification de cette entité. Le moyen technique peut aussi consister en un calculateur comportant un matériel ad hoc ou un calculateur universel programmé de manière appropriée."
Cette chambre a donc établi une distinction entre les méthodes qui ne produisent aucun "résultat technique direct" et les procédés techniques appliqués à une entité physique qui entraînent une certaine modification de cette entité. Dans cette affaire, l'entité physique était une image revêtant la forme d'un signal électrique (mémorisé sous forme numérique).
La décision T 208/84 semble donc suggérer qu'un lien direct avec une réalité physique est une condition préalable à un effet technique, et exclure que les simulations constituent des procédés techniques (voir aussi décisions T 365/05 en date du 19 juin 2007, point 5.10 des motifs, T 1147/05 en date du 12 mars 2008, point 3.4 des motifs, T 1029/06 en date du 22 avril 2009, point 9 des motifs, et T 531/09, point 3 des motifs).
33. Au point 13 des motifs de la décision T 1670/07, la chambre ayant statué a résumé comme suit les circonstances dans lesquelles un apport de données peut être considéré comme un effet technique : "un effet technique peut provenir soit de l'apport des données relatives à un procédé technique, indépendamment de la présence d'un utilisateur ou d'un usage ultérieur, soit de l'apport des données (y compris celles qui sont exclues en soi, par exemple les données produites à l'aide d'un algorithme) appliquées directement dans un procédé technique."
Selon la présente Chambre, le terme "procédé technique" cité dans la décision T 1670/07 est censé désigner un procédé technique du "monde réel", qui produit des effets techniques dans le "monde réel", par opposition à un procédé technique virtuel qui ne produit que des informations.
34. Dans la décision T 769/92 (JO OEB 1995, 525), selon la chambre ayant statué, la mise en uvre d'une interface utilisateur se présentant sous la forme d'un "bordereau de transfert" n'était pas un simple acte de programmation, mais nécessitait des considérations techniques de la part du programmeur à un stade précédant le stade de la programmation, et elle apportait donc une contribution technique à l'état de la technique (voir points 3.7 et 3.8 des motifs). Le fait même que ces considérations techniques soient nécessaires "montr[ait] qu'il existe un problème technique à résoudre (au moins implicite) (règle 27 CBE [1973]) et des caractéristiques techniques (au moins implicites) (règle 29 CBE [1973]) permettant de résoudre ce problème technique" (point 3.3 des motifs).
Selon cette décision, il suffit donc que des considérations techniques soient nécessaires à la conception du procédé ou du système mis en uvre par ordinateur pour que les caractéristiques de programmation dudit procédé ou système résolvent un problème technique ou produisent un effet technique "de manière implicite", de sorte qu'un effet technique direct (dans le monde réel) n'est pas indispensable.
La Chambre fait observer que la décision T 769/92 suivait encore l'"approche de la contribution à l'état de la technique" (voir l'avis G 3/08, point 10.6 et 10.7 des motifs, en ce qui concerne cette approche et son abandon) et traitait de la question de savoir si l'objet revendiqué tombait sous le coup des exclusions prévues à l'article 52(2) et (3) CBE. La question peut se poser de savoir si le simple fait que des considérations techniques sont nécessaires (et si le fait que, par voie de conséquence, il existe de manière "implicite" un problème technique indéterminé) suffit également pour conclure que certaines caractéristiques non techniques apportent une contribution technique aux fins de l'appréciation de l'activité inventive. En effet, l'approche problème-solution qui est normalement appliquée par les chambres de recours exige que soit indiquée une solution à un problème technique spécifique.
35. Au point 13.5 des motifs de l'avis G 3/08, la Grande Chambre de recours a reconnu que la décision T 769/92 engendrait au moins un risque de confusion, et elle a fait observer que la décision T 1173/97 (JO OEB 1999, 609) avait énoncé des critères plus stricts concernant les programmes d'ordinateur. Cette décision sous-entendait que, pour que les caractéristiques de la programmation présentent un caractère technique, le programmeur doit s'être livré à des considérations techniques allant au-delà de la "simple" mise au point d'un algorithme informatique pour exécuter une procédure donnée.
Là encore, cela pourrait être interprété comme signifiant qu'il suffit que des considérations techniques (allant au-delà de la "simple" mise au point d'un algorithme informatique pour exécuter une procédure donnée) soient nécessaires à la conception d'un procédé ou d'un système mis en uvre par ordinateur, pour que les caractéristiques de la programmation de ce procédé ou système résolvent un problème technique ou produisent un effet technique "de manière implicite", sans qu'un effet technique direct (dans le monde réel) soit indispensable.
36. Or, ce point de vue ne semble pas avoir été soutenu par l'affaire T 1173/97, qui introduit la notion d'"effet technique supplémentaire" pour établir une distinction entre les programmes d'ordinateur "en tant que tels", qui sont dépourvus de technicité, et les programmes d'ordinateur qui présentent un caractère technique.
Selon la décision T 1173/97, un programme d'ordinateur présente un caractère technique si sa mise en uvre sur un ordinateur produit un effet technique "supplémentaire", allant au-delà des interactions physiques "normales" entre programme et ordinateur (exergue et point 6 des motifs ; voir aussi G 3/08, point 10 des motifs). Bien que ce ne soit "pas le produit "programme d'ordinateur" en tant que tel qui fasse directement apparaître l'effet en question dans sa réalité physique", le programme a "en puissance" la capacité de produire cet effet, à savoir lorsqu'il est mis en uvre sur un ordinateur, et il n'y a aucune raison valable de faire la distinction entre un effet technique direct et la capacité "en puissance" de produire un effet technique (point 9.4 des motifs).
Cette décision semble donc bien exiger qu'un effet technique soit directement lié à une réalité physique, mais reconnaît que, dans le cas particulier d'un (produit) programme d'ordinateur, l'effet doit être pris en considération aux fins de l'appréciation de l'activité inventive même s'il n'est produit que lorsque le programme est mis en uvre par ordinateur.
37. La Chambre a connaissance d'un certain nombre d'autres affaires donnant à penser qu'un effet technique pouvant "en puissance" être produit, c'est-à-dire un effet obtenu seulement en combinaison avec des caractéristiques non revendiquées, peut être pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive. Par exemple, dans la décision T 1351/04 en date du 18 avril 2007, une méthode pour la création d'un fichier d'index a été jugée nouvelle et inventive au motif que le fichier d'index créé pouvait être utilisé dans une méthode nouvelle et inventive de recherche de fichiers (point 8 et 9 des motifs). Par ailleurs, dans l'affaire T 625/11, la chambre ayant statué a conclu que la détermination d'une valeur limite d'un paramètre de fonctionnement d'un réacteur nucléaire à partir d'une simulation contribuait au caractère technique de l'invention, même si l'utilisation de cette valeur limite pour le fonctionnement du réacteur nucléaire n'était pas revendiquée (voir aussi le point 39 ci-dessous).
Comme il a été indiqué au point 7.2.6 des motifs de la décision T 625/11, une approche selon laquelle l'activité inventive peut être fondée sur un effet technique obtenu seulement en combinaison avec des caractéristiques non revendiquées est en contradiction avec le principe selon lequel l'effet doit être produit par pratiquement tous les modes de réalisation couverts par le libellé de la revendication (voir décision T 939/92, JO OEB 1996, 309, points 2.4 à 2.6 des motifs, confirmée par la Grande Chambre de recours dans sa décision G 1/03, JO OEB 2004, 413, point 2.5.2 des motifs).
Décisions concernant des simulations
38. La décision T 1227/05 est citée dans les décisions T 1265/09 en date du 24 janvier 2012, point 1.13 des motifs, T 531/09, point 3 des motifs, et T 1630/11 en date du 13 janvier 2017, point 7.1 des motifs, lesquelles émettent des doutes quant à l'approche selon laquelle, pour qu'un procédé de simulation (mis en uvre par ordinateur) apporte une contribution technique à l'état de la technique, il suffit que les éléments simulés soient de nature technique. La chambre ayant instruit l'affaire T 531/09 a fait observer que selon la décision T 208/84, un procédé technique se distingue d'une méthode mathématique par le fait qu'il est mis en uvre sur une entité physique et qu'il a pour résultat de produire une certaine modification de cette entité. Elle a relevé que la définition des procédés techniques semblait exclure les simulations, lesquelles ont justement pour but de remplacer les entités physiques par des entités virtuelles (voir aussi le point 32 ci-dessus).
Dans ces affaires, il n'a pas été nécessaire de déterminer si la condition formulée dans la décision T 1227/05 était suffisante, puisqu'il a été conclu que les éléments simulés étaient dépourvus de caractère technique (un centre d'appels, un point de contrôle de sécurité, un modèle de déploiement et un modèle fonctionnel d'un système multiprocesseur).
39. L'affaire T 625/11 portait sur un procédé mis en uvre par ordinateur permettant de déterminer une valeur limite d'un paramètre de fonctionnement d'un réacteur nucléaire à partir d'une simulation du réacteur. La principale question à trancher par la chambre était de savoir s'il y avait lieu de reconnaître un effet technique lié à l'utilisation de la valeur limite pour le fonctionnement effectif du réacteur nucléaire simulé, alors même que la revendication n'était pas limitée à une telle utilisation. La chambre a fait observer que le procédé revendiqué pourrait être utilisé afin d'établir qu'un réacteur donné remplit bien les prescriptions légales en vigueur requises pour son exploitation, auquel cas il aurait une finalité exclusivement administrative, et elle a aussi exprimé la crainte qu'un programmeur mettant en uvre le procédé dans un but pédagogique, sans réellement produire l'effet technique, enfreindrait la revendication (point 8.1 des motifs). La chambre a néanmoins repris à son compte l'analyse développée dans la décision T 1227/05 et a conclu que la détermination de la valeur limite conférait un caractère technique à la revendication (point 8.4 des motifs).
40. La décision T 1842/10 du 30 avril 2014 portait sur un procédé mis en uvre par ordinateur destiné à modéliser le comportement d'un volume d'acier ayant une surface volumétrique pendant un processus de refroidissement, ce procédé comprenant une étape de commande d'un "dispositif de contrôle" permettant d'influencer le volume d'acier conformément à la grandeur d'influence déterminée. La chambre ayant statué a estimé que l'étape de commande conférait un caractère technique au procédé revendiqué, étant donné qu'il résultait de cette caractéristique que le procédé revendiqué concernait non pas un procédé de modélisation ayant pour seul but d'acquérir des connaissances, mais un procédé de commande d'un dispositif destiné à influencer un volume d'acier (point 4.3 des motifs). Il restait toutefois à déterminer quelles caractéristiques des revendications contribuaient au caractère technique du procédé (point 4.4 des motifs). Après avoir effectué une comparaison entre le procédé revendiqué et l'état de la technique le plus proche, la chambre a conclu que les caractéristiques distinctives, qui se rapportaient toutes à la modélisation, présentaient un caractère technique, puisqu'elles amélioraient le procédé de modélisation et permettaient ce faisant de mieux maîtriser le dispositif de contrôle (utilisé dans le cadre d'un processus de refroidissement dans le monde réel) (points 5.2 à 5.4 des motifs).
41. Dans la décision T 988/12 en date du 17 juillet 2018, la chambre ayant statué a rappelé qu'une simulation assistée par ordinateur consiste essentiellement à utiliser un modèle qui est exécuté sur un ordinateur afin d'évaluer ou de prédire le fonctionnement d'un système, et elle a affirmé qu'il est "difficile de voir quel effet technique un tel procédé peut avoir", étant donné que le procédé de simulation ne produit aucun effet technique sur le système simulé (point 2.3 des motifs). Un effet est sans conteste produit sur l'ordinateur mettant en uvre la simulation, mais il ne va pas au-delà des effets normalement produits par l'exécution d'un logiciel sur un ordinateur. La chambre s'est néanmoins penchée sur la question de l'applicabilité de la décision T 1227/05, mais elle a conclu que le système simulé qui était revendiqué dans cette affaire (un "service à large bande 4G destiné à être déployé") ne constituait pas un "système technique suffisamment défini" (points 2.7 et 2.8 des motifs).
Décisions relatives à des procédés de conception
42. La décision T 453/91 a déjà été examinée ci-dessus en rapport avec la décision T 1227/05. Dans cette affaire, la chambre a approuvé le rejet, par la division d'examen, des revendications portant sur des procédés de conception, au motif que ces procédés pouvaient être interprétés en ce sens qu'ils ne fournissaient qu'un simple modèle et que les étapes individuelles de la conception n'apportaient aucune contribution à l'état de la technique dans des domaines autres que des domaines exclus, comme ceux relevant d'activités intellectuelles et de l'exécution, par des programmes d'ordinateurs, des étapes découlant d'une activité intellectuelle (voir point 5.2 des motifs).
43. Dans la décision T 471/05 en date du 6 février 2007, la revendication de procédé en cause portait sur la conception d'un système optique dans lequel une condition algébrique particulière était remplie par tous les rayons de lumière dont une image était formée entre deux points prédéterminés sur l'axe optique du système. Étant donné que la revendication se bornait à formuler une série de concepts mathématiques et optiques abstraits, sans exiger de mise en uvre physique et technique, elle englobait des mises en uvre purement abstraites et conceptuelles, notamment des méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles en tant que telles, lesquelles sont exclues de la protection par brevet en vertu de l'article 52(1), (2) et (3) CBE 1973 (points 2.1 et 2.2 des motifs). Cela restait valable même si le procédé revendiqué impliquait des considérations techniques conceptuelles ayant trait aux systèmes optiques (point 2.2 des motifs). Cependant, l'ajout de la caractéristique "en utilisant un programme de conception optique" a non seulement permis à l'objet revendiqué d'échapper aux exclusions (point 4.1 des motifs), mais a aussi suffi pour le rendre à la fois nouveau et inventif (points 4.2 et 4.3 des motifs). Comme il ressort du point 4.3 des motifs, la chambre a considéré que les caractéristiques décrivant le processus de conception contribuaient au caractère technique de l'invention.
Cette décision n'indique pas explicitement pourquoi il a été considéré que les aspects du procédé revendiqué liés à la conception apportaient une contribution technique après l'ajout de la caractéristique "en utilisant un programme de conception optique". Cela peut vraisemblablement être attribué au fait que le procédé impliquait des considérations techniques relatives aux systèmes optiques et, éventuellement, au fait que le système optique conçu présentait des propriétés optiques particulières résultant de ces considérations.
Une approche similaire semble avoir été suivie dans la décision T 914/02 en date du 12 juillet 2005, où il est question d'un procédé de conception d'un agencement de chargement du cur d'un réacteur nucléaire. La chambre a considéré que le résultat de ce procédé était un "schéma abstrait, purement intellectuel, déterminant comment des faisceaux de combustible pouvaient être agencés dans le cur d'un réacteur nucléaire du monde réel, et non le chargement concret, physique du cur d'un réacteur". Ce procédé reposait sans conteste sur des considérations techniques, mais il pouvait être exécuté de manière exclusivement intellectuelle et a donc été considéré comme dépourvu de technicité. L'affaire a été renvoyée à l'instance du premier degré afin qu'elle poursuive la procédure sur la base d'une version modifiée de la revendication comportant la caractéristique "à l'aide d'un ordinateur programmé de la manière appropriée". (La présente Chambre relève toutefois que la décision T 914/02 ne précise pas que cette version modifiée de la revendication a été considérée comme apportant une contribution technique allant au-delà de la simple mise en uvre du procédé de conception sur un ordinateur.)
La décision T 887/07 en date du 23 avril 2009 constitue le troisième exemple allant dans ce sens. La revendication en cause portait sur un "système d'optimisation de conception composite, fondé sur la connaissance, utilisé pour concevoir une pièce laminée", qui générait une "définition de plis tridimensionnelle" pour la pièce laminée. La chambre a fait observer que l'article 52(2) CBE exclut de la brevetabilité les méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, mais que cette exclusion ne s'étendait pas au système revendiqué, qui représentait un moyen technique de mettre en uvre un procédé d'optimisation d'une conception. Le système revendiqué a été jugé à la fois nouveau et inventif, et ce essentiellement sur la base des caractéristiques de ce procédé d'optimisation de la conception (qui n'était pas revendiqué en soi).
44. La revendication indépendante dans l'affaire T 1567/05 en date du 30 avril 2008 avait pour objet un "dispositif d'affichage de la résistance" comprenant les moyens de construire et d'afficher une projection en deux dimensions d'un modèle virtuel en trois dimensions des éléments assemblés d'une construction, ainsi que les moyens de calculer et d'afficher les valeurs de contrainte pour chacun de ces éléments dans plusieurs conditions de charge différentes. Dans l'état de la technique le plus proche, les valeurs de contrainte étaient certes calculées, mais il n'était pas tenu compte à cet égard de conditions de charge différentes et lesdites valeurs n'étaient pas non plus affichées (point 3.2 des motifs). La chambre ayant statué a estimé que l'affichage des informations revendiqué constituait une présentation d'informations non technique car, même si les valeurs de contrainte avaient trait à un phénomène technique, elles représentaient de simples informations qui ne s'adressent qu'à l'esprit humain (point 3.5 des motifs). Les valeurs de contrainte affichées ne permettaient pas la "visualisation d'informations sur l'état d'un appareil ou d'un système ", telle que jugée brevetable dans la décision T 115/85 (JO OEB 1990, 30), puisqu'elles portaient sur une construction en cours de conception (point 3.7 des motifs).
45. L'invention en cause dans l'affaire T 1875/07 concernait un procédé mis en uvre par ordinateur pour prédire le trafic d'un réseau à partir de données sur l'historique du trafic. Les résultats de la prédiction pouvaient éventuellement servir à adapter des ressources en matériel. Le requérant avait demandé que la question suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours : "La production de données afférentes à un système technique et caractérisant un tel système peut-elle présenter un caractère technique si elle implique des considérations techniques liées à la structure du système technique ?" (point 7.1 des motifs).
La chambre ayant statué a estimé que même la réponse la plus favorable à cette question ne pouvait pas jouer en faveur du requérant, puisque son invention n'impliquait aucune considération technique liée à la structure d'un système technique (point 7.2 des motifs). La chambre a également souligné qu'une partie des considérations inhérentes au procédé revendiqué exigeaient effectivement une certaine connaissance de la structure d'une base de données, mais pas forcément de ses aspects techniques (point 3.3 des motifs). L'effet allégué, à savoir la possibilité d'adapter les ressources en matériel sur la base des prédictions relatives au trafic, ne présentait pas de caractère technique, puisque toute refonte du matériel résulterait d'un effort intellectuel fourni par un être humain procédant à l'analyse des résultats des prédictions (point 3.4 des motifs). Étant donné que c'étaient, tout au plus, des aspects évidents de la mise en uvre des caractéristiques revendiquées qui contribuaient au caractère technique de l'invention, l'objet revendiqué était dépourvu d'activité inventive (point 3.6 des motifs).
46. Dans sa décision X ZB 11/98 en date du 13 décembre 1999 (GRUR 2000, 498) Logikverifikation (publiée en anglais dans la revue IIC 2002, 231), la Cour fédérale de justice allemande s'est penchée sur un procédé destiné à vérifier si un schéma logique hiérarchique d'un circuit à haute intégration était correctement transposé dans un schéma de configuration physique. Elle a fait observer que le procédé revendiqué concernait une étape intermédiaire du processus de développement et de fabrication de puces de silicium et, en raison de cette finalité, qu'il faisait partie d'une technologie actuelle. La solution proposée reposait certes sur un concept intellectuel, mais la mise en pratique de ce concept avait requis des considérations techniques liées aux circuits intégrés. L'objet revendiqué était donc de nature technique. La Cour a fait observer que la production de puces de silicium n'est plus dominée par des procédés de fabrication qui nécessitent l'utilisation directe des forces contrôlables de la nature, le développement et la vérification de la conception de puces au cours de la phase préalable à la fabrication étant en effet désormais menés à bien à l'aide d'ordinateurs programmés de la manière appropriée. Les activités de développement exercées par les experts compétents ont donc évolué, mais relèvent toujours d'un domaine technique et continuent, par la force des choses, à faire intervenir des considérations techniques. La protection par brevet ne saurait être refusée au simple motif qu'une solution proposée renonce à l'utilisation directe des forces contrôlables de la nature et tente en revanche d'améliorer la production de blocs de composants techniques au moyen de connaissances techniques.
Cette décision marque un tournant dans l'approche de la Cour fédérale de justice allemande en ce qui concerne le traitement des inventions mises en uvre par ordinateur. Elle a été critiquée pour avoir étendu la protection par brevet à des activités de recherche et de développement (voir par exemple G. Schölch, "Patentschutz für computergestützte Entwurfsmethoden ein Kulturbruch?", GRUR 2006, 969).
47. Dans l'affaire Halliburton c. Smith International [2005] EWHC 1623 (Pat), la Haute Cour d'Angleterre et du Pays de Galle a statué sur la validité de deux brevets européens, qui portaient l'un comme l'autre sur des procédés de conception de trépans à l'aide d'une simulation (voir points 3 et 16 du jugement). Selon la Haute Cour, les revendications en cause, qui n'étaient "pas limitées à un programme d'ordinateur dans leur libellé, mais l'étaient certainement dans la réalité", se rapportaient exclusivement au contenu intellectuel d'un processus de conception ainsi qu'aux critères sur lesquels se fondaient les décisions aboutissant à une conception donnée, et elles tombaient par conséquent manifestement sous le coup de l'exclusion des plans dans l'exercice d'activités intellectuelles, à moins de faire l'objet d'"une modification du type décrit dans l'affaire T 0453/91", en l'occurrence par l'ajout d'une étape consistant à produire le trépan conçu (voir les points 207 à 218 et 290).
L'un de ces brevets a également fait l'objet de la décision T 1820/06 en date du 12 mai 2009. La chambre a estimé que le procédé revendiqué de conception d'un trépan à cônes (qui ne comprenait pas d'étape de fabrication du trépan conçu, ni ne mentionnait l'utilisation d'un ordinateur) n'était pas exclu en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE, étant donné qu'il produisait "un effet technique en ceci qu'il optimisait l'ajustement de l'orientation d'au moins une dent sur un cône d'un trépan à cônes" (point 4 des motifs).
48. Dans l'affaire Halliburton c. Comptroller-General of Patents [2011] EWHC 2508 (Pat), la Haute Cour d'Angleterre et du Pays de Galle s'est penchée sur un procédé comparable de conception d'un trépan à l'aide d'une simulation, procédé qui ne comprenait pas non plus d'étape de fabrication du trépan conçu (voir points 16 à 18 du jugement). La Haute Cour a interprété la revendication comme étant limitée à un procédé de simulation mis en uvre sur un ordinateur, si bien que le procédé ne tombait pas sous le coup de l'exclusion des activités intellectuelles (points 65 et 70). De plus, l'invention, qui consistait en un procédé de conception d'un trépan, ne constituait pas un programme d'ordinateur en tant que tel et ne tombait pas non plus sous le coup des autres exclusions (points 71 et 72). Selon la Haute Cour, étant donné que la conception de trépans est un processus hautement technique susceptible d'application industrielle, que les concepteurs de trépans sont des ingénieurs hautement qualifiés et que les problèmes à résoudre en matière d'usure et de capacité à couper la roche sont des problèmes techniques qui appellent des solutions techniques, le fait de trouver un meilleur moyen de concevoir des trépans constitue généralement en soi un problème technique (point 74).
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :
1. Aux fins de l'appréciation de l'activité inventive, la simulation assistée par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique peut-elle résoudre un problème technique en produisant un effet technique allant au-delà de la mise en uvre par ordinateur de la simulation, lorsque cette simulation assistée par ordinateur est revendiquée en tant que telle ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la première question, quels sont les critères pertinents pour déterminer si une simulation assistée par ordinateur, revendiquée en tant que telle, résout un problème technique ? En particulier, suffit-il pour cela que la simulation repose, au moins en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé simulé ?
3. Comment faut-il répondre à la première et à la deuxième question lorsque la simulation assistée par ordinateur est revendiquée comme faisant partie d'un procédé de conception, notamment dans un but de vérification d'une conception ?