T 0079/89 (Caractère final d'une décision rendue) 09-07-1990
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1. Si une chambre de recours a rendu une décision rejetant comme non admissible un élément revendiqué donné et renvoyé la demande à la première instance pour poursuite de la procédure sur la base d'une requête subsidiaire, l'article 111 CBE a pour effet sur le plan juridique d'interdire que l'examen de l'admissibilité dudit élément soit repris par la suite, que ce soit par la division d'examen lorsqu'elle poursuivra l'examen de la demande, ou par la chambre de recours à l'occasion d'une procédure de recours qui pourrait être engagée ultérieurement.
2. Après avoir statué sur certaines questions, une chambre de recours ne peut en vertu de l'article 112(1)a) CBE soumettre à la Grande Chambre de recours, au cours de la même procédure, une question de droit qui s'est posée en relation avec les questions qu'elle a déjà tranchées, même s'il lui reste encore dans cette même affaire à se prononcer sur d'autres questions.
Rejet lors de la procédure de recours d'un élément revendiqué
Renvoi à la division d'examen pour poursuite de la procédure sur la base de la requête subsidiaire
Désaccord sur le texte notifié en application de la règle 51(4) CBE et requête en vue d'obtenir la poursuite de l'examen relatif à l'élément rejeté
Rejet de la requête en saisine de la Grande Chambre de recours
I. La demande de brevet européen en cause a été rejetée par décision de la division d'examen en date du 4 janvier 1985, au motif que les revendications modifiées qui avaient été proposées étaient contraires à l'article 123(2) CBE ; cette modification avait été apportée en réponse à une objection que la division d'examen avait soulevée à l'encontre de la revendication 1 telle que déposée initialement, au motif que celle-ci ne se fondait pas sur la description ("ne renferme pas toutes les caractéristiques nécessaires à l'obtention des résultats désirés"). Dans sa décision, la division d'examen déclarait n'avoir examiné ni la nouveauté ni l'activité inventive (bien qu'elle ait reconnu dans une notification antérieure que l'objet de la revendication 1 telle que déposée initialement semblait être nouveau et impliquer une activité inventive).
La procédure de recours engagée alors contre la décision précitée a abouti à la décision T 133/85 en date du 25 août 1987 (JO OEB 1988, 441). Il ressort de cette décision que la requérante a formulé, pendant la procédure orale devant la chambre de recours, une requête principale et une requête subsidiaire. La revendication selon la requête principale n'a pas été admise, car il a été jugé qu'elle était contraire à l'article 84 CBE, pour la même raison que celle que la division d'examen avait invoquée lorsqu'elle avait formulé l'objection susmentionnée à l'encontre du texte initial des revendications. En revanche, la revendication selon la requête subsidiaire a été jugée admissible, et il est par conséquent déclaré dans le dispositif de la décision : "L'affaire est renvoyée devant la première instance pour poursuite de l'examen de la demande sur la base de la revendication 1 du jeu de revendications B présenté à titre de requête subsidiaire".
II. Dans sa décision du 28 juillet 1988 par laquelle elle rejetait la demande, la division d'examen rappelait la procédure qui s'était déroulée alors devant elle : le 10 février 1988 la division d'examen avait notifié à la requérante, en application de la règle 51(4) CBE, le texte dans lequel elle envisageait de délivrer le brevet (comprenant la revendication 1 selon la requête subsidiaire présentée à la Chambre). Par une lettre en date du 19 février 1988 adressée aux Chambres, la requérante avait répondu qu'à son avis, sa demande telle que déposée initialement avait été rejetée à tort, et avait demandé que les revendications telles que déposées initialement soient réexaminées par la Chambre : à titre subsidiaire, elle avait demandé la saisine de la Grande Chambre de recours, vu l'importance fondamentale des questions de droit qui étaient soulevées, comme elle l'expliquait à la deuxième page de sa lettre.
D'après la requérante, il s'agissait entre autres des questions suivantes :
"(i) Lorsqu'une demande telle que déposée initialement comporte des revendications générales indépendantes qui sont de toute évidence assez larges pour couvrir deux formes sous lesquelles se présente la même invention, l'OEB peut-il, en vertu de l'article 84 CBE, exiger que la portée de toutes les revendications soit réduite à celle des seules revendications initiales dépendantes portant sur une seule de ces deux formes, en se fondant uniquement sur certains passages de la description concernant cette forme dépendante, bien que la description initiale comprenne également des exposés généraux de l'invention et de ses caractéristiques ?
(ii) Eu égard à l'article 113 CBE, la décision de la Chambre concernant le recours peut-elle être annulée si la Chambre a spontanément fait valoir pour la première fois un motif nouveau de rejet dans sa décision ?"
La requérante exposait également en détail ses arguments à ce propos.
Par lettre en date du 9 mars 1988, la requérante a marqué son désaccord à l'égard du texte qui lui avait été notifié en application de la règle 51(4), et demandé que l'examen de la demande soit repris sur la base de la description et des revendications déposées initialement, mais modifiées soit par l'adjonction de nouvelles revendications, produites dans une Annexe (i), soit par le remplacement des revendications initiales 1 et 10 par ces revendications annexées.
Les motifs de la décision de la division d'examen peuvent être cités in extenso car ils sont brefs.
1. La demanderesse a exprimé son désaccord à l'égard du texte qui lui a été notifié en vertu de la règle 51(4), lequel correspond au texte sur la base duquel la Chambre avait ordonné à la division d'examen d'achever l'examen de la demande.
2. Il est clair que la requête présentée par la demanderesse en vue d'obtenir la reprise de l'examen sur la base des nouvelles revendications qui avaient été déposées, dont notamment une revendication indépendante portant sur un dispositif, va au-delà de ce qu'avait ordonné la Chambre. Cette requête constitue dès lors une tentative de remettre en question l'issue d'une procédure qui s'était déroulée devant la Chambre. N'ayant pas été chargée à ce stade de la procédure d'examiner d'autres revendications, la division d'examen a refusé d'accepter les revendications modifiées produites dans la lettre datée du 9 mars.
3. Le texte notifié par la division d'examen n'ayant pas obtenu l'accord de la demanderesse, comme l'exige l'article 97(2)a) CBE, la division d'examen ne peut que rejeter la demande.
III. La requérante a formé un recours le 20 août 1988 et a dûment acquitté la taxe correspondante. Dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 30 novembre 1988, la requérante a demandé à nouveau la délivrance pour cette demande d'un brevet sur la base du texte déposé initialement, de préférence avec le texte modifié des revendications et de la description figurant respectivement dans les Annexes 1 et 2. Selon elle, la décision de la Chambre en date du 25 août 1987 avait été rendue à tort, car elle n'était pas conforme aux Directives et se fondait sur une interprétation erronée de la description déposée initialement (notamment de la partie de la description où il était fait référence à un brevet US). La décision de la division d'examen en date du 28 juillet 1988 avait elle aussi été rendue à tort, car les revendications faisant l'objet de la requête actuelle étaient différentes de celles qui avaient été soumises à la Chambre, et elles avaient été produites en réponse à de nouvelles questions soulevées pour la première fois par la Chambre dans sa décision, si bien que la requérante n'avait par conséquent pas eu l'occasion de riposter.
Selon la requérante, si une telle situation se présentait devant l'Office des brevets des Etats-Unis, le réexamen de l'affaire pourrait être obtenu de plein droit. Par analogie, ce principe était également applicable à l'OEB. Une chambre de recours a pour mission propre de connaître des recours, c'est-à-dire de faire office d'instance de recours réexaminant les décisions prises en première instance par un examinateur, ce qui permet à la partie concernée de pouvoir répondre et de recevoir un avis de la part d'une seconde instance. Si une chambre de recours exerce les fonctions dévolues à un examinateur de première instance, les principes fondamentaux du droit exigent que l'on accorde au requérant la possibilité de répondre (en proposant notamment des modifications) et que l'affaire puisse être réexaminée par une instance de recours indépendante.
Les lettres antérieures de la requérante datées du 19 février et du 9 mars 1988 étaient jointes au mémoire exposant les motifs du recours, dont elles faisaient partie intégrante.
Dans une lettre en date du 27 juillet 1989, la requérante citait à l'appui des arguments exposés dans sa lettre du 19 février 1988 la décision T 6/84 en date du 21 février 1985 et la décision T 292/85 (JO OEB 1989, 275).
IV. Le 22 mars 1990, il a été adressé à la requérante, au nom de la Chambre, une notification dans laquelle, après un bref rappel des principaux faits pertinents, il était déclaré que le recours, de l'avis de la Chambre, soulevait trois questions, à savoir :
(1) Dans un cas comme celui dont il est question ici (cas dans lequel une chambre de recours a examiné le recours relatif à la délivrance d'un brevet et renvoyé l'affaire à la division d'examen pour poursuite de l'examen de la demande sur la base du texte faisant l'objet d'une "requête" particulière formulée par la demanderesse), la division d'examen a-t-elle un pouvoir d'appréciation lui permettant de reprendre l'examen sur la base des nouvelles revendications produites ?
(2) Dans l'affirmative, la division d'examen a-t-elle exercé correctement ce pouvoir d'appréciation eu égard aux circonstances de l'espèce ?
(3) La présente affaire pose-t-elle une question de droit d'importance fondamentale nécessitant la saisine de la Grande Chambre de recours ?
Un avis préliminaire était émis à propos de chacune de ces questions.
V. Dans ses observations en date du 28 juin 1990, la requérante a fait valoir à propos de la question (3) reproduite ci-dessus qu'il convenait effectivement de soumettre à la Grande Chambre de recours des questions de droit d'une importance fondamentale, à savoir :
"Application de l'article 112(1)a) CBE :
(i) Il se pose en l'occurrence une question de droit d'importance fondamentale : la Chambre peut-elle soulever spontanément une question et la trancher sans que le demandeur ait l'occasion d'y répondre ? Nous estimons que l'article 113(1) CBE le lui interdit.
(ii) L'application du droit n'est pas la même dans la présente décision de la Chambre et dans les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets.
Application de l'article 112(1)b) CBE :
(iii) Il n'y a pas application uniforme du droit, du fait que la Chambre statuant dans la présente espèce et d'autres chambres de recours ont rendu des décisions différentes sur la même question de droit. Nous demandons par conséquent que le Président de l'OEB soumette cette question à la Grande Chambre de recours."
En ce qui concernait (i), la question soulevée "spontanément" par la Chambre portait sur l'interprétation d'un passage de la description déposée initialement dans lequel il était fait référence à un brevet US antérieur.
En ce qui concernait (ii), la requérante renvoyait à sa lettre du 19 février 1988.
Pour ce qui était de (iii), elle se référait aux décisions citées ci-dessus au point III.
A propos de l'article 112(1)a) CBE, la requérante affirmait qu'une chambre de recours peut soumettre "en cours d'instance" des questions de droit à la Grande Chambre de recours, et faisait valoir que dans la présente espèce, l'instance était toujours en cours puisqu'il n'avait toujours pas été satisfait à la règle 51(4) CBE qui exige que le demandeur donne son accord sur le texte envisagé pour la délivrance du brevet.
Quant à l'article 112(1)b) CBE, il ne comportait selon elle aucune restriction en ce qui concerne la date à laquelle le Président peut soumettre une question à la Grande Chambre de recours.
La requérante rappelait qu'elle avait formulé pour la première fois ces requêtes en saisine de la Grande Chambre de recours dans sa lettre du 19 février 1988, laquelle était restée sans réponse.
VI. En outre, la requérante demandait à titre subsidiaire la délivrance du brevet sur la base du texte notifié conformément à la règle 51(4).
Au cours de la procédure orale qui s'est déroulée le 9 juillet 1990, la requérante a maintenu ses conclusions précédentes et confirmé qu'elle demandait à titre principal la délivrance d'un brevet sur la base du texte déposé initialement, mais modifié conformément au texte figurant dans les Annexes 1 et 2 de sa lettre du 9 mars 1988, et que sa requête subsidiaire était celle qu'il avait formulée dans à sa lettre datée du 28 juin 1990 (cf. point V ci-dessus).
La Chambre ayant expliqué que même si le Président saisissait la Grande Chambre de recours en vertu de l'article 112(1)b) CBE, cela n'affecterait en rien la décision que la Chambre rend présentement au sujet de la demande de brevet en cause, la requérante a retiré sa requête visant à saisir la Grande Chambre de recours de la question (iii) énoncée au point V ci-dessus, mais a confirmé maintenir sa requête visant à saisir la Grande Chambre des questions (i) et (ii).
Au terme de la procédure orale, la Chambre a annoncé sa décision de rejeter la requête principale ainsi que la requête visant à saisir la Grande Chambre de recours des questions (i) et (ii). L'affaire était renvoyée à la division d'examen, à charge pour celle-ci de délivrer le brevet sur la base du texte proposé dans la requête subsidiaire.
1. Le recours est recevable.
2. Procédure antérieure devant la Chambre
2.1. Pendant la procédure d'examen d'une demande de brevet européen par la division d'examen, le demandeur peut, après qu'il a reçu la première notification de l'examinateur, y répondre en modifiant une seule fois la description, les revendications et les dessins : toutes autres modifications ultérieures sont subordonnées à l'autorisation de la division d'examen (règle 86(3) CBE). Le demandeur est invité, s'il y a lieu et si cela est nécessaire eu égard aux circonstances de l'espèce, à déposer des modifications (article 96(2) et règle 51(2) CBE). Il en va de même dans le cas de la procédure de recours devant une chambre de recours (article 110(2) et règle 66(1) CBE).
Une requête subsidiaire n'est autre qu'une requête en modification à laquelle s'appliquent les dispositions précitées. Ainsi qu'il a été constaté dans la décision T 153/85 (JO OEB 1988, 1), "une requête présentée à titre subsidiaire est une demande de modifications qui ne joue que s'il n'est pas fait droit à la requête principale (.. ou aux requêtes subsidiaires qui précèdent ...)".
Dans la présente affaire, la requérante n'a formulé, au cours de la procédure devant la division d'examen, qu'une seule requête, à savoir la requête en délivrance d'un brevet comportant des revendications modifiées. Les revendications telles que déposées initialement ont été modifiées en réponse à une objection qui avait été soulevée, si bien qu'en définitive la division d'examen n'a pas reçu de requête en délivrance du brevet sur la base du texte déposé initialement.
Pendant la procédure devant la Chambre qui a abouti à la décision T 133/85, la requérante avait, dans un premier temps, contesté la décision prise par la division d'examen au sujet des revendications qui lui étaient soumises, et présenté une requête subsidiaire portant sur des revendications modifiées que la division d'examen avait accueillies favorablement. Par la suite, lors de la procédure orale devant la Chambre, la requérante avait retiré sa requête concernant les revendications dont le texte avait été rejeté par la division d'examen, et produit à titre de requête principale (tout en maintenant sa requête subsidiaire) un jeu de revendications dont l'objet correspondait à celui des revendications déposées initialement.
En vertu de l'article 113(2) CBE, la Chambre ne pouvait examiner et prendre de décision sur la demande de brevet que dans le texte faisant l'objet de la requête principale ou de la requête subsidiaire.
2.2. Pour ce qui est de la requête principale, la requérante a déclaré que la Chambre agissait comme un examinateur de première instance et que, par conséquent, la requérante devait avoir la possibilité de s'adresser à une autre instance de recours indépendante et de présenter de nouvelles modifications.
La Chambre ne peut accepter ces arguments ; en effet :
(a) L'article 111(1) CBE prévoit que, lorsqu'elle examine un recours, la chambre de recours, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, "peut, soit exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée (en l'occurrence, la division d'examen), soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner". Par conséquent, même lorsqu'une chambre de recours reçoit une requête qui ne correspond à aucune requête présentée à la première instance et tranchée par celle-ci, elle peut se prononcer sur cette requête comme si elle était la première et seule instance, sans qu'il y ait aucune possibilité de recourir par la suite à une autre instance de recours.
A cet égard, les arguments de la requérante concernant la pratique observée aux Etats-Unis dans les procédures comparables ne sont pas pertinents. La procédure devant l'OEB est régie par les dispositions de la CBE.
Comme il est indiqué ci-dessus, dans la présente espèce, au cours de la procédure antérieure, la Chambre a exercé son pouvoir d'appréciation en rejetant la requête principale, décision relevant de la compétence de la division d'examen. Il semblerait qu'elle ait exercé à bon droit ce pouvoir d'appréciation prévu par l'article 111(1) CBE, vu que la requête principale qui lui avait été présentée a été rejetée pour les mêmes motifs que ceux qu'avait fait valoir la division d'examen lorsqu'elle avait formulé des objections à l'encontre du texte des revendications déposées initialement.
b) Le fait qu'une chambre de recours rejette une requête en exerçant les compétences dévolues à une division d'examen ne donne pas au demandeur le droit de formuler de nouvelles requêtes. La décision d'accorder ou non au demandeur la possibilité de proposer d'autres modifications par le biais de nouvelles requêtes est prise dans le cadre du pouvoir d'appréciation prévu par la règle 86(3) CBE.
2.3. La requérante a par ailleurs fait valoir que le rejet par la Chambre de sa requête principale était contraire à l'article 113(1) CBE, parce qu'elle n'avait pas eu la possibilité de prendre position au sujet de l'interprétation donnée par la Chambre d'un passage de la description de la demande telle que déposée dans lequel il était fait référence au brevet US Adamek, interprétation sur laquelle se fonde le rejet de la requête principale.
La Chambre rejette cet argument au motif que :
a) La référence au brevet US Adamek qui figure dans la description n'était qu'un des nombreux passages dont la Chambre s'était servie dans sa décision antérieure pour montrer que la description de l'invention déposée initialement avait une portée limitée - cf. page 7 de ladite décision.
b) La portée limitée de la description telle que déposée initialement était l'argument qu'avait invoqué la division d'examen lorsqu'elle avait formulé une objection à l'encontre du texte initial des revendications - cf. la notification en date du 8 juillet 1982.
c) Pendant la procédure orale devant la Chambre, lorsque la requérante a présenté une nouvelle requête principale en remplacement de sa requête principale antérieure, elle a eu amplement l'occasion de prendre position sur l'interprétation de la description telle que déposée initialement.
3. Effets juridiques de la décision antérieure de la Chambre de recours
Dans la présente espèce, la Chambre a rejeté la requête principale de la requérante et renvoyé l'affaire à la première instance pour poursuite de l'examen de la demande sur la base de la requête subsidiaire. L'article 111(2) CBE est dès lors applicable : la première instance "est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours, pour autant que les faits de la cause soient les mêmes".
Dans les motifs et le dispositif de sa décision antérieure, la Chambre avait estimé que l'objet de la requête principale n'était pas admissible, mais qu'un brevet selon la requête subsidiaire pourrait être délivré sous réserve de la conclusion à laquelle parviendrait la division d'examen au sujet de la brevetabilité.
Par conséquent, la Chambre est d'avis que, vu la décision rendue antérieurement par la Chambre, il ne fait aucun doute que la division d'examen n'était pas en droit de reprendre l'examen sur la base des revendications soumises par la requérante (dont l'objet correspondait à l'objet de la requête principale qui avait été rejetée). Ayant examiné la brevetabilité de l'objet de la requête subsidiaire et constaté qu'il n'appelait aucune objection, la division d'examen était tenue de notifier en application de la règle 51(4) CBE un texte se fondant sur celui qui avait été proposé dans la requête subsidiaire (ce qu'elle a fait par sa notification datée du 10 février 1988).
En outre, ce texte n'ayant pas été approuvé, la Chambre estime que la division d'examen ne pouvait que rejeter la demande pour les motifs que cette division énonçait dans sa décision en date du 28 juillet 1988 (cf. point II ci-dessus).
La division d'examen n'étant pas en droit de reprendre l'examen des revendications soumises par la requérante, il s'ensuit en bonne logique que la Chambre n'est pas en droit elle non plus de reprendre l'examen de ces revendications dans le cadre du présent recours, car elle ne peut exercer que les compétences de la division d'examen (article 111(1) CBE). Par conséquent, la requête principale de la requérante doit être rejetée.
4. Saisine de la Grande Chambre de recours
4.1. C'est dans sa lettre du 19 février 1988, c'est-à-dire après la décision antérieure de la Chambre, en date du 25 août 1987 (T 133/85), que la requérante a pour la première fois demandé que certaines questions soient soumises à la Grande Chambre de recours. La forme des requêtes a été définitivement établie le 9 juillet 1990, pendant la procédure orale.
La décision antérieure était une décision finale par laquelle il était statué le 25 août 1987 sur les questions soumises : la requête principale était rejetée et la requête subsidiaire admise, la brevetabilité devant toutefois être réexaminée par la division d'examen. Après avoir statué sur ces questions, la Chambre ne pouvait plus modifier sa décision, qui a été rendue le 25 août 1987 ; l'affaire a alors été dûment renvoyée à la division d'examen.
Par conséquent, la Chambre (à qui la lettre du 19 février 1988 était adressée) estime que, que ce soit le 19 février 1988 ou postérieurement à cette date, elle ne pouvait soumettre à la Grande Chambre de recours les questions de droit qui auraient pu se poser en relation avec les questions qu'elle avait déjà tranchées dans sa décision.
Si l'on interprète correctement l'article 112(1)a) CBE en le replaçant dans son contexte, une chambre de recours ne peut soumettre des questions de droit à la Grande Chambre de recours qu'"en cours d'instance", avant de trancher les questions en litige dans le cadre du recours, questions dont elle considère qu'elles soulèvent des questions de droit. Ceci ressort clairement de l'article 112(1)a) CBE lui-même, selon lequel, dans sa "décision finale" rejetant une requête en saisine de la Grande Chambre de recours, la chambre de recours doit motiver son refus. Or la Chambre n'aurait pu procéder ainsi dans la présente espèce, puisque, comme il a été expliqué plus haut, elle a rendu sa "décision finale" sur les questions en litige dans le cadre du recours avant d'avoir reçu de la requérante une requête visant à faire saisir la Grande Chambre de recours de questions de droit.
De surcroît, lorsqu'une chambre de recours soumet des questions à la Grande Chambre de recours, l'article 112(2) CBE prévoit sans ambiguïté que les parties à la procédure de recours sont également parties à la procédure devant la Grande Chambre de recours, et l'article 112(3) CBE dispose que la décision de la Grande Chambre de recours lie la chambre de recours : ces dispositions n'ont de sens que si les questions de droit sont soumises à la Grande Chambre de recours avant que la chambre de recours ne se soit prononcée dans le cadre du recours sur les questions en litige qui appellent ces questions de droit.
La requérante a fait remarquer qu'une telle interprétation de l'article 112 CBE conduit à instaurer une procédure à l'inverse de celle prévue normalement en matière de recours par les systèmes nationaux, lesquels permettent de recourir à une autre instance une fois que l'instance inférieure a rendu son jugement. Toutefois, les chambres de recours sont bien entendu tenues d'interpréter et d'appliquer l'article 112(1)a) CBE tel qu'il est, c'est-à-dire conformément à ce qui est exposé ci-dessus. La Grande Chambre de recours ne constitue pas une troisième instance au sein de l'OEB ; elle fait partie de la deuxième instance qui est constituée par les chambres de recours.
4.2. De toute façon, même si la requérante avait demandé avant même que la Chambre ne rende sa décision antérieure que les questions qu'elle avait soulevées soient soumises à la Grande Chambre de recours, la Chambre aurait, pour ce qui est des questions énoncées au point V ci-dessus, rejeté les requêtes en saisine de la Grande Chambre de recours, et ce pour les motifs suivants :
(i) Il est bien évident qu'une chambre de recours ne peut en droit enfreindre l'article 113(1) CBE, or il ne reste plus rien à trancher à cet égard par la Grande Chambre de recours.
Comme il est indiqué au point 2.3 ci-dessus, la Chambre juge que la procédure qui s'est déroulée auparavant devant la Chambre n'a été entachée d'aucune violation des dispositions de l'article 113(1) CBE.
(ii) Les Directives ne lient pas la chambre de recours. La Chambre ne peut admettre qu'il y ait contradiction entre sa décision antérieure et les Directives, et elle estime que de toute façon ce n'aurait pas été un motif suffisant pour justifier la saisine de la Grande Chambre de recours. En outre, pour ce qui est des décisions antérieures citées par la requérante, la Chambre n'a pu constater qu'il existe par rapport aux décisions susmentionnées des incohérences qui auraient justifié que l'on soumette une question de droit à la Grande Chambre en vue d'assurer l'application uniforme du droit.
5. La requête subsidiaire
La requérante a adressé une requête subsidiaire à la Chambre en vue d'obtenir la délivrance d'un brevet sur la base du texte notifié en application de la règle 51(4) CBE. Cette requête a été présentée à un stade avancé de la procédure, alors qu'auparavant, la requérante avait fait savoir à la division d'examen qu'elle ne pouvait donner son accord sur ce même texte.
Néanmoins, la Chambre est d'avis que dans ce cas particulier, la requérante avait le droit d'agir comme elle l'a fait devant la division d'examen, afin de faire examiner et trancher les questions en litige dans le cadre du présent recours.
Par conséquent, la Chambre, exerçant le pouvoir d'appréciation qui lui a été reconnu par la règle 86(3) CBE, accède à cette requête subsidiaire qui est donc automatiquement considérée comme admissible, vu le texte qui a été notifié auparavant en application de la règle 51(4). Toutefois, la Chambre juge qu'il n'est plus possible en l'occurrence de prendre en considération d'autres modifications de ce texte : le brevet ne doit être délivré que sur la base du texte proposé dans la requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d'examen est annulée.
2. La requête principale est rejetée.
3. La requête en saisine de la Grande Chambre est rejetée.
4. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour délivrance du brevet sur la base du texte notifié le 10 février 1988 en application de la règle 51(4) CBE.