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T 0119/82 (Gélification) 12-12-1983
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1. En chimie, l'effet d'un procédé se manifeste dans le résultat, c'est-à-dire dans le produit, y compris tout ce que celui-ci comporte comme caractéristiques internes et comme conséquences de sa genèse particulière, par exemple sa qualité, son rendement et sa valeur économique. Il est bien établi que les procédés sont brevetables dans la mesure où ils fournissent un produit nouveau et inventif. La raison en est que toutes les caractéristiques du procédé par analogie ne peuvent découler que d'un effet jusqu'alors inconnu et insoupçonné ("invention de problème). Si, en revanche, l'effet est totalement ou partiellement connu, par exemple soit que le produit soit ancien, soit qu'il s'agisse d'une modification nouvelle d'une partie structurale existante, l'invention c'est-à-dire le procédé ou le produit intermédiaire y participant, ne devrait pas simplement consister en des caractéristiques déjà nécessairement et aisément déductibles de la partie connue de l'effet, d'une manière évidente compte tenu de l'état de la technique (cf. également "Cyclopropane/Bayer", T 65/82, JO No. 8/1983, p.327).
2. Il y a évidence non seulement lorsque l'homme du métier a vu les avantages incitant à agir d'une certaine manière, mais aussi lorsque'il peut clairement distinguer pourquoi il ne doit pas procéder de la manière suggérée, étant donné ses inconvénients prévisibles ou l'absence d'amélioration, à condition naturellement d'évaluer correctement toutes les conséquences.
3. Lorsqu'il tire argument d'un préjugé qui aurait pu dissuader l'homme du métier de réaliser l'invention prétendue, le requérant a la charge de démontrer l'existence d'un tel préjugé.
Activité inventive
Effets de procédés
Prévisibilité de déduire l'invention d'un effet connu
I. La demande de brevet européen n° 79 301 547.0, déposée le 1er août 1979 et publiée le 6 février 1980 sous le numéro 7815, pour laquelle est revendiquée la priorité de la demande antérieure US-930 044 du 1er août 1978, a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 15 février 1982. La décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 10. La revendication principale s'énonce comme suit:
"Procédé pour la formation d'une solution ou d'un gel polymère ayant une viscosité élevée, caractérisé en ce qu'il comprend:
a) la formation d'un système solvant fait d'un liquide organique et d'un cosolvant polaire, le liquide organique étant un hydrocarbure aromatique, un hydrocarbure aliphatique, un hydrocarbure aliphatique chloré, une cétone, un éther aliphatique cyclique, un éther aliphatique, un ester aliphatique, une huile paraffinique ou un mélange de ceux-ci, tandis que le cosolvant polaire a un paramètre de solubilité d'au moins 10,0, est constitué par un alcool hydrosoluble, une amine, un alcool difonctionnel ou trifonctionnel, un amide, un phosphate, une lactone, un acétamide ou un mélange de ceux-ci et représente moins d'environ 15 % en poids du système solvant, la viscosité de ce système solvant étant inférieure à environ 1 000 cP;
b) la dissolution, dans ce système solvant, d'un polymère sulfoné neutralisé, pour former une solution, la concentration de ce polymère sulfoné neutralisé dans cette solution étant de 0,1 à 20 en poids, tandis que la viscosité de ladite solution est inférieure à 20 000 cP, le polymère ayant un squelette dont le paramètre de solubilité est inférieur à 10,5 et un degré de cristallinité de moins de 25 % et le polymère sulfoné ayant été neutralisé avec des cations des groupes IA, IB, IIA ou IIB du tableau périodique des éléments ou bien des cations plomb, étain, antimoine ou ammonium ou amine; et
c) l'addition, à cette solution, de 5 à 500 % en volume d'eau, par rapport au volume total du liquide organique et du cosolvant polaire, cette eau n'étant pas miscible avec cette solution, d'où il résulte que le cosolvant polaire est transféré de la solution dans ladite eau et que la viscosité de la solution ou suspension passe alors de moins de 20 000 cP à une valeur plus élevée".
II. La demande a été rejetée au motif que l'objet de la revendication 1, pour le moins, n'implique pas d'activité inventive. Dans l'antériorité constituée par le document US-A-3 931 021, toutes les caractéristiques du procédé revendiqué pour la formation de solutions polymères de viscosité élevée sont décrites, à l'exception de l'utilisation d'eau dans la dernière étape, et on obtient le même produit que le procédé de la demanderesse. En outre, l'état de la technique cité révèle que tout accroissement des proportions des cosolvants dans le mélange entraîne des viscosités plus faibles. Comme il est également bien connu de manière générale qu'un excès d'un cosolvant polaire peut être éliminé par extraction par l'eau, l'accroissement de viscosité qui s'ensuit n'est pas inattendu. La revendication 10 a pour objet le produit du procédé, qui est dénué de nouveauté, et n'est pareillement pas admissible.
III. La demanderesse a formé un recours le 8 avril 1982 contre la décision du 15 février 1982, en acquittant simultanément la taxe correspondante, et a déposé le 3 juin 1982 un mémoire exposant les motifs du recours.
IV. En réponse aux objections soulevées par la Chambre, la requérante a présenté d'autres arguments en temps opportun et une procédure orale a été fixée pour le 12 octobre 1983. Précédant celle-ci, de nouveaux jeux de revendications modifiées ont été produits, à titre subsidiaire, dans une correspondance en date du 20 septembre 1983. Un premier jeu correspond à celui initialement déposé avec la demande, si ce n'est que l'intervalle de concentration, dans l'étape (b), a été limité à "0,5 à 5 % en poids" et que la revendication 10 a été supprimée. Pour le reste, ce jeu est pratiquement identique aux revendications sur la base desquelles a été rendue la décision de rejet, abstraction faite de modifications mineures. Dans le jeu B, la viscosité du produit est limitée à une valeur supérieure à 50 000 cP; dans le jeu C, le procédé comporte également les étapes d'élimination de tous les solvants à des températures élevées, pour que le polymère se dépose. Enfin, le jeu D porte sur l'application du même procédé à la protection des puits par formation du gel dans un trou de forage.
V. L'exposé des motifs du recours et le complément d'argumentation présentés à la Chambre sont repris ci-après pour l'essentiel:
a) le document américain cité ne traite que le problème consistant à rendre la viscosité de solutions polymères insensible aux changements de température. Toute allusion au fait qu'il concerne d'une manière quelconque l'obtention d'une viscosité accrue méconnaît l'objet qui y est déclaré. Un gel y est uniquement mentionné en association avec un solvant non polaire outre un cosolvant polaire par opposition à un autre énoncé indiquant que les gels sont formés par des polymères capables de réticulation ionique dans des liquides organiques non polaires.
b) La requérante allègue également que le bon sens voudrait qu'en ajoutant de l'eau on précipite le polymère ou on forme un système à phases séparées. Selon elle, le fait qu'on obtienne avec des polymères ioniques une émulsion au lieu de cela est surprenant, tout comme le fait que, dans certaines conditions, c'est-à-dire pour de faibles teneurs en polymère, la phase aqueuse se gélifie au lieu de la phase organique. Etant donné que l'augmentation de la teneur en alcool réduit la viscosité, il n'était pas prévisible que l'addition d'eau l'accroîtrait. L'obtention d'un système visqueux dans un solvant organique peut prendre plusieurs semaines.
c) En outre, la requérante rejette l'hypothèse selon laquelle le produit revendiqué serait identique à celui de l'état de la technique cité. Le produit selon l'invention consiste en deux phases, alors que l'état de la technique représente un système en une phase. Même s'il s'agissait d'un produit identique, c'est à tort que l'on refuserait d'admettre la brevetabilité d'un autre procédé pour l'obtention du même résultat, du fait que rien n'explique pourquoi l'inventeur aurait envisagé d'emprunter l'autre voie d'emblée. Selon la requérante, la question de la brevetabilité du procédé dépend entièrement de l'évidence ou de la non-évidence des étapes du procédé. La nature du produit, par exemple sa nouveauté, n'entre pas en ligne de compte; c'est uniquement le procédé et rien d'autre qu'il faut examiner en le comparant à l'état de la technique.
VI. La requérante conclut à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance du brevet. Elle demande en outre le remboursement de la taxe de recours en vertu de la règle 67 CBE, en arguant que la Division d'examen a agi précipitamment.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.
2. Il ne peut être soulevé d'objection formelle contre les différents jeux de revendications présentés dans la correspondance du 20 septembre 1983. Toutes les caractéristiques limitatives peuvent se fonder sur ce qui est divulgué dans la description et les revendications telles que déposées initialement.
3. Le problème que vise à résoudre le procédé revendiqué est d'obtenir une solution ou un gel polymère ayant une viscosité élevée. Pour y parvenir, il est proposé essentiellement de dissoudre un polymère sulfoné neutralisé dans un mélange fait d'un liquide organique non polaire et d'un cosolvant polaire, puis d'éliminer la majeure partie ou la totalité du cosolvant par traitement avec de l'eau. La méthode est illustrée par les exemples contenus dans la description, où, en particulier, le xylène ou l'heptane jouent le rôle de solvant organique et le méthanol, l'isopropanol et l'hexanol celui de cosolvants. Alors qu'avec le méthanol l'extraction à 8 % d'eau par rapport au volume du liquide organique et du cosolvant contribue déjà à augmenter la viscosité de la composition polymère jusqu'à plus de 50 000 cP, dans le cas de l'isopropanol ou ne parvient à ce résultat que pour 12 % d'eau. Lorsque l'hexanol constitue le cosolvant, son élimination est beaucoup moins efficace, et pour 14 % d'eau la viscosité n'est accrue que jusqu'à environ 900 cP. Indépendamment des exemples, un certain nombre de polymères distincts sont particulièrement recommandés, conjointement avec une liste de liquides organiques spécifiques pour chacun d'eux. Les cosolvants sont définis comme ayant un "paramètre de solubilité de 10,0" et étant miscibles avec l'eau (page 9, ligne 33)ou solubles dans l'eau (page 10, ligne 12). Ce n'est qu'à titre préférentiel que les cosolvants devraient "être solubles dans le liquide organique ou miscibles avec celui-ci", bien qu'il semble que cette condition soit essentielle pour que se réalise un transfert, c'est-à-dire une extraction du cosolvant par l'eau.
4. Le document US-A-3 931 021 (1), qui représente l'état de la technique le plus proche, décrit la formation de solutions de polymères ioniques dans un mélange de liquides organiques et de cosolvants polaires, ayant des viscosités données. On y recommande la même liste de polymères sulfonés spécifiques, qui comporte en regard une énumération de liquides organiques pour chacun d'eux, comme dans la demande objet du recours. De même, abstraction faite de ce que cette antériorité mentionne expressément que les cosolvants polaires doivent être "solubles dans le liquide organique ou miscibles avec celui-ci", ils y sont aussi caractérisés de manière générale comme ayant le même paramètre de solubilité que dans le cas d'espèce. La liste recommandée s'étend du méthanol à des cosolvants beaucoup moins polaires. Dans les exemples de mise en oeuvre, seuls sont utilisés l'hexanol, le décanol et l'alcool benzylique. Néanmoins, une viscosité aussi élevée que 175 000 cP est atteinte dans un mélange de 1 % d'hexanol dans le xylène.
5. Si les exemples visent à démontrer que les viscosités des solutions résistent à des fluctuations de température plus que celles où n'interviennent pas de cosolvant, les résultats figurant dans les tableaux indiquent cependant aussi que les viscosités sont généralement plus faibles pour des teneurs en cosolvant supérieures. De surcroît, les essais comparatifs montrent, conséquemment à l'effet produit par une diminution progressive de la teneur en cosolvant (tableaux A, C et D) et compte tenu d'une réduction de moitié de la concentration en polymère, qu'en éliminant totalement le cosolvant on obtient encore l'une des viscosités attendues les plus élevées - par exemple 85 000 cP - (le tableau B apparaît indiquer une seule exception anormale). Nonobstant l'objectif poursuivi par le document cité, les viscosités indiquées dans les tableaux recèlent, de l'avis de la Chambre, un enseignement important, que l'homme du métier cherchant plutôt à obtenir des viscosités élevées que des viscosités stables peut mettre à profit.
6. L'état de la technique cité précédemment confirme l'utilisation antérieure de polymères sulfonés comme agents épaississants et, en particulier, le fait que "l'addition d'alcools réduit la viscosité de l'hydrocarbure épaissi" [cf. colonne 2, ligne 53 à colonne 3, ligne 4 concernant le document US-A-3 679 382(2)]. Il est également déjà connu que des liquides organiques peuvent être gélifiés avec des polymères ayant des groupes polaires aptes à former des "liaisons d'association" et que la présence de cosolvants polaires est néfaste à cet égard étant donné qu'elle réduirait l'effet recherché [cf. colonne 2, lignes 33 à 49 intéressant le document US-A-3 666 430 (3)]. Ces techniques sont essentiellement relatives à la gélification de carburants, et elles dissuadent d'utiliser des cations autres qu'ammonium uniquement pour des raisons de dépôt dans le moteur [(2), colonne 4, lignes 36 à 44]. Néanmoins, elles constituent un état de la technique pertinent quant à la formation de gels avec des polymères ioniques dans des liquides organiques. Bien qu'il n'y ait pas de raison évidente à ce que l'addition de quantités minimes d'eau augmente l'épaississement des compositions dans un cas [cf. (2), colonne 4, lignes 44 à 49], cette observation contredit l'argument de la requérante, selon lequel on s'attendrait à une précipitation du polymère dans ces circonstances.
7. Pour ce qui est des limites qu'impliquent pour les cosolvants les références à leur solubilité dans les liquides organiques ou à leur miscibilité avec ceux-ci, d'une part, comme dans ou avec l'eau, d'autre part, il importe de faire observer que la demande en cause recommande expressément comme cosolvants l'acétamide et le 1,2-propane diol (page 10, lignes 13 à 17). Ces cosolvants sont "faiblement solubles" ou "solubles" dans le benzène, c'est-à-dire non totalement miscibles avec celui-ci, qui est un liquide organique mentionné à maintes reprises. Ils sont respectivement simplement solubles dans l'eau et miscibles avec celle-ci. Il faut donc considérer l'exigence d'une solubilité dans l'eau comme satisfaite, même avec une faible solubilité, comme c'est le cas pour l'hexanol. Le terme, dans ce contexte, peut seulement signifier que le cosolvant doit être apte à être extrait en grande partie, sinon totalement, par l'eau pour que la viscosité du reste du mélange augmente considérablement. S'il est vrai que, dans l'exemple, l'hexanol n'a été que faiblement éliminé pour 14 d'eau, les revendications mentionnent la possibilité d'utiliser 500 2437618'eau. L'augmentation correspondante, par un facteur de 35, du degré d'extraction de l'hexanol avec un tel excès d'eau donnerait des viscosités nettement plus élevées que celles enregistrées après l'utilisation de faibles quantités d'eau. Il n'y a donc aucune raison d'exclure dans le procédé revendiqué l'utilisation de l'hexanol, faiblement soluble dans l'eau, non plus qu'il existe d'argument ou de demande de modification émanant de la requérante, qui implique d'une façon ou d'une autre le contraire.
8. Les exemples de la demande font aussi apparaître des résultats comportant une viscosité inférieure au maximum lorsqu'on utilise de plus petites quantités d'eau pour l'extraction; il faut en conclure que le liquide organique contient encore effectivement des cosolvants en certaines quantités après l'unique traitement. Les produits résultants doivent donc faire partie de la classe générale des mélanges visqueux à trois composants décrits dans le document mentionné (1) de l'état de la technique. Ou alors, si le procédé revendiqué devait conduire essentiellement à des systèmes visqueux à deux composants sans que reste effectivement de cosolvant dans la phase organique, ses résultats devraient tomber dans le domaine des produits selon l'état de la techique antérieure - documents (2) et (3) - dans laquelle on réalise simplement la gélification ou l'épaississement de liquides organiques à l'aide de polymères ionisés, ou devraient ressembler étroitement à ces produits. Il convient de tenir également compte du fait que même le document (1) décrit explicitement au moins une composition fortement visqueuse contenant aussi de l'hexanol, outre d'autres compositions semblables dans du xylol pur (cf. supra points 4 et 5).
9. La requérante soutient que les produits obtenus selon le procédé revendiqué, loin d'être identiques à ceux de l'état de la technique, sont nouveaux en raison aussi de la présence d'une phase aqueuse. Il est cependant évident que la phase aqueuse est secondaire et sans utilité, et devrait, même emprisonnée dans le gel, abaisser la viscosité d'ensemble du résultat. L'eau, en quantités plus importantes, ne ferait d'ailleurs que contrecarrer le but de l'opération si elle demeurait en présence du produit, et c'est pourquoi la description recommande son élimination par des méthodes d' "extraction liquide" classiques (page 4, ligne 2), ce qui implique évidemment des techniques de séparation appropriées. En variante, la phase aqueuse peut être simplement évaporée (page 2, ligne 36 à page 3, ligne 7, et revendication 2). Le fait d'associer temporairement un produit connu avec d'autres composants connus, fonctionnellement superflus et sans rapport, représente une simple juxtaposition d'objets, qui ne devrait pas conférer de nouveauté à ceux-ci, à moins qu'il existe des raisons démontrant le contraire et permettant d'y voir un autre effet. Le simple fait d'accroître la quantité d'une impureté indésirable ne rendrait pas nouveau, par exemple, un produit ancien. Dans le présent contexte, la phase aqueuse est un produit secondaire sans importance technique.
10. La gamme de produits du procédé selon la demande recouvre dans une très large mesure les liquides gélifiés de l'état de la technique et englobe explicitement quelques compositions déjà connues. Même si ces dernières venaient à être supprimées par un "disclaimer" en vue de rétablir la nouveauté, la gamme restante ne constituerait pas nécessairement une sélection nouvelle et non évidente par rapport à la classe générale des liquides gélifiés à deux ou trois composants. Les solutions visqueuses ou les gels obtenus selon la demande n'ont pas été présentés à cet égard comme ayant des propriétés avantageuses inattendues, et ils n'ont pas été revendiqués comme tels. La brevetabilité du procédé revendiqué pour leur préparation ne peut donc pas se fonder sur la brevetabilité du produit.
11. Contrairement aux arguments avancés au nom de la requérante, selon lesquels la nature du produit ne devrait aucunement entrer en ligne de compte, la Chambre est d'avis que le caractère du produit, y compris sa nouveauté et son évidence à la lumière de l'état de la technique, joue un rôle décisif dans l'appréciation de l'activité inventive pour le procédé. En chimie, l'effet d'un procédé se manifeste dans le résultat, c'est-à-dire dans le produit, y compris tout ce que celui-ci comporte comme caractéristiques internes et comme conséquences de sa genèse particulière, par exemple sa qualité, son rendement et sa valeur économique. Il est bien établi que les procédés par analogie, qui ne sont pas sinon inventifs en eux-mêmes, sont brevetables dans la mesure où ils fournissent un produit nouveau et inventif. La raison en est que toutes les caractéristiques du procédé par analogie ne peuvent découler que d'un effet jusqu'alors inconnu et insoupçonné ("invention de problème"). Si, en revanche, l'effet à obtenir est totalement ou partiellement connu, par exemple soit que le produit soit ancien, soit qu'il s'agisse d'une modification nouvelle d'une partie structurale existante, l'invention, c'est-à-dire le procédé ou le produit intermédiaire y participant, ne devrait pas simplement consister en des caractéristiques déjà nécessairement et aisément déductibles de la partie connue de l'effet, d'une manière évidente compte tenu de l'état de la technique (cf. également "Cyclopropane/Bayer", T 65/82, JO n° 8/1983, p. 327).
12. Les caractéristiques déterminantes du produit concerné sont ses composants, c'est-à-dire le polymère sulfoné, le liquide organique et une quantité donnée ou nulle de cosolvant, ainsi que la valeur de viscosité requise. De telles compositions connues peuvent à l'évidence être obtenues par mélange des composants et addition ultérieure, si nécessaire, de quantités supplémentaires de ceux-ci pour remédier à toute insuffisance et ajuster la viscosité à la valeur voulue. Par conséquent, la définition du produit visqueux, avec tout ce qui le caractérise, implique déjà, pour l'homme du métier, la solution quant aux caractéristiques du procédé. En ce qui concerne des procédés proposés en variantes pour obtenir le même résultat, on peut se demander si l'élimination de certains composants en excès, à des fins d'ajustement, au lieu de l'addition d'autres composants pour compenser une insuffisance, serait ou non également évidente dans ces conditions. Elle met directement en jeu des techniques de séparation bien connues comme étapes fondamentales en génie chimique, et peut comprendre des techniques d'évaporation et d'extraction. Quant au réajustement de la teneur en cosolvant d'un quelconque mélange à trois composants par élimination d'un excès, l'homme du métier percevrait aisément que des extractions par l'eau sont une solution possible du fait de la présence de liquides organiques essentiellement non polaires. Le résultat, contrairement à bien des cas en chimie, serait facilement prévisible tant en fonction des données disponibles sur les solubilités et les coefficients de distribution que de considérations physicochimiques simples.
13. La déclaration de l'inventeur indiquant qu'il n'était pas conscient des conséquences de l'addition d'eau ne saurait réfuter l'hypothèse selon laquelle l'homme du métier aurait connu l'existence de la possibilité exposée, en l'absence de toute indication contraire. L'allusion au fait que l'article cité de Longworthy ("Ionic Polymers", éd. Holliday, 1975) traite d'un effet de plastification avec de l'eau et mentionne un degré très élevé d'hydratation des ions ne tire pas à conséquence. Cet effet est, naturellement, observé en l'absence de liquides non polaires dont on s'attendrait qu'ils représentent un environnement très hostile pour l'eau. Alors que d'autres cosolvants polaires ont des composants aussi bien hydrophiles qu'hydrophobes impliquant des solubilités dans les solvants polaires comme dans les solvants non polaires, l'eau n'a qu'un caractère polaire, et on ne peut pas facilement concevoir qu'elle subsiste dans des environnements non polaires comme agent de solvatation dans une mesure appréciable. La requérante a été invitée à apporter des preuves à cet égard, mais elle n'en a fourni aucune qui puisse confirmer que le produit serait quand même, contre toute attente, hydraté dans de tels milieux. Des considérations semblables expliqueraient aussi la formation prétendument inattendue d'émulsions à l'aide de gels, où, mis à part un piégeage physique de faibles quantités d'eau dispersée dans des systèmes fortement visqueux, le caractère hydrophile ou hydrophobe du polymère ionique peut aussi jouer un rôle stabilisant.
14. La thèse selon laquelle il fallait s'attendre plutôt à une précipitation de polymère qu'à une solution visqueuse est également peu convaincante. L'exemple auquel renvoie la requérante est celui du polystyrène, qui ne contient pas de groupes sulfonates hydrophiles. De plus, on ne s'attendrait à une telle séparation que si le solvant pouvait dissoudre des quantités notables d'eau, ce qui n'est pas le cas avec les liquides essentiellement non polaires à utiliser. En outre, l'observation selon laquelle l'eau même pourrait se gélifier à la place de la phase organique lorsque le polymère sulfoné est utilisé en de faibles concentrations est dépourvue de fondement. Lorsqu'il tire argument d'un préjugé qui aurait pu dissuader l'homme du métier de réaliser l'invention, le requérant a la charge de démontrer l'existence d'un tel préjugé. Une simple référence à une demande de brevet pendante, non publiée, au contenu de laquelle ni le public ni la Chambre n'ont accès, ne saurait dissiper les doutes quant à la crédibilité de la thèse avancée. Elle implique qu'une quantité du polymère sulfoné dépassant la limite indiquée aurait pour effet de supprimer la cause de la gélification inattendue de la phase aqueuse, plutôt que d'augmenter sa concentration, dans les deux phases. Il s'agit là d'une proposition totalement inattendue que l'on ne peut admettre, à moins qu'elle ne soit étayée par une preuve très convaincante. Sa teneur et la manière dont elle est présentée sont contraires à la pratique établie et, en particulier, aux principes relatifs à l'administration de la preuve devant l'autorité judiciaire.
15. La requérante n'a apporté aucune preuve démontrant soit qu'existait un préjugé réel contre le fait d'envisager l'utilisation de l'eau pour ajuster la viscosité, soit qu'il y ait un avantage inattendu à utiliser le procédé revendiqué, par rapport au procédé par mélange direct. La nouvelle méthode indirecte, incluant l'étape additionnelle d'extraction et, en option, l'élimination de la phase aqueuse, apparaît constituer une complication supplémentaire ou un détour, qui ne peut être contrebalancé que par un autre effet jusqu'ici insoupçonné. Le procédé revendiqué peut lui-même prendre vingt-quatre heures au total, et rien n'a contribué à prouver que la voie directe demanderait beaucoup plus de temps. La modification par rapport à l'état de la technique, c'est-à-dire la méthode de mélange en elle-même, avec celle d'extraction, ne présente apparemment pas de caractéristiques ou d'avantages insoupçonnés.
16. L'argument selon lequel des voies de remplacement doivent être considérées comme étant d'autant moins évidentes qu'elles sont plus singulières, voire, à la limite, qu'elles sont plus désavantageuses, ne peut être admis. La question, toute de rhétorique, de savoir pourquoi l'homme du métier devrait avoir encore envisagé un tel détour se poserait dans les mêmes termes si, pour l'obtention d'un composé connu, quelqu'un essayait de breveter les autres procédés par analogie les moins intéressants. Il y a évidence non seulement lorsque l'homme du métier a vu tous les avantages incitant à agir d'une certaine manière, mais aussi lorsqu'il peut clairement distinguer pourquoi il ne doit pas procéder de la manière suggérée, étant donné ses inconvénients prévisibles ou l'absence d'amélioration, à condition naturellement d'évaluer correctement toutes les conséquences.
17. Le produit du procédé revendiqué est connu dans l'état de la technique, où il est explicitement caractérisé premièrement par ses composants, deuxièmement par la viscosité souhaitée. A ces premières caractéristiques correspondent tous les composants nécessaires pour un procédé de remplacement permettant d'obtenir le mélange; quant à la viscosité, on sait qu'elle est déterminée par le niveau exact de la teneur en cosolvant. Comme cela a été expliqué, l'ajustement de cette teneur par élimination de tout excès du cosolvant était déjà connu dans l'état de la technique, sous forme de méthodes d'extraction appropriées par l'eau. L'application de toutes les mesures revendiquées à la réalisation et à l'ajustement du mélange pouvait aisément être déduite de l'état de la technique et était par conséquent évidente. La Chambre ne peut donc que confirmer la décision de la Division d'examen selon laquelle l'objet de la revendication principale (jeu A) n'implique pas d'activité inventive.
18. Les caractéristiques ajoutées dans les jeux de revendications subsidiaires B et C ne sont en rien susceptibles de rendre brevetable l'objet de l'une quelconque des revendications principales. La limitation à des valeurs de viscosité de 50 000 cP dans le jeu B correspond à des produits que l'on pouvait tout autant prévoir et obtenir, vu les viscosités très élevées décrites pour les systèmes à trois composants et ceux à deux composants dans l'état de la technique la plus proche (1). La limitation au revêtement d'un substrat dans le jeu C, qui met en oeuvre l'évaporation de tous les solvants pour que se dépose la matière sèche du gel, est une technique classique manifestement connue pour l'ensemble des solutions visqueuses ou gels dans l'industrie de la peinture. Pour ce qui est du jeu D, relatif à la protection des puits, il n'a cependant jusqu'à présent pas été possible de se forger une opinion, du fait que peuvent pour cela entrer en ligne de compte des circonstances et des interactions dans des conditions particulières à ce domaine; en l'absence d'une recherche établissant l'état de la technique au regard de la possibilité de réaliser la gélification dans de tels cas, l'utilisation de ces gels connus et le caractère de l'effet obtenu ne peuvent faire l'objet d'une estimation correcte.
19. Attendu que les explications fournies au nom de la demanderesse au cours de la procédure devant la Division d'examen n'ont pas constitué une base suffisante pour renverser la sérieuse présomption d'évidence et que la Division d'examen ne pouvait donc accorder la délivrance du brevet, même en effectuant des modifications, c'est à bon droit que le rejet de la demande a été prononcé (cf. également la décision de la Chambre de recours technique, T 84/82 "Dérivés du chloral", en date du 18.3.1982). En tout état de cause, le remboursement de la taxe de recours ne peut être ordonné que lorsqu'il y a eu vice substantiel de procédure, ce qui, de l'avis de la Chambre, n'a pas été le cas dans la présente espèce.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 15 février 1982 est annulée.
2. Le recours est rejeté dans la mesure où il se rapporte aux jeux de revendications A, B et C présentés avec la lettre de la requérante du 20 septembre 1983.
3. La demande est renvoyée devant la première instance aux fins de poursuite de l'examen quant au fond, sur la base du jeu de revendications D concernant la protection des puits, également présenté à cette même date.
4. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.