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T 1028/96 (Soupçon de partialité) 15-09-1999
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Rembourrage fibreux en polyester et son procédé de fabrication
Fa. Karl Thiel
Fabromont AG
Firma Christian Heinrich Sandler GmbH & Co. KG
I. Dans certaines circonstances particulières, les membres d'une chambre de recours siégeant dans le cadre d'une procédure de recours après opposition peuvent être soupçonnés de partialité en vertu de l'article 24(3) CBE si en leurs qualité de membres d'une chambre ils ont eu à connaître du recours formé contre la décision de rejet de la demande prise par la division d'examen (cf. point 6.5 des motifs).
II. C'est la chambre dans sa composition initiale, c.-à-d. en présence du/des membre(s) dont la récusation a été demandée, qui est compétente pour examiner la recevabilité d'une demande de récusation au titre de l'article 24(1) ou de l'article 24(3) CBE, en vue de déclencher la procédure visée à l'article 24(4) CBE (cf. point 1 des motifs).
Allégation selon laquelle le président de la chambre de recours peut être soupçonné de partialité
Compétence de cette chambre dans sa composition initiale, c.-à-d. en présence du membre accusé de partialité, pour examiner la recevabilité de la demande de récusation dans le but d'ouvrir la procédure visée à l'article 24(4) CBE (oui)
Applicabilité de l'article 24(1) CBE lorsqu'un membre de la chambre siégeant dans le cadre de la procédure de recours après opposition a connu en qualité de membre d'une chambre du recours contre le rejet de la demande par la division d'examen (non)
Possibilité d'invoquer dans ces conditions le motif prévu à l'article 24(3) CBE, à savoir que le membre en question peut être soupçonné de partialité (oui, dans certaines circonstances)
I. La demande de brevet européen n 86 106 603.3 (numéro de publication : 0 203 469) a été rejetée par décision de la division d'examen.
Le rejet a été prononcé au motif entre autres que la méthode de mesure de la cohésion décrite dans les revendications indépendantes était imprécise étant donné que la distance entre les barres inférieures fixes et le fond du récipient cylindrique pour l'ouate synthétique n'était pas indiquée.
II. Saisie d'un recours, la chambre de recours 3.2.1 a, dans sa décision T 519/91 du 19 juin 1992, annulé la décision de rejet et renvoyé l'affaire devant la division d'examen, en chargeant celle-ci de délivrer un brevet sur la base d'un jeu de revendications modifiées.
Les revendications indépendantes 1 et 7 du brevet délivré sont les suivantes :
"1. Boulettes de fibres capables de reprise de gonflant, constituées essentiellement d'ouate synthétique de polyester à libres enchevêtrées, caractérisées en ce que l'ouate synthétique est frisée hélicoïdalement et enduite d'un apprêt lissant et a une longueur de coupe d'environ 10 à 60 mm, et est enchevêtrée au hasard dans les boulettes de fibres, lesquelles ont une dimension moyenne de 1 à 15 mm, au moins 50 % en poids des boulettes ayant une section transversale telle que sa dimension maximale n'est pas supérieure à deux fois sa dimension minimale, les boulettes de fibres ayant une mesure de cohésion, telle que définie dans la description sous le titre correspondant, inférieure à 6 newtons (N)."(Ndt. traduction fournie par le demandeur.)
"7. Procédé pour transformer une ouate synthétique de polyester en boulettes de fibres qui sont adaptées à un transport par courant d'air, consistant à séparer l'ouate synthétique en plusieurs touffes discrètes qui sont culbutées sur la paroi cylindrique intérieure d'un récipient cylindrique fixe par des palettes qui tournent autour d'un arbre axial muni de palettes qui est monté horizontalement, caractérisé en ce que l'ouate de polyester a une frisure hélicoïdale, a une longueur de coupe d'environ 10 à 60 mm et a été enduite d'un apprêt lissant, et en ce que les touffes sont culbutées par de l'air, qui est brassé par les palettes, si bien que les touffes sont retournées et projetées à maintes reprises par l'air contre la paroi cylindrique intérieure de manière à enchevêtrer les fibres et de manière à densifier et reformer les touffes en boulettes de fibres constituées de fibres enchevêtrées au hasard, ayant une dimension moyenne de 1 à 15 mm, au moins 50 % en poids des boulettes ayant une section transversale telle que sa dimension maximale n'est pas supérieure à deux fois sa dimension minimale, et les boulettes de fibres ayant une mesure de cohésion, telle que définie dans la description sous le titre correspondant, inférieure à 6 newtons (N)."
Afin de répondre à l'objection soulevée par la division d'examen au sujet de la manière dont est effectuée la mesure de cohésion, le requérant (demandeur du brevet) avait produit des mesures de cohésion effectuées sur un certain nombre d'échantillons de boulettes de fibres.
III. Les opposants ainsi qu'un intervenant (dénommé maintenant opposant 03) ont formé opposition au brevet au motif que l'objet du brevet n'était pas brevetable et que l'exposé de l'invention n'était pas suffisant.
A l'appui du second motif d'opposition, ils ont fait valoir que le brevet en litige ne fournissait pas à l'homme du métier suffisamment d'informations sur la manière dont sont effectuées les mesures de cohésion, du fait essentiellement que la distance des paires de barres horizontales par rapport au fond du récipient cylindrique pour l'ouate synthétique n'était pas divulguée dans le fascicule du brevet.
IV. Par une décision remise à la poste le 28 octobre 1996, la division d'opposition a révoqué le brevet européen au motif que l'objet revendiqué n'impliquait pas d'activité inventive par rapport aux antériorités citées.
V. Le 21 novembre 1996, le requérant (titulaire du brevet) a formé recours contre la décision, en acquittant la taxe de recours prescrite.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 28 février 1997.
VI. Conformément au plan de répartition des affaires des chambres de recours, le recours a été attribué à la chambre de recours technique 3.2.1. Le président de ladite chambre avait pris part, en cette qualité, à la décision T 519/91 qui avait été rendue dans cette affaire dans le cadre de la procédure de délivrance.
VII. Une procédure orale s'est tenue le 23 février 1999. Au cours de l'audience, les intimés I, II et III (opposants 01 à 03) ont demandé que le président soit récusé en vertu de l'article 24(1) CBE, ou au motif qu'il pouvait être soupçonné de partialité (article 24(3) CBE).
Le président de la chambre a ajourné la procédure orale et après délibération, la chambre a conclu qu'il convenait d'appliquer la procédure visée à l'article 24(4) CBE.
Pour la prise de la décision de récusation au titre de l'article 24(4), le président dont la récusation avait été demandée avait été remplacé par son suppléant. Conformément à l'article 3(2) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR), le président dont la récusation avait été demandée a été invité à donner son avis sur les motifs de récusation allégués.
Dans une lettre datée du 10 mars 1999, le président initial a affirmé en substance que nonobstant les allégations de partialité, il n'existait objectivement aucun motif de le récuser dans la suite de la procédure de recours devant la chambre.
VIII. Par lettres datées du 17 juillet 1999 et du 31 août 1999, les intimés III et I ont en outre demandé respectivement la récusation du membre technicien et la récusation du membre juriste de la chambre, au motif qu'ils pouvaient "être soupçonnés de partialité" en vertu de l'article 24(3) CBE. Les deux membres concernés ont par la suite fait chacun une déclaration conformément à l'article 24(2), par laquelle ils faisaient savoir qu'ils estimaient ne pas devoir prendre part à la décision de récusation qui pourrait être prise à l'encontre du président initial de la chambre.
Les deux membres dont la récusation avait été demandée ont été remplacés par leurs suppléants (article 24(4) CBE).
IX. Une nouvelle procédure orale a été tenue le 15 septembre 1999 devant la Chambre dans sa composition actuelle, tous les membres initiaux ayant été remplacés par leurs suppléants. Les intimés ont demandé que le président initial dont la récusation avait été demandée soit récusé pour la procédure de recours en instance, soit pour les motifs énoncés à l'article 24(1) CBE, soit parce qu'il pouvait "être soupçonné de partialité" au sens de l'article 24(3) CBE.
Ils ont en outre demandé qu'une question soit soumise à la Grande Chambre de recours au cas où la demande de récusation du président initial serait rejetée.
Le requérant (titulaire du brevet) a demandé le rejet de la demande de récusation du président initial pour la suite de la procédure de recours.
X. A l'appui de leurs requêtes, les intimés ont formulé entre autres les observations écrites et orales suivantes :
i) Pour ce qui est de la récusation du président initial, l'article 24(1) dispose dans sa version allemande que les membres de la chambre de recours ne peuvent participer au règlement d'une affaire s'ils ont pris part à la décision finale de l'instance précédente ("abschließende Entscheidung in der Vorinstanz"). Le mot "Vorinstanz" est ambigu, et l'on peut comprendre qu'il recouvre la décision prise par une chambre de recours au premier stade de la procédure, c'est-à-dire au stade de la procédure de délivrance. Cette disposition doit en outre être interprétée eu égard à l'objectif qu'elle poursuit, c.-à-d. tenir compte du fait que la participation du président à une décision précédente, prise par exemple à l'occasion d'un recours antérieur diligenté contre la décision de la division d'examen, influencerait inévitablement sa manière d'aborder l'affaire, puisqu'il aurait tendance à prendre une décision allant dans le même sens que sa décision précédente. Le président doit donc en pareil cas être récusé systématiquement, quelle que soit la décision précédente, et donc il doit également être récusé au stade d'une procédure de recours après opposition, s'il avait pris part, en sa qualité de président de la chambre, à la procédure de délivrance.
Cette interdiction générale faite aux membres d'une chambre de recours de statuer sur une affaire s'ils ont pris part à une décision précédente est clairement énoncée à l'article 9(1) de la Convention sur le brevet communautaire (CBC) telle que révisée le 15 décembre 1989 à Luxembourg. Il n'est fait aucune distinction dans cette disposition entre une décision dans le cadre de la procédure de délivrance et une décision dans le cadre de la procédure d'opposition.
Enfin, selon les intimés, le fait que la CBE n'ait pas prévu expressément la récusation d'un membre d'une chambre qui a pris part à une décision rendue au sujet d'une affaire dans le cadre de la procédure de délivrance, en lui interdisant de participer, en qualité de président de la chambre, à une procédure d'opposition faisant suite à la procédure de délivrance, est en contradiction directe avec les dispositions de l'article 19(2) CBE régissant la composition d'une division d'opposition, qui prévoient une telle récusation, du fait qu'elles précisent qu'"un examinateur qui a participé à la procédure de délivrance du brevet européen ne peut assumer la présidence" (de la division d'opposition). Cette disposition devrait s'appliquer à plus forte raison à la procédure de deuxième instance, si bien qu'un membre de chambre qui a pris part à une décision rendue au sujet d'une affaire dans le cadre de la procédure de délivrance ne saurait être désigné comme président de la chambre appelée à statuer sur l'affaire dans la procédure d'opposition faisant suite à la procédure de délivrance.
ii) Les intimés ont également estimé que le président initial devait être récusé au motif qu'il pouvait "être soupçonné de partialité" au sens de l'article 24(3) CBE :
- la requête présentée sur la base des motifs prévus à l'article 24(1) CBE ne devant pas nécessairement entraîner une répartition des frais, les intimés ont estimé que telle qu'elle était présentée, l'annonce par le président que les frais de la procédure orale devraient être mis à la charge de l'intimé I si cette procédure orale devait être ajournée constituait une tentative de menace et d'intimidation ;
- les intimés ont estimé que c'était sans aucune nécessité d'ordre juridique que le président avait exigé que la récusation au titre de l'article 24(1) soit demandée par écrit et qu'il avait refusé d'interroimpre la procédure orale pour leur permettre de présenter par écrit leur demande de récusation ;
- les intimés ont estimé que le fait qu'après 40 minutes de délibération il ait été décidé de ne pas statuer sur la demande de récusation au titre de l'article 24(1) CBE, constituait un nouvel indice de la partialité manifeste du président ;
- enfin, le fait que le président ait participé à la procédure de recours diligentée contre la décision de la division d'examen pouvait à bon droit être invoqué comme un motif concret permettant de le soupçonner de partialité ou de jugement, préconçu étant donné qu'il était, en qualité de président de la chambre statuant dans la procédure de recours après opposition faisant suite à la procédure de délivrance, confronté lui aussi au problème de l'insuffisance de l'exposé de l'invention (article 83 CBE). Pour les intimés, les observations préliminaires qu'avait faites le président lors de l'ouverture de l'audience au sujet de la pertinence des preuves déposées à cet égard par le requérant montraient en particulier qu'il serait difficile au président de revoir l'affaire et de statuer sans préjugé ni jugement préconçu.
iii) Les intimés ont allégué que la requête en récusation du membre technicien et du membre juriste qui avaient siégé initialement ne valait pas seulement pour la décision à prendre au sujet de la récusation du président, mais également pour la suite de la procédure d'opposition devant la Chambre.
XI. Le requérant (titulaire du brevet) a critiqué les arguments exposés ci-dessus. Il a fait valoir essentiellement que l'expression "décision qui fait l'objet du recours" utilisée à l'article 24(1) CBE devait être comprise dans son sens littéral, qui disait bien ce qu'il voulait dire : la décision qui fait l'objet du recours, à savoir en l'occurrence la décision de la division d'opposition, à laquelle le président initial de la chambre dont la récusation était demandée à présent n'avait manifestement pas pris part.
En l'espèce, le président initialement désigné n'avait pris part qu'à la décision finale de délivrance du brevet, à laquelle le membre technicien et le membre juriste désignés initialement n'avaient pas pris part : ces derniers ne pouvaient donc pas avoir de jugement a priori ou préconçu sur la décision à prendre en l'espèce. Il n'existait en conséquence aucun motif de les récuser pour la suite de la procédure de recours.
La Chambre a décidé que, pour la décision à prendre au sujet de la récusation du président initial, les deux membres concernés devraient être remplacés par leurs suppléants. Le fait que cette décision ait été prise avant la procédure orale constituait selon le requérant un vice de procédure puisque de ce fait les parties n'avaient pas eu la possibilité de donner leur avis au sujet notamment des déclarations faites au titre de l'article 24(2) CBE par les deux membres concernés.
1. Compétence de la chambre 3.2.1 dans sa composition initiale
Les intimés avaient fait valoir que lorsqu'une partie demande une récusation au titre de l'article 24, paragraphe 1 ou 3 CBE, la procédure visée à l'article 24(4) s'applique automatiquement sans qu'il soit nécessaire de considérer si la demande de récusation est recevable, la chambre devant ainsi examiner cette demande de récusation en l'absence du membre dont la récusation était demandée, qui devrait être remplacé par son suppléant.
La présente Chambre ne peut admettre ce raisonnement.
L'article 24(3) CBE, deuxième phrase, dispose que "la récusation n'est pas recevable lorsque la partie en cause a fait des actes de procédure, bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation" et poursuit : "Aucune récusation ne peut être fondée sur la nationalité des membres." Ces dispositions exigent clairement un examen préalable de la recevabilité.
D'une manière générale, dans la CBE, l'examen préalable de la recevabilité vise à déterminer si une objection peut faire l'objet d'un examen quant au fond et d'une décision. Si cette objection n'est pas recevable, la chambre de recours n'a pas à examiner s'il peut y être fait droit ou si elle est fondée. En ce qui concerne les demandes de récusation soulevées au titre de l'article 24, la recevabilité est là encore une condition préalable qui doit être remplie avant l'examen quant au fond, mais qui, si elle est remplie, ne fait que permettre l'ouverture de la procédure définie à l'article 24(4) : le membre dont la récusation est demandée est remplacé par son suppléant, et la chambre dans sa composition nouvelle doit statuer sur la recevabilité de la demande de récusation présentée au titre de l'article 24 et, le cas échéant, décider s'il convient de faire droit à cette demande.
En d'autres termes, la chambre devait, dans sa composition initiale, étudier la recevabilité de la demande de récusation aux fins de l'ouverture de la procédure visée à l'article 24(4). Si elle estimait que la demande de récusation était recevable, il était appliqué alors la procédure visée à l'article 24(4). Le problème de la recevabilité soumis à cette chambre ne concernait donc que l'ouverture de la procédure au titre de l'article 24(4) et n'avait donc aucune influence sur la future décision de la Chambre composée conformément à l'article 24(4) CBE.
Comme il a été suggéré dans la décision T 289/91, JO OEB 1994, 649 (portant sur la recevabilité d'une opposition), la recevabilité, qui est une condition fondamentale à laquelle il doit être satisfait au préalable pour que puisse être prise une décision sur le fond, doit être examinée d'office par la chambre (point 2.1 des motifs). Si la chambre dans sa composition initiale n'était pas compétente pour examiner la recevabilité et devait donc se cantonner dans un rôle purement passif, cela serait clairement contraire au principe de procédure mentionné ci-dessus. En outre, la chambre est aussi un organe décisionnel. Il serait incompatible avec ce statut de considérer que cette chambre n'était pas compétente pour décider l'ouverture de la procédure visée à l'article 24(4), c.-à-d. qu'elle n'avait pas le choix et devait automatiquement appliquer cette procédure.
Enfin, si la chambre de recours dans sa composition initiale n'était pas compétente pour examiner la recevabilité de la demande de récusation, c'est-à-dire s'il n'existait pas d'obstacle qu'une partie devrait franchir afin que sa demande de récusation puisse être examinée par une autre chambre sans la participation du membre dont la récusation avait été demandée, cela ouvrirait manifestement la porte à des manoeuvres dilatoires au niveau de la procédure de recours arpès opposition et risquerait d'obliger les chambres de recours à appliquer automatiquement la procédure visée à l'article 24(4) chaque fois qu'il est demandé la récusation d'un membre soupçonné de partialité. Comme il a été souligné dans la décision G 4/97, JO OEB 1999, 270 - opposition par une tierce partie/GENENTECH aussi bien que dans G 3/97, JO OEB 1999, 245 - pour le compte d'un tiers/ INDUPACK -, la procédure d'opposition doit être une procédure simple et rapide, au cours de laquelle, d'une part, les objections pertinentes à l'encontre de la brevetabilité doivent être examinées de manière adéquate, et, d'autre part, une décision sur la validité du brevet doit être rendue le plus rapidement possible dans l'intérêt des parties ainsi que dans l'intérêt du public (cf. point 3.2.3 des motifs).
Dans la présente espèce, la chambre dans sa composition initiale, c.-à-d. avec la participation du président dont la récusation était demandée, était donc compétente pour examiner la recevabilité des demandes de récusation présentées au titre de l'article 24, paragraphes 1 et 3 CBE, aux fins de l'ouverture de la procédure visée à l'article 24(4) CBE.
2.Conditions formelles de la recevabilité
L'article 24(3) CBE ne prévoit certes que deux conditions pour qu'une demande en récusation soit recevable ("La récusation n'est pas recevable lorsque la partie en cause a fait des actes de procédure, bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation" et "Aucune récusation ne peut être fondée sur la nationalité des membres"), de sorte que l'obstacle que crée l'exigence de recevabilité pourrait être facilement franchi par la partie qui met en cause la composition de la chambre. Toutefois, même si l'article 24(3) CBE ne l'exige pas expressément, la CBE exige en règle générale que les objections soient motivées, c'est-à-dire que soient indiqués les faits et arguments sur lesquels se fonde une telle demande. Il s'ensuit tout d'abord qu'une demande de récusation fondée uniquement sur des doutes subjectifs déraisonnables qui n'existent que dans l'esprit de la partie qui les soulève doit être rejetée comme irrecevable. Il s'ensuit aussi que lorsque les faits et arguments invoqués ne peuvent étayer la demande de récusation d'un membre soupçonné de partialité, cette demande de récusation doit de même être rejetée comme irrecevable. L'obstacle à franchir par une partie qui met en cause la composition de la chambre comprend donc également comme condition de forme préalable l'exigence de motivation.
3. Compétence de la Chambre dans sa composition actuelle pour examiner les demandes de récusation du président initial au titre de l'article 24, paragraphes 1 et 3 CBE, et pour statuer à ce sujet.
Dans des lettres datées respectivement du 17 juillet 1999 et du 31 août 1999, les intimés III et II ont également demandé, l'un la récusation du membre technicien initialement désigné, et l'autre la récusation du membre juriste de la chambre initialement désigné, au motif que ces membres pouvaient être soupçonnés de partialité.
L'article 24(2) CBE dispose que si pour l'une des raisons mentionnées au paragraphe 1 ou pour tout autre motif, un membre d'une chambre de recours estime ne pas pouvoir participer au règlement d'une affaire, il en avertit la chambre. Les deux membres en question ont par conséquent produit une déclaration dans laquelle ils faisaient savoir qu'ils estimaient ne pas pouvoir prendre part à la décision à rendre au sujet de la demande de récusation possible du président initial.
Dans ces conditions, la procédure prévue à l'article 24(4) a été appliquée : le président de la chambre qui restait en fonctions (c.-à-d. le supp léant du président initial dont la récusation était demandée) a désigné conformément à l'article 1(2) RPCR les suppléants des deux membres dont la récusation était demandée, et la Chambre actuelle dans cette nouvelle composition a alors décidé que les deux membres en question ne devraient pas prendre part à la décision à rendre au sujet de la récusation du président initial.
Le membre technicien initial et le membre juriste initial s'étant récusés d'eux-mêmes, la décision de récusation au titre de l'article 24(4) prise par la présente Chambre est considérée par elle comme une décision purement interne qui peut être prise sans que les parties, entre autres, aient donné leur avis sur les déclarations faites par les membres conformément à l'article 24(2) CBE. Il convient de noter que "la CBE ne prévoit pas de procédure formelle à suivre pour la prise d'une telle décision, et que dans la pratique il n'est pas pris de décision formelle" (cf Paterson, The European Patent System, Londres 1992, paragraphe 2.20).
Par conséquent, la Chambre dans sa composition actuelle, dans laquelle tous les membres de la chambre précédente ont été remplacés par leurs suppléants, conclut qu'elle est compétente pour examiner la demande de récusation du président initial au titre de l'article 24, paragraphes 1 et 3 CBE.
4. Recevabilité des demandes de récusation au titre de l'article 24, paragraphes 1 et 3 CBE
4.1 Avant d'aborder le problème de la recevabilité, il est nécessaire de donner certaines précisions au sujet de la procédure de désignation des membres d'une chambre.
Les membres des différentes chambres de recours sont désignés conformément à un plan de répartition des affaires établi conformément à la règle 10(1) CBE, qui est publié dans le premier numéro de l'année du Journal officiel, c'est-à-dire en l'occurrence le JO OEB 1996, 86.
Dans les procédures de délivrance ou d'opposition, les différents recours sont attribués à des chambres de recours techniques données choisies en fonction de la rubrique de la classification dont relève l'objet technique de la demande ou du brevet concernés. Conformément à l'article 1(2) RPCR et à l'article 3(1) du plan de répartition des affaires, le président de chaque chambre désigne pour chaque recours attribué à sa chambre au moment où celui-ci est reçu par le greffe des chambres de recours les membres de la chambre qui seront chargés de l'examen. Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que le président chargé de conduire la procédure relative au recours doive être le président de la chambre en question, étant donné que celui-ci peut être remplacé par son suppléant pour des motifs qui peuvent être entre autres "la maladie, la surcharge de travail et les engagements auxquels il n'est pas possible de se soustraire" (article 2(1) RPCR).
Le 21 novembre 1996, le requérant (titulaire du brevet) a formé recours contre la décision prise par la division d'opposition de révoquer le brevet européen. L'acte de recours a été transmis aux intimés dans une notification datée du 2 décembre 1996, dans laquelle il était indiqué que la chambre technique 3.2.1 était chargée du recours.
Conformément à la pratique suivie actuellement par les chambres de recours, les parties n'ont pour la première fois été informées de la composition effective de la chambre que lorsque les convocations à la procédure orale ont été envoyées (15 mai 1998). La présente Chambre estime qu'on ne peut attendre des parties qu'elles demandent communication du dossier de recours afin de connaître la composition effective de la Chambre.
4.2 En ce qui concerne la date à laquelle ont pu être formulées les demandes de récusation au titre de l'article 24 CBE, il convient de faire les remarques suivantes :
Les intimés I et II ont déposé des observations en réponse à la notification au titre de l'article 11(2) RPCR que la Chambre leur avait envoyée en même temps que la convocation à la procédure orale, et ont donc, en leur qualité de parties à la procédure de recours, accompli un acte de procédure au sens de l'article 24(3) CBE au cours de la période allant de la convocation à la procédure orale à la procédure orale du 23 février 1999.
Au cours de l'audience, les intimés I, II et III ont demandé que le président initial de la Chambre soit récusé pour la suite de la procédure de recours, et cela pour les motifs indiqués à l'article 24(1) CBE, ou bien au motif que le président en question pouvait être "soupçonné de partialité" au sens de l'article 24(3) CBE.
La demande de récusation du président était donc double : il s'agissait premièrement d'une demande de récusation au titre de l'article 24(1) CBE présentée au motif que le président concerné avait auparavant appartenu à la chambre qui avait pris la décision de délivrer le brevet en litige, et deuxièmement d'une demande de récusation au titre de l'article 24(3) CBE, présentée au motif que le président concerné avait réagi négativement à la première demande de récusation au titre de l'article 24(1) CBE. Les intimés ont notamment considéré que l'annonce par le président que l'intimé I devrait supporter les frais de la procédure orale si elle devait être ajournée du fait de la demande de récusation qui avait été présentée au titre de l'article 24(1) constituait une tentative d'intimidation ou visait à les dissuader de présenter une telle demande.
La demande de récusation au titre de l'article 24(3) était ainsi la conséquence directe des événements survenus durant l'audience, à savoir les observations préliminaires du président et la manière dont il avait réagi après la première demande de récusation au titre de l'article 24(1). Il s'ensuit logiquement que les intimés ne pouvaient savoir, avant la procédure orale, pour quelle raison il avait été demandé la récusation au titre de l'article 24(3). Ce n'est qu'au stade de la procédure orale que les intimés ont immédiatement réagi aux événements susmentionnés en présentant la deuxième demande de récusation au titre de l'article 24(3).
Il découle de ce qui précède qu'il a été satisfait en l'occurrence à la condition requise à l'article 24(3), deuxième phrase, à savoir que la demande de récusation d'un membre soupçonné de partialité est recevable si la partie n'a pas accompli d'acte de procédure, bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation.
4.3 Indication des faits et arguments
Comme la chambre vient de l'exposer, la demande de récusation au titre de l'article 24(3) a été présentée en raison des observations préliminaires du président initial et de la façon négative dont il aurait réagi à la première demande de récusation au titre de l'article 24(1), ce qui signifie que la demande de récusation au titre de l'article 24(3) est elle aussi étayée indirectement par le seul motif sur lequel se fonde la demande de récusation au titre de l'article 24(1), à savoir le fait que le président initialement désigné faisait partie de la chambre qui avait pris la décision de délivrer le brevet en litige.
Compte tenu de ce qui précède et eu égard aux faits et arguments indiqués ci-dessus au point X ii), la présente Chambre constate que la deuxième demande de récusation présentée au titre de l'article 24(3) est formulée clairement et qu'elle est suffisamment motivée : elle ne s'appuie pas uniquement sur des doutes purement subjectifs et déraisonnables, mais se fonde sur un motif objectif et non contesté qui est de toute évidence pertinent ou en rapport avec la demande de récusation présentée au titre de l'article 24(3), c'est-à-dire le fait que le président initialement désigné faisait partie de la chambre qui avait pris la décision de délivrer le brevet en litige.
4.4 La Chambre juge par conséquent recevable la demande de récusation présentée au titre de l'article 24(3) CBE.
Si, comme c'est le cas, la demande de récusation formulée au titre de l'article 24(3) dans la requête des intimés est recevable, c'est également l'ensemble du contenu de la requête des intimés qui est recevable, et donc aussi la première demande de récusation qui avait été présentée au titre de l'article 24(1) au seul motif que le président initialement désigné avait fait partie de la chambre qui avait pris la décision de délivrer le brevet.
5. Bien-fondé de la demande de récusation au titre de l'article 24(1) CBE
Les intimés ont attiré l'attention sur l'expression "an deren abschließender Entscheidung in der Vorinstanz" utilisée dans le texte allemand de l'article 24(1) CBE, qui leur paraît ambiguë. Or, il est clair que les expressions "decision under appeal" et "décision qui fait l'objet du recours" utilisées dans les versions anglaise et française de l'article 24(1) sont sans aucune équivoque.
La Chambre se fonde en conséquence sur le sens littéral, sans ambiguïté que revêt l'expression "decision under appeal" (décision qui fait l'objet du recours), qui dit bien ce qu'elle veut dire et désigne en l'occurrence la décision de la division d'opposition de révoquer le brevet en litige. De toute évidence le président initial de la chambre n'avait pas fait partie de cette division d'opposition.
Les intimés s'appuient en outre sur l'article 9(1) correspondant de la Convention sur le brevet communautaire (CBC), qui n'est pas encore entrée en vigueur. Le texte de cette disposition est le suivant :
"1. Les membres des divisions d'annulation ne peuvent participer au règlement d'une affaire (...) s'ils ont participé à la décision finale sur cette affaire dans le cadre de la procédure de délivrance ou de la procédure d'opposition".
Il est indéniable que la formulation de l'article 9(1) CBC est plus large que l'expression "decision under appeal" (décision qui fait l'objet du recours) qui figure à l'article 24(1) CBE, étant donné par exemple que dans le cas d'un recours formé dans le cadre d'une procédure d'opposition, un membre d'une division d'annulation ayant participé à une "décision finale dans le cadre de la procédure de délivrance" doit être récusé en vertu de l'article 9(1) CBC.
De toute évidence, l'utilisation à l'article 9(1) CBC de l'expression "décision finale dans le cadre de la procédure de délivrance ou de la procédure d'opposition" ne permet pas de considérer que l'expression plus restrictive "décision qui fait l'objet du recours" (decision under appeal) figurant à l'article 24(1) CBE revêt la même signification. On peut seulement en conclure que lorsque le législateur voulait distinguer "décision qui fait l'objet du recours" et "décision finale dans le cadre de la procédure de délivrance ou de la procédure d'opposition", il a effectivement introduit cette distinction. En outre, à la différence de la CBC, la CBE ne contient pas de dispositions prévoyant la possibilité de former un recours contre une "décision finale dans le cadre de la procédure d'opposition", comme le prévoit l'article 9(1) CBC.
La Chambre estime donc que la demande de récusation présentée au titre de l'article 24(1) CBE n'est pas fondée et doit par conséquent être rejetée.
6. Bien-fondé de la demande de récusation au titre de l'article 24(3) CBE
La question qui se pose est de savoir si un membre d'une chambre de recours technique siégeant dans le cadre d'une procédure de recours après opposition peut être "soupçonné de partialité" s'il a pris part à la décision prise par la chambre précédente d'annuler la décision de rejet de la division d'examen et de délivrer le brevet en litige.
6.1 La présente Chambre partage l'opinion exprimée dans la décision T 261/88, JO OEB 1992, 627, à savoir qu'il y a partialité pouvant donner lieu à récusation si un membre d'une chambre de recours a fait preuve de parti pris. Plus précisément, la présente Chambre estime qu'un membre d'une chambre peut être "soupçonné de partialité" au sens de l'article 24(3) si le membre en question risque d'avoir un jugement a priori ou préconçu sur la façon dont le cas doit être tranché. Un tel jugement est susceptible d'affecter la manière dont ce membre abordera cette affaire et peut dans certains cas particuliers être dû au fait que ledit membre avait pris part à une décision rendue précédemment dans l'affaire en question. En réalité, ce jugement préconçu peut tenir au désir louable de ce membre d'être logique et cohérent dans ses décisions successives. Tenant compte de ce risque de jugement préconçu, l'auteur de la CBE a décidé qu'un membre de la chambre de recours ne peut participer au règlement d'une affaire s'il a pris part à la décision qui fait l'objet du recours (article 24(1) CBE).
Comme il a été souligné plus haut, l'article 9(1) de la Convention sur le brevet communautaire va même encore plus loin en prévoyant que la récusation est également applicable aux membres qui ont participé "à la décision finale sur cette affaire dans le cadre de la procédure de délivrance ou de la procédure d'opposition".
A la différence de la Convention sur le brevet communautaire, la CBE ne prévoit donc pas d'interdiction absolue dans le cas où un membre a pris part auparavant à la décision de délivrance du brevet. Néanmoins, la condition générale requise à l'article 24(3) CBE, à savoir qu'un membre de la chambre ne doit pas pouvoir être soupçonné de partialité, vaut également en l'occurrence, et il convient de l'appliquer conformément au principe posé dans la décision G 5/91 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 1992, 617 - Décision susceptible de recours/DISCOVISION). Selon cette décision, la question de savoir si un membre peut être soupçonné de partialité ne peut être tranchée qu'"à la lumière des circonstances particulières de chaque espèce (...), il s'agit là surtout de questions de fait plutôt que de questions de droit" (cf. point 6 des motifs). En outre, comme le suggère la décision ci-dessus de la Grande Chambre, ce qu'il s'agit de savoir en pareil cas, ce n'est pas si le membre de la chambre dont la récusation est demandée s'est effectivement montré partial, mais uniquement s'il existe objectivement des motifs raisonnables de suspecter ce membre de partialité (cf. point 3 des motifs).
6.2 Le requérant souligne à juste titre que l'article 24 CBE ne donne aucune indication précise lorsqu'il s'agit d'un membre de la chambre qui avait pris part auparavant à la décision de délivrance du brevet.
La Chambre estime qu'un membre qui a pris part auparavant à une décision de délivrance du brevet ne peut être soupçonné d'avoir un jugement a priori ou préconçu sur la façon dont le cas doit être tranché si la division d'examen avait par exemple rejeté la demande de brevet au motif que son objet s'étendait au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée (article 123(2) CBE), et si dans les procédures d'opposition et de recours qui ont suivi un opposant alléguait uniquement l'absence d'activité inventive. En pareil cas, il paraît raisonnable de supposer que le membre de la chambre qui a pris part à la décision précédente serait impartial ou n'aurait pas de jugement préconçu et pourrait ainsi prendre une décision sans être influencé par son jugement précédent.
En revanche, il pourrait exister des cas dans lesquels un membre d'une chambre siégeant dans le cadre d'une procédure d'opposition aurait à trancher un point d'une importance cruciale qui aurait pour l'essentiel déjà été tranché dans le cadre d'une procédure de délivrance devant la chambre précédente, dont aurait fait partie le membre en question. Par conséquent, dans ce cas particulier, il est nécessaire de vérifier si le président initial de la chambre siégeant dans le cadre de la procédure de recours après opposition avait été confronté à des questions qui, de l'avis de cette chambre, étaient critiques pour l'appréciation de l'activité inventive ou du caractère suffisamment clair et complet de l'exposé, questions qui sont pour l'essentiel identiques ou comparables à celles qui devaient être examinées et tranchées au cours de la procédure de délivrance. Dans ce cas, le président initial en question risque d'avoir un jugement préconçu sur la manière dont cette affaire devrait être tranchée dans le cadre de la procédure de recours après opposition, et il conviendrait donc de l'exclure au motif qu'il peut être soupçonné de partialité.
6.3 Comme il a déjà été indiqué plus haut, au stade de la procédure de délivrance, la demande de brevet avait été rejetée par décision de la division d'examen. Le rejet avait été décidé au motif entre autres que la méthode de mesure de la cohésion était imprécise, du fait que la distance entre les barres inférieures fixes et le fond du récipient cylindrique pour l'ouate synthétique n'était pas divulguée.
Afin de répondre aux objections soulevées par la division d'examen au sujet de la manière dont avait été effectuée la mesure de la cohésion, le requérant avait chargé un institut de recherche indépendant d'effectuer des mesures de la cohésion sur un certain nombre d'échantillons de boulettes de fibres qu'il avait mises à sa disposition en lui fournissant uniquement les informations contenues dans la demande de brevet, c'est-à-dire sans lui indiquer la distance en question. L'institut avait construit comme on le lui demandait un dispositif d'essai et avait effectué les mesures, dont les résultats, compte tenu de la marge de tolérance à admettre en pareil cas, correspondaient aux résultats obtenus par le requérant (demandeur du brevet). Une fois les résultats fournis, il avait été demandé à l'institut de donner son commentaire sur l'objection spécifique soulevée par la division d'examen. En ce qui concerne la distance existant entre le fond du récipient et la paire inférieure de barres, l'institut a répondu qu'elle était plus ou moins fonction d'une combinaison des autres facteurs qui avaient été indiqués, notamment la longueur du cadre rectangulaire d'entraînement, la distance verticale entre la paire de barres et la longueur de la colonne de boulettes de fibres après compression (cf. décision T 519/91 citée ci-dessus, point 3.2 des motifs).
La chambre de recours précédente qui avait statué dans le cadre de la procédure de délivrance (et dont le président était le président initial de la chambre statuant dans le cadre de la procédure de recours après opposition dont la récusation était demandée) a jugé que les preuves présentées par le requérant (demandeur) étaient "convaincantes" (cf. décision T 519/91 citée supra, point 3.2 des motifs).
6.4 Au cours de la procédure d'opposition qui s'est tenue ensuite devant la division d'opposition, les opposants ont fait valoir, à l'appui du motif qu'ils avaient invoqué au titre de l'article 83 CBE (insuffisance de l'exposé de l'invention) que le brevet en litige ne fournissait pas à l'homme du métier suffisamment d'informations sur la manière dont était effectuée la mesure de la cohésion, du fait essentiellement que la distance entre le fond et les barres inférieures fixes du dispositif n'avait pas été divulguée. Ils ont produit des moyens qui prouvaient selon eux qu'une variation de la distance en question entraîne d'importants écarts dans les valeurs mesurées.
Dans sa décision de révocation, la division d'opposition a conclu que l'invention revendiquée n'impliquait pas d'activité inventive par rapport aux antériorités citées, mais répondait en revanche aux conditions requises à l'article 83 CBE. Elle a cité un passage de la décision précédente T 519/91 de la chambre 3.2.1, dans lequel il était déclaré que la mesure de la cohésion était divulguée de manière suffisamment claire pour que l'homme du métier puisse l'exécuter. La division d'opposition a estimé qu'elle n'avait aucune raison d'adopter un point de vue différent.
Au stade de la procédure de recours suivant l'opposition, les intimés ont contesté la brevetabilité de l'invention revendiquée et ont invoqué à nouveau l'insuffisance de l'exposé de l'invention (article 83 CBE). Ils ont estimé que la décision précédente T 519/91 qui avait été rendue dans le cadre de la procédure de délivrance ne pouvait lier la chambre chargée de statuer sur le recours formé après opposition. Ils ont cité la décision T 167/93, JO OEB 1997, 229, dans laquelle il avait été déclaré qu'une décision rendue par une chambre à la suite d'un recours formé contre une décision d'une division d'examen ne pouvait hier l'instance chargeé de statuer dans la procédure d'opposition ou la procédure de recours après opposition engagées ultérieurement, puisque le principe de la chose jugée ne s'appliquait pas en pareil cas.
Dans la notification au titre de l'article 11(2) RPCR que la Chambre avait envoyée aux parties en les convoquant à la procédure orale, il était indiqué entre autres que l'aspect le plus important pour l'appréciation de l'activité inventive qu'impliquait l'objet du brevet en litige était la mesure de la cohésion.
6.5. Il ressort de ce qui précède que la chambre siégeant dans le cadre de la procédure de recours après opposition devait, avec le président initialement désigné dont la récusation avait été demandée, statuer sur un point qui lui paraissait crucial et sur lequel la chambre précédente comprenant le même président s'était déjà prononcée au cours de la procédure de délivrance, c'est-à-dire sur la question de savoir si la description et les dessins fournissent à l'homme du métier suffisamment d'informations sur la manière dont avait été effectuée la mesure de la cohésion, et plus précisément si, après lecture de ces documents, cet homme du métier serait à même d'effectuer la mesure de la cohésion alors qu'il ne lui était donné aucune indication au sujet de la distance existant entre la paire inférieure de barres et le fond du cylindre. En d'autres termes, le président initialement désigné dont la récusation était demandée dans la procédure de recours après opposition se voyait dans ces conditions bien particulières obligé de confirmer ou d'infirmer le jugement qu'il avait lui-même rendu antérieurement. Or c'est précisément la situation que le législateur avait voulu éviter en prévoyant la récusation de tout membre d'une chambre qui a pris part à la décision faisant l'objet du recours, de manière à ce que l'impartialité et l'objectivité des membres des chambres puissent être garanties (cf. article 24(1) CBE ou article 9(1) CBC).
La présente Chambre estime par conséquent que les intimés avaient de bonnes raisons de penser qu'il serait difficile au même président de réexaminer l'affaire et de prendre une deuxième décision sans parti pris ni jugement préconçu.
La présente Chambre conclut pour ces raisons qu'il convient de faire droit à la demande de récusation présentée au titre de l'article 24(3) CBE.
Il convient de souligner que les faits dans cette affaire sont très particuliers, les aspects d'une importance critique étant les suivants : (i) le président initialement désigné dont la récusation était demandée avait présidé la chambre qui avait statué dans le cadre de la procédure de délivrance et (ii) en qualité de président de la chambre siégeant par la suite dans le cadre de la procédure de recours après opposition, il se voyait confronté essentiellement à la même question cruciale, s'agissant de savoir si l'exposé de l'invention était suffisamment clair et complet (article 83 CBE).
6.6 L'article 19(2) CBE dispose entre autres qu'un examinateur qui a participé à la procédure de délivrance du brevet européen ne peut assumer la présidence de la division d'opposition. La Chambre a quelque sympathie pour les arguments des intimés qui avaient fait valoir que, dans la situation qui vient d'être décrite, une telle interdiction devrait à plus forte raison s'appliquer au niveau de la deuxième instance, qui fait fonction d'organe judiciaire suprême dans le cadre du système européen des brevets. Comme cela a déjà été expliqué plus haut, c'est là l'un des aspects critiques qui ont conduit la présente Chambre à conclure qu'il y a lieu de faire droit à la demande de récusation au titre de l'article 24(3) CBE.
7. Enfin, puisque la présente Chambre conclut qu'il convient d'exclure le président initialement désigné au motif qu'il peut être soupçonné de partialité du fait essentiellement qu'il a pris part à la décision de délivrance du brevet en litige rendue par la chambre précédente, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si, à en juger par l'attitude qu'il aurait eue au cours de la procédure orale, il pourrait à bon droit être demandé par ailleurs sa récusation au titre de l'article 24(3) CBE.
8. En ce qui concerne la question de savoir si le membre technicien et le membre juriste initialement désignés doivent être récusés pour la suite de la procédure de recours après opposition, il convient de faire les constatations suivantes :
C'est à juste titre que le requérant a fait valoir que, comme la présente Chambre l'avait indiqué dans sa notification en date du 8 septembre 1999, ces deux membres ne pouvaient être récusés que pour la procédure concernant la possibilité de récuser le président désigné initialement.
Toutefois, ces deux membres se sont récusés d'eux-mêmes, et le membre juriste a clairement fait savoir dans sa déclaration qu'il refusait résolument de participer à la suite de la procédure de recours en qualité de membre de la Chambre. La présente Chambre estime que les motifs qu'il a avancés dans sa déclaration sont convaincants.
En outre, si dans la suite de la procédure d'opposition la Chambre devait rendre une décision avec la participation de deux membres qui auraient auparavant été exclus d'une partie de la procédure au motif qu'ils pouvaient être soupçonnés de partialité, le public pourrait non sans raison craindre que la Chambre ainsi constituée ne soit pas impartiale, ou la soupçonner de partialité. Par principe, il ne suffit pas qu'un jugement soit impartial, il doit aussi apparaître comme tel.
La présente Chambre estime par conséquent que la récusation du membre technicien et du membre juriste de la chambre qui avaient été initialement désignés doit également valoir pour la procédure de recours engagée devant la Chambre dans le cadre de la procédure d'opposition.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le président initial de la chambre ne peut participer à la suite de la procédure de recours engagée dans le cadre de la procédure d'opposition.
2. La récusation du membre technicien et du membre juriste de la chambre qui avaient été désignés initialement vaut également pour la suite de la procédure de recours engagée dans le cadre de la procédure d'opposition.