J 0027/92 (Système de stockage sur supports) 20-05-1994
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1. Le principe de la bonne foi qui régit les relations entre l'OEB et les demandeurs s'applique également aux services que l'OEB fournit de sa propre initiative. Lorsque de tels services ont été fournis, le demandeur est en droit de s'en prévaloir dans la mesure où les renseignements émanant de l'OEB ont été la cause directe de l'action qu'il a entreprise et si, en toute objectivité, il est normal que ces renseignements l'aient induit en erreur. Ces principes s'appliquent tant aux communications orales qu'aux notifications écrites de l'OEB (points 3.1 à 3.3 des motifs de la décision).
2. La règle 85ter CBE ne prime pas sur l'application de l'article 9(1), quatrième phrase, du règlement relatif aux taxes (J 11/85 (JO OEB 1986, 1) suivie; cf. points 4.1 et 4.2 des motifs de la décision).
3. Il est raisonnable de définir les "parties minimes non encore payées" mentionnées à l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, en fonction d'un pourcentage fixe de la taxe à payer dans chaque cas. Il peut être considéré qu'un pourcentage de 20% de la taxe à payer peut être qualifié de minime au sens dudit article (cf. point 5.6 des motifs de la décision; T 290/90 (JO OEB 1992, 368) suivie; T 905/90 (JO OEB 1994, 306) distinguée).
I. Le demandeur a déposé le 7 novembre 1989 la demande internationale PCT/US 89/05033 revendiquant la priorité d'une demande nationale déposée aux Etats-Unis le 10 novembre 1988. Cette demande a reçu le numéro de demande de brevet européen 89 913 194.0. Le rapport de recherche international afférent à cette demande a été publié le 17 mai 1990. Une requête en examen préliminaire international élisant l'OEB a été déposée le 8 juin 1990.
II. Le mandataire du demandeur a déposé le formulaire d'entrée dans la phase régionale devant l'OEB (Form 1200) le 10 mai 1991, introduisant une requête en examen et acquittant le même jour 80% de la taxe d'examen, soit 2 240 DEM au lieu du montant total de 2 800 DEM. La section de dépôt a fait savoir au mandataire qu'aucune requête en examen valable n'avait été déposée dans le délai imparti conformément à l'article 94(2) en liaison avec les articles 150(2) et 157(1) CBE, et la règle 104ter(1) CBE, délai qui avait expiré le 10 mai 1991, puisque la taxe d'examen n'avait pas été versée intégralement. Le mandataire a été invité à remédier à cette irrégularité en acquittant le reliquat de la taxe majoré d'une surtaxe conformément à la règle 85ter CBE. Le 8 juin 1991, le mandataire a dûment acquitté le reliquat et la surtaxe.
III. Dans une lettre en date du 18 juin 1991 déposée le 20 juin 1991, le mandataire a sollicité le remboursement de la surtaxe. La requête en remboursement s'appuyait sur deux motifs principaux.
D'une part, le mandataire affirme avoir été induit en erreur par des renseignements que lui avaient fournis de sa propre initiative par téléphone un agent de l'OEB le 10 mai 1991, selon lesquels il était possible d'obtenir une réduction de 20% de la taxe d'examen dans les affaires traitées au titre du chapitre II du PCT. Ces renseignements lui avaient été fournis lorsqu'il avait téléphoné en présence d'une de ses collaboratrices au service des renseignements de l'OEB à Munich pour s'assurer que la taxe d'examen devait être payée dans un délai de 30 mois, c'est-à-dire le jour même. Après avoir consulté un collègue, l'agent de l'OEB qui a répondu à son appel lui avait confirmé que la taxe d'examen venait à échéance le jour même, mais avait dans le même temps attiré son attention sur la réduction de 20%. Ensuite, le mandataire avait vérifié dans la CBE (article 14(2) et (4), règle 6(3) et article 12 du règlement relatif aux taxes) les informations qui venaient de lui être communiquées, mais, par manque de temps, il n'avait pas consulté les autres références figurant dans lesdites dispositions et avait cru par erreur que celles-ci confirmaient l'existence d'une réduction de 20%. Le mandataire n'a pas pris note du nom de la personne avec qui il s'est entretenu au téléphone.
D'autre part, le mandataire avait demandé à l'OEB d'exercer son pouvoir d'appréciation en vertu de l'article 9(1), quatrième phrase, du règlement relatif aux taxes, selon lequel, si cela paraît justifié, l'OEB peut ne pas tenir compte des parties minimes non encore payées de la taxe, sans qu'il en résulte pour autant une perte de droits pour la personne qui a effectué le paiement.
Enfin, si le remboursement de la surtaxe n'était pas possible, le mandataire avait fait savoir qu'il était disposé à formuler une requête en restitutio in integrum.
IV. Par téléfax en date du 12 juillet, suivi d'une lettre en date du 26 juillet 1991, la section de dépôt a rejeté la requête du mandataire, estimant que l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes n'était pas applicable en l'espèce, car la partie non payée n'était pas "minime" au sens de la décision J 11/85 (JO OEB 1986, 1). En outre, il n'était pas suffisamment prouvé que le mandataire avait été induit en erreur par un agent de l'OEB. Enfin, la restitutio in integrum ne constituait pas une solution appropriée, vu que la taxe et la surtaxe requises avaient été acquittées dans le délai supplémentaire imparti et qu'il n'y avait donc pas de droits à rétablir.
V. Le 19 août 1991, le mandataire a demandé que la notification soit revue à la lumière des arguments additionnels suivants:
Dans la décision J 11/85 citée dans la notification, la partie non payée représentait 12,5% du montant total; 10% ne constituait donc pas un maximum et l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes laisse à l'OEB la possibilité d'exercer son pouvoir d'appréciation lorsque les circonstances de l'espèce le justifient.
L'argument concernant l'entretien téléphonique entre le mandataire et un agent de l'OEB était raisonnable et s appuyait sur le témoignage de la collaboratrice du mandataire qui avait suivi la conversation via un système de haut-parleurs. Comme l'entretien s'est déroulé en allemand, la collaboratrice en question a pu en comprendre les détails. Le mandataire a effectué cet appel téléphonique, estimant que la façon la plus sûre et la plus normale de vérifier le délai était de s'adresser au service des renseignements. Le mandataire était pressé par le temps, car il avait reçu seulement la veille (le 9 mai 1991, jour férié) l'ordre de faire entrer la demande litigieuse, ainsi que trois autre demandes PCT, dans la phase régionale européenne. Par conséquent, tout paiement dû le 10 mai 1991 devait être effectué par mandat télégraphique. Il a demandé à l'OEB d'examiner l'affaire en questionnant les agents de l'OEB qui étaient en service le jour de l'appel téléphonique qui l'avait induit en erreur par les renseignements qui lui avaient été communiqués au sujet de la réduction de 20%. Dans sa lettre, le mandataire a indiqué comme date de l'entretien téléphonique le 10 juin 1991 alors que celui-ci avait eu lieu le 10 mai 1991.
VI. Le 12 septembre 1991, pour la première fois, la section de dépôt a demandé au service de renseignements de l'OEB de mener une enquête et de reconstituer les faits relatifs à l'entretien téléphonique. La demande ne mentionnait pas la date à laquelle celui-ci est censé avoir eu lieu, à savoir le 10 mai 1991, mais elle était accompagnée de copies de deux lettres en date du 18 juin 1991 et du 19 août 1991. Le 9 octobre 1991, la direction principale Information brevets de l'OEB à Vienne a répondu en substance que le mandataire n'avait pas pu recevoir d'informations erronées. Le 10 juin 1991, le bureau de renseignements à Munich comportait un effectif normal et les instructions autorisant uniquement les membres du personnel formés à fournir des renseignements ont été suivies. Dans le rapport, il est supposé que le mandataire avait mal compris les informations reçues et que le mandataire "tentait de justifier par tous les moyens sa demande de remboursement de la surtaxe et refusait de reconnaître son erreur".
Il faut noter que l'enquête a porté sur une date erronée, à savoir le 10 juin 1991 au lieu du 10 mai 1991.
Le rapport n'a pas été mis à la disposition du mandataire, lequel n'a par conséquent pas pu présenter ses observations sur son contenu avant que la section de dépôt ne prenne une décision.
VII. Par décision en date du 20 février 1992, la section de dépôt a rejeté la requête en remboursement de la surtaxe. Dans cette décision, la date de l'entretien téléphonique est considérée comme étant le 10 juin 1991. La décision se fondait sur les motifs suivants:
N'ayant pas payé intégralement la taxe d'examen dans le délai prévu à l'article 150(2) CBE, le demandeur avait le choix entre trois possibilités: l'application de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes; le paiement du reliquat majoré d'une surtaxe conformément à la règle 85ter CBE; le dépôt d'une requête en restitutio in integrum en vertu de l'article 122 CBE. Le mandataire ne pouvait se prévaloir que d'une seule de ces trois possibilités parallèles. Comme il avait déjà utilisé l'une d'entre elles en acquittant la partie non payée de la taxe d'examen ainsi que la surtaxe, il ne pouvait plus avoir recours aux deux autres.
Eu égard à l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, la jurisprudence de la Chambre de recours juridique établit qu'une partie non payée de 10% peut être considérée comme un "montant minime" (J 11/85, cf. supra). La section de dépôt a estimé que le montant non payé dans la présente espèce, à savoir 560 DEM, soit 20% du montant total, ne constituait pas un montant minime et ne pouvait pas être considéré comme contenu dans les limites fixées par la Chambre de recours juridique dans la décision J 11/85.
Il a été considéré par le passé (J 12/87 (JO OEB 1989, 366)) que la règle 85bis CBE et l'article 122 CBE constituaient des solutions immédiates disponibles pour éviter une perte de droit définitive. La restitutio in integrum n'est pas un remède approprié en l'espèce, puisque la taxe due et la surtaxe ont été payées dans le délai supplémentaire prévu à la règle 85bis CBE, et qu'il n'y a pas eu perte de droit. D'après la décision J 12/87, si le mandataire avait souhaité se réserver la possibilité de faire jouer l'article 122 CBE, il aurait dû présenter une requête conformément à cet article avant d'acquitter les taxes dans les conditions prévues à la règle 85bis CBE, ou encore aviser l'OEB, lors de ce paiement, qu'il l'effectuait par mesure de précaution et qu'il préférerait être rétabli dans ses droits au titre de l'article 122 CBE.
Pour ce qui est des renseignements fournis au mandataire par un agent non identifié de l'OEB, renseignements qui l'auraient amené à verser un montant erroné, il incombe au mandataire de prouver ses allégations, et la section de dépôt a estimé qu'il ne l'avait pas fait. Ses affirmations ne sont pas étayées par des faits concrets. De son côté, l'OEB a procédé à une enquête interne détaillée sur ce qui s'est déroulé au service de renseignements le 10 juin 1991. Le bureau d'information avait un effectif normal ce jour-là, et aucune circonstance inhabituelle ne vient appuyer les allégations du mandataire. Celles-ci ne permettent pas d'établir qu'un entretien téléphonique a bien eu lieu entre le mandataire et le service des renseignements de l'OEB et, le cas échéant, si les informations éventuellement données oralement par l'OEB étaient incorrectes ou si elles ont simplement été mal comprises.
La section de dépôt a également fait observer qu'en raison de son titre et de ses qualifications professionnelles en tant que mandataire agréé prés l'OEB ce dernier était censé connaître la CBE et son règlement d'exécution. Le mandataire a omis de vérifier les dispositions pertinentes de la Convention comme il aurait dû le faire avant de tirer les conclusions des renseignements qu'il déclare avoir reçus. D'après la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, une erreur de droit ne justifie pas, en règle générale, la restitutio in integrum( D 6/82, JO OEB 1983, 337).
VIII. Le 21 avril 1992, le requérant a formé un recours contre cette décision, acquittant la taxe de recours ce même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 24 juin 1992, demandant que la décision de la section de dépôt soit annulée, et que la surtaxe payée en application de la règle 85ter CBE et de l'article 2 du règlement relatif aux taxes soit remboursée, ainsi que la taxe de recours.
IX. A l'appui de sa requête, le requérant a fait valoir les arguments suivants:
La section de dépôt aurait dû appliquer les dispositions de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, et a mal interprété la décision de la Chambre de recours juridique J 11/85 (cf. supra). De l avis du requérant, le "montant minime" visé à l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, doit être interprété comme couvrant les cas où "un rapport raisonnable existe entre le montant dû et la surtaxe". La Chambre de recours juridique a appliqué ce critère dans sa décision J 11/85, considérant en l'espèce que la partie non payée de 12,3% constituait un montant minime. La Chambre avait alors déclaré que 10% constituaient, en règle générale, un montant minime, c'est-à- dire qu'un tel pourcentage devait être toléré sans qu'il soit nécessaire d'examiner les circonstances dans les détails. Cependant, la section de dépôt a considéré à tort que 10% constituaient un plafond, quelles que soient les circonstances.
Le requérant a d'autre part fait remarquer que toutes les taxes dues lors de l'entrée dans la phase régionale devant l'OEB au titre de la demande considérée s'élevaient à 7 000 DEM (montant incluant les taxes d'examen, de recherche, de désignation, de revendications, ainsi que les taxes nationales). Comparé à ce montant global, les 560 DEM dus au titre de la taxe d'examen constituaient effectivement un "montant minime".
En ce qui concerne l'affirmation de la section de dépôt selon laquelle tout mandataire agréé est censé connaître le droit de la CBE et la pratique qui s'y rapporte, le requérant a rétorqué qu'on ne peut pas attendre d'un mandataire qu'il connaisse sur le bout des doigts l'intégralité de la Convention avec son règlement d'exécution et la jurisprudence des chambres de recours. Il est des circonstances, p. ex. lorsque le temps presse, comme c'était le cas dans la présente espèce, où une vérification dans la Convention et dans le jurisprudence des chambres de recours aurait duré trop longtemps, et où il était raisonnable de vouloir remédier à une incertitude en s'adressant au service des renseignements de l'OEB. L'attention était attirée sur le fait que le mandataire avait contacté le service des renseignements pour obtenir confirmation du fait que la taxe d'examen venait à échéance le jour même, à savoir le 10 mai 1991. Il n'avait pas demandé à connaître le montant de la taxe, mais seulement si ce jour même était la date limite pour payer la taxe d'examen sans pénalité. La vigilance que l'on est en droit d'attendre d'un mandataire agréé suppose qu'il procède à ce genre de vérification afin de combler cette lacune dans ses "connaissances actives".
Le mandataire du requérant a également déclaré avoir donné dans les communications antérieures envoyées à la section de dépôt une version conforme à la réalité des faits relatifs à sa conversation avec le service des renseignements de l'OEB le 10 mai 1991. Il a réitéré comme suit sa version des faits: la personne à qui il a eu affaire au service des renseignements de l'OEB ne savait pas exactement si le délai expirait le jour même ou un mois plus tard, et a consulté un collègue ou un supérieur hiérarchique. Elle a ensuite confirmé que le délai expirait le jour même. Elle a également, de sa propre initiative, signalé [à tort] que, pour les demandes euro-PCT, la taxe d'examen était réduite de 20%. La collaboratrice du mandataire, Mlle Milana Kovac, a aussi suivi la conversation.
Il n'est pas étonnant que l'enquête menée par la section de dépôt n'ait rien révélé qui puisse étayer la version donnée par le requérant des faits censés avoir eu lieu le matin du 10 mai 1991, vu que cette enquête n'a pas été instruite immédiatement après que l'OEB a été informé, environ un mois plus tard, mais seulement trois mois après.
Le mandataire du requérant s'est estimé attaqué personnellement par les conclusions du point 14 de la décision contestée car elles impliquent qu'il a sciemment manipulé la vérité. C'est pour ce motif que le présent recours a été formé.
Le requérant a également soulevé une question de principe, celle de savoir si les mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets peuvent se fier aux avis donnés par le service des renseignements de l'OEB.
1. Le recours est recevable.
2. La question de fait
2.1 Dans la présente espèce, une question de fait oppose l'Office européen des brevets au requérant. Dans sa décision, la section de dépôt a affirmé qu'il incombait au mandataire du requérant de prouver la véracité des faits et que ses arguments en la matière étaient de simples allégations dénuées de fondement concrets.
2.2 L'article 114(1) CBE prévoit qu'au cours de la procédure, l'Office européen des brevets procède à l'examen d'office des faits; cet examen n'est pas limité aux moyens invoqués par les parties. Dans l'affaire J 20/85 (JO OEB 1987, 102), la Chambre de recours juridique a indiqué que, lorsqu'une question de fait oppose l'Office européen des brevets à une partie à la procédure devant l'OEB, il convient de prendre des mesures d'instruction à ce sujet dès que cette question de fait est soulevée. La Chambre estime par conséquent que la section de dépôt était tenue d'examiner les faits d'office.
2.3 D'autre part, il est dit à l'article 113(1) CBE que les décisions de l'Office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Comme l'a fait observer la Chambre de recours juridique dans la décision J 20/85 précitée, "l'article 113(1) est d'une importance fondamentale pour assurer l'équité de la procédure entre l'Office européen des brevets et une partie à la procédure devant l'OEB, notamment lorsqu'une telle question [de fait] est soulevée. L'Office européen des brevets ne peut en bonne justice rendre sur une telle question une décision défavorable à une partie à la procédure que lorsque toutes les preuves sur lesquelles doit se fonder cette décision ont été recueillies et communiquées à la partie concernée". Dans la décision J 3/90 (JO OEB 1991, 550), la Chambre de recours juridique a fait valoir par ailleurs que l'article 113(1) CBE n'est pas respecté si l'Office européen des brevets, procédant à l'examen des faits, n'informe pas pleinement les parties intéressées des investigations entreprises et de leurs résultats et si, par la suite, il ne leur donne pas suffisamment la possibilité de soumettre leurs observations, avant qu'une décision ne soit prise. Dans la même décision, il est également indiqué que lorsque l'Office européen des brevets procède à l'examen des faits, il doit le faire en toute objectivité.
2.4 Le requérant a maintenu depuis le début que son mandataire a commis l erreur de ne verser que 80% de la taxe d'examen due le 10 mai 1991, ayant été directement induit en erreur par les informations que lui avait communiquées par téléphone un membre du personnel du service des renseignements de l'OEB à Munich. Au dire du requérant, l'assistante du mandataire, Mme Milana Kovac, avait suivi la conversation via un système de haut- parleurs, et aurait pu corroborer la version des faits présentée par son employeur. La Chambre estime que la section de dépôt a commis un vice substantiel de procédure par la façon dont elle a abordé la question de fait dans la présente affaire. Premièrement, la section de dépôt est tenue d'examiner les faits d'office (article 114(1) CBE) et peut prendre des mesures d'instruction conformément à l'article 117 CBE (cf. J 20/85). Cependant, la section de dépôt n'a pas accédé à la proposition formulée par le requérant de faire entendre Mme Kovac, témoin présumé de l'entretien téléphonique. L'Office a également omis d'enquêter auprès de son service des renseignements afin de reconstituer le déroulement des faits dès que la question s'est posée. Bien que le requérant ait soulevé la question pour la première fois dans une lettre datée du 18 juin 1991, il a fallu attendre le 12 septembre 1991 pour que la section de dépôt demande au service des renseignements de l'OEB d'examiner l'affaire. Le compte rendu du service des renseignements porte la date du 9 octobre 1991. En second lieu, dans son compte rendu, le service des renseignements a déclaré avoir effectué l'enquête demandée concernant la date du 10 juin 1991. La section de dépôt a fondé sa décision sur ce compte rendu sans remarquer qu'il y avait eu méprise sur la date et que l'enquête aurait dû porter sur le 10 mai 1991. Le fait que, dans sa lettre en date du 19 août 1991, le requérant ait donné le 10 juin 1991 comme date de l'entretien téléphonique n'excuse nullement l'erreur commise par la section de dépôt et le service des renseignements, car la date correcte avait été mentionnée dans la lettre initiale en date du 18 juin 1991. Cette dernière a été mise à la disposition du service des renseignements et la Chambre considère que la section de dépôt et le service des renseignements se sont mis dans leur tort, celui-ci pour avoir effectué son enquête sur une date erronée, celle-là pour avoir basé sa décision sur le compte rendu de ladite enquête sans remarquer que la date était incorrecte. Troisièmement, la section de dépôt aurait dû mettre le rapport du service des renseignements à la disposition du requérant, qui aurait dû avoir suffisamment la possibilité de présenter ses observations avant toute prise de décision. Enfin, la Chambre rappelle que, lorsqu'une instance procède officiellement à une enquête, elle se doit de le faire en toute objectivité (cf. affaire J 3/90, JO OEB 1991, 550). La Chambre est d'avis que le service des renseignements, dans son rapport daté du 9 octobre 1991, et la section de dépôt, dans sa décision en date du 20 février 1992, ont fait preuve d'un manque d'objectivité en mettant en doute les motifs et les arguments du mandataire du requérant.
2.5 En conclusion, la Chambre estime que des vices substantiels de procédure ont été commis par la première instance dans la présente affaire.
3. Bonne foi
3.1 Le requérant a posé une question de principe, celle de savoir si les mandataires agréés près l'OEB peuvent se fier aux conseils que leur donne le service des renseignements de l'OEB. A cet égard, la Chambre attire l'attention sur la décision rendue par la Chambre de recours juridique dans l'affaire J 1/89 (JO OEB 1992, 17), selon laquelle le principe de la bonne foi qui régit les relations entre l'OEB et les demandeurs s'applique également aux services que l'OEB fournit de sa propre initiative. Bien que l'OEB essaye de fournir de son propre chef des services aux demandeurs chaque fois qu'il en a l'occasion, ceux-ci ne sont pas en droit d'attendre de tels services. Lorsque de tels services ont été rendus, le demandeur peut cependant légitimement se fier à l'exactitude des renseignements communiqués, et si des informations erronées l'amènent à une action compromettant le traitement normal de la demande, il ne doit pas en subir de préjudice (cf. également J 3/87, JO OEB 1989, 3 et J 2/87, JO OEB 1988, 330).
3.2 Toutefois, les décisions précitées se référaient également au principe selon lequel les parties à la procédure devant l'OEB - comme leurs mandataires - sont censées connaître les dispositions pertinentes de la CBE, même si ces dispositions sont complexes. Pour que le demandeur puisse alléguer s'être fié à des informations incorrectes, il doit être établi que les renseignements émanant de l'OEB ont été la cause directe de l'action qu'il a entreprise et pouvaient objectivement légitimer sa conduite (cf. J 3/87, supra). Pour ce faire, cela dépendra des circonstances de chaque espèce.
3.3 Dans les affaires précitées, les renseignements avaient été communiqués sous la forme de notifications écrites. La Chambre estime néanmoins que les mêmes principes s'appliquent aux communications orales de l'OEB, à ceci près que, dans le cas d une communication orale, la question de savoir si la communication a vraiment eu lieu constitue une question de fait qui doit être examinée et résolue conformément à la CBE et à la jurisprudence des chambres de recours.
4. Solutions parallèles
4.1 Au point 11 de sa décision, la section de dépôt a fait valoir que le mandataire ayant déjà utilisé une des trois solutions parallèles possibles (acquittement du reliquat de la taxe majoré d'une surtaxe en application de la règle 85ter CBE, restitutio in integrum au titre de l'article 122 ou traitement de faveur en vertu de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes) en versant la partie du montant non payée et la surtaxe, il ne pouvait plus se prévaloir des deux autres remèdes parallèles. D'après la section de dépôt (point 4 de la décision), les trois remèdes s'excluent mutuellement. Sur ce point, la Chambre renvoie à la décision de la Chambre de recours juridique dans l'affaire J 11/85 (JO OEB 1986, 1). Dans cette décision, la Chambre a reconnu que les trois solutions possibles citées s'excluaient mutuellement, mais a fait expressément remarquer que la CBE n'établit pas d'ordre de priorité entre les trois solutions juridiques prévues, à savoir l'application de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, le versement d'une surtaxe conformément à la règle 85ter CBE et la présentation d'une requête en restitutio in integrum conformément à l'article 122 CBE. Il n'est prévu nulle part dans la CBE que l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes ne peut s'appliquer tant que les possibilités offertes par la règle 85ter CBE ou l'article 122 CBE n'ont pas été épuisées. La CBE offre bien plutôt au demandeur le choix entre ces trois possibilités, et cela avec juste raison, car si chacun de ces remèdes vise bien à éviter les mêmes effets préjudiciables, ils ne s'emploient pas toutefois dans les mêmes conditions (point 8 des motifs de la décision).
4.2 A ce sujet, la Chambre estime que la règle 85ter CBE ne prime pas sur l'application de l'article 9(1), quatrième phrase, du règlement relatif aux taxes. Avant que la règle 85ter CBE ne soit entrée en vigueur par décision du Conseil d'administration en date du 4 juin 1981 (JO OEB 1981, 199), l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes s'appliquait dans tous les cas où il ne manquait qu'un montant minime pour que la taxe d'examen soit acquittée. Il était donc possible de ne pas en tenir compte, sans qu'il en résulte pour autant une perte de droits pour l'auteur du paiement. La décision du Conseil d'administration du 4 juin 1981 ne visait manifestement pas à modifier cette situation juridique puisqu'elle était destinée à offrir au demandeur une autre échappatoire dans le cas où la requête en examen n'a pas été présentée dans le délai prévu (point 10 des motifs de la décision).
5. Article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes
5.1 D'après l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes, un délai de paiement n'est, en principe considéré comme respecté que si la totalité du montant de la taxe a été payée dans le délai prévu. Néanmoins, la quatrième phrase du même article 9(1) autorise l'OEB, si cela paraît justifié, à ne pas tenir compte des parties minimes non encore payées de la taxe, sans qu'il en résulte pour autant une perte de droits pour la personne qui a effectué le paiement.
5.2 En la présente espèce, la requête en examen a été déposée en temps voulu le 10 mai 1991, mais la taxe d'examen n'a pas été acquittée intégralement dans les délais. Le requérant a fait valoir que le reliquat de 20% (560 DEM) était, au sens de l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes, un "montant minime" dont l'OEB pouvait ne pas tenir compte dans les circonstances de l'espèce. La section de dépôt a rejeté cet argument au motif que les 20% ne pouvaient être assimilés à un montant minime tel que l'a défini la Chambre de recours juridique dans sa décision J 11/85 précitée.
5.3 Dans la décision J 11/85, la Chambre de recours juridique a affirmé notamment qu'un montant restant dû ne dépassant guère 10% pouvait être qualifié de minime au sens de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes (point 7 des motifs de la décision). La Chambre a également estimé que 25% ne constituaient pas un montant minime (point 3 des motifs de la décision).
5.4 La non prise en compte de montant minimes restant dus au titre des taxes a été abordée par les chambres de recours dans trois autres affaires. Dans la décision T 130/82 (JO 1984, 172), la Chambre a estimé qu'il était légitime de ne pas tenir compte de la partie non payée (jugée "minime") au motif que le paiement incomplet a eu pour cause le fait que la requérante s'est reposée en toute bonne foi sur une information inexacte publiée par l'Office. Dans la décision T 290/90 (JO OEB 1992, 368), la Chambre a estimé que la question de savoir s'il paraît justifié de ne pas tenir compte de la partie minime non encore payée doit être tranchée sur une base objective (en considérant toutes les circonstances pertinentes de l'affaire), et non sur une base subjective. En décidant que, dans les circonstances de l'espèce, l'on pouvait parfaitement considérer les 20% de la taxe d'opposition comme une partie minime aux fins de l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes, la Chambre a tenu compte du fait qu'il était inapproprié de pénaliser le requérant pour avoir affirmé avoir droit à une réduction de la taxe d'opposition, et que les 20% manquants avaient en fait été rapidement acquittés après la date d'échéance.
5.5 Dans sa décision T 905/90 en date du 13 novembre 1992 (JO OEB 1994, 306), la Chambre a considéré que la meilleure manière de déterminer le sens du mot "minime" dans ce contexte était de comparer la somme restant à payer et le montant intégral de la taxe, et que, arithmétiquement parlant, une différence de 20% ne pouvait pas être considérée comme minime. Toutefois, la Chambre a aussi fait remarquer que cette question ne pouvait pas être tranchée dans l'absolu. Se référant au pouvoir d'appréciation que l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes confère à l'OEB lorsqu'il s'agit de ne pas tenir compte de montants minimes si cela paraît justifié, la Chambre a fait remarquer qu une telle justification pourrait résider en ce que le requérant a été induit en erreur par la pratique de l'OEB, à supposer que les principes d'équité jouent en faveur du requérant.
5.6 Dans la présente affaire, le demandeur n'a payé que 2 240 DEM sur les 2 800 DEM dus au titre de la taxe d'examen. Le montant restant dû s'élève donc à 560 DEM, soit 20% de ladite taxe. Un tel montant peut être négligé en vertu de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, sans qu'il en résulte pour autant une perte de droits pour la personne qui a effectué le paiement, pour autant que soient remplies les deux conditions énoncées audit article 9(1), à savoir que le montant doit être "minime" et que sa non prise en compte doit paraître justifiée.
Au sens de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, "montants minimes" n'est pas synonyme de montants insignifiants. Si un montant manquant est insignifiant, la pratique suivie à l'OEB consiste à ne pas en tenir compte, dans l'intérêt de l'économie administrative. Un "montant minime", au sens de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, est un montant qui ne peut être qualifié d'insignifiant.
Jusqu'à présent, l'OEB a, dans la pratique, fixé le montant minime au même niveau que celui des taxes pour la poursuite de la procédure et la restitutio in integrum, lesquelles s'élèvent actuellement à 150 DEM (cf. Gall, Münchner Gemeinschaftskommentar, article 51, n°251). Il ne fait aucun doute qu'un montant de 150 DEM peut être jugé minime comparé aux taxes dues dans le cadre d'une demande européenne. Néanmoins, la Chambre estime qu'il n'est pas utile de fixer un plafond à la notion de montant minime restant dû, car cela entraînerait une inégalité de traitement injustifiée entre les demandeurs lors de l'acquittement de différentes taxes. Ainsi, par exemple, un montant impayé de 150 DEM représenterait 20% de la troisième taxe annuelle (750 DEM), 10% de la huitième taxe annuelle (1 500 DEM), environ 5,4% de la taxe d'examen (2 800 DEM), environ 43% de la taxe de désignation (350 DEM) et 25% de la taxe de dépôt (600 DEM).
De l'avis de la Chambre, il semble donc raisonnable de définir les "parties minimes non encore payées" mentionnées à l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, en fonction d'un pourcentage fixe de la taxe à payer dans chaque cas. La Chambre estime à 20% le pourcentage maximal de la taxe à payer pouvant être considéré comme minime au sens dudit article. Ce pourcentage représente plus ou moins un moyen terme entre les taux de 5,4% à 43% que l'on peut obtenir en prenant pour référence le plafond de 150 DEM conformément à la pratique suivie jusqu'à présent par l'Office. En outre, le choix des 20% en tant que pourcentage devant être considéré comme un "montant minime" aura comme effet secondaire positif de permettre l'application de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes aux cas où une partie acquittant des taxes cherche par erreur à bénéficier de la réduction de 20% qui peut être accordée au titre de l'article 14(2) et (4) CBE, de la règle 6(3) CBE et de l'article 12 du règlement relatif aux taxes.
5.7 Dans la présente espèce, il est justifié de ne pas tenir compte du montant impayé conformément à l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, vu que le demandeur a non seulement acquitté sans retard le reliquat, mais il semble également qu'il ait été amené à ne payer que 80% des taxes par les informations erronées que lui a fournies l'OEB. Si elle décide de faire usage du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article précité, la Chambre doit se demander si cela est justifié compte tenu de toutes les circonstances pertinentes et des questions d'équité. Dans la présente affaire, si les affirmations du mandataire du demandeur sont correctes, l'absence de paiement intégral vient du fait qu'il s'est de bonne foi fié à des renseignements inexacts de l'OEB qui l'ont induit en erreur. La Chambre estime qu'en l'occurrence, il est normal qu'il se soit fié aux informations fournies.
En outre, la section de dépôt, dans le cas présent, a omis d'examiner les faits de façon appropriée, ce qui constitue un vice substantiel de procédure. En ce qui concerne les affirmations du demandeur, la Chambre estime qu'il faut accorder à ce dernier le bénéfice du doute. Dans un cas comme celui-ci, où trois ans se sont écoulés depuis les faits, ce qui rend malaisé l'administration de la preuve, le temps ne doit pas jouer au détriment du demandeur (cf. T 473/91, JO OEB 1993, 630). En principe, il convient d'accorder davantage d'importance au témoignage du mandataire du demandeur tel qu'il ressort d'un compte rendu écrit au moment des faits, lorsque ceux-ci étaient encore récents dans sa mémoire, qu'à d'éventuels éléments de preuve nouveaux sur lesquels pourraient déboucher de nouvelles enquêtes réalisées plusieurs années après.
Remboursement de la taxe de recours
6. La Chambre s'est posée la question de savoir si, en vertu de la règle 67 CBE, le remboursement de la taxe de recours devait être ordonné comme le demandait le requérant dans le mémoire exposant les motifs du recours. Comme il est indiqué aux point 2.4 et 2.5 ci-dessus, la section de dépôt a commis en l'espèce un vice substantiel de procédure eu égard aux articles 113(1) et 114(1) CBE. Par conséquent, le demandeur a bien droit au remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la section de dépôt en date du 20 février 1992 est annulée.
2. Le remboursement de la surtaxe et de la taxe de recours est ordonné.