2.4. Suppressions et remplacements
Dans l'affaire T 867/05, les revendications de produit du brevet tel que délivré définissaient une composition de substances (matériau de membrane des revendications 1 à 9 et matériau à perméabilité sélective à utiliser dans la dialyse de la revendication 12), alors que les revendications de produits modifiées définissaient un dispositif (rein artificiel). La chambre a considéré que la définition de l'invention était désormais différente, étant passée d'une entité physique à une entité physique plus complexe qui n'était pas englobée dans les termes des revendications du brevet tel que délivré. Ce changement impliquait que des composés ultérieurs d'un dispositif étaient englobés dans les termes de ces revendications. Cela avait pour effet d'étendre la protection conférée par la revendication 1 du brevet tel que délivré à des éléments étrangers aux revendications du brevet tel que délivré ("aliud") et contrevenait donc aux dispositions de l'art. 123(3) CBE. De même, dans l'affaire T 1321/05, la chambre a considéré la combinaison de deux entités physiques ("film de marquage graphique connecté à un véhicule") comme une nouvelle entité physique distincte de l'entité revendiquée initialement ("film de marquage graphique"). Elle a considéré cet objet comme un "aliud" et conclu que la revendication modifiée était donc contraire à l'art. 123(3) CBE.
Dans l'affaire T 547/08, la revendication du brevet tel que délivré portait sur une interface utilisateur et un appareil d'affichage pour une machine de dialyse et la revendication maintenue par la division d'opposition avait pour objet une machine de dialyse comprenant une interface utilisateur et un appareil d'affichage. Selon la chambre, l'étendue de la revendication telle que maintenue avait été restreinte par rapport à l'étendue de la revendication du brevet tel que délivré puisque l'objet maintenu comprenait explicitement la machine de dialyse comme une caractéristique supplémentaire. La chambre n'a pas souscrit aux arguments du requérant concernant les droits du titulaire du brevet d'intenter une action en justice pour contrefaçon directe ou indirecte. Selon la chambre la décision G 2/88 (JO 1990, 93) énonce clairement qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des législations nationales des États contractants en matière de contrefaçon et que cette question n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de statuer sur l'admissibilité de modifications au regard de l'art. 123(3) CBE. Concernant cette question, il convient en revanche de garder à l'esprit que la protection conférée par un brevet est déterminée par la teneur des revendications et notamment par les catégories auxquelles elles appartiennent ainsi que par les caractéristiques techniques indiquées dans celles-ci, conformément à l'art. 69(1) CBE et à son protocole interprétatif (décision G 2/88). La présente espèce se distingue selon la chambre des affaires T 352/04 (changement d'une substance en une combinaison de la substance et d'un dispositif) et T 867/05 (changement d'une substance A à utiliser dans une méthode X en une combinaison d'un dispositif B et de la substance A), et a rejeté l'argument du requérant selon lequel l'étendue de la protection était désormais différente (notion d'aliud), en violation de l'art. 123(3) CBE.
Dans l'affaire T 1296/11 la chambre a conclu qu'il n'y avait pas de modification de la catégorie de revendication, car un dispositif électromécanique était revendiqué avant et après la modification, contrairement par exemple aux affaires T 352/04, T 867/05 et T 321/07. Se référant à la décision T 547/08 concernant un cas analogue dans lequel une indication du but à atteindre avait également été remplacée par une combinaison obligatoire, la chambre a conclu que la protection au sens de l'art. 123(3) CBE n'avait pas été étendue. Les caractéristiques introduites n'étendaient pas la protection de la revendication, mais au contraire la restreignaient.
Pour d'autres affaires dans lesquelles les chambres ont estimé que la revendication modifiée définissait un "aliud", voir par exemple les décisions T 1675/08, T 1779/09, T 1701/10, T 1578/13 et T 2181/13. À l'inverse, pour des affaires dans lesquelles les chambres ont considéré que la revendication ne définissait pas un aliud, voir par exemple les décisions T 820/98, T 1818/11 et T 1646/12.