T 0016/87 (Catalyseur) 24-07-1990
Téléchargement et informations complémentaires:
1. Il appartient à l'Opposant qui invoque l'invalidité d'un brevet au motif que l'invention ne serait pas réalisable d'indiquer les faits et justificatifs à l'appui de ce motif, dans le cas présent de fournir des résultats d'essais établissant l'inactivité du catalyseur tel que revendiqué. (cf. point 4. des motifs de la décision)
2. Une caractéristique ajoutée, après la date de priorité, dans une revendication et ne constituant pas un élément essentiel de l'invention mais une limitation volontaire de la portée de cette revendication, n'invalide pas le droit de priorité revendiquée (suivante la décision T 73/88 - 3.3.1). (cf. point 5. de motifs de la décision)
3. La disposition de l'article 69(1) de la CBE selon laquelle la description et les dessins (s'ily en a) servent à interpréter les revendications, s'applique également au cours d'une procédure d'opposition quand il s'agit de déterminer objectivement la teneur d'une revendication afin de juger la nouveauté et la non-évidence de son objet. (cf. point 6 de motifs de la décision)
Priorité - caractéristique additionnelle
Obligation de l'Opposante d'indiquer faits et justifications sur lesquels l'opposition se fonde
Interprétation des revendications au cours d'une procédure d'opposition"
I. L'Intimée est titulaire du brevet européen n° 0 027 069 déposé le 18 septembre 1980 (numéro de dépôt : 80 401 328.2) et revendiquant la priorité de la demande de brevet français n° 7 924 675 du 4 octobre 1979.
II. La Requérante a fait opposition à ce brevet et en a demandé la révocation complète, aux motifs que son objet n'était pas nouveau au vu du document intercalaire DE-A-2 928 249 (D1)
et qu'il n'impliquait pas l'activité inventive requise au
vu en particulier des documents
DE-A-2 747 373 (D2) et
DE-A-2 637 198 (D8).
III. Dans une décision intermédiaire prise au sens de l'article 106(3) de la CBE, la Division d'opposition a constaté qu'aucun des motifs d'opposition visés à l'article 100 de la CBE ne s'opposait au maintien du brevet dans sa forme modifiée établie sur la base des documents indiqués dans la notification faite conformément à la règle 58(4) de la CBE du 10 janvier 1986.
IV. La Requérante a formé un recours contre cette décision.
V. A l'issue d'une procédure orale, la Requérante (Opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Pour sa part, l'Intimée (Titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours et a requis le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 12 présentées à la procédure orale à titre de requête principale et d'une description modifiée comme indiqué dans la notification faite par la Division d'opposition conformément à la règle 58(4) de la CBE du 10 janvier 1986 (requête principale).
Les revendications 1 et 12, seules revendications indépendantes de ce jeu de revendications, s'énoncent comme suit :
"1) Catalyseur pour le traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne caractérisé en ce qu'il comporte : un support à base d'oxyde réfractaire et une phase active constituée de cérium, de fer, d'au moins un métal choisi parmi le platine et le palladium et d'au moins un métal choisi parmi l'iridium et le rhodium ; la teneur en platine et/ou palladium étant comprise entre 0,04 et 0,5 % en poids par rapport au support ; la teneur en iridium et/ou rhodium étant comprise entre 0,002 et 0,1 % en poids par rapport au support ; le rapport entre le poids de platine et/ou de palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium étant compris entre 4 et 40 et de préférence entre 7 et 20 ; la teneur en fer étant comprise entre 0,1 et 3,5 % en poids par rapport au support ; et la teneur en cérium est comprise entre 0,3 et 4,4 % en poids par rapport au support.
12) Procédé de traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne permettant notamment d'éliminer la majeure partie de l'oxyde de carbone, des hydrocarbures imbrûlés et des oxydes d'azote présents dans ces gaz caractérisé en ce que l'on utilise le catalyseur selon l'une quelconque des revendications 1 à 11."
Les revendications 2 à 11 sont rattachées à la revendication indépendante 1.
A titre subsidiaire, l'Intimée a requis le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 10 présentées à la procédure orale à titre de requête subsidiaire et d'une description à adapter (requête subsidiaire).
La revendication 1 de la requête subsidiaire diffère de la revendication 1 de la requête principale en ce qu'elle est limitée à un support à base d'alumine stabilisée thermiquement en lui introduisant un métal alcalino- terreux, de la silice ou une terre rare trivalente.
VI. Les arguments présentés par la Requérante à l'appui de sa requête en révocation du brevet peuvent être résumés de la façon suivante :
a) Le brevet est tout d'abord entaché d'une insuffisance de l'exposé de l'invention qui en fait l'objet. En particulier, il ne comporte aucun exemple de composition de phase active d'un catalyseur comprenant de l'iridium ou du palladium à titre de métal noble, et en ce qui concerne les autres éléments, les exemples donnés ne couvrent nullement la totalité des plages de compositions revendiquées. Par conséquent, il n'est pas certain que l'invention alléguée puisse être réalisée dans l'ensemble du domaine couvert par les revendications.
b) L'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée n'est pas nouveau au vu du document D1, qui divulgue des exemples de catalyseur présentant la composition revendiquée.
Ce document, publié le 24 janvier 1980, est en effet opposable à la validité du brevet contesté, dont la date de dépôt est postérieure et qui ne peut bénéficier de la date de la priorité revendiquée du 4 octobre 1979, puisque la demande française dont la priorité est revendiquée ne comportait pas la limitation de l'actuelle revendication 1, selon laquelle le rapport entre le poids de platine et/ou de palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium est compris entre 4 et 40 et de préférence entre 7 et 20.
A ce propos, il ne serait pas équitable de permettre à un déposant d'introduire, postérieurement à la date de priorité d'une demande, des limitations arbitraires non supportées par cette demande pour échapper à une anticipation par un document de l'état de la technique (dans le cas présent le document D8) tout en conservant néanmoins le bénéfice de la date de priorité.
c) L'objet de la revendication 1 n'implique pas davantage d'activité inventive au vu du contenu des documents D8 et D2.
En particulier, le document D8 divulgue un exemple de catalyseur multifonctionnel comportant, outre un support sous forme de particules sphéroïdales d'alumine tel que celui de tous les exemples du brevet contesté, une phase active constituée de cérium, de platine et de rhodium, dans des proportions incluses dans les plages de valeurs indiquées dans la revendication 1 (page 30, tableau II, exemple 15 et dernier paragraphe). Le catalyseur revendiqué ne se distingue de ce catalyseur connu qu'en ce qu'il comporte du fer à la place du nickel prévu dans la composition de l'exemple 15. Toutefois, le document D8, de même d'ailleurs que le texte en français des demandes correspondantes française et belge, précise qu'aussi bien le cobalt que le nickel peuvent être substitués par du fer, ce dernier appartenant également au groupe VIII de la classification périodique (page 29, lignes 12 à 15). Par ailleurs, le document D2, qui concerne également un catalyseur multifonctionnel comprenant un support constitué par des particules sphéroïdales d'alumine et une phase active comportant du rhodium et un autre métal du goupe du platine ainsi qu'un élément présentant une capacité de stockage pour l'oxygène, enseigne qu'un tel élément peut être formé par au moins l'un des éléments du goupe cérium, fer et molybdène (revendications 6 et 13). Le fait que le molybdène ne soit manifestement pas adapté à cette utilisation en raison de sa faible stabilité, et l'enseignement que l'élément présentant la capacité de stocker de l'oxygène peut être constitué par "au moins" l'un des éléments cités (le terme "au moins" impliquant que ces éléments peuvent aussi bien être utilisés en combinaison) conduisent naturellement l'homme du métier à envisager la combinaison particulière du fer avec le cérium seulement.
Pour ces raisons, on ne saurait voir d'activité inventive pour l'homme du métier à envisager de remplacer le nickel de l'exemple 15 du document D8, qui comporte déjà du cérium, par du fer, de façon à obtenir la combinaison cérium-fer suggérée par le document D2.
En ce qui concerne la quantité de fer à mettre en oeuvre, la teneur revendiquée comprise entre 0,1 et 3,5 % en poids par rapport au support résulte aussi bien du simple remplacement du nickel dans l'exemple 15 du document D8 par une quantité équivalente de fer, que de l'enseignement explicite de l'exemple 1C du document D2 (page 12, tableau 1, 16,5 grammmes de fer par litre de catalyseur correspondent sensiblement à 2,5 % en poids par rapport au support).
En ce qui concerne l'utilisation de cérium à titre de composant de la phase active du catalyseur revendiqué, son activité en matière de stockage d'oxygène mentionnée dans le document D2, ne peut être dissociée de celle consistant à stabiliser la surface du support, telle qu'elle est évoquée dans le document D8 (revendication 6), de sorte que l'attribution de cet élément à la phase active selon les termes de la revendication 1 ne constitue pas une caractéristique distinctive par rapport au catalyseur connu de l'exemple 15 du document D8.
Enfin, les résultats des mesures du pourcentage de conversion à 350° C reportés dans le tableau 1 de la description du brevet contesté ne permettent aucunement de conclure à l'existance d'une activité particulière d'un catalyseur incorporant simultanément le cérium et le fer (exemples 1, 2, 5-7) par rapport aux catalyseurs ne mettant en oeuvre qu'un seul de ces éléments (exemples 3, 4). En effet, les courbes représentant le pourcentage de conversion par rapport à la température présentent une pente très importante au voisinage de la température concernée, alors que la mesure de température ne peut se faire avec une précision inférieure à 10° C du fait de l'imprécision des moyens de mesure. Des mesures effectuées par la Requérante, dont le resultat est joint à sa lettre du 25 avril 1988, montrent notamment que, dans des conditions expérimentales similaires à celles utilisées pour établir le tableau 1 du brevet contesté, le catalyseur selon l'exemple 1 de ce brevet ne présente pas une activité surprenante ou supérieure à celle d'un catalyseur comportant la même quantité de cérium, mais pas de fer.
VII. Ce point de vue a été contesté par l'Intimée, qui a notamment fait valoir les arguments suivants :
a) L'exposé de l'invention satisfait à l'exigence de l'article 83 de la CBE parce que, d'une part, l'homme du métier est parfaitement en mesure de réaliser un catalyseur correspondant à la définition de la revendication 1, dans tout le domaine des compositions revendiquées, même si la description du brevet n'expose qu'un certain nombre d'exemples spécifiques. D'autre part, l'objet de l'invention, qui est d'améliorer le comportement des catalyseurs multifonctionnels lorsqu'ils sont utilisés à basse température, est réalisé dans tout le domaine revendiqué, même s'il l'est à un degré plus important pour les exemples spécifiques décrits.
b) S'il est vrai que le rapport entre le poids de platine et/ou de palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium défini dans la revendication 1 n'apparaissait pas dans le document de priorité, cette caractéristique n'a été incluse dans cette revendication que pour mieux la délimiter par rapport à un droit national antérieur mais cette caractéristique supplémentaire ne supporte pas la brevetabilité de la revendication 1, qui résulte des autres caractéristiques de la revendication. Ces autres caractéristiques étant toutes divulguées dans le document de priorité, elles doivent bénéficier de la priorité revendiquée lors du dépôt, et le document D1 ne doit par conséquent pas être pris en compte à leur égard.
c) L'objet du brevet implique également l'activité inventive requise car, en particulier, aucun des documents de l'état de la technique ne concerne le problème technique résolu par l'invention, à savoir l'amélioration de la longévité et de l'efficacité à basse température d'un catalyseur multifonctionnel, ni ne suggère la solution revendiquée, qui consiste essentiellement à utiliser en combinaison du cérium et du fer dans la phase active du catalyseur. Ainsi, le document D8 ne divulgue que l'utilisation du cérium pour la stabilisation de la surface du support d'alumine, le cérium se trouvant alors nécessairement à l'état d'oxydation (3+) pour pouvoir s'intégrer au réseau d'alumine, et ne pouvant dans cet état participer au stockage ou à la libération d'oxygène. Les techniques d'analyse par spectroscopie photoélectronique par rayons X (XPS) montrent que ce n'est qu'à des concentrations plus élevées que celles connues pour la stabilisation qu'une partie du cérium peut se retrouver à l'état d'oxydation (4+), dans lequel il contribue à l'activité effective du catalyseur. De plus, le document D8 implique simplement que du fer peut être utilisé à la place du nickel et du cobalt, c'est-à-dire dans les exemples cités où les deux sont utilisés simultanément, de sorte qu'il ne peut suggérer de remplacer par du fer le nickel présent seul dans l'exemple 15 relevé par la Requérante.
Si le document D2 enseigne effectivement l'équivalence du cérium, du fer et du molybdène pour le stockage de l'oxygène dans un catalyseur multifonctionnel, il ne suggère aucunement l'utilisation du fer en combinaison avec le cérium. L'indication selon laquelle il convient d'utiliser au moins l'un des éléments du groupe constitué par le cérium, le fer ou le molybdène ne résulte manifestement que d'une précaution de rédaction usuelle dans les documents de brevet, et n'est supporté par aucun exemple spécifique d'une combinaison de ces éléments. Elle ne peut en aucune façon suggérer l'existance d'un effet de synergie lié à l'utilisation combinée du fer et du cérium.
Enfin, en ce qui concerne l'améliorisation du comportement du catalyseur à basse température, les spécifications imposées par les constructeurs automobiles en ce qui concerne les températures dites de "light off" pour lesquelles le coefficient de conversion obtenu est de 50 %, et qui doivent être remplies par le producteur avec la précision d'un degré Celsius, démontrent clairement l'intérêt d'un gain de quelque degrés seulement. De plus, les installations de mesure couramment utilisées en laboratoire permettent, contrairement à l'affirmation de la Requérante, une détermination de la température des gaz d'échappement avec une précision de plus ou moins 1° C seulement.
1. Le recours est recevable.
Requête principale de l'Intimée.
2. Les pièces du brevet tel que modifié selon la requête principale de l'Intimée satisfont aux exigences formelles de la Convention.
3. Modifications apportées au brevet européen (article 123 de la CBE).
L'objet de la revendication 1 correspond à la combinaison de celui des revendications 1, 9 et 10 telles que déposées. Cet objet ne diffère de celui de la revendication 1 du brevet délivré, hormis la correction d'une erreur d'impression évidente dans le rapport entre le poids de platine et/ou de palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium ("entre 4 et 40" et non entre "4 et 10" ; voir page 2, ligne 41 et page 4, ligne 9 du brevet délivré), que par la restriction de la plage de valeur définissant la teneur en cérium, de sorte que la revendication satisfait aux dispositions de l'article 123 (2) et (3) de la CBE.
4. Exposé suffisant de l'invention (article 100 b) de la CBE).
La Requérante a exprimé des doutes quant à la suffisance de l'exposé de l'invention contenu dans la description du brevet en cause au motif qu'il n'avait été donné aucun exemple de composition de phase active d'un catalyseur comprenant de l'iridium ou du palladium et que, d'autre part, les exemples donnés ne couvraient pas la totalité des plages de compositions revendiquées.
La Chambre fait observer sur ce point que la règle 27(1) f) de la CBE n'exige que la description détaillée d'un mode de réalisation de l'invention qui, en principe, doit comporter des exemples, s'il y a lieu (voir, par exemple, la décision T 87/86 du 18 mai 1988, non publiée au JO OEB).
Dans le cas présent, plusieurs exemples ont été donnés et la Requérante a elle-même effectué des essais comparatifs ce qui établit qu'elle n'a eu aucune difficulté à réaliser l'objet de l'invention à partir de l'exposé contenu dans la description, c'est-à-dire que l'invention a été suffisamment exposée pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.
En fait, l'objection de la Requérante est plutôt que l'Intimée n'aurait pas établi la preuve que le catalyseur revendiqué était actif pour toutes les combinaisons et tous les pourcentages mentionnés dans la revendication 1. Cependant, comme indiqué ci-dessus, il n'est pas requis du titulaire du brevet qu'il apporte une telle preuve. Il suffit qu'au vu du mode de réalisation décrit et des exemples eventuellement donnés il apparaisse plausible à l'homme du métier que l'invention est applicable avec les combinaisons mentionnées, et dans les plages de combinaisons données.
Conformément à la règle 55 c) de la CBE, il appartient à l'Opposant qui invoque l'invalidité partielle d'un brevet au motif que l'invention ne serait pas réalisable pour certaines compositions ou plages de compositions d'indiquer les faits et justificatifs invoqués à l'appui de ce motif, c'est-à-dire, par exemple, de fournir des résultats d'essais établissant la preuve de l'inactivité du catalyseur, ce que la Requérante n'a pas fait dans la présente affaire, s'étant bornée à exprimer un doute. Dans ces conditions, la Chambre ne peut retenir ce motif de révocation du brevet.
5. Validité de la revendication de la priorité (article 88 (3) de la CBE).
La Requérante a argumenté que la priorité de la demande de brevet français n° 7 924 675 n'aurait pas été valablement revendiquée car la revendication 1 du brevet européen contenait une caractéristique relative au rapport entre le poids de platine et/ou de palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium qui n'était pas divulguée dans la demande de brevet français.
Conformément aux dispositions de l'article 88 (3) de la CBE, le droit de priorité ne couvre que les éléments de la demande de brevet européen qui sont contenus dans la demande dont la priorité est revendiquée.
Il s'en suit donc, dans le cas présent, que la priorité de la demande de brevet français a été valablement revendiquée pour toutes les caractéristiques de la revendication 1 à l'exception de la caractéristique ajoutée, considérée indépendemment.
Or, cette caractéristique ajoutée ne représente pas un élément essentiel de l'objet de la revendication 1 qui en aurait modifié la nature de sorte que l'on se trouverait en présence d'une invention nouvelle par rapport à celle objet de la demande de brevet français mais elle constitue seulement une limitation volontaire de la portée de cette revendication (cf. décision T 73/88 - 3.3.1 du 7 novembre 1989, qui sera publiée au JO OEB, point 2 des motifs).
Dans ces conditions, la Chambre ne peut faire sienne l'argumentation de la Requérante sur cette question et considère, par conséquent, que le document intermédiaire D1, cité par la Requérante à l'encontre de l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet attaqué, ne fait pas partie de l'état de la technique tel que défini à l'article 54 de la CBE et ne doit donc pas être pris en considération.
6. Interprétation de la revendication 1 (article 69 de la CBE).
Lors de la procédure de recours, la question de l'interprétation correcte de la revendication 1 en ce qui concerne plus particulièrement la caractéristique relative à la teneur en cérium du catalyseur revendiqué, a fait l'objet de nombreuses discussions. Selon l'Intimée, en effet, la quantité de cérium indiquée dans la revendication 1 ne concernerait que le cérium présentant effectivement un rôle actif dans la conversion des gaz d'échappement, mais n'incluerait pas d'éventuelles faibles quantités de cérium intégrées au support pour en améliorer la stabilité thermique (point VII c) ci-dessus). Au contraire, selon la Requérante, l'effet de stabilisation thermique et l'activité de conversion du cérium seraient indissociables, de sorte que la teneur en cérium définie dans la revendication 1 couvrirait aussi bien des quantités de cérium introduites primairement pour améliorer la stabilité thermique de la surface du support (point VI c) ci-dessus).
La disposition de l'article 69(1) de la CBE selon laquelle la description et les dessins (s'il y en a) servant à interpréter les revendications, s'applique également au cours d'une procédure d'opposition quand il s'agit de déterminer objectivement la teneur d'une revendication afin de juger la nouveauté et la non-évidence de son objet.
Or, de l'avis de la Chambre, il résulte de l'examen du libellé même de la revendication 1 qu'il y est établi une claire distinction entre le support à base d'oxyde réfractaire d'une part, et la phase active d'autre part, la teneur en cérium mentionnée étant exclusivement contenue dans la phase active. En ce qui concerne le support lui-même, la revendication dépendante 8 ainsi que la description (page 3, ligne 64 à page 4, ligne 2) montrent qu'il peut avoir été traité de façon à lui conférer une bonne stabilité thermique au cours du temps en lui introduisant un métal alcalino-terreux, de la silice ou une terre rare trivalente. La description comporte d'ailleurs la référence à titre d'exemple à un support à base d'oxyde réfractaire au sens de la revendication 1, qui comporte déjà, c'est-à-dire indépendamment de la phase active, de l'oxyde de cérium (qui constitue une telle terre rare trivalente) associé à de l'alumine (page 2, lignes 44 à 47).
Par conséquent, de l'avis de la Chambre, la revendication 1 interprétée en liaison avec la description conformément aux dispositions de l'article 69(1) de la CBE définit un catalyseur dans lequel une quantité de cérium comprise entre 2,5 et 4,4 % en poids par rapport au support contribue effectivement à l'activité de conversion du catalyseur dans sa phase active, d'éventuelles quantités supplémentaires de cérium non comptabilisées dans cette quantité comprise entre 2,5 et 4,4 % pouvant en outre, au même titre que d'autres éléments de stabilisation, être intégrées à la structure du support à base d'oxyde réfractaire pour en améliorer la stabilité thermique.
Dans la mesure où la fonction effectivement exercée par le cérium est étroitement liée à son état d'oxydation et que ce dernier peut être déterminé par des méthodes de spectroscopie, comme l'a indiqué l'Intimée de manière convaincante, l'appartenance d'une quantité déterminée de cérium soit au support soit à la phase active au sens défini ci-dessus est une caractéristique technique objectivement reconnaissable de tout catalyseur, de sorte que l'interprétation retenue ne nuit pas à la clarté de la définition de l'objet énoncé à la revendication 1.
7. Nouveauté
a) Le document D8 considéré tant par la Chambre que par les parties comme le document le plus pertinent concerne des catalyseurs pour le traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne qui comportent un support à base d'oxyde réfractaire et une phase active. En particulier, le catalyseur selon l'exemple 15 (page 30, tableau II) comporte un support constitué de billes d'alumine (page 30, dernier paragraphe), et une phase active constituée notamment d'au moins un métal choisi parmi le platine et le palladium (le platine) et d'au moins un métal choisi parmi l'iridium et le rhodium (le rhodium), la teneur en platine et/ou palladium étant comprise entre 0,04 et 0,5 % en poids par rapport au support (0,5 %), la teneur en iridium et/ou rhodium étant comprise entre 0,002 et 0,1 % en poids par rapport au support (0,013 %), le rapport entre le poids de platine et/ou le palladium et le poids d'iridium et/ou de rhodium étant compris entre 4 et 40 (38).
La phase active de ce catalyseur particulier de l'exemple 15 du document D8 comporte du nickel, mais l'indication dans le document selon laquelle le cobalt et le nickel peuvent aussi bien être remplacés par du fer (page 29, lignes 12 à 15) enseigne également l'utilisation du fer à la place du nickel dans le catalyseur de l'exemple 15, selon une teneur qui n'est toutefois pas précisée. Par ailleurs, le catalyseur de l'exemple 15 du document D8 comporte une certaine quantité de cérium (0,4 % en poids de CeO2 correspondant à 0,32 % de cérium, mais, contrairement à l'objet de la revendication 1 telle qu'interpretée conformément au paragraphe 3 ci-dessus, cette proportion de cérium n'est pas comprise dans la phase active du catalyseur, mais constitue uniquement un élément de stabilisation de la surface du support. Le document D8 précise en effet que l'imprégnation par l'oxyde de cérium des billes d'alumine utilisées dans l'exemple 15 est équivalente à la réalisation d'un revêtement comportant de l'oxyde de cérium sur les catalyseurs à support monolithique, dans lesquels ce revêtement développe explicitement un effet de stabilisation (page 30, dernier paragraphe en liaison avec page 13, lignes 22 à 27).
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée se distingue du catalyseur selon l'exemple 15 du document D8 d'une part par l'indication de la teneur en fer, qui y est comprise entre 0,1 et 3,5 % en poids par rapport au support, et
d'autre part en ce qu'il comporte en outre du cérium également dans la phase active, en une proportion comprise entre 0,3 et 4,4 % en poids par rapport au support.
Les autres catalyseurs du document D8 comportent tous du cérium intégré dans le revêtement externe d'un support monolithique. Dans tous ces modes de réalisation, le cérium fait donc partie du support et non de la phase active au sens indiqué au paragraphe 3 ci-dessus.
b) Le document D2 décrit en liaison en particulier avec les exemples 1C et 1D du tableau 1 (page 12) des catalyseurs pour le traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne qui comportent, comme l'objet de la revendication 1, un support à base d'oxyde réfractaire (billes d'alumine) et une phase active constituée d'au moins un métal choisi parmi le platine et le palladium (le platine) et d'au moins un métal choisi parmi l'iridium et le rhodium (le rhodium) les teneurs et rapports pondéraux de ces éléments étant compris dans les plages de valeur définies à la revendication 1. Le catalyseur de l'exemple 1C comporte dans sa phase active du fer, et celui de l'exemple 1D du cérium, tous deux dans des proportions incluses dans les plages de valeur définies à la revendication 1, mais aucun exemple du document D2 ne comporte une combinaison de fer et de cérium.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée se distingue des catalyseurs divulgués dans le document D2 essentiellement par l'utilisation simultanée de fer et de cérium dans la phase active.
c) Les autres documents de l'état de la technique ne sont pas plus pertinents à l'encontre de la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée.
d) Pour ces raisons, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée est nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.
8. Activité inventive
a) L'état de la technique le plus proche est constitué, de l'avis de la Chambre, par l'exemple 15 du document D8 dans lequel, toutefois, le nickel aurait été remplacé par une quantité non déterminée de fer dont l'effet, selon l'enseignement de ce document, est équivalent à celui du nickel. Ce catalyseur comporte également une certaine proportion de cérium (0,32 % en poids par rapport au support), mais ce cérium, pour les raisons indiquées au point 4 a) ci-dessus, n'est pas compris dans la phase active du catalyseur.
Le problème technique à la base de l'objet de la revendication 1 consiste à modifier ce catalyseur connu de façon à améliorer son efficacité à basse température, c'est-à-dire aux environs de 350° C.
Ce problème technique est résolu selon l'invention essentiellement en incluant également du cérium dans la phase active du catalyseur connu. A ce propos, les résultats des mesures portés sur le tableau 1 du brevet attaqué, en particulier la comparaison des exemples 1 et 5 correspondants à des compositions selon l'invention avec les exemples 3 et 4, qui, toutes choses égales par ailleurs, ne comportent respectivement que du fer ou du cérium, dans une proportion égale à la somme des proportions du fer et du cérium présentes simultanément dans des exemples 1 et 5, démontrent une activité particulière du cérium et du fer lorsqu'ils sont présents simultanément dans la phase active.
b) L'homme du métier confronté au problème susmentionné ne trouve aucun encouragement dans le document D8 à mettre en oeuvre du cérium dans la phase active, puisque ce document n'évoque l'utilisation du cérium qu'à titre d'additif de stabilisation du support.
Il est vrai par ailleurs que le document D2 enseigne l'équivalence du cérium et du fer, notamment, lorsqu'ils sont utilisés dans la phase active d'un catalyseur, mais cet enseignement pourrait tout au plus inciter l'homme du métier à remplacer le fer du catalyseur connu du document D8 par du cérium, mais non à utiliser ces deux éléments en combinaison dans la phase active. De plus, même si le document D2 ouvre la possibilité de combiner plusieurs des éléments actifs choisis parmi le cérium, le fer et le molybdène en indiquant qu'il faut utiliser "au moins" l'un de ces éléments, la combinaison particulière du fer et du cérium ne résulte pas de manière évidente de cette indication. En effet, les catalyseurs recommandés par le document D2 présentent déjà aux températures de fonctionnement normales (cf. tableau 2, page 12 : entre 570 et 730° C) des taux de conversion excellents voisins de 90 % ou supérieurs lorsqu'ils ne comportent que l'un de ces éléments actifs (page 13, tableau 3, exemples 1C et 1D), de sorte que l'homme du métier ne pourrait attendre de perfectionnement majeur d'une combinaison de ces éléments, du moins en ce qui concerne les performances du catalyseur à ces températures élevées. A plus forte raison, ne saurait- il prévoir que la combinaison fer-cérium pourrait avoir une influence favorable sur le comportement du catalyseur à basse température, qui n'est pas davantage évoqué dans le document D2 que dans le document D8. Par conséquent, s'il est indéniable que l'homme du métier aurait théoriquement pu combiner du fer et du cérium dans la phase active d'un catalyseur, l'état de la technique relevé ne laisse apparaître aucune raison objective susceptible de l'inciter à procéder effectivement à une telle combinaison (cf. décision T 2/83, JO OEB 1984, 265, point 7 des motifs).
c) En ce qui concerne les mesures effectuées par la Requérante et dont les résultats sont joints à sa lettre du 25 avril 1988, il convient tout d'abord de remarquer qu'elles ont été effectuées dans des conditions (type du moteur, débit des gaz d'échappement) différentes de celles dont les résultats figurent au tableau 1 du brevet attaqué, et avec des exemples comparatifs de compositions différentes. Ces mesures ne peuvent donc mettre en doute l'exactitude des résultats décrits dans le brevet, pas plus d'ailleurs que l'affirmation non supportée par aucun moyen de preuve que les températures des gaz d'échappement ne peuvent être mesurées avec une précision supérieure à 10° C. De plus, elles sont censées démontrer l'inexistance d'un effet surprenant associé à la combinaison du fer et du cérium, mais l'existence d'un tel effet surprenant n'est pas décisive dans l'appréciation de la brevetabilité de l'objet revendiqué puisque cette combinaison est déjà, pour les raisons énoncées ci-dessus, non évidente par elle-même pour l'homme du métier.
d) Pour ces raisons, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'Intimée implique une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE.
Il en va de même de l'objet des revendications 2 à 11, du fait de leur rattachement à la revendication 1 dont elles dépendent. De même, l'objet de la revendication indépendante 12 qui définit un procédé de traitement des gaz d'échappement caractérisé par l'utilisation du catalyseur selon l'une quelconque des revendications 1 à 11 implique nécessairement l'activité inventive requise, puisqu'il ne peut être évident d'utiliser à des fins quelconques un dispositif qui lui-même ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique.
9. Pour ces raisons, compte tenu des modifications apportées par l'Intimée selon sa requête principale, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions de la Convention, de sorte que le brevet tel qu'il a été modifié peut être maintenu (article 102(3) de la CBE).
Requête subsidiaire de l'Intimée.
10. Dans ces conditions, la requête principale de l'Intimée pouvant être acceptée, il n'est pas nécessaire d'examiner sa requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance avec l'ordre de maintenir le brevet sous une forme modifiée, sur la base des documents suivants :
- revendications 1 à 12 présentées à la procédure orale du 24 juillet 1990 à titre de requête principale ;
- description page 2, ligne 1 à page 8, ligne 42 jointes à la notification établie conformément à la règle 58(4) de la CBE du 10 janvier 1986.