W 0006/90 (Concept général unique) 19-12-1990
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1. Un concept général unique au sens de la règle 13.1 PCT s'exprime à travers ce qui existe de commun entre différents enseignements proposés individuellement dans une demande de brevet. A cet égard, il convient de noter qu'un tel enseignement peut recouvrir aussi bien l'objet même de la demande, qui représente la solution recherchée et qui est défini dans la revendication correspondante, que ses conséquences techniques susceptibles de se manifester sous forme d'effets (cf. point 3.2 paragraphe 2 des motifs de la décision).
2. I. L'existence d'un concept général unique suppose donc qu'il y ait entre les enseignements que contient une demande une identité partielle fondée sur les caractéristiques de structure des objets revendiqués et/ou sur les effets ou résultats associés à ces objets (cf. point 3.2 paragraphe 3 des motifs de la décision).
3. Pour que la demande satisfasse à l'exigence d'unité de l'invention, il faut, selon la règle 13.1 PCT, que le concept général unique soit également inventif. Donc, lorsqu'il existe un concept général unique, mais sans caractère inventif, il n'y a pas d'unité de l'invention. L'examinateur chargé de la recherche qui estime qu'il y a lieu d'émettre une invitation à payer une taxe additionnelle pour la recherche au motif que la demande ne satisfait pas à l'exigence d'unité de l'invention doit, par conséquent, prouver que, par rapport aux connaissances générales de l'homme du métier (constatation a priori) ou par rapport à l'état de la technique déterminé lors de la recherche en ce qui concerne l'objet défini en premier lieu dans les revendications (constatation a posteriori), le concept général unique n'apporte manifestement aucune contribution inventive (cf. point 3.3 paragraphes 1 et 3 des motifs de la décision).
Absence d'unité a priori
Concept général unique non inventif
I. La demande internationale PCT/EP 89/01 054, comprenant 16 revendications, a été déposée le 11 septembre 1989. Les revendications 1, 7 et 8 s'énoncent comme suit :
"1. Prothèse de la hanche caractérisée en ce qu'elle comporte au moins en partie un corps creux ouvert latéralement.
7. Prothèse de la hanche caractérisée en ce que la prothèse est conçue comme une tige droite présentant en vue latérale une répartition de la masse en forme de S, le centre de gravité des sections transversales de la prothèse étant situé, par rapport à l'axe de la prothèse, postérieurement dans la partie proximale de la prothèse et antérieurement dans la partie distale.
8. Prothèse de la hanche, notamment selon l'une des revendications 1 à 7, caractérisée en ce que la tête de la prothèse est disposée de manière à pouvoir se déplacer dans une, deux ou trois directions, ces déplacements dans les différentes directions étant préférentiellement indépendants les uns des autres." (C'est la Chambre qui souligne).
II. Le 22 janvier 1990, l'Office européen des brevets, agissant en qualité d'administration compétente chargée de la recherche internationale, ayant estimé que la demande ne satisfaisait pas à l'exigence d'unité de l'invention énoncée à la règle 13.1 PCT, a invité le déposant à payer une taxe additionnelle pour la recherche en application de l'article 17.3)a) et de la règle 40.1 PCT.
L'OEB a fait valoir que, outre une première invention, exposée dans les revendications 1 à 6, 7, et 9 à 16, concernant l'extrémité de la tige d'une prothèse de la hanche, la demande porte sur une autre invention, mentionnée dans la revendication 8, et concernant la mobilité de la tête d'une prothèse de la hanche. Le concept inventif à la base des deux revendications indépendantes 1 et 7 réside en ce que la répartition de la masse de l'extrémité de la tige de la prothèse est adaptée à la déformabilité de l'os. Pour cela, selon la revendication 1, il est fait appel à un corps creux et, selon la revendication 7, il est choisi de donner à l'extrêmité de la tige une forme de S. La revendication 8 a quant à elle pour objet une tête de prothèse, disposée de manière à pouvoir se déplacer dans, une, deux ou plusieurs directions. Dans la mesure où la tête de prothèse mobile selon la revendication 8 peut être utilisée en produisant les mêmes effets, qu'elle soit ou non associée à une extrêmité de tige selon les revendications 1 et/ou 7, ces deux objets ne reposent pas sur un seul concept inventif général, et la demande présente donc a priori une absence d'unité de l'invention.
III. Le 21 février 1990, le déposant a acquitté sous réserve la taxe additionnelle exigée et en a demandé le remboursement. A son avis, le concept inventif général à la base des revendications 1 et 7 est aussi celui sur lequel repose la revendication 8 ; il s'agit en l'occurrence d'assurer grâce à une configuration de prothèse spécialement adaptée une application optimale de la force et, partant, une moindre déformation de l'os. Il importe peu ce faisant de savoir si une prothèse selon la revendication 8 produirait les mêmes effets au cas où on l'utiliserait indépendamment de l'objet des revendications 1 et 7 ou si, en combinant les caractéristiques de la revendication 8 aux prothèses selon les revendications 1 et 7, on pourrait améliorer encore l'application de la force. La demande satisfait donc à l'exigence d'unité de l'invention énoncée à la règle 13.1 PCT.
1. En vertu de l'article 154(3) CBE, les chambres de recours sont compétentes pour statuer sur les réserves formulées par les déposants.
2. La réserve formulée est conforme à la règle 40.2.c) PCT ; elle est donc recevable.
3. En ce qui concerne les critères au regard desquels, lors d'une recherche, il convient d'apprécier l'unité de l'invention (règle 13 PCT), la Chambre fait observer ce qui suit :
3.1. Aux termes de la règle 13.1 PCT, la demande internationale ne peut porter que sur une invention ou sur une pluralité d'inventions liées entre elles de telle sorte qu'elles ne forment qu'un seul concept inventif général ("exigence d'unité de l'invention"). L'absence d'unité de l'invention peut soit apparaître directement "a priori", compte tenu des connaissances générales de l'homme du métier, c'est-à-dire avant que les revendications ne soient examinées à la lumière de l'état de la technique qui a pu être déterminé lors de la recherche, soit ne se révéler qu'"a posteriori", compte tenu de cet état de la technique.
3.2. Pour pouvoir apprécier lors de la recherche s'il y a unité de l'invention, il faut tout d'abord se demander si un seul concept inventif général sert de lien entre les différentes inventions.
Un tel concept s'exprime à travers ce qui existe de commun entre différents enseignements proposés individuellement dans une demande de brevet. A cet égard, il convient de noter que, en droit des brevets, un enseignement peut recouvrir aussi bien l'objet même de la demande, qui représente la solution recherchée et qui est défini dans la revendication correspondante, que ses conséquences techniques susceptibles de se manifester sous forme d'effets. Chaque objet est alors défini par des caractéristiques de structure et des relations existant entre celles-ci. En règle générale, les effets pertinents, c'est-à-dire les effets ou résultats suscités par l'invention revendiquée, sont déjà décelables à partir de l'énoncé du problème.
Ainsi, l'existence d'un concept général unique suppose-t-elle qu'il y ait entre les enseignements que contient une demande une certaine identité partielle fondée sur les caractéristiques de structure des objets revendiqués et/ou sur les effets ou résultats associés à ces objets.
La règle 13.2 PCT énumère à titre d'exemple des combinaisons d'objets définis dans des revendications indépendantes de différentes catégories et liés entre eux de telle sorte que, comme l'exige la règle 13.1 PCT, ils ne forment qu'un seul concept inventif général. L'illustration que la règle 13.2 donne de la notion juridique un peu vague de "concept général unique" s'accorde du reste avec les considérations présentées ci-dessus. C'est ainsi que les objets cités à la règle 13.2.i) PCT (produit, procédé spécialement conçu pour la fabrication dudit produit et utilisation dudit produit) ne forment qu'un seul concept général parce que, d'une part, l'identité partielle entre le produit et son utilisation a son origine dans les caractéristiques de structure du produit et que, d'autre part, l'identité partielle entre le produit et le procédé spécialement conçu pour sa fabrication repose sur le fait que ce produit doit être considéré comme l'effet ou le résultat de la mise en oeuvre dudit procédé (cf. T 119/82, "Gélification/EXXON", JO OEB 1984, 217, point 11).
Lorsque l'on est en présence d'objets de même catégorie, l'identité partielle permettant de conclure à l'unité de l'invention peut provenir des caractéristiques de structure de ces objets et/ou des effets de leur mise en oeuvre.
L'absence d'une telle identité partielle entre les différents enseignements contenus dans la demande, donc l'absence d'unité de l'invention peut le cas échéant être déjà décelée a priori. Toutefois, l'absence d'unité de l'invention peut également devenir apparente a posteriori, à savoir entre les objets de différentes revendications indépendantes ou dans les objets restants, dans le cas où l'objet d'une revendication recouvrant toutes les autres n'est manifestement pas nouveau ou pas de nature à impliquer une activité inventive eu égard à l'état de la technique révélé.
3.3. Pour que la demande satisfasse à l'exigence d'unité de l'invention, il faut, selon la règle 13.1 PCT, que le concept général unique soit également inventif. Donc, lorsqu'il existe un concept général unique, mais sans caractère inventif, il n'y a pas d'unité de l'invention.
Vu qu'au stade de la recherche le déposant ne peut présenter ses observations, l'objection selon laquelle un concept général unique, concrétisé par un groupe d'objets revendiqués, n'est pas inventif et a ainsi pour conséquence qu'il ne satisfait pas à l'exigence d'unité de l'invention, ne devrait être soulevée par l'examinateur chargé de la recherche que dans les cas où la situation est parfaitement claire (cf. décision de la Grande Chambre de recours, en date du 2 mai 1990, G 1/89 "Esters polysuccinates", JO OEB 1991, 155, point 8). Dans cette même décision, il est en outre précisé que cette évaluation en vue d'établir l'existence d'un concept inventif unique ne doit être effectuée que si elle est indispensable à l'appréciation de l'unité de l'invention pour l'application de la procédure fixée à l'article 17 et à la règle 40 PCT. Une telle évaluation n'a qu'un caractère provisoire et ne saurait représenter un examen quant au fond relatif à la brevetabilité de l'invention.
L'examinateur chargé de la recherche qui estime qu'il y a lieu d'émettre une invitation à payer une taxe additionnelle pour la recherche au motif que la demande ne satisfait pas à l'exigence d'unité de l'invention doit donc prouver que, par rapport aux connaissances générales de l'homme du métier (constatation a priori) ou par rapport à l'état de la technique déterminé lors de la recherche en ce qui concerne l'objet défini en premier lieu dans les revendications (constatation a posteriori), le concept général unique n'apporte manifestement aucune contribution inventive.
3.4. Les conditions requises pour qu'il y ait unité de l'invention au sens de la règle 13.1 PCT, telles qu'elles sont examinées ci- dessus, sont également valables en principe lorsque l'activité inventive réside essentiellement dans la découverte d'un problème ignoré (cf. T 2/83, "Comprimé de siméthicone/RIDER", JO OEB 1984, 265, "Invention de problème"). Dès lors que le problème commun - ou les effets que sa solution doit permettre d'obtenir - était déjà connu en tant que tel, ou que, d'une manière générale, il paraissait nécessaire de le résoudre (existence de desiderata), ou bien encore qu'il apparaissait évident, le simple fait de l'énoncer ne semble pas constituer une activité inventive.
De même, le fait que les caractéristiques communes de structure soient énumérées dans les préambules des revendications et nulle part ailleurs et que ces caractéristiques connues ne contribuent pas à la résolution du problème auquel l'ensemble de la combinaison revendiquée est censé remédier, peut être l'indice d'une absence d'unité de l'invention.
3.5. Ni l'interprétation fournie ci-dessus de la notion juridique assez vague de "concept inventif général unique", ni les possibilités concordant avec cette interprétation et citées à titre d'exemples dans des dispositions de la règle 13.2 PCT n'ont un caractère exhaustif ; la Chambre estime cependant que cette interprétation correspond à la pratique développée jusqu'à présent.
4. Dans la présente espèce, compte tenu de ce qui précède, l'examen de la réserve formulée par le déposant à propos du paiement d'une taxe additionnelle pour la recherche, exigé par l'Office européen des brevets au motif d'une absence d'unité de l'invention a priori, appelle les conclusions suivantes :
4.1. Il est indiqué à la page 3 de la description de la demande que le problème que se propose de résoudre l'invention est de réaliser une prothèse donnant de manière répétée de bons résultats en matière de réhabitation et de résistance à l'effort.
4.2. Dans son mémoire en date du 20 février 1990, le déposant fait valoir que le concept inventif général unique liant entre elles les inventions selon les revendications 1 et 7, d'une part, et l'invention selon la revendication 8, d'autre part, réside dans une configuration de prothèse assurant une transmission optimale de la force et donc, une moindre déformation de l'os.
4.3. Pour la Chambre, à première vue, et compte tenu des considérations développées aux points 3.3 et 3.4, ce concept général unique n'implique pas a priori une activité inventive.
En effet, de par ses connaissances générales, l'homme du métier aux prises avec la conception et la réalisation de prothèses devant normalement présenter de bonnes propriétés en matière de réhabilitation et de résistance à l'effort, ne manquera pas d'essayer de parvenir à une transmission de la force aussi régulière que possible à l'intérieur de la prothèse et de l'os, et de limiter, voire d'éviter toute déformation osseuse. Il est bien connu en effet que les déformations osseuses peuvent entraîner des déplacements des surfaces, suivis de résorptions osseuses susceptibles de provoquer du jeu au niveau de la prothèse (cf. page 2 de la description). En tant que tels, les effets recherchés des inventions sont donc connus et ne sauraient avoir un caractère inventif.
Les arguments produits par le déposant pour prouver que la demande satisfait à l'exigence d'unité de l'invention ne sont donc pas valables.
4.4. Qui plus est, si l'on ne se contente pas, comme aux points 4.2 et 4.3, de s'attacher aux effets recherchés ou aux besoins à satisfaire (desiderata), mais que l'on considère les caractéristiques de structure énoncées dans les revendications 1 et 7, d'une part, et celles énoncées dans la revendication 8, d'autre part, il est également difficile de prétendre qu'il y a unité de l'invention.
La Chambre estime que, si l'on s'en tient aux explications fournies dans la description (cf. notamment pages 4, 6, 8 à 10 et 15), le concept à la base des objets des revendications 1 et 7 - concept que l'on pourrait peut-être a priori, c'est-à-dire en faisant abstraction de l'état de la technique déterminé, qualifier d'inventif - réside dans les caractéristiques de structure permettant d'adapter la répartition de la masse de la prothèse tant en fonction des zones principalement concernées par la transmission de la force qu'en fonction de la déformabilité de l'os.
En revanche, le concept sur lequel repose l'objet de la revendication 8, du moins dans la mesure où celle-ci ne se réfère pas aux revendications qui précèdent, réside dans une disposition de la tête de la prothèse propre à permettre sa mobilité de manière que, suivant l'anatomie des patients, "la tête de la prothèse puisse être exactement alignée dans l'articulation sacro-iliaque et que la force soit transmise dans la même direction" (cf. pages 7 et 17 de la description).
Ces deux concepts trouvent leur expression dans des caractéristiques totalement différentes entre lesquelles il n'existe aucune identité partielle, si bien que la condition énoncée au point 3.2 n'est pas remplie. Les inventions selon les revendications 1 et 7, d'une part, et selon la revendication 8, d'autre part, ne sont par conséquent pas liées entre elles de sorte à ne former qu'un seul concept inventif général.
5. La demande internationale ne satisfait donc pas à l'exigence d'unité de l'invention au sens de la règle 13.1 PCT, et c'est à bon droit qu'a été émise le 22 janvier 1990 l'invitation à acquitter une taxe additionnelle pour la recherche.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La réserve est rejetée. La taxe additionnelle pour la recherche n'est pas remboursée.