G 0003/97 (Opposition pour le compte d'un tiers) 21-01-1999
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1a : Une opposition n'est pas irrecevable du seul fait que la personne indiquée en tant qu'opposant conformément à la règle 55a) CBE agit pour le compte d'un tiers.
1b : Une telle opposition est toutefois irrecevable lorsque l'intervention de l'opposant doit être considérée comme un contournement abusif de la loi.
1c : Il y a contournement abusif de la loi notamment lorsque : - l'opposant agit pour le compte du titulaire du brevet ; - l'opposant agit pour le compte d'un client dans le cadre d'activités qui, dans l'ensemble, sont caractéristiques de celles d'un mandataire agréé, sans posséder les qualifications requises par l'article 134 CBE.
1d : En revanche, il n'y a pas contournement abusif de la loi pour la simple raison que : - un mandataire agréé agit en son nom propre pour le compte d'un client ;
- un opposant ayant son domicile ou son siège dans un Etat partie à la CBE agit pour le compte d'un tiers qui ne remplit pas cette condition.
2 : Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a contournement abusif de la loi, il convient d'appliquer le principe de la libre appréciation des preuves. La charge de la preuve appartient à celui qui invoque l'irrecevabilité de l'opposition. L'existence d'un contournement abusif de la loi doit être établie sur la base d'une preuve claire et sans équivoque, qui emporte la conviction de l'instance appelée à statuer.
Recevabilité de l'opposition - Opposant agissant pour le compte d'un tiers
Contournement abusif de la loi
Exposé des faits et conclusions
I. Les Chambres de recours techniques 3.2.5 et 3.3.4 ont soumis à la Grande Chambre de recours, en application de l'article 112(1)a) CBE, des questions de droit analogues.
II. Dans sa décision intermédiaire T 301/95 (JO OEB 1997, 519 - Homme de paille/HARTDEGEN), la Chambre de recours 3.2.5 a soumis à la Grande Chambre les questions de droit suivantes (numéro du dossier : G 3/97) :
"1. Une opposition introduite par un prête-nom ("homme de paille") est-elle recevable ?
2. Si la réponse à la question 1 est négative, dans quelle mesure convient-il de vérifier le bien-fondé de l'objection selon laquelle il s'agit d'un homme de paille, dès lors qu'il est fait état de circonstances qui donnent tout lieu de supposer que l'opposant n'agit pas pour son propre compte ?"
III. Dans la procédure devant la Chambre 3.2.5, le titulaire du brevet avait affirmé que l'opposant agissait en tant qu'homme de paille pour le compte d'un tiers, lequel avait, en application de l'article 115 CBE, argué de la non-brevetabilité de l'invention objet du brevet en raison d'un usage antérieur public. A l'appui de ses arguments, le titulaire du brevet s'était fondé sur la ressemblance entre certaines formulations utilisées dans l'acte d'opposition et les observations produites par le tiers en question, sur le comportement de l'opposant et sur le fait que celui-ci effectuait des recherches dans le domaine des brevets. Il a demandé le rejet de l'opposition pour irrecevabilité.
IV. Par décision intermédiaire T 649/92 (JO OEB 1998, 97 - ADN pour HSA/GENENTECH), la Chambre 3.3.4 a soumis à la Grande Chambre les questions de droit suivantes (en anglais dans l'original) (numéro du dossier : G 4/97) :
"1. Le titulaire du brevet et intimé a-t-il le droit, pendant la procédure de recours, de contester la recevabilité d'une opposition pour des motifs liés à l'identité de l'opposant et requérant, alors qu'une telle objection n'a pas été soulevée devant la division d'opposition ?
2. Si la réponse à la question 1 dépend des circonstances particulières de l'espèce, quels sont les principes juridiques régissant les circonstances à prendre en considération par une chambre de recours lorsque celle-ci apprécie la question de savoir si la recevabilité de l'opposition peut être contestée au stade du recours ?
3. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, de quelle manière convient-il d'interpréter la disposition de l'article 99(1) CBE, selon laquelle toute personne peut faire opposition au brevet européen, et en particulier, cette disposition doit-elle être interprétée comme signifiant que toute personne peut faire opposition en son nom propre, mais pas au nom d'un opposant agissant en tant que prête-nom, à savoir d'un opposant qui se contente de prêter son nom aux fins de la procédure, tout en permettant à un tiers de conduire cette procédure ?
4. Si la réponse à la question 3 signifie que l'article 99 CBE exclut tout opposant agissant en tant que prête-nom, dans quelles circonstances, si tant est qu'il y en ait, un opposant soupçonné d'agir en tant que prête-nom peut-il être tenu de produire des éléments de preuve en vue d'établir qu'il a véritablement formé opposition en son nom, et quels éléments de preuve peut-il être tenu de fournir afin de prouver qu'il est le véritable opposant ?
5. Si les réponses aux questions ci-dessus limitent le droit de contester la recevabilité, cette restriction doit-elle s'appliquer immédiatement dans toutes les procédures en instance ?
V. Dans la procédure devant la Chambre 3.3.4, le titulaire du brevet avait fait valoir que l'opposant vendait des parapluies et des articles de maroquinerie. Celui-ci ne pouvait donc avoir aucun intérêt à faire opposition à un brevet dans le domaine du génie génétique. Il était improbable qu'il possédât les compétences techniques pour conduire la procédure d'opposition. En outre, il relevait d'un système juridique où les oppositions sont couramment formées par des hommes de paille. Enfin, il avait refusé de confirmer qu'il n'agissait pas pour le compte d'un tiers. Dans cette procédure également, le titulaire du brevet avait demandé le rejet de l'opposition pour irrecevabilité.
VI. Les deux décisions de saisine mentionnent les difficultés qui se sont posées à ce jour dans la pratique en ce qui concerne l'objection de l'homme de paille. La décision T 301/95 soulève le problème de l'autorité entre les parties de la chose jugée attachée à une décision, ainsi que des effets qu'elle peut avoir au niveau des actions en nullité et en contrefaçon engagées devant les tribunaux nationaux. Ainsi, en vertu de l'article 11 de la loi autrichienne d'introduction de traités en matière de brevets, la décision rendue dans le cadre de la procédure d'opposition européenne peut permettre d'invoquer la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée (res judicata) lors d'une action en nullité engagée ultérieurement au niveau national, pour autant que les parties et la cause soient identiques. Dans cette affaire, il est essentiellement question de savoir comment l'on pourrait résoudre le conflit qui oppose les parties quant à la preuve de la qualité d'homme de paille de l'opposant, en répartissant équitablement la charge de la preuve (question 2). En revanche, la décision T 649/92 met en avant la thèse selon laquelle l'opposant est celui qui est désigné en tant que tel conformément à la règle 55a) CBE, son intérêt pour agir dans cette procédure étant sans importance.
VII. Vu la connexité des questions qui lui sont soumises, la Grande Chambre de recours a joint les deux procédures, conformément à l'article 8 de son règlement de procédure.
VIII. Les parties aux deux procédures ont eu l'occasion de prendre position sur les questions soumises à la Grande Chambre. Dans une notification jointe à la citation à la procédure orale qui s'est tenue le 25 septembre 1998, la Grande Chambre de recours leur a posé deux questions qu'elle jugeait essentielles pour répondre aux questions de droit dont elle a été saisie :
Y a-t-il des personnes ou des groupes de personnes qui ne sont pas compris dans l'expression "toute personne" au sens de l'article 99(1) CBE, première phrase ? Et si oui,
Une personne qui n'est elle-même pas autorisée à former une opposition peut-elle inciter une autre personne à faire opposition ?
IX. Les opposants 1 et 2 dans l'affaire T 649/92, qui sont parties à la procédure conformément à l'article 107 CBE, deuxième phrase, ne se sont pas prononcés sur ce point. Quant aux autres parties, elles ont pour l'essentiel fait valoir par écrit et oralement les arguments suivants :
a1) Sur l'habilitation à faire opposition, les intimés (titulaires du brevet) ont estimé qu'il convenait d'interpréter l'article 99(1) CBE selon son but, à savoir que l'opposition n'est ouverte qu'aux personnes ayant réellement des objections à l'égard de la délivrance du brevet. Une opposition ne saurait être formée par une personne qui ne fait que prêter son nom aux fins de l'opposition, mais que la délivrance du brevet laisse en soi indifférente. C'est également dans ce but qu'il est exigé à la règle 55a) CBE que l'opposant soit identifié. Il convient donc d'indiquer le nom du véritable opposant, et non pas d'une personne quelconque que le véritable opposant désignerait en vue d'agir pour son compte. Le fait que l'article 99(1) CBE ne puisse pas être interprété de manière purement littérale découle déjà de la décision G 9/93 (JO OEB 1994, 891 - Opposition par les titulaires du brevet/PEUGEOT), selon laquelle le titulaire du brevet ne doit pas être considéré comme "toute personne" au sens de cette disposition. Il en va de même pour l'homme de paille, qui agit pour le compte et sur les instructions d'un tiers. On ne pourra par ailleurs faire respecter l'interdiction faite au titulaire du brevet, dans l'affaire G 9/93 (loc. cit.), de former opposition contre son brevet que si l'on interdit à un homme de paille d'agir en tant qu'opposant. Il suffirait sinon que le titulaire du brevet fasse appel à un homme de paille pour contourner cette interdiction.
Il convient également d'interdire à un homme de paille d'agir en tant qu'opposant afin de garantir le respect des dispositions relatives à la représentation. Un opposant qui n'a ni domicile, ni siège dans un Etat contractant ne saurait contourner l'exigence de représentation visée à l'article 133(2) CBE, en interposant un homme de paille. De son côté, l'homme de paille ne fait que représenter l'opposant, sans qu'il possède les qualifications requises à l'article 134 CBE.
Le principe de la bonne foi s'applique à l'engagement et à la conduite de toutes les procédures devant l'OEB. Cela signifie qu'il n'est pas permis de tourner la procédure d'opposition en une mystification, en dissimulant l'identité du véritable opposant, et ainsi d'ouvrir le champ à la tromperie et à l'abus. Le titulaire du brevet, l'OEB et le public doivent au contraire savoir qui est le véritable opposant. L'opposant ne doit pas avoir la possibilité de se soustraire aux conséquences de la procédure d'opposition en dissimulant son identité. En particulier, lors d'une procédure ultérieure devant une juridiction nationale, il doit être lié par les concessions qu'il a faites au cours de la procédure d'opposition. Il est également nécessaire que l'identité du véritable opposant soit divulguée, afin qu'un licencié ne soit pas tenté de passer outre à d'éventuelles clauses contractuelles de non-contestation.
a2) Les requérants (opposants) ont quant à eux estimé que les dispositions pertinentes étaient sans équivoque. "Toute personne" signifie toute personne physique ou morale, et ce sans restriction. La CBE n'exige pas que l'opposant ait un intérêt propre quant à l'issue de la procédure d'opposition, ce qui a été confirmé par la décision G 9/93 (loc. cit.). S'il est vrai que dans cette affaire, il est interdit au titulaire du brevet de faire opposition à son propre brevet, l'expression "toute personne" est néanmoins interprétée comme faisant référence au public en général, ce qui inclut toute personne qui fait valoir un motif d'opposition sur le fond. Aussi, comme exposé dans la décision de saisine T 649/92, il convient de considérer l'identité de l'opposant comme une question de pure forme, l'opposant étant seulement celui qui est désigné en tant que tel conformément à la règle 55a) CBE.
On ne pourrait parler de véritable opposant, à côté de la personne indiquée en tant qu'opposant conformément à la règle 55 a) CBE, que si l'on exigeait de l'opposant qu'il possédât un intérêt propre, allant au-delà de l'intérêt public, quant à l'issue de la procédure d'opposition. Or, cela précisément n'est pas exigé par la CBE. S'écartant par exemple de l'ancienne réglementation en vigueur au Royaume-Uni, le législateur a délibérément renoncé à prévoir une telle exigence, afin de ne pas accabler l'OEB de questions étrangères à sa mission. Cela vaut également pour la question de l'existence et de la validité d'un accord de non-contestation. En outre, il est expressément prescrit que l'OEB n'a pas non plus à examiner si, par exemple, le titulaire du brevet agit en tant qu'homme de paille pour le véritable titulaire des droits attachés à l'invention. Il ne serait pas justifié de traiter autrement l'opposant. On ne saurait tirer aucune autre conclusion de la référence, dans la décision de saisine T 301/95, à l'autorité de la chose jugée attachée à une décision rendue dans la procédure d'opposition lors d'une action en nullité engagée ultérieurement au niveau national. Ainsi, en Autriche, il est tout à fait permis de faire appel à un homme de paille pour intenter une action en nullité. Par conséquent, le fait d'indiquer le nom du véritable opposant ne signifie pas nécessairement que les parties à la procédure de nullité ultérieure seraient les mêmes.
Enfin, la CBE est muette sur le type d'intérêt qui serait jugé suffisant pour agir en opposition. Il est vrai que dans certains cas l'on peut clairement délimiter le véritable opposant de l'opposant qui agit en tant que prête-nom. Toutefois, dans nombre de situations, il s'avère impossible de tracer une ligne de démarcation nette, par exemple dans le cas où les intérêts changent au cours de la procédure d'opposition. En outre, la personne qui a intérêt à ce qu'un brevet soit révoqué peut avoir nombre de raisons différentes de ne pas vouloir agir ouvertement en tant que partie à la procédure d'opposition, sans que ces raisons soient nécessairement liées au titulaire du brevet.
En conclusion, la seule chose qui compte est que l'identité de l'opposant puisse être établie à l'expiration du délai d'opposition pour pouvoir constater qui est devenu partie à la procédure. Cela doit également s'appliquer lorsque l'opposant est mandataire agréé ou conseiller juridique dans le domaine de la protection industrielle. Même s'il s'avérait nécessaire d'examiner la question de l'homme de paille dans le cas où l'opposition a été formée par le titulaire du brevet ou lorsque les exigences en matière de représentation ont été contournées, cela ne justifie nullement que l'on recherche systématiquement si l'opposant agit dans l'intérêt d'un tiers. Cela reviendrait à exiger de l'opposant qu'il justifie d'un intérêt propre pour agir. Or, une telle exigence est fondamentalement étrangère à la procédure d'opposition. Il suffit en effet que l'opposant représente l'intérêt public.
b) Sur la question de savoir de quelle manière et dans quelles circonstances il convient de vérifier si un opposant agit pour le compte d'un tiers, les parties sont convenues que la charge de la preuve appartient à celui qui invoque ce fait.
b1) Les intimés ont estimé que ce serait en général trop demander du titulaire du brevet qu'il apporte la preuve complète de l'intervention d'un homme de paille. Il devrait selon eux suffire qu'il expose des circonstances qui, raisonnablement interprétées, rendent vraisemblable le fait que l'opposition a été formée pour le compte d'un tiers qui n'a pas été nommément cité. La personne indiquée comme opposant doit alors démontrer que cette supposition est erronée. La preuve exigée dépend de la force probante des circonstances exposées par le titulaire du brevet. Le cas échéant, il peut suffire de déclarer sous la foi du serment que l'opposition n'a pas été formée pour le compte d'un tiers.
b2) Tout en estimant que le droit d'un opposant correctement désigné de faire opposition ne doit pas être remis en question, les requérants ont considéré que de vagues affirmations et de simples doutes n'étaient en aucun cas suffisants pour prouver que l'opposant agissait pour le compte d'un tiers. Le titulaire du brevet doit au contraire en apporter la preuve péremptoire. L'opposant est en droit de ne pas répondre à la question de savoir s'il a un intérêt propre à la révocation du brevet et l'on ne saurait tirer de son silence aucune conclusion à son désavantage. Tant que l'existence d'un tiers n'a pas été prouvée, il n'y a aucune raison d'effectuer des recherches en ce sens. Une simple déclaration de l'opposant ne saurait clarifier la question, étant donné que le titulaire du brevet peut aisément remettre en question une telle déclaration. S'agissant de l'opposition formée pour le compte du titulaire du brevet, le requérant dans l'affaire T 301/95 a estimé que dans ce cas également c'est la personne désignée comme opposant qui est partie à la procédure, si bien qu'il n'y a aucune raison de procéder à une quelconque vérification.
c1) Sur le moment auquel l'objection que l'opposant agit pour le compte d'un tiers peut être soulevée, les intimés ont fait valoir que la recevabilité de l'opposition est une condition fondamentale pour la décision sur le fond, qui doit être remplie tout au long de la procédure. Le défaut de recevabilité d'une opposition doit donc encore être pris en considération au stade de la procédure de recours.
c2) Les requérants ont quant à eux fait valoir que la procédure de recours servait à vérifier l'exactitude de la décision rendue en première instance. Si le titulaire du brevet omet de soulever devant la division d'opposition la question de la recevabilité de l'opposition pour des motifs tenant à l'identité de l'opposant, cette question ne fait alors pas l'objet du réexamen effectué au stade du recours. A cet égard, le titulaire du brevet n'est pas lésé.
d) Sur la date d'application de la décision à rendre par la Grande Chambre, les parties se sont référées au principe de la protection de la confiance légitime. Si la décision conduit à une situation juridique qui diverge de la jurisprudence actuelle, il peut s'avérer nécessaire d'établir des critères, afin de déterminer dans quels cas la décision doit s'appliquer. Les requérants ont estimé qu'une opposition formée en toute bonne foi sur la base de la jurisprudence actuelle ne doit pas être ultérieurement traitée comme irrecevable.
Motifs de la décision
1. Les deux décisions de saisine posent pour l'essentiel la question de savoir si une opposition est irrecevable lorsque l'opposant agit pour le compte d'un tiers, à savoir un homme de paille (question 1 dans la décision T 301/95 et question 3 dans la décision T 649/92). Conformément à la jurisprudence constante (cf. par exemple l'affaire T 798/93, JO OEB 1997, 363 - Identification du véritable opposant/CONVOI ROUTIER, avec des références complémentaires, et les décisions citées dans la "Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB", 2e édition 1996, point VI-D.3.2.2), les intimés ont fait valoir que celui qui agit pour le compte d'un tiers n'est pas le véritable opposant.
2. La Chambre ne saurait souscrire à cette prémisse.
2.1 La qualité d'opposant est une notion procédurale et son mode d'obtention relève du droit procédural. Dans la CBE, cette question est régie à l'article 99(1) ensemble l'article 100, ainsi que les règles 55 et 56(1). Est donc opposant celui qui remplit les conditions qui y sont prévues pour former une opposition. En particulier, l'opposant doit pouvoir être identifié (cf. règle 55a) CBE). La CBE ne prévoit expressément aucune autre condition de forme à remplir par l'opposant. Celui qui remplit les conditions citées est partie à la procédure d'opposition (art. 99(4) CBE). Dans cette procédure, seuls ses actes importent. Un tiers qui a incité l'opposant à former opposition (le mandant occulte) ne peut entreprendre aucun acte de procédure. La question de savoir si les actes de l'opposant sont conformes aux intentions ou aux instructions du mandant occulte concerne uniquement la relation interne existant entre ce dernier et l'opposant, et ne revêt aucun intérêt pour la procédure d'opposition.
A l'inverse, il a été estimé que celui qui forme une opposition pour le compte d'un tiers n'agit pas en son nom propre (T 10/82, JO OEB 1983, 407 - Opposition; Recevabilité/Bayer, point 3 des motifs). Une telle appréciation est toutefois en contradiction manifeste avec les déclarations faites par l'opposant aux fins de la procédure. En effet, celui-ci n'avait pas l'intention de former une opposition anonyme, pas plus qu'il n'avait fait de déclarations en ce sens, mais désirait au contraire expressément former l'opposition en son nom propre. Dans l'affaire T 635/88, la chambre avait estimé à ce sujet qu'il convenait d'interdire la procédure engagée par une personne utilisant le droit propre d'une autre personne d'engager une telle procédure (JO OEB 1993, 608 - Opposant - possibilité d'identification/DE ERVEN G. DE BOER B. V., point 8.3 des motifs). Toutefois, l'opposant ne veut pas agir sur la base du droit propre du mandant occulte. Il fait au contraire usage du droit qui lui est conféré, en tant que membre du public, de former une opposition.
2.2 L'opposant ne peut pas disposer librement de sa qualité de partie à la procédure. S'il a rempli les conditions pour que l'opposition soit recevable, il est opposant et le reste jusqu'à ce que prenne fin la procédure ou sa participation à la procédure. Il ne peut pas transmettre sa qualité à un tiers (cf. à ce sujet la décision de saisine T 649/92, point 2.2 des motifs). Aussi ne saurait-il y avoir d'autre "véritable" opposant à côté de l'opposant qui remplit les conditions de forme prévues. Il en résulte en outre que ce n'est pas uniquement sur la base d'une présomption qu'est traité comme opposant celui qui a rempli en son nom propre les conditions requises en matière de recevabilité.
3. En conséquence, si une opposition formée pour le compte d'un tiers est conforme aux dispositions relatives à la formation d'une opposition, il faudrait qu'il y ait des raisons particulières de vérifier si celui qui a engagé la procédure en bonne et due forme agit en tant qu'homme de paille, pour en tirer des conséquences quant à la recevabilité de l'opposition.
3.1 Un tel motif est brièvement mentionné dans la décision G 1/84 (JO OEB 1985, 299 - Opposition formée par le titulaire du brevet/MOBIL OIL). Dans cette affaire, la Grande Chambre de recours était partie de l'hypothèse où le titulaire du brevet ne serait pas autorisé à former une opposition à l'encontre de son propre brevet (cf. G 9/93, loc. cit.). Elle a présumé que le titulaire du brevet pourrait en ce cas être incité à recourir, le cas échéant, à un homme de paille pour faire opposition. Les relations entre le titulaire du brevet et l'homme de paille n'étant pas apparentes, il y aurait risque d'abus, la procédure d'opposition pouvant être utilisée à d'autres fins (G 1/84, loc. cit. page 301, point 2). Cela a été clairement considéré comme un exemple d'utilisation d'un homme de paille en vue d'obtenir un résultat qui n'est pas admis par le système juridique. Or, un tel contournement abusif des dispositions légales ne doit pas être toléré.
3.2 Cependant, en l'absence d'autres circonstances, le fait d'agir pour le compte d'un tiers ne saurait être considéré comme un contournement de la loi. En tout état de cause, le but de la procédure d'opposition ne peut à lui seul constituer une raison suffisante de considérer une opposition formée pour le compte d'un tiers comme un abus des dispositions de procédure.
3.2.1 Les intimés ont soutenu que le titulaire du brevet, l'OEB et le public avaient intérêt à connaître l'identité de la personne à l'instigation de laquelle l'opposition a été formée. S'il est vrai que le titulaire du brevet peut avoir un intérêt économique à savoir qui attaque son brevet, un tel intérêt n'est néanmoins pas protégé juridiquement dans les dispositions légales aménageant la procédure d'opposition.
Dans certains Etats parties à la CBE, le demandeur en nullité doit justifier d'un intérêt à l'annulation du brevet pour pouvoir engager une action en nullité. Au contraire, le législateur de la CBE a expressément aménagé l'opposition comme un moyen de recours destiné au public, qui est ouvert, en vertu de l'article 99(1) CBE, "à toute personne". Il serait donc incompatible avec ce qui précède d'exiger de l'opposant qu'il justifie d'un quelconque intérêt à l'annulation du brevet (G 1/84, loc. cit, p.303, point 3; Mathély, Le droit européen des brevets d'invention, Paris 1978, p.297; Paterson, The European Patent System, London 1992, points 4 à 38, qui fait encore référence à la décision G 1/84 (loc. cit.); van Empel, The Granting of European Patents, Leyden 1975, point 469; Singer, Art. 99 CBE, point 3).
3.2.2 En conséquence, si l'on ne peut exiger de l'opposant qu'il justifie d'un intérêt à la révocation du brevet, il s'ensuit en toute logique que les raisons pour lesquelles l'opposant fait opposition sont sans importance pour l'OEB, du moins aussi longtemps qu'il ne ressort pas d'autres circonstances qu'il y a eu abus. Aussi le titulaire du brevet ne peut-il non plus attendre de l'OEB qu'il oblige l'opposant à dévoiler ses raisons, afin d'exclure le risque qu'il agisse dans l'intérêt d'un tiers.
Cela vaut également lorsque l'opposant agit effectivement dans l'intérêt d'un tiers. En formant opposition, il a lui-même obtenu la qualité d'opposant en droit procédural. Par conséquent, il est vis-à-vis du titulaire du brevet et de l'OEB la seule personne qui compte. Si, aux fins de l'opposition, l'opposant n'a pas besoin de justifier d'un intérêt à la révocation du brevet, il n'y a aucun mal à ce qu'un tiers ait un tel intérêt. Le lien juridique interne entre l'opposant et des tiers est juridiquement sans importance vis-à-vis de l'extérieur, c'est-à-dire vis-à-vis de l'OEB et du titulaire du brevet. En tout état de cause, tant que le système juridique ne met pas d'obstacle à ce que le mandant fasse lui-même opposition, il n'y a pas d'objection à ce que celui-ci ait recours à un homme de paille pour former opposition (ainsi en est-il également pour l'action en nullité, BGH GRUR 1963, 253 - Bürovorsteher). Il est par ailleurs relevé à juste titre dans la décision de saisine T 649/92 (point 2.6 des motifs) que l'opposant et son mandant peuvent avoir intérêt à faire opposition à des degrés divers. Cette situation peut également évoluer ou prendre fin au cours de la procédure, si bien que les doutes susceptibles de surgir sont difficiles à apprécier. Resterait enfin la question de savoir dans quels cas l'intérêt de l'opposant devrait être jugé pertinent pour l'opposition. Les requérants ont fait observer que l'intérêt de l'opposant quant à l'issue de la procédure d'opposition peut découler de la répartition du travail entre différentes entreprises juridiquement indépendantes au sein d'un même groupe, d'une contrepartie du mandant, voire même du désir d'éviter des frais au titre de l'article 104 CBE.
3.2.3 Tout cela montre que les raisons d'agir de l'opposant sont sans importance aux fins de la procédure d'opposition.
Cette procédure vise à permettre au public de contester la validité du brevet (G 9/93, loc. cit., point 3 des motifs). Cela tient notamment compte du fait qu'un office des brevets peut ne pas avoir connaissance de tout ce qui s'oppose effectivement à la brevetabilité d'une invention. Aux fins de la procédure d'opposition, à savoir empêcher le maintien de brevets manifestement non valables au stade de la procédure devant l'OEB, peu importe de savoir qui fournit à l'OEB les informations pertinentes (cf. également la décision T 798/93, loc. cit., point 4 des motifs, dernier paragraphe). La procédure d'opposition doit être une procédure simple et rapide, au cours de laquelle, d'une part, les objections pertinentes à l'encontre de la brevetabilité doivent être examinées de manière adéquate, et, d'autre part, une décision sur la validité du brevet doit être rendue le plus rapidement possible dans l'intérêt des deux parties. A cet égard, prendre en considération l'objection tirée de l'homme de paille ajouterait un élément litigieux supplémentaire, susceptible de retarder la procédure. Il serait contraire à l'intérêt public, qui est que l'opposition soit examinée au fond et que la procédure soit rapidement conclue (cf. G 1/84, loc. cit., p. 303), d'introduire des restrictions en matière de recevabilité qui ne sont pas prévues dans la CBE.
L'objectif de la procédure d'opposition étant limité, les moyens de procédure dont dispose l'OEB sont insuffisants pour déterminer s'il y a intervention d'un homme de paille. Ainsi, l'OEB ne peut obliger une partie à comparaître ou à faire une déclaration sous la foi du serment (cf. article 117(4) et (5), ainsi que règle 99 CBE). Il se peut que cette situation ait contribué au développement de la jurisprudence actuelle, qui a créé la présomption selon laquelle l'opposant n'agit pas en tant qu'homme de paille. Dans la pratique, cette présomption ne pouvait être réfutée que dans les cas où le titulaire du brevet se démasque en tant que mandant (T 635/88, loc. cit., point III de l'exposé des faits) ou est démasqué par l'opposant (T 10/82, loc. cit., point VIII de l'exposé des faits). Dans tous les autres cas, les chambres ont refusé d'examiner les raisons concrètes et plausibles pour lesquelles le titulaire du brevet suspectait que l'opposant agissait pour le compte d'un tiers. Même si les deux décisions de saisine tendent à des réponses différentes aux questions de droit posées, les deux chambres conviennent néanmoins que la situation fondée sur la jurisprudence actuelle n'est pas satisfaisante. Il est vrai que l'objection tirée de l'homme de paille a été admise dans nombre de procédures, occasionnant par là-même un élément litigieux supplémentaire. Cependant, le titulaire du brevet a été mis dans l'impossibilité d'invoquer avec succès à l'appui de cette objection les faits qui lui sont normalement connus.
Le degré élevé de preuve exigé dans la jurisprudence actuelle quant à l'intervention d'un homme de paille s'explique également par le fait que l'opposant peut rarement réfuter les indices invoqués par le titulaire du brevet autrement qu'en divulguant les raisons pour lesquelles il fait opposition. Or, le sens de l'article 99(1) CBE est précisément que l'opposant n'a pas besoin d'avoir un quelconque intérêt pour agir, ni donc de justifier d'un tel intérêt (cf. point 3.2.1 supra). Par conséquent, le défaut d'intérêt à agir ne saurait à lui seul prospérer à l'encontre de l'opposant. L'intérêt qu'a ce dernier de ne pas devoir divulguer au titulaire du brevet les raisons pour lesquelles son brevet le dérange mérite également d'être protégé. Son opposition se justifie déjà par le seul fait qu'il doit comme tout autre respecter le brevet si celui-ci est maintenu, ce qui entraîne en tout état de cause sur le plan théorique une restriction de sa liberté d'action économique. Supposer qu'il faille exposer une quelconque entrave à des plans économiques concrets contredirait le sens des dispositions légales.
3.2.4 Il n'est pas contraire à la nature de la procédure d'opposition, en tant que procédure inter partes, d'admettre un opposant qui agit pour le compte d'un tiers (cf. également point 4.1 infra). L'opposant qui remplit les conditions de forme prévues est traité en tant que partie. L'existence d'un mandant occulte n'est pour lui ni un avantage, ni un inconvénient aux fins de la procédure. La crainte que la non-divulgation des liens entre le mandant occulte et l'homme de paille ne suscite doutes et incertitudes (cf. par exemple la décision T 798/93, loc. cit., avec d'autres références, point 3.3.4 des motifs) ne s'appliquerait à la procédure d'opposition que dans l'hypothèse où il pourrait y avoir un "véritable opposant" à côté de l'opposant qui remplit les conditions de forme prévues. Or, cela ne trouve aucun fondement en droit procédural (cf. point 2.2 supra).
3.2.5 Dans la décision de saisine T 301/95 (point 3.5 des motifs), la chambre évoque le risque que la vérité soit difficile à établir lorsqu'on ne connaît pas clairement les relations existant entre les parties et les témoins ou d'autres personnes apportant des éléments de preuve. Cependant, étant donné que la personne qui remplit les conditions de forme pour être opposant est seule considérée comme opposant, le mandant occulte n'est en aucun cas considéré comme partie. Il ne saurait donc y avoir de doutes quant à la position des parties.
En ce qui concerne toutefois les personnes apportant des preuves qui ont des relations avec le mandant occulte, il est vrai que leur position vis-à-vis de la procédure en instance se sera pas apparente. On ne saurait toutefois y voir une entrave importante à l'établissement de la vérité. La CBE ne garantit en aucune façon que la personne qui a le plus intérêt à ce que le brevet soit révoqué agisse en opposition. Même si l'opposition était irrecevable faute d'intérêt propre de la part de l'opposant, le concurrent le plus virulent du titulaire du brevet pourrait se cacher derrière un concurrent insignifiant en tant qu'opposant, à qui il fournirait les éléments nécessaires. Le critère décisif concernant la crédibilité d'une personne apportant des éléments de preuve est dans ce contexte l'intérêt qu'elle nourrit à l'égard de l'issue de la procédure d'opposition et qui ne s'exprime pas nécessairement dans une relation avec l'opposant. Par conséquent, l'OEB est tenu de vérifier la crédibilité de chaque personne qui apporte des preuves et d'établir de quelle façon elle (ou par exemple son employeur) est concernée par l'issue de la procédure d'opposition (cf. également la décision de saisine T 649/92, point 2.9 des motifs).
3.2.6 Il n'est pas non plus nécessaire de savoir si l'opposant agit pour le compte d'un mandant, pour garantir que les frais mis à la charge de l'opposant en vertu de l'article 104 (1) CBE soient bien remboursés au titulaire du brevet. Comme exposé plus haut, seul l'opposant est partie à la procédure. Lui seul assume les obligations nées de cette procédure, si bien qu'il sera débiteur de toute demande de remboursement de frais. La CBE ne garantit en aucun cas au titulaire du brevet que l'opposant sera également en mesure de lui rembourser les frais mis à sa charge.
3.2.7 Dans la décision de saisine T 649/92 (point 2.1 des motifs), la chambre établit un parallèle entre les qualités d'opposant et de demandeur au sens du droit procédural. La position du demandeur au regard du droit matériel, qui est fondée sur l'invention (droit au brevet, article 60(1) et (2) CBE), pourrait diverger de la qualité de demandeur au sens du droit procédural, qui est fondée sur le dépôt de la demande. Pour cette situation de conflit, le législateur a décidé que dans la procédure devant l'OEB le demandeur est réputé habilité à exercer le droit au brevet (article 60(3) CBE) et que les juridictions nationales sont compétentes pour connaître des litiges relatifs au droit à l'obtention du brevet (article 61 CBE ensemble le protocole sur la reconnaissance). Les requérants relèvent à juste titre qu'un demandeur reste inscrit au Registre, même lorsque l'OEB sait que le droit au brevet a été transféré à un tiers. L'OEB n'inscrit un transfert que sur requête en bonne et due forme (règle 20 CBE). Il ne devrait pas être chargé d'examiner si le demandeur est également la personne véritablement habilitée (Van Empel, loc. cit., point 162). Il serait en effet contradictoire d'exempter l'OEB, dans la procédure de délivrance, de rechercher la personne "véritablement habilitée", aux fins de l'économie de la procédure et de l'examen adéquat des questions de fond, mais de le charger d'examiner des questions comparables dans la procédure d'opposition, bien qu'il ne puisse pas y avoir d'autre "véritable opposant" à côté de l'opposant qui remplit les conditions de forme prévues, mais uniquement un mandant.
3.3 Il n'y a pas non plus de raison, en dehors de la procédure d'opposition, d'exclure d'une manière générale une opposition formée pour le compte d'un tiers.
3.3.1 Dans la décision de saisine T 301/95 notamment, la chambre souligne que la décision rendue dans la procédure européenne d'opposition peut permettre de faire jouer la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée (res judicata) lors d'une action nationale en nullité. Dans ce contexte, l'intervention d'un homme de paille dans la procédure d'opposition est à l'évidence considérée comme préjudiciable au titulaire du brevet, lequel peut exciper de la chose jugée à l'encontre de l'opposant lors de la procédure en nullité. Pareille fin de non-recevoir suppose entre autres que les parties soient identiques. Si l'intervention d'un mandant occulte n'est pas dévoilée, le titulaire du brevet n'a pas connaissance des faits pertinents pour invoquer cette fin de non-recevoir.
Ce qui plaide tout d'abord contre cet argument, c'est le fait que la question de l'autorité de la chose jugée ne se pose pas dans la procédure d'opposition. Elle est ici purement hypothétique, étant donné qu'en général, l'action en nullité n'est engagée qu'ultérieurement. Ce n'est qu'au stade de la procédure en nullité que les conditions attachées à la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée peuvent être examinées. On ne voit pas pourquoi le tribunal appelé à statuer sur la nullité ne serait pas en mesure de déterminer si le demandeur en nullité a eu recours à un homme de paille pour faire opposition auprès de l'OEB. En outre, il se peut également qu'un homme de paille intervienne dans la procédure de nullité, si bien que même s'il est établi au-delà de tout doute au cours de la procédure d'opposition que l'opposant n'agit pas en tant qu'homme de paille, il n'est aucunement garanti que les conditions de l'autorité de la chose jugée entre les parties puissent être établies sans difficulté dans la procédure en nullité. A cette fin, il peut s'avérer nécessaire d'examiner toutes les circonstances tant de la procédure d'opposition que de la procédure de nullité, si bien que ce n'est qu'au stade de la nullité que le tribunal a une vue d'ensemble sur les circonstances susceptibles d'être pertinentes. En outre, toute constatation de l'OEB sur l'éventuelle intervention d'un homme de paille ne s'impose pas lors d'une procédure en nullité ultérieure. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que la faculté d'exciper de la chose jugée dont jouit le titulaire du brevet n'est pas entamée lorsque l'opposition formée par un homme de paille est jugée recevable. Il s'ensuit également que l'examen de la question de l'homme de paille lors de la procédure d'opposition présenterait le risque qu'une décision divergente soit prononcée à ce sujet au cours de la procédure en nullité ultérieure. Comme expliqué ci-dessus (cf. point 3.2.3 supra), l'OEB dispose de moyens procéduraux insuffisants pour examiner l'objection tirée de l'homme de paille. En revanche, les juridictions nationales peuvent utiliser les instruments appropriés habituels de la procédure civile pour clarifier les faits.
3.3.2 De l'avis des intimés, la possibilité de faire opposition pour le compte d'un tiers pourrait inciter des licenciés à violer un accord de non-contestation. Toutefois, une personne liée par une obligation de non-contestation aura de bonnes raisons de ne pas violer cette obligation en faisant appel à un homme de paille. Si le titulaire du brevet a en effet tout lieu de suspecter une telle violation, il peut agir au civil à l'encontre du cocontractant, ce qui implique pour ce dernier un risque financier considérable. Au contraire, l'OEB n'a là non plus pratiquement aucun moyen procédural d'obliger un opposant, qui cherche à dissimuler la présence et l'identité d'un mandant, à dévoiler la réalité.
Au vu de la jurisprudence actuelle, il n'y a toutefois aucune raison de craindre que les obligations de non-contestation ne soient contournées dans un nombre important de cas par l'interposition d'un homme de paille. En tout état de cause, bien que l'objection tirée de l'homme de paille ait déjà été soulevée dans nombre de procédures, il n'a été affirmé dans aucune des affaires tranchées à ce jour par les chambres de recours que le mandant de l'opposant était soumis à une obligation de non-contestation.
En outre, la validité et la portée d'une obligation de non-contestation sont régies par le droit national et communautaire, la question de la licéité d'une telle obligation étant controversée notamment en droit communautaire. Par conséquent, du point de vue du droit applicable également, les juridictions nationales sont plus proches de ces faits. Dans une décision de la division d'opposition en date du 13 mai 1992 (JO OEB 1992, 747 - Obligation de non-contestation), il a donc été relevé à juste titre qu'un accord de non-contestation n'entraîne pas en règle générale l'irrecevabilité de l'opposition. Le titulaire du brevet a été informé qu'il devait s'en remettre aux instances nationales pour amener le licencié à respecter ses engagements ou faire valoir des dommages-intérêts en cas de violation de l'accord.
3.3.3 La décision G 1/84 évoque incidemment la crainte que l'interposition d'un homme de paille ne puisse servir à détourner la procédure d'opposition à des fins abusives, par exemple en tant que manoeuvre dilatoire devant un autre tribunal (loc. cit., page 301, dans le cas d'un homme de paille auquel pourrait recourir le titulaire du brevet qui n'est pas autorisé à former lui-même opposition). Un tel risque semble difficilement concevable. Si l'homme de paille peut retarder la procédure, alors son mandant le pourrait également. Les parties influent sur l'évolution et la durée de la procédure d'opposition essentiellement au moyen de deux facteurs : le contenu des moyens qu'elles invoquent et leurs requêtes procédurales. Il n'apparaît pas que l'homme de paille disposerait de possibilités très différentes de celles du mandant si celui-ci était lui-même partie à la procédure. Il appartient en outre aux instances de l'OEB chargées des procédures d'opposition de contrer toute manoeuvre dilatoire manifeste et de tenir compte de l'intérêt légitime d'une partie d'accélérer la procédure (cf. également la décision T 290/90, JO OEB 1992, 368 - Réduction de taxe/SAVIO PLASTICA; conclusion similaire dans la décision de saisine T 649/92, point 2.4 des motifs).
4. Etant donné qu'il n'y a d'une manière générale pas d'objection à ce que l'opposant agisse pour le compte d'un tiers qui demeure dans l'ombre, il reste à établir dans quels cas l'intervention d'un homme de paille doit être considérée comme un contournement abusif de la loi, avec pour conséquence que l'opposition formée par l'homme de paille est irrecevable.
4.1 Mention a déjà été faite de la décision G 9/93 (loc. cit.) (point 3.1 supra). D'après cette décision, le titulaire du brevet n'est pas recevable à former opposition contre son propre brevet, au motif que la procédure d'opposition est une procédure contentieuse et qu'en conséquence, le titulaire du brevet et l'opposant doivent être des personnes différentes. Cette conclusion n'appelle en soi aucune observation. Si maintenant le titulaire du brevet fait appel à un homme de paille, ce dernier représentera également les intérêts du titulaire du brevet. La désignation d'un homme de paille en tant qu'opposant conformément à la règle 55a) CBE ne modifie en rien le fait que la personne qui est formellement partie à la procédure est du côté du titulaire du brevet. En conséquence, dans cette situation, la procédure n'est pas contentieuse. L'interposition d'un homme de paille sert uniquement à dissimuler ce fait et à contourner les conséquences juridiques en découlant. Le fait que l'opposant agisse pour le compte du titulaire du brevet rend donc l'opposition irrecevable.
4.2 La décision de saisine T 301/95 (loc. cit., point 3.4) évoque le risque que les dispositions relatives à la représentation puissent être contournées par l'interposition d'un homme de paille.
4.2.1 Cette réserve est justifiée lorsque des personnes exercent à titre professionnel des activités de représentation devant l'OEB, sans posséder les qualifications requises à cet effet. En application de l'article 134(1) et (7) CBE, la représentation devant l'OEB est réservée aux personnes inscrites sur la liste des mandataires agréés ou aux avocats domiciliés dans un Etat contractant et habilités à agir en qualité de mandataires en matière de brevets d'invention. Ainsi, un avocat habilité à exercer uniquement en vertu du droit national d'un Etat contractant n'est pas autorisé à assurer la représentation devant l'OEB. Le but de cette disposition est de créer un ordre professionnel des mandataires agréés près l'OEB qui possèdent les qualifications nécessaires. De cette manière, l'on veut protéger les parties qui sont obligées de s'assurer les services d'un mandataire, tout en favorisant le bon déroulement des procédures devant l'OEB. Il serait contraire à ce but d'appliquer les dispositions procédurales de telle manière qu'une personne non habilitée à agir en tant que mandataire agréé puisse exercer les fonctions de représentation réservées aux mandataires agréés. Tel serait le cas si la personne non habilitée à agir en tant que mandataire agréé exerçait pour le compte d'un client l'ensemble des activités caractéristiques d'un mandataire agréé, tout en assumant elle-même le rôle de partie afin de contourner l'interdiction qui lui est faite d'agir en tant que mandataire agréé. Même si elle assume le rôle supplémentaire de partie, en qualité d'opposant, il n'en demeure pas moins que dans l'ensemble, de telles activités relèvent de la représentation. La profession d'opposant est étrangère à la CBE et viderait de sa substance, si elle était admise, le monopole de représentation dont jouissent les mandataires agréés, cela pour une partie importante des procédures devant l'OEB. Est donc irrecevable l'opposition qu'une personne non habilitée à agir en tant que mandataire agréé près l'OEB a formée en son nom pour le compte d'un client dans le cadre d'activités qui, dans l'ensemble, sont caractéristiques de celles d'un mandataire agréé.
4.2.2 En revanche, le fait qu'un mandataire agréé fasse opposition en son nom propre pour le compte d'un client n'appelle pas de telles réserves. Il est vrai que, comme dans le cas précédent, l'existence d'un client n'est pas divulguée. Toutefois, le but recherché n'est en principe pas contraire à la CBE. Le problème de l'intervention d'une personne non qualifiée ne se pose pas. La Convention n'énonce pas non plus de principes qui seraient enfreints dans le cas où un mandataire agréé agirait en son nom pour le compte d'un tiers. Les intimés ont soutenu que si elle était autorisée, cette façon de procéder deviendrait la règle et que pareille évolution n'était pas souhaitable. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle serait contraire à la Convention. Il peut être justifié de se demander, ainsi qu'il a été objecté dans l'affaire T 10/82 (loc. cit.), s'il est désirable de combiner les rôles de partie et de mandataire. Toutefois, en l'absence de principes contraires qui devraient être tirés de la Convention, cette question relève plutôt des règles de la déontologie. A cet égard, il n'a pas été allégué que le comportement réprouvé par les intimés était contraire au règlement en matière de discipline arrêté sur la base de l'article 134(8)c) CBE.
4.2.3 L'on ne saurait non plus émettre de réserves dans le cas où un opposant ayant son domicile ou son siège dans un Etat contractant agit pour le compte d'un mandant occulte qui ne remplit pas ces conditions. Il est vrai qu'ainsi, l'exigence de représentation à laquelle le mandant devrait satisfaire selon l'article 133(2) CBE ne s'applique pas. Toutefois, cela résulte uniquement du fait que l'opposant est dûment devenu partie à la procédure. Dans la mesure où les questions procédurales dépendent de l'identité de l'opposant, seule compte la situation personnelle de la personne qui remplit les conditions de forme prévues à la règle 55a) CBE. Il n'y a ici aucune raison de retenir un critère différent de celui appliqué au demandeur du brevet. En effet, on ne recherche pas non plus si le demandeur agit en tant que tel dans le seul but de contourner les exigences de représentation auxquelles serait soumis un éventuel mandant.
5. Etant donné qu'une opposition formée en son nom propre pour le compte d'un tiers est irrecevable lorsqu'il y a contournement abusif de la loi (cf. point 4 supra), il se pose la question de savoir de quelle façon et dans quelles circonstances il convient de vérifier si tel est le cas (question 2 de la décision T 301/95, question 4 de la décision T 649/92).
En ce qui concerne le problème de la preuve soulevé dans les décisions de saisine, il convient de souligner que le principe de la libre appréciation des preuves s'applique dans la procédure devant l'OEB. Cela vaut également pour le problème examiné ici. Il serait contraire à ce principe d'établir des règles déterminées en matière de preuve qui définiraient la force probante à attacher ou non à certains moyens de preuve. Il convient au contraire de vérifier sur la base de tous les moyens de preuve pertinents si un fait peut ou non être considéré comme prouvé.
Les principes généraux s'appliquent également à la répartition de la charge de la preuve. C'est à la personne qui soulève l'objection tirée de l'homme de paille qu'il appartient d'en administrer la preuve, autrement dit au titulaire du brevet ou, en cas d'objection soulevée d'office, à l'instance compétente de l'OEB.
En ce qui concerne les critères à appliquer en matière d'appréciation des preuves, il convient de rappeler que le droit de faire opposition est ouvert à toute personne. Pour retirer ce droit à quelqu'un, il faut une justification particulière, qui ne doit pas uniquement reposer sur une appréciation des probabilités. Au contraire, avant de juger l'opposition irrecevable, l'instance appelée à statuer doit acquérir la conviction, sur la base d'une preuve claire et sans équivoque, que la loi a bien été contournée de manière abusive au moyen d'un homme de paille.
5.1 En outre, il existe des différences fondamentales entre les deux cas cités aux points 4.1 et 4.2.1 supra.
5.1.1 Si le titulaire du brevet a recours à un homme de paille pour former opposition, la recevabilité de l'opposition ne sera normalement remise en cause par aucune partie à la procédure, puisque le titulaire du brevet souhaite poursuivre la procédure par le biais de l'homme de paille. Par conséquent, l'objection selon laquelle l'opposant n'est pas habilité à faire opposition sera en pratique uniquement examinée d'office.
Il est vrai que l'OEB n'aura en général guère d'indices sur le fait que l'opposition a été formée par un homme de paille qui agit pour le compte du titulaire du brevet, si les parties elles-mêmes ne montrent pas clairement que c'est le cas. Il s'ensuit que l'intervention d'un homme de paille restera en général sans conséquence et que l'irrecevabilité de l'opposition ne sera pas décelée. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille admettre d'une manière générale les oppositions formées par un homme de paille pour le compte du titulaire du brevet. Il y a une différence fondamentale selon qu'un abus de procédure demeure sans conséquence, parce qu'il n'est pas révélé au grand jour, ou qu'un tel abus est ouvertement admis. S'il est interdit à un homme de paille de faire opposition pour le compte du titulaire du brevet, cela oblige au moins les parties à conduire la procédure sur une base contentieuse. Sinon elles doivent s'attendre à ce que l'intervention de l'homme de paille soit révélée. Parmi les indices pertinents susceptibles d'indiquer que l'opposant est un homme de paille agissant pour le compte du titulaire du brevet, on peut notamment citer les relations qui existent entre eux, par exemple dans le cas où l'opposant est une entreprise appartenant à un grand groupe ou un employé, et qu'en tant que tel il est soumis aux instructions du titulaire du brevet.
5.1.2 Lorsque se pose la question de savoir si une personne agit en tant qu'opposant devant l'OEB pour le compte d'un client, sans posséder les qualifications de mandataire agréé, il convient ici également de rappeler tout d'abord que toute personne peut faire opposition. L'on ne saurait donc conclure de l'appartenance de l'opposant à une catégorie professionnelle déterminée qu'il agit en tant qu'homme de paille. Cependant, si une personne offre à titre professionnel ses services de conseil et de représentation dans le domaine du droit des brevets et qu'elle agisse régulièrement en son nom en tant qu'opposant dans les procédures devant l'OEB, elle donne elle-même l'impression que cette activité d'opposant fait partie de ses activités professionnelles habituelles. Il est alors justifié d'examiner si elle est habilitée à faire opposition. A cette fin, il peut par exemple être exigé d'un avocat non habilité à agir en tant que mandataire agréé en application de l'article 134 CBE et qui est soumis à un contrôle disciplinaire, de déclarer que l'opposition en question n'a pas été formée pour le compte d'un client.
6. Il se pose également la question de savoir si l'on peut soulever pour la première fois au stade du recours une objection pertinente à l'encontre de la recevabilité de l'opposition, telle que décrite au point 4. Cette question ne se pose pas uniquement, comme énoncé dans la question 1 de la décision de saisine T 649/92, dans le cas où cette objection est soulevée par le titulaire du brevet, mais également lorsque la recevabilité de l'opposition est remise en question d'office.
Il convient d'apporter la même réponse dans les deux cas. Un contournement abusif de la loi par interposition d'un homme de paille, qui appelle des objections comme indiqué au point 4, ne doit pas être admis au stade du recours, même s'il n'a pas été critiqué en première instance. Cela résulte déjà du fait qu'une décision de l'OEB relative à la validité du brevet suppose que l'opposition est recevable. Ce principe s'applique aussi bien à la procédure devant la chambre de recours que devant la division d'opposition. En outre, l'intérêt public à ce que de telles pratiques inadmissibles soient interdites est ici prioritaire sur un quelconque allégement de la procédure de recours. Etant donné que le fait d'agir pour le compte d'un tiers ne justifie pas, en l'absence d'autres circonstances particulières, que l'on examine s'il y a eu contournement abusif de la loi, le surcroît de travail occasionné dans la procédure de recours sera très limité. La réponse à la question 1 énoncée dans la décision T 649/92 étant qu'une telle objection peut encore être soulevée sans restriction au stade du recours, la question 2 de la décision T 649/92 ne se pose pas.
7. Selon le point 5.3 des motifs de la décision de saisine T 649/92, la question 5 porte sur le cas où la possibilité de contester la recevabilité de l'opposition serait limitée dans le temps, suite aux réponses apportées aux autres questions. Une telle éventualité est exclue par la réponse à la question 1 énoncée dans la décision de saisine T 649/92. Par conséquent, comprise en ce sens, la question 5 serait sans objet.
La question 5 est toutefois formulée en termes plus vastes et inclut également l'éventuelle restriction du contenu de l'objection relative à la recevabilité de l'opposition. La Chambre juge utile d'examiner la question dans ce sens plus large. Les réponses apportées à la question 1 de la décision T 301/95 et à la question 3 de la décision T 649/92 limitent effectivement, par rapport à la jurisprudence actuelle, les objections susceptibles d'être soulevées à l'encontre de la recevabilité d'une opposition, étant donné que le fait qu'un opposant agisse pour le compte d'un tiers n'entraînera pas, en règle générale, l'irrecevabilité de l'opposition. La Chambre estime toutefois qu'aucun intérêt méritant d'être protégé ne serait lésé par l'application immédiate des principes énoncés dans les réponses. Il n'est donc pas nécessaire d'introduire une mesure transitoire. L'on peut au contraire mettre en oeuvre la règle générale selon laquelle la présente décision de la Grande Chambre de recours s'applique à toutes les procédures en instance (cf. G 9/93, loc. cit., point 6.1 des motifs).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Il est répondu comme suit aux questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours :
1a : Une opposition n'est pas irrecevable du seul fait que la personne indiquée en tant qu'opposant conformément à la règle 55a) CBE agit pour le compte d'un tiers.
1b : Une telle opposition est toutefois irrecevable lorsque l'intervention de l'opposant doit être considérée comme un contournement abusif de la loi.
1c : Il y a contournement abusif de la loi notamment lorsque :
- l'opposant agit pour le compte du titulaire du brevet ;
- l'opposant agit pour le compte d'un client dans le cadre d'activités qui, dans l'ensemble, sont caractéristiques de celles d'un mandataire agréé, sans posséder les qualifications requises par l'article 134 CBE.
1d : En revanche, il n'y a pas contournement abusif de la loi pour la simple raison que :
- un mandataire agréé agit en son nom propre pour le compte d'un client;
- un opposant ayant son domicile ou son siège dans un Etat partie à la CBE agit pour le compte d'un tiers qui ne remplit pas cette condition.
2 : Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a contournement abusif de la loi, il convient d'appliquer le principe de la libre appréciation des preuves. La charge de la preuve appartient à celui qui invoque l'irrecevabilité de l'opposition. L'existence d'un contournement abusif de la loi doit être établie sur la base d'une preuve claire et sans équivoque, qui emporte la conviction de l'instance appelée à statuer.