T 1469/08 (Prothèse composite/SOFRADIM) 27-10-2011
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Prothèse composite pour la prévention des adhérences post-chirurgicales et son procédé d'obtention
Usage anterieur public (non): accessibilité au public insuffisamment prouvée
Activité inventive (oui)
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant (opposant) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition rejetant, conformément à l'Article 101(2) CBE, son opposition à l'encontre du brevet européen 998 313, dont la revendication 1 s'énonce comme suit:
"1. Prothèse composite, comprenant un tissu prothétique non résorbable et un film d'un matériau résorbable in vivo, associé à une face du tissu prothétique, caractérisée en ce que, le tissu prothétique a une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison, l'une desdites faces poreuses étant ouverte à toute colonisation cellulaire post-chirurgicale, et l'autre desdites faces poreuses étant fermée à ladite colonisation par le film de matériau résorbable, ledit film étant lié, superficiellement, mais directement par absorption capillaire d'au moins un dérivé de polysaccharide formant un hydrogel insoluble en milieu aqueux dans les fibres constitutives du tissu prothétique."
II. L'opposition avait été formée par le requérant en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour absence d'activité inventive (Article 100(a) CBE), en se fondant notamment sur le document
(1) WO-A-96/08277
et un prétendu usage antérieur public basé sur les éléments de preuve suivants:
(6) exemplaire d'une prothèse composite PARP 15/20 PU dans son emballage d'origine,
(7) rapport d'étude établi le 10 décembre 1997 par la société Biomatech, annoté "confidentiel"
(8) historique des ventes du 01/01/1995 au 17/05/2002 des prothèses PARP 08/12 PU,
(9) copies de factures aux sociétés OBL; Certop; Kaiso et EMC Medical ainsi qu'un historique des ventes du 01/08/1996 au 01/08/1997 de prothèses PARP PU.
III. La division d'opposition a considéré que l'usage antérieur public invoqué par le requérant, à savoir la vente de la prothèse composite PARP 15/20 PU (document (6)) était suffisamment prouvé. Cette prothèse faisait donc partie de l'état de la technique selon l'Article 54(2) CBE. Cet usage antérieur public ne s'opposait cependant pas à la brevetabilité de la prothèse revendiquée. En effet, le problème technique à résoudre par rapport au document (1) qui constituait l'état de la technique le plus proche de l'invention était la mise à disposition d'une membrane de chirurgie pariétale aux propriétés améliorées, notamment la résistance à la délamination. L'objet des revendications impliquait une activité inventive au regard des propriétés de résistance à la délamination de la prothèse revendiquée et au vu du nombre de documents dans lesquels l'homme du métier aurait dû aller chercher les éléments techniques nécessaires à sa réalisation.
IV. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 27 octobre 2011. Au cours de l'audience, l'intimé (titulaire du brevet) a défendu le maintien du brevet tel que délivré et sur la base de ses requêtes auxiliaires 1 et 2 déposées avec la lettre datée du 27 septembre 2011. Le requérant a demandé l'introduction d'un nouveau document dans la procédure de recours, à savoir le document US-A-5385036, ce à quoi l'intimé s'est opposé. Après délibération de la Chambre, ce document n'a pas été admis dans la procédure.
V. Selon le requérant l'objet des revendications n'impliquait pas d'activité inventive en partant du document (1) comme représentant l'état de la technique le plus proche de l'invention. La caractéristique différenciant la prothèse revendiquée de celle selon le document (1) était la structure du tissu prothétique. Cette dernière était cependant connue de l'homme du métier puisque mise en oeuvre dans la prothèse PARP PU commercialisée, et donc accessible au public, avant la date de priorité du brevet litigieux. En effet toutes les prothèses dénommées PARP PU sur les historiques des ventes et sur les facture ne se différenciaient entre elles que par leur dimension. Entre autres, quarante trois prothèses PARP 15/20 PU identiques à celle déposée (document (6)) avaient été vendues sans accord de confidentialité entre le 1**(er) aout 1996 et le 1**(er) aout 1997, comme en attestaient les historiques de ventes et les factures (documents (8) et (9)). La facture destinée à la société Kaiso datée du 23 juin 1997 montrait qu'une prothèse PARP 15/20 PU du même lot de fabrication F041801 que celui de la prothèse déposée à titre de preuve (document (6)) avait été rendue accessible au public avant la date de priorité. Cette prothèse avait été envoyée le 11 juin 1997 par "Chronopost" et un numéro de "tracking" lui avait été attribué. Bien que n'ayant pas la preuve formelle de la réception et du règlement de la prothèse, il ne faisait aucun doute qu'elle avait été réceptionnée par la société Kaiso au plus tard quelques jours après l'envoi de la commande. Les ventes des prothèses PARP-PU avaient été réalisées sans accord de confidentialité, entre autres à la société Kaiso, qui par l'intermédiaire d'agents commerciaux l'avait proposée à divers hôpitaux. Quinze ans s'étaient écoulés depuis cette vente et il n'était donc plus possible de trouver de document publicitaire ou technique concernant cette prothèse. Le document
(12) extrait du Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales
indiquait que la société "Kaiso", qui se nommait en fait "Kaiso diffusion", avait, comme son nom l'indiquait, comme activité la commercialisation d'articles médicaux. Un accord de confidentialité entre le fabricant de la prothèse et la société "Kaiso" ne faisait pas sens dans le cadre de la distribution de cet article, puisque l'essence même de cette activité était la livraison de ces prothèses au public.
En partant du document (1), l'homme du métier qui se posait le problème d'accroitre la colonisation cellulaire sur une face de la prothèse savait qu'il suffisait à cet effet de choisir un tissus prothétique plus épais comme celui utilisé dans la prothèse PAR PU rendue accessible au public par sa vente et serait arrivé à l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux sans faire preuve d'activité inventive.
VI. L'intimé a contesté l'accessibilité de la prothèse PARP PU au public avant la date de priorité du brevet soutenant en particulier qu'une vente n'excluait pas nécessairement un accord de confidentialité. Les dispositifs médicaux implantables devaient être accompagnés d'instructions pour leur utilisation, précisant la nature du produit et son mode d'implantation. Or le requérant n'a pas été en mesure de fournir un mode d'emploi ou tout document technique destiné à être fourni avec la prothèse lors de la vente de cette dernière alors qu'une directive européenne relative aux dispositifs médicaux, entrée en vigueur en 1995 et d'application obligatoire à partir de juin 1998, imposait au fabricant de ces dispositifs de les fournir avec des instructions d'utilisation. De plus, alors que les dispositifs médicaux implantables étaient des produits qu'il convenait de fabriquer de façon reproductible selon un protocole opératoire précis et de suivre par des contrôles de qualité, le requérant n'avait néanmoins fourni aucun document de ce type. En outre, une mise sur le marché de prothèses à des fins d'implantation sur l'homme ne pouvait se faire qu'après des essais cliniques. Or, selon le document (7) qui était un rapport confidentiel portant sur l'implantation de la prothèse uniquement sur des animaux, et ce après la date de priorité du brevet litigieux, les tests d'efficacité et d'innocuité restaient encore à réaliser. La prothèse n'était donc qu'en phase de développement et donc susceptible de modifications. L'arrêt des ventes montrait d'ailleurs que les prothèses PARP PU n'étaient pas au point. Il y avait donc de fortes présomptions pour que les ventes de la prothèse PARP PU en nombre restreint aient été faites sous accord de confidentialité. L'usage antérieur allégué n'était don pas public et par conséquent la prothèse PARP 15/20 PU ne faisait pas partie de l'état de la technique.
La prothèse décrite dans le document (1) représentait l'art antérieur le plus proche de l'invention. La prothèse revendiquée s'en distinguait par la nature du tissu prothétique qui possédait une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison, par le mode fixation de la membrane au tissus prothétique, à savoir par capillarité, ainsi que par le caractère insoluble du gel en milieu aqueux, ces différences de structure permettant d'accroître la colonisation cellulaire sur une face de la prothèse, de limiter les phénomènes inflammatoires et lui conférant une meilleure résistance à la délamination. Les tissus possédant une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison n'étaient pas connus dans le domaine des dispositifs médicaux implantables. Remplacer le tissu peu volumineux de la prothèse implantable décrite dans le document (1) par un tissu tridimensionnel, et donc plus épais, allait à l'encontre de la pratique dans le domaine des prothèses médicales implantables qui tendait plutôt à réduire la quantité de matière implantée afin de minimiser les effets secondaires. L'objet des revendications du brevet tel que délivré impliquait donc une activité inventive.
VII. Le requérant demande l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet.
L'intimé demande le rejet du recours, et donc le maintien du brevet tel que délivré, ou subsidiairement, l'annulation de la décision de la division d'opposition avec le maintien du brevet selon l'une de ses requêtes auxiliaires 1 et 2 déposées avec sa lettre datée du 27 septembre 2011.
VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité du document US-A-5385036 (Article 114(2) CBE)
2.1 C'est durant la procédure orale devant la Chambre que le requérant a présenté ce nouveau document. Il est donc indiscutablement tardif. L'intimé a contesté la recevabilité de ce document dans la procédure en raison de sa tardivité et de son manque de pertinence.
2.2 L'article 114(2) CBE dispose à cet égard que l'OEB peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n'ont pas produites en temps utile. Les Chambres de Recours usant du pouvoir discrétionnaire que leur confère cette disposition en vue de garantir un déroulement rapide et équitable de la procédure, sont dès lors en droit de refuser d'en tenir compte.
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, la pertinence des documents produits tardivement constitue un critère décisif de leur recevabilité.
Selon le requérant, ce document montre qu'un tissu prothétique ayant une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison était connu pour une application médicale (colonne 2, ligne 1).
Cependant, ce document concerne la production de textiles, en particulier pour la confection de vêtements et de chaussures. Il reporte les avantages du tissu quant à la perméabilité à l'air et à la vapeur par rapport aux mousses. La seule application médicale reportée dans ce document concerne les bandages pour les articulations et les membres, tels les genouillères (colonne 4, lignes 62 à 66).
Ce document n'est donc prima facie pas pertinent dans la mesure où il ne concerne en aucun cas les dispositifs médicaux implantables.
Par conséquent, la Chambre n'admet pas ce document tardif dans la procédure de recours en raison de son manque de pertinence prima facie.
Requête principale: brevet tel que délivré
3. Prétendu usage antérieur public
Le requérant a invoqué un usage antérieur public prétendument préjudiciable à l'activité inventive de l'objet revendiquée. Cet usage antérieur émane de son activité propre dans la mesure où les faits invoqués impliquent la vente de prothèse PARP PU par le requérant lui même.
3.1 Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours gouvernant l'administration de la preuve, il ne devrait être conclu aux fins de l'Article 54(2) CBE qu'une utilisation est comprise dans l'état de la technique que si un examen rigoureux et minutieux des preuves produites permet de le constater (T 750/94, JO OEB 1998, 32, point 4). Par conséquent, la chambre doit avant de conclure qu'une utilisation est comprise dans l'état de la technique, s'assurer que les preuves produites permettent de constater avec une conviction pratiquement absolue, en d'autres termes avec une certitude allant au delà de tout doute raisonnable, que telle utilisation antérieure a bien eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux (T 97/94, JO OEB 1998, 467, point 5.1).
3.2 Le requérant fait valoir comme état de la technique un usage antérieur prétendument public consistant en la commercialisation avant la date de priorité du brevet litigieux de prothèses composites dénommées PARP-PU, une d'entre elles ayant été soumise comme moyen de preuve dans son emballage d'origine (document (6)).
3.2.1 L'emballage contenant cette prothèse porte la référence PARP 15/20 PU associée au lot de fabrication F041801.
Il n'est pas contesté que cette prothèse consiste en un tissu prothétique et un film associé à une face du tissu, lequel tissu a une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison, l'une des faces étant fermée à toute colonisation cellulaire post-chirurgicale par un film de polyurethane.
Selon le requérant, cette prothèse aurait été vendue sans accord de confidentialité à différents clients, comme en attestaient les historiques de ventes et diverses factures (documents (8) et (9)).
3.2.2 Les documents (8) et (9) font état de ventes d'articles ayant les codes PARP 08/12 PU, PARP 10/15 PU, PARP 15/20 PU, PARP 20/20, PARP 20/30 PU et PARP 30/30 PU associés à plusieurs lots de fabrication différents.
Le requérant allègue, sans en amener la moindre preuve, que toutes les prothèses PARP PU figurant dans les documents (8) et (9) indépendamment de leur lot de fabrication ont toutes une structure identique à celle de la prothèse PARP 15/20 PU soumise comme moyen de preuve et que les différences de codes indiquent uniquement des tailles de prothèses différentes.
Cependant, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, chaque partie à la procédure supporte la charge de la preuve des faits qu'elle allègue et si un fait présentant une importance pour la décision n'est pas prouvé, la décision est prise au détriment de la partie défaillante dans la preuve qui lui incombe, en l'espèce le requérant qui allègue sans apporter la preuve que tous les articles PARP PU ont la même structure quel que soit leur code article et leur lot de fabrication (voir décision T 270/90, JO OEB 1993, 725, point 2.1 des motifs; T 355/97, point 2.5 des motifs, non publiée au JO OEB).
En conséquence, la Chambre considère que seules les ventes de prothèses PARP 15/20 PU, lot de fabrication F041801 pourraient fonder le prétendu usage antérieur public puisque la structure des autres prothèses PARP PU figurant sur les historiques des ventes n'a pas été prouvée.
3.2.3 L'historique des ventes entre le 1**(er) aout 1996 et le 1**(er) aout 1997 (document (9)) fait état, entre autres, de la vente de cinq articles PARP 15/20 PU, lot de fabrication F041801.
Au vu de la concordance de dénomination et du numéro de lot de fabrication, la Chambre est satisfaite que les prothèses PARP 15/20 PU associées au lot de fabrication F041801 figurant sur cet historique de vente ont une structure identique à la prothèse sur laquelle le requérant fonde son prétendu usage antérieur public (document (6)). Cependant, un historique de vente de la prothèse PARP 15/20 PU (F041801) à lui seul ne saurait prouver le caractère public de l'usage antérieur, puisqu'il ne précise pas les circonstances de l'usage antérieur, notamment le lieu où la prothèse aurait été rendue accessible au public et les membres du public ayant eu connaissance de sa structure avant la date de priorité du brevet litigieux.
L'historique des ventes révèle néanmoins que ces prothèses ont été facturées à des clients les 27 mai et 23 juin 1997 par l'intermédiaire de factures numérotées F9705048, F9706003, F9706008, F9706012 et F9706027, cette dernière étant la seule versée au dossier (document (9)).
Cette facture adressée à la société "Kaiso" concerne la vente de plusieurs articles, un seul d'entre eux étant la prothèse PARP 15/20 PU, lot de fabrication F041801. Selon le requérant, cette facture établit que la structure de la prothèse PARP 15/20 PU (F041801) telle que décrite au point 3.2.1 dessus avait été rendue accessible au public avant la date de priorité du brevet litigieux. Les articles facturés dont la prothèse PARP 15/20 PU (F041801) avaient été envoyés le 11 juin 1997 par l'intermédiaire de la société "Chronopost" attribuant un numéro de tracking. Par conséquent, bien que n'ayant pas fourni de preuve de la réception des articles et de leur règlement, il ne faisait aucun doute que ces articles avaient été réceptionnés par la société Kaiso au plus tard quelques jours après l'envoi de la commande et donc avant la date de priorité du brevet litigieux, à savoir le 1 août 1997.
Cependant la Chambre note que cette facture comprend également d'autres articles, dont deux prothèses PARP 08/12 PU de lot de fabrication F012401. Or, ces prothèses apparaissent sur l'historique de vente du document (8), une première fois en positif le 23 juin 1997 correspondant bien à la date de la facture (voir cinq lignes avant la fin du tableau), mais également en négatif à la date du 31 décembre 1997 (voir avant dernière ligne du tableau). Le requérant n'a pas pu expliquer l'annulation du payement de ces articles. Plusieurs explications peuvent cependant être envisagées, notamment le retour à l'expéditeur des articles ou la possibilité que les articles n'aient pas été réceptionnés par le destinataire.
Or, l'historique de ventes sur lequel figure les prothèses PARP 15/20 PU n'est pas complet puisqu'il s'arrête au 1**(er) aout 1997 (voir document (9)). Il ne peut donc pas être exclu que d'autres articles objets de la facture F9706027, dont la prothèse PARP 15/20 PU (F041801), aient également été inscrits en négatif dans la comptabilité du requérant.
Comme le requérant n'a pas fourni de preuve de la réception des articles facturés, ni de leur payement, il subsiste un doute quant à la réception effective par la société Kaiso des articles présents sur la facture F9706027.
3.3 Même à supposer en faveur du requérant que la société Kaiso ait effectivement réceptionné la prothèse avant la date de priorité du brevet litigieux, la facture et l'historique de vente ne permettent pas à eux seuls d'établir les circonstances de la vente, en particulier si cette vente était ou non soumise à un accord de confidentialité.
Le requérant prétend que la prothèse PARP 15/20 PU avait été vendue sans accord de confidentialité à la société Kaiso et que cette dernière, par l'intermédiaire d'agents commerciaux l'avait proposée aux hôpitaux en vu de son implantation sur des patients. En effet, la société Kaiso diffusion avait comme activité principale la commercialisation d'articles médicaux (document (12)). Dans ce contexte, l'existence d'un accord de confidentialité était exclu puisque la société Kaiso n'était pas le destinataire final de la prothèse vendue.
L'intimé prétend au contraire qu'il était hautement improbable que cette prothèse ait été proposée aux hôpitaux pour une implantation sur des patients en raison notamment de l'absence d'une notice d'instruction accompagnant la prothèse. Au contraire tout indiquait que cette prothèse était encore en phase expérimentale. En effet très peu de prothèses PARP PU avaient été vendues et le document (7) reportait après la date de la vente des prothèses le résultat d'essais d'implantation de ces prothèses sur des lapins, ces essais étant confidentiels et donc non accessibles au public.
Le requérant a soumis qu'il n'avait pas retrouvé de catalogue ou de prospectus du fabricant ou du distributeur pouvant démontrer que la prothèse était effectivement accessible au public. Il s'est justifié par la difficulté de retrouver de tels documents quinze ans après la date du prétendu usage antérieur public.
Cependant, la Chambre ne peut pas accepter cet argument. En effet, la demande du brevet litigieux a été publié le 11 février 1999 et la mention de sa délivrance le 22 aout 2001. Le requérant a introduit une opposition au brevet litigieux le 22 mai 2002 en invoquant l'usage antérieur. Au moment de l'opposition moins de cinq années, et non quinze, s'étaient écoulées depuis la vente de la prothèse sur laquelle le requérant fonde son usage antérieur. Or alors même que le prétendu usage antérieur public émanait du requérant lui-même il n'avait fondé l'accessibilité au public des prothèses PARP PU que sur le seul historique de vente (document (8)). Dans ces circonstances, il subsiste un doute sérieux sur l'existence même de documents étayant le fait que la prothèse PARP PU était destinée au public avant la date de priorité du brevet litigieux. Ce doute se trouve renforcé par le fait qu'entre le 23 septembre et le 10 décembre 1997, les prothèses PARP PU basées sur une plaque de renfort en polyéthylène téréphtalate enduites de polyuréthanes n'étaient qu'en phase expérimentale, faisant après la date de la prétendue vente de prothèses l'objet d'une étude confidentielle portant sur l'implantation de la prothèse dans le lapin et démontrant que cette dernière ne donnait pas de résultats satisfaisants notamment au niveau de la réaction immunologique (document (7), page 3 et conclusion finale).
Du fait de l'absence de tout document technique ou publicitaire concernant la prothèse PARP 15/20 PU, ou encore d'une notice d'instruction accompagnant la prothèse, du fait du rapport confidentiel concernant l'implantation de prothèses PARP PU dans des lapins après la date de l'usage antérieur allégué, du fait de la quantité limitée de prothèses vendues, à savoir cinq prothèses PARP 15/20 PU de lot de fabrication F041801, force est de constater que les preuves invoquées par le requérant comportent des lacunes et ne permettent donc pas d'établir avec l'exigence requise (voir point 3.1 ci-dessus) que l'usage antérieur public allégué appartienne à l'état de la technique. Cet usage antérieur prétendu ne peut donc porter préjudice à la brevetabilité des compositions selon la revendication 1 du brevet litigieux.
4. Activité inventive
4.1 Art antérieur le plus proche
En accord avec les Parties et la division d'opposition, la Chambre considère que le document (1) constitue l'état de la technique le plus proche de l'invention et le juste point de départ pour l'analyse de l'activité inventive.
Le document (1) concerne une membrane transparente, biocompatible, suturable ou agrafable, et résorbable, permettant la prévention des adhérences post-opératoires (page 1, lignes 3 à 6). Celle-ci peut être associée de façon solidaire ou non à un treillis synthétique résorbable ou non, biocompatible, suturable ou agrafable et dont le maillage soit tel que l'on puisse voir au travers (page 5, lignes 22 à 25; page 9, lignes 30 à 34). La membrane peut être un gel de collagène ou d'atélocollagène, éventuellement mélangé à un glycosaminoglycanne coulé sur ce treillis, ou coulé dans un récipient sur lequel sera déposé ledit treillis (page 9, lignes 8 à 13). Les glycosaminoglycannes, par exemple l'acide hyaluronique ou l'héparine, sont des dérivés de polysaccharide selon le brevet litigieux (voir revendication 5). Le gel de collagène est déposé sur une seule ou sur les deux faces du treillis (page 9, lignes 14 à 17). La prothèse est préparée en coulant le gel sur ce treillis, ou en le coulant dans un récipient sur lequel sera déposé ledit treillis (page 9, lignes 8 à 13). Dans l'exemple IV, un treillis transparent est déposé dans un récipient sur lequel est déposée une couche de gel, le treillis étant réalisé en fibres de polymère synthétique ayant un diamètre de 100 micromètres et définissant des pores de 263 micromètres de diamètre.
4.2 Problème technique
Selon l'intimé le problème technique à résoudre par l´invention par rapport au document (1) est la mise à disposition d'une prothèse améliorée permettant d'accroître la colonisation cellulaire sur une face de la prothèse, de limiter les phénomènes inflammatoires et ayant une meilleure résistance à la délamination.
4.3 Solution
La solution proposée est la prothèse composite selon la revendication 1 caractérisée en ce que le tissu prothétique a une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison.
4.3.1 L'intimé prétend que la fixation de la membrane au tissu prothétique par capillarité distingue également la prothèse revendiquée de celle décrite dans le document (1). Cependant, la préparation de la prothèse décrite dans le document (1) mène obligatoirement à ce mode de fixation. En effet, dans la préparation de la prothèse le gel est coulé sur ce treillis, ou coulé dans un récipient sur lequel sera déposé ledit treillis (page 9, lignes 8 à 13). Comme le gel est décrit comme étant suffisamment liquide pour être coulé sur le treillis poreux, il en résulte nécessairement une liaison superficielle du gel sur le treillis poreux par adsorption capillaire. Par conséquent, comme la caractéristique d'absorption capillaire n'est pas définie plus précisément dans la revendication 1, elle ne saurait distinguer la prothèse revendiquée de celle divulguée dans le document (1).
4.3.2 L'intimé prétend également que l'insolubilité du gel en milieu aqueux est une caractéristique distinctive.
Cependant le gel de collagène utilisé dans les exemples IV et V du document (1) est également insoluble en milieu aqueux. En effet après une semaine d'implantation de cette prothèse dans la cavité d'abdominal d'un porc, donc en milieu aqueux, la membrane collagénique n'est pas dissoute puisqu'elle constitue une zone de clivage prévenant les adhérences et n'est résorbée qu'après 5 semaines d'implantation. Elle est donc nécessairement insoluble en milieu aqueux.
En conséquence, la Chambre conclut que le document (1) divulgue également la caractéristique selon laquelle l'hydrogel doit être insoluble en milieux aqueux.
4.4 Succès
4.4.1 En ce qui concerne la partie du problème touchant à l'amélioration de la colonisation cellulaire, il n'a pas été contesté qu'elle soit résolue au vu de la structure tridimensionnelle du tissu prothétique caractérisant la prothèse composite objet de la revendication 1. La Chambre n'a aucune raison de douter de cette amélioration.
4.4.2 L'intimé indique qu'une diminution des phénomènes inflammatoires est obtenue à due considération de l'insolubilité en milieu aqueux du gel et que la meilleure résistance à la délamination de la prothèse revendiquée est due au mode de fixation par capillarité de la membrane au tissu prothétique.
Cependant, ces caractéristiques techniques sont déjà connues du document (1) et ne caractérisent pas la solution proposée (voir point 4.3 dessus). Elles ne peuvent donc résulter en une quelconque amélioration. De plus, l'intimé n'a fourni aucun résultat de test comparatif. En conséquence, il n'est pas crédible que le problème technique tel que défini par l'intimé (point 4.2 ci-dessus) ait effectivement été résolu par la prothèse composite objet de la revendication 1 en ce qui concerne la diminution des phénomènes inflammatoires et la meilleure résistance à la délamination.
4.4.3 Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB un effet technique allégué mais non fondé ne peut pas être pris en considération pour la détermination du problème technique sous-jacent à l'invention (voir décision T 20/81, JO OEB 1982, 217, point 3, dernier paragraphe des motifs). Etant donné que, dans le cas présent, la limitation des phénomènes inflammatoires et l'amélioration de la résistance à la délamination invoquées par l'intimé non pas été démontrées de façon convaincante, le problème technique énoncé au point 4.2 ci-dessus nécessite une reformulation en et ne peut être que la mise à disposition d'une prothèse permettant d'accroître la colonisation cellulaire.
4.5 Evidence
La seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini de manière moins ambitieuse découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible, en d'autres termes, s'il était évident de modifier la prothèse selon le document (1) en remplaçant le tissus prothétique bidimensionnel la constituant par un tissus ayant une structure tridimensionnelle séparant deux faces opposées et reliées l'une à l'autre par des fils de liaison dans le but d'accroitre la colonisation cellulaire.
Le requérant n'a fourni aucun document dans la procédure de recours décrivant dans le domaine des prothèses implantables un tissu prothétique ayant une structure tridimensionnelle séparant deux faces opposée, et encore moins dans le but assigné d'accroitre la colonisation cellulaire.
Selon le requérant l'homme du métier savait que pour accroitre la colonisation cellulaire il suffisait de choisir un tissus prothétique plus épais et donc, par exemple, le tissus tridimensionnel défini dans la revendication 1 du brevet litigieux.
Or, cette affirmation sur laquelle se fonde le requérant pour contester la présence d'une activité inventive n'est supportée par aucun extrait de littérature technique générale représentative des connaissances générales de l'homme du métier et ne peut donc qu'être le résultat d'une analyse ex post facto, c'est à dire une analyse construite en connaissance de l'invention.
Etant donné que le requérant n'a pas été en mesure de démontrer dans quelles conditions l'homme du métier aurait pu établir, sans connaissance de l'invention, un rapport entre une amélioration de la colonisation cellulaire et la nature du tissu prothétique, à savoir qu'il représente une structure tridimensionnelle séparant deux faces poreuses opposées, son argument doit être rejeté puisque uniquement basé sur la divulgation de l'invention même.
4.6 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1, et, pour les mêmes raisons, celui des revendications dépendantes 2 à 10 du brevet en litige ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique et implique une activité inventive (Article 56 CBE).
5. La Chambre faisant droit à la requête principale, il n'est donc point nécessaire de statuer sur les requêtes auxiliaires 1 et 2 de rang inférieur.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.