T 0056/87 (Chambre ionique) 20-09-1988
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I. Le requérant est titulaire du brevet européen n° 0 040 589 (demande n° 81 850 075.3).
Ce brevet comporte deux revendications, toutes deux indépendantes, dont la rédaction est la suivante :
"1. Procédé de commande d'un faisceau divergent de rayons, ce procédé consistant à :
a) insérer un collimateur primaire (9) à symétrie de révolution, dans le faisceau ;
b) placer une chambre de transmission ionique (11) dans le faisceau sortant du collimateur primaire, cette chambre ionique comportant au moins quatre électrodes intérieures plates (15 à 18) de piégeage d'ions, situées près du centre de la chambre ionique, et au moins quatre électrodes extérieures plates (19 à 22) de piégeage d'ions, situées près de la périphérie de la chambre ionique ;
c) disposer les électrodes intérieures de façon à ce que le faisceau frappe en permanence la surface totale des électrodes intérieures ;
d) disposer les électrodes extérieures de façon à ce que le faisceau frappe en permanence une première partie de la surface des électrodes extérieures, la partie restante de la surface des électrodes extérieures se trouvant dans l'ombre du collimateur primaire ;
e) dériver des signaux électriques des électrodes intérieures et extérieures ;
f) utiliser ces signaux électriques, par l'intermédiaire d'éléments de commande (3 à 6 ; 23 à 26), pour corriger les erreurs éventuelles de déviation dans le faisceau, c'est-à-dire toute déviation angulaire du faisceau par rapport à la direction de l'axe de symétrie de révolution du collimateur primaire, et pour corriger les erreurs éventuelles de centrage dans le faisceau, c'est-à-dire tout déplacement linéaire du faisceau par rapport à l'axe de symétrie de rotation avec référence au point d'émission (8) du faisceau, l'opération (f) étant caractérisée en ce que les signaux électriques venant des électrodes intérieures (15 à 18) sont utilisés pour corriger les erreurs de déviation dans le faisceau, et en ce que les signaux électriques venant des électrodes extérieures (19 à 22) sont utilisés pour corriger les erreurs de centrage dans le faisceau.
2. Dispositif à chambre de transmission ionique pour la mise en oeuvre du procédé suivant la revendication 1, un collimateur primaire à symétrie de révolution étant inséré dans un faisceau divergent de rayons thérapeutiques et la chambre ionique (11) étant située dans ce faisceau entre le collimateur primaire (9) et une surface (12) à irradier avec le faisceau, cette chambre comportant au moins quatre électrodes intérieures plates (15 à 18)de piégeage d'ions situées près du centre de la chambre ionique et au moins quatre électrodes extérieures plates (19 à 22) de piégeage d'ions situées près de la périphérie de la chambre ionique, les électrodes intérieures étant disposées de sorte que le faisceau frappe en permanence toute la surface des électrodes intérieures et les électrodes extérieures étant disposées de sorte que le faisceau frappe en permanence une première partie de la surface des électrodes extérieures, la partie restante de la surface des électrodes extérieures se trouvant dans l'ombre du collimateur primaire, les électrodes intérieures et extérieures émettant des signaux électriques qui sont envoyés à des premiers et deuxièmes éléments de commande (3 à 6 ; 23 à 26) pour corriger des erreurs éventuelles de déviation dans le faisceau, c'est-à-dire toute déviation angulaire du faisceau par rapport à la direction de l'axe de symétrie de révolution du collimateur primaire, et pour corriger des erreurs éventuelles de centrage dans le faisceau, c'est-à-dire tout déplacement linéaire du faisceau par rapport à l'axe de symétrie de révolution avec référence au point d'émission (8) du faisceau, ce dispositif étant caractérisé en ce que les signaux électriques venant des électrodes intérieures (15 à 18) alimentent les premiers éléments de commande (3, 4 ; 23, 24) qui corrigent les erreurs de déviation dans le faisceau, et en ce que les signaux électriques venant des électrodes extérieures (19 à 22) alimentent les deuxièmes éléments de commande (5, 6 ; 25,26) qui corrigent les erreurs de centrage dans le faisceau." (Ndt : texte de la traduction française produite par le requérant).
II. L'intimé a fait opposition au brevet européen et demandé sa révocation dans son intégralité, au motif que l'invention n'impliquait pas une activité inventive par rapport à l'état de la technique divulgué, en particulier, dans le document US-A-3 838 284(D1) et par rapport aux connaissances normales de l'expert.
III. La division d'opposition a décidé de révoquer le brevet pour absence d'activité inventive de l'objet des revendications.
Elle a considéré notamment que la disposition des électrodes extérieures dans l'ombre du collimateur primaire, disposition qui est proposée dans la revendication 1 (étape d)) et dans la partie correspondante de la revendication 2, a été divulguée par la figure 1 du document D1, puisque l'on voit aisément que les prolongements des génératrices définissant l'ouverture du collimateur, telles qu'elles sont présentées sur la figure, viendraient couper les électrodes extérieures de la chambre ionique. Par conséquent, selon la division d'opposition, l'objet des revendications se distingue de l'état de la technique divulgué dans le document D1, uniquement par le fait que les signaux provenant respectivement des électrodes intérieures et extérieures sont utilisés différemment pour obtenir l'alignement correct du faisceau, cette utilisation résultant néanmoins d'un choix évident entre deux solutions possibles seulement, dont l'une était déjà connue d'après le document D1.
IV. Le titulaire du brevet s'est pourvu contre cette décision.
V. A l'issue d'une procédure orale, le requérant (titulaire du brevet) a demandé que la décision attaquée soit annulée et que l'opposition soit rejetée.
L'intimé (opposant) a requis le rejet du recours.
VI. A l'appui de sa requête, l'intimé a pour l'essentiel avancé ce qui suit :
a) La caractéristique essentielle de la présente invention, qui consiste à disposer les électrodes extérieures d'une chambre ionique située en aval d'un collimateur de telle manière qu'elles se trouvent partiellement dans l'ombre de ce collimateur, est déjà connue d'après le document D1. En particulier :
i) Sur la figure 1 du document D1, on peut voir un dispositif dans lequel les électrodes extérieures et le collimateur sont disposés comme indiqué dans les revendications, sans que l'on ait pour cela à se rapporter à une échelle ou à procéder à des mesures particulières : il suffit simplement de prolonger les lignes de la figure définissant l'ouverture intérieure du collimateur.
ii) Bien qu'effectivement cette figure soit purement schématique, l'homme du métier suppose normalement qu'elle reproduit correctement au moins les proportions générales et les positions relatives des éléments essentiels du dispositif.
iii) L'indication contenue dans le document D1, selon laquelle le groupe extérieur d'électrodes sensibles au rayonnement doit être placé "en des endroits permettant de contrôler les bords extrêmes, ou épaules, du champ de photons" (colonne 2, lignes 43 à 47), confirmerait, au besoin, cette interprétation évidente de la figure.
b) Par conséquent, l'invention revendiquée ne se distingue de l'objet du document D1 que par les caractéristiques relatives à une utilisation spécifique des électrodes intérieures et extérieurs pour corriger les erreurs d'alignement angulaire et latéral du faisceau. Toutefois, ces caractéristiques ne sauraient permettre d'affirmer qu'il y a implication d'une activité inventive, pour les raisons suivantes :
(...)
VII. Ces arguments ont été contestés par le requérant qui a présenté, pour l'essentiel, les conclusions suivantes :
a) La condition d'ombre qui doit exister selon les revendications n'est pas divulguée par le contenu du document D1, puisque, notamment :
i) La description, dans le document D1, ne comporte aucune mention suggérant d'utiliser l'ombre du collimateur pour améliorer l'alignement du faisceau.
ii) Le document D1 pose explicitement comme condition que les électrodes extérieures soient disposées dans le champ de rayonnement (cf., par exemple, abrégé, lignes 11 à 14). Une telle disposition exclut l'utilisation d'une construction dans laquelle les électrodes seraient partiellement situées dans l'ombre du collimateur.
iii) Le document D1 divulgue en fait une méthode selon laquelle les électrodes extérieures sont placées en des endroits permettant de contrôler les bords extrêmes, ou épaules, du champ de photons afin de mesurer l'inclinaison du lobe de rayonnement (col. 2, lignes 43 à 47 ; col. 5, lignes 18 à 21). Une mesure de l'inclinaison ne serait toutefois pas possible si les électrodes extérieures se trouvaient partiellement dans l'ombre du collimateur ; en effet, une telle disposition amplifie sélectivement la composante de signal d'erreur dû au désalignement latéral et nuit par conséquent à la détection des erreurs angulaires.
iv) La condition d'ombre qui doit exister selon les présentes revendications ne peut être déduite du document D1 qu'à l'aide d'une règle graduée par une mesure d'angle effectuée sur la représentation schématique fournie à la figure 1, ce qui ne constitue donc pas une divulgation effective des caractéristiques en cause, comme cela a été affirmé dans la décision T 204/83 (JO OEB 1985, 310). L'homme du métier ne verrait rien d'autre qu'une pure coïncidence dans le fait que des extensions conceptuelles des lignes qui, sur la figure 1, définissent l'ouverture interne du collimateur viennent couper les électrodes extérieures, d'autant plus que les intersections respectives sont situées à moins d'1 mm des bords des électrodes extérieures.
b) L'objet des revendications implique une activité inventive par rapport au document D1, puisque :
(...)
1. Le recours est recevable.
2. La Chambre est convaincue que le brevet attaqué expose l'objet revendiqué de façon suffisamment claire et complète pour un homme du métier puisse l'exécuter. La Chambre estime qu'un homme du métier peut comprendre, sans exercer aucune activité inventive, la corrélation existant entre les erreurs d'alignement latéral et angulaire et les signaux correspondants fournis par les groupes d'électrodes respectifs, lorsqu'ils sont disposés comme indiqué dans le brevet. De plus, cette corrélation peut également être déduite de l'exécution de simples essais de routine. L'utilisation adéquate d'une telle corrélation pour la commande du faisceau par l'intermédiaire des signaux provenant des électrodes en vue de réduire au minimum les erreurs d'alignement ne peut pas être considérée comme dépassant la compétence normale du spécialiste dans le domaine de la commande des faisceaux.
3. Nouveauté
3.1. Il est indiscutable que le document D1 expose une méthode de commande d'un faisceau divergent de rayons, méthode qui comprend les étapes a) à c) et e) et f) telles que décrites dans le préambule de la présente revendication 1, et dont la méthode revendiquée diffère tout au moins en ce que les signaux électriques provenant des électrodes intérieures sont utilisés pour corriger les erreurs de déviation (angulaire) et en ce que les signaux provenant des électrodes extérieures sont utilisés pour corriger les erreurs de centrage (latéral), comme cela est décrit dans la partie caractérisante de la revendication, à l'inverse de l'utilisation des signaux provenant des électrodes respectives, telle que divulguée dans le document D1 (col. 4, ligne 57 à col. 5, ligne 24).
De l'avis de la Chambre, le document D1 ne détruit pas la nouveauté de l'étape d) de la méthode revendiquée, selon laquelle les électrodes extérieures de la chambre ionique se trouvent en partie dans l'ombre du collimateur primaire ; en effet, comme cela est exposé en détails ci-après, l'on ne saurait voir une divulgation de ces caractéristiques dans le simple fait que, dans la représentation schématique fournie à la figure 1, les segments correspondant aux électrodes extérieures sont dans le prolongement des lignes figurant la surface interne du collimateur primaire.
Il est généralement reconnu que, pour décider de la nouveauté d'une caractéristique revendiquée dans un brevet ou une demande de brevet, il est nécessaire de déterminer si cette caractéristique peut être déduite d'un document antérieur par l'homme du métier d'une manière directe et sans équivoque (cf. point 4 de la décision T 204/83 déjà citée). La Chambre estime que l'homme du métier qui étudie un document ne s'arrête pas à chacun des éléments, pris isolément, qui y sont décrits, mais examine leur interrelation du point de vue technique afin d'essayer de comprendre le fonctionnement de l'appareil ou du procédé divulgué. L'homme du métier considère donc en règle générale dans leur contexte technique toutes les informations détaillées que contient un document.
Par conséquent, ce qui est divulgué dans un document antérieur doit être considéré dans son intégralité, comme le ferait l'homme du métier. Il n'est pas justifié d'isoler arbitrairement de leur contexte des parties d'un tel document en vue d'en déduire une information technique qui différerait, voire irait à l'encontre de l'enseignement global du document.
Dans la présente espèce, il est certain que la figure 1 du document D1 est pratiquement identique à la figure 1 du brevet attaqué, du moins en ce qui concerne la disposition en aval de la cible. Il n'a pas non plus été contesté que ces figures sont des représentations purement schématiques destinées à illustrer "le principe d'un système de rayons X à haute énergie" (cf. document D1, col. 3, ligne 34). De la même manière, l'homme du métier constaterait immédiatement que les proportions et les dimensions indiquées à la figure 1 du document D1 ne correspondent absolument pas à celles de dispositifs connus, utilisés dans la pratique. En particulier, il verrait que l'échelle du schéma est réduite dans la direction du faisceau.
Voilà qui constituerait déjà aux yeux de l'homme du métier des raisons de se référer aux autres figures et à la description écrite contenue dans le document D1, pour être en mesure d'en interpréter la figure 1.
La lecture de ce document révèle à l'homme du métier une méthode d'ajustement de l'alignement d'un faisceau de particules chargées, consistant à :
a) mesurer l'inclinaison du lobe de rayonnement en plaçant un groupe extérieur d'électrodes, sensibles au rayonnement, à des endroits permettant de contrôler les bords extrêmes, ou épaules, du champ de photons (col. 2, lignes 43 à 48) ;
b) détecter les changements de position du lobe à l'aide d'un groupe séparé d'électrodes intérieures permettant de mesurer le rayonnement traversant la pente la plus raide du filtre de planéité (col. 2, lignes 48 à 51) ;
c) appliquer les signaux produits par chaque groupe d'électrodes à un servomécanisme de positionnement correspondant (col. 5, lignes 64 à 68 et col. 6, lignes 1 à 13).
La Chambre partage le point de vue du requérant, selon lequel l'homme du métier déduirait de la divulgation résumée ci-dessus que les électrodes extérieures doivent se trouver entièrement dans le champ de rayonnement afin de pouvoir détecter la variation d'intensité due à l'inclinaison du lobe sans subir l'influence du collimateur. Une ombre projetée par le collimateur sur les électrodes extérieures augmenterait la composante de leur signal due au désalignement latéral et rendrait ainsi le signal total produit par ces électrodes moins efficace pour agir sur les bobines d'alignement angulaire auxquelles elles sont connectées.
La Chambre considére par conséquent que la figure 1 du document D1, interprétée, comme elle devrait l'être, à la lumière du texte écrit de ce document, ne divulgue pas la caractéristique d) de la revendication 1 du brevet attaqué, selon laquelle les électrodes extérieures se trouvent en partie dans l'ombre du collimateur.
En outre, la Chambre réfute l'argument de l'intimé, exposé pour l'essentiel au point VI a) ii) supra, étant convaincue qu'il n'est possible de déduire de la figure 1 l'occultation partielle des électrodes extérieures qu'en interprétant les dimensions apparentes d'une représentation schématique. Par conséquent, une caractéristique technique déduite de dimensions tirées d'une représentation schématique telle qu'elle figure dans un document, ou fondée sur ces dimensions et qui contredit du point de vue technique l'enseignement de la description correspondante, ne fait pas partie de la divulgation de ce document.
3.2. Les autres documents antérieurs cités au cours de la procédure d'examen ou d'opposition demeurent éloignés de l'objet de la revendication 1.
3.3. L'objet de la revendication 1 est donc considéré comme nouveau au sens de l'article 54 CBE.
4. Activité inventive
(...)
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'opposition est rejetée.