3. Affaires disciplinaires
3.4. Mesures disciplinaires
Selon la décision D 5/86 (JO 1989, 210), la prise d'une mesure disciplinaire suppose qu'un manquement aux règles de conduite professionnelle puisse être constaté pour emporter la conviction de l'instance disciplinaire. S'il n'est pas nécessaire que cette constatation corresponde à une certitude absolue, il faut toutefois qu'elle repose sur un degré de probabilité tel qu'il équivaille dans la pratique à une certitude. Une mesure disciplinaire ne peut pas être prise s'il est possible, en s'appuyant sur des arguments raisonnables, de mettre en doute la constatation d'un manquement à une règle de conduite professionnelle.
Dans l'affaire D 11/91 date: 1994-09-14 (JO 1995, 721), le conseil de discipline de l'OEB avait prononcé la radiation du requérant de la liste des mandataires agréés pour une durée indéterminée. Par son recours, le requérant avait soutenu que la procédure devant la chambre disciplinaire n'avait pas été conforme aux dispositions de la CEDH, en particulier parce que la chambre de recours ne serait pas créée par la loi nationale, mais par le Conseil d'administration, les organes disciplinaires ne constitueraient pas un tribunal indépendant, la chambre de recours ne serait pas une instance nationale et ses décisions ne pourraient pas être déférées à une seconde instance.
La chambre disciplinaire a déclaré que la CEDH contient des règles qui expriment des principes généraux du droit communs aux États membres de l'Organisation européenne des brevets. De telles règles doivent donc être considérées comme faisant partie du système juridique de cette Organisation et être observées par toutes ses instances. Il en est ainsi de l'art. 13 CEDH qui vise à garantir la protection juridictionnelle des droits individuels. La référence faite dans cet article à une "juridiction nationale" renvoie certes à une juridiction compétente selon la loi de l'État en cause. Toutefois, en ratifiant la Convention de Munich, les États contractants ont accepté un transfert de prérogatives soumettant les mandataires agréés auprès de l'OEB à des règles professionnelles identiques, contrôlées par une instance centralisée dont les décisions sont susceptibles d'un recours effectif devant une seconde instance dont le statut des membres garantit l'indépendance. L'élaboration de ces règles et la création desdites instances s'avèrent donc conformes aux principes généraux du droit, et notamment à ceux exprimés dans la CEDH.
Pour ce qui concerne la mesure disciplinaire, la chambre a considéré qu'afin de respecter la nécessaire proportionnalité entre la sanction et la gravité des faits réprimés ainsi que le caractère préfixé (ou déterminé) que doit revêtir toute peine pour échapper à l'arbitraire, la disposition de l'art. 4(1)e) RDMA doit s'entendre "pour une durée non déterminée par le texte", c.-à-d. pour une durée à l'appréciation de l'instance disciplinaire compétente qui, dans sa décision, doit la fixer et motiver la raison de son choix. Voir aussi D 1/21 ci-dessous
Dans l'affaire D 20/99 (JO 2002, 19) le requérant X a formé un recours contre la décision du conseil de discipline de l'OEB ayant prononcé à son encontre un blâme. Pour fonder la sanction prononcée du chef du seul premier grief des poursuites, le Conseil de discipline a considéré que des faits imputables à X et pénalement réprimés en France étaient constitutifs de manquements aux dispositions de l'art. 1(1) et 1(2) du RDMA. La chambre a constaté qu'en l'espèce, il ressort que D... a travaillé à l'élaboration des brevets européens dans le Cabinet L.., appartenant au requérant X, tout en étant rémunéré par la SA ...P. Toutefois, il ressort du dossier que cette mise à disposition conventionnelle n'a jamais fait l'objet d'une facturation. Il en est donc résulté pour le Cabinet L.. un avantage certain, consistant en une réduction des coûts d'élaboration des brevets. Un tel avantage est indu en ce qu'il a nécessairement entraîné une distorsion déloyale de concurrence envers les autres mandataires européens. L'abus de bien sociaux était constitutif d'un acte de distorsion déloyale de concurrence et ainsi d'un manquement à la déontologie.
Selon la décision D 1/18, l'exigence pour une décision de la commission de discipline d'indiquer quelle règle de conduite professionnelle a été enfreinte et, le cas échéant, quelle recommandation n'a pas été observée (art. 17 du règlement de procédure additionnel de la Commission de discipline de l'epi ; voir également art. 15 du règlement de procédure additionnel du Conseil de discipline de l'OEB et l'art. 17 RPCD) n'est pas une simple formalité. Dans la mesure des points communs entre les procédures disciplinaires et les procédures pénales (voir également la décision D 19/99), cette exigence est l'expression du principe "nullum crimen sine lege". Le champ d'application des sanctions prévues à l'art. 4(1) RDMA ne couvre pas les atteintes générales à l'esprit ou au but du RDMA ou du Code de conduite professionnelle de l'epi.
Dans l’affaire D 1/21, la chambre disciplinaire a conclu que le conseil de discipline de l’OEB n’avait pas avancé de motif expliquant pourquoi le délai de 9 mois figurant dans la décision faisant l’objet du recours était considéré comme nécessaire et approprié ainsi que comme constituant une sanction suffisante au manquement à la déontologie établi. Le conseil de discipline de l’OEB avait commis une violation procédurale fondamentale en ordonnant une sanction dépourvue de base juridique dans la disposition pertinente de l’art. 4 RDMA. La chambre a déclaré que l’art. 4 RDR constituait la seule base pour des mesures disciplinaires à l’encontre d’un mandataire agréé qui ne respecte pas les règles de déontologie.
Dans l’affaire D 1/20 (recours formé par le Président de l’epi), un mandataire agréé avait utilisé sur le site web de sa société le titre "IP attorney" (conseil en PI) pour des employés qui n’étaient pas encore qualifiés (c’est-à-dire des membres de l’équipe qui n’avaient pas encore réussi l’EEQ ou obtenu une autre qualification professionnelle, et n’étaient donc pas habilités à représenter des clients de manière indépendante). Selon la chambre disciplinaire, cela constituait une déclaration "fallacieuse" au sens de l’art. 1(1), deuxième phrase, RDMA, et du paragraphe 3(b) du Code de conduite professionnelle de l’epi. Pour avoir enfreint ces dispositions et compte tenu de circonstances atténuantes, le mandataire agréé en question a reçu un avertissement en vertu de l’art. 4(a) RDMA.