4.3. Solution du problème technique
4.3.2 Essais comparatifs
Un demandeur ou un titulaire de brevet peut s'acquitter de la charge de la preuve qui lui incombe, en produisant volontairement des tests comparatifs avec de nouvelles variantes de l'état de la technique le plus proche, qui présentent des caractéristiques identiques à celles de l'invention de façon à disposer d'une variante qui se rapproche davantage encore de l'invention, et ce afin de démontrer plus clairement l'effet avantageux attribuable à la caractéristique distinctive (T 35/85, T 40/89, T 191/97, T 496/02, T 765/15, T 1323/17, T 524/18).
Selon la jurisprudence constante, un effet inattendu (effets bénéfiques ou propriétés avantageuses) dont l'existence a été démontrée à l'aide d'essais comparatifs peut être considéré comme un indice d'activité inventive (T 181/82, JO 1984, 401). Par sa décision T 197/86 (JO 1989, 371), la chambre a complété les principes énoncés dans la décision T 181/82, à savoir que si l'on propose, comme preuve à l'appui d'un effet inattendu, des essais comparatifs, ceux-ci doivent se rapporter, dans un domaine d'utilisation comparable, à des éléments de comparaison ayant une structure la plus proche possible de celle de l'objet revendiqué. Elle a constaté que si l'on procède à des essais comparatifs pour démontrer l'existence d'une activité inventive sur la base d'un effet d'amélioration dans un domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que les présumés effets bénéfiques ou propriétés avantageuses sont dus à la caractéristique distinctive de l'invention par rapport à l'état de la technique le plus proche (T 234/03, T 568/11, T 1962/12, T 1457/13, T 1521/13, T 1401/14, T 710/16, T 990/17, T 2406/18, T 816/16, T 2217/19, T 397/20, T 1045/21, T 1445/21, T 1359/22, T 1639/22).
À cette fin, il peut être nécessaire de modifier les éléments de la comparaison de manière qu'ils ne diffèrent que par cette caractéristique distinctive (voir p. ex. T 197/86, T 292/92, T 819/96, T 369/02, T 2043/09, T 183/12, T 710/16, T 990/17).
Pour démontrer avec pertinence qu'une amélioration technique est obtenue par rapport à l'état de la technique le plus proche, tout essai comparatif doit être reproductible sur la base des informations fournies, permettant ainsi une vérification directe des résultats de ces essais (T 494/99, T 234/03, T 236/09, T 1962/12, T 383/13). Cette exigence implique, en particulier, que la procédure d'exécution de l'essai se fonde sur des informations quantitatives permettant à la personne du métier de le reproduire de façon fiable et valable (T 234/03, T 236/09, T 383/13, T 1962/12, T 532/14, T 795/14). Des instructions de fonctionnement vagues et imprécises rendent le test inadéquat et le privent par conséquent de toute pertinence (T 234/03, T 236/09, T 383/13, T 1962/12, T 795/14).
Dans la décision T 1871/19, la chambre a souligné que si des essais comparatifs étaient choisis pour démontrer l'activité inventive sur la base d'un effet amélioré dans un domaine revendiqué, il devait être crédible que cet effet ait été obtenu sur l'ensemble du domaine revendiqué. En revanche, la chambre dans la décision T 2363/22 a estimé que dans une situation où l'opposant introduisait plusieurs attaques sur l'activité inventive à partir de différents points de départ, le titulaire du brevet n'était pas censé fournir des essais comparatifs concernant chacun de ces points de départ. La question à se poser était plutôt celle de savoir si la configuration choisie appuyait la conclusion selon laquelle un effet technique était obtenu de manière crédible et en particulier si l'essai comparatif était représentatif de la divulgation utilisée comme point de départ .
Dans la décision T 2923/19, la chambre a énoncé les critères potentiellement pertinents suivants : (a) l'échantillon comparatif doit être suffisamment représentatif de l'état de la technique le plus proche et l'échantillon "inventif" doit être suffisamment représentatif de l'objet revendiqué ; (b) un effet technique ne peut pas être attribué de manière convaincante à une caractéristique technique particulière si plusieurs caractéristiques varient pendant l'essai comparatif ; (c) il doit être crédible que l'effet puisse être obtenu dans l'ensemble du domaine revendiqué pour qu'il soit pris en considération lors de la détermination du problème technique objectif.
Dans l'affaire T 390/88, la chambre a indiqué que lorsqu'une prétendue invention est évidente de prime abord à la lumière de l'état de la technique, il est cependant parfois possible de prouver son caractère inventif au moyen d'essais comparatifs montrant une amélioration significative par rapport à l'état de la technique le plus proche. Cette situation est à distinguer d'autres affaires, dans lesquelles il n'était pas du tout évident de prime abord de produire les composés revendiqués et où, par conséquent, les essais comparatifs n'étaient pas essentiels pour établir le caractère inventif. Voir aussi T 656/91, T 60/95, T 930/99).
Dans l'affaire T 172/90, les essais comparatifs produits ne permettaient pas de prouver l'existence d'une activité inventive. La chambre a constaté que les produits sélectionnés pour procéder à ces essais étaient uniquement des produits du commerce d'usage courant, choisis manifestement de manière arbitraire. Le progrès technique que constituait la supériorité par rapport à ces produits du commerce ne pouvait être avancé pour prouver l'existence d'une activité inventive par rapport à l'état de la technique le plus proche (se référant à T 164/83, JO 1987, 149). Voir aussi T 730/96.
Dans la décision T 702/99, la chambre a déclaré que dans les affaires concernant des produits tels que les cosmétiques, dans lesquelles les demandeurs ou titulaires de brevets cherchent à démontrer que leurs inventions procurent une meilleure sensation au toucher par rapport à l'état de la technique, ou dans lesquelles les opposants tentent de contester une telle amélioration, il est courant pour l'une ou l'autre des parties de produire des preuves sur des essais comparatifs effectués par un certain nombre de personnes. Il est essentiel que de tels essais soient réalisés dans des conditions qui garantissent un maximum d'objectivité de la part de ceux qui les effectuent et qui peuvent avoir à témoigner ultérieurement dans des procédures. Il est toujours souhaitable de pouvoir montrer que de tels essais ont été faits "en aveugle", qu'ils ont été réalisés dans les conditions les plus strictes et que les testeurs n'ont pas participé au développement de l'invention revendiquée ou aux recherches qui ont conduit à l'invention ou à la procédure de délivrance du brevet. Voir aussi T 275/11, T 1962/12, T 165/14, T 2304/16.
Dans l'affaire T 2579/11, la titulaire du brevet indiquait que les détails du protocole utilisé dans les essais du document A13 n'avaient pas été divulgués pour des raisons commerciales. La chambre a jugé que les résultats selon A13 n'étaient ni plausibles, ni vérifiables et par conséquent n'étaient pas suffisants pour soutenir que le problème technique consistant à améliorer le caractère biodégradable est résolu avec succès (voir aussi T 1265/17).
Dans l'affaire T 2319/14, la chambre n'a pas pu souscrire à l'argument de l'intimé selon lequel les essais comparatifs doivent toujours se faire par rapport à l'état de la technique le plus proche et que les essais comparatifs intrinsèques ne sont pas autorisés. Elle a reconnu que selon la jurisprudence constante des chambres de recours, les essais comparatifs avec l'état de la technique doivent être réalisés de façon à ce qu'un effet puisse être attribué à la caractéristique distinctive. En revanche, il est également autorisé et peut même être nécessaire de rapprocher de l'invention des modes de réalisation venant de l'état de la technique jusqu'à ce qu'ils ne s'en distinguent que par la caractéristique qui délimite la revendication.
Dans l'affaire T 1323/17, la chambre a considéré que ce qui compte est non seulement de savoir si un essai comparatif soumis par le demandeur ou par le titulaire démontre un lien de causalité entre une caractéristique distinctive par rapport à l'état de la technique le plus proche et un effet, mais également de savoir si la variante de l'état de la technique le plus proche choisie à titre d'exemple de référence (ou de comparaison) pour l'essai comparatif est représentative de l'état de la technique le plus proche, au sens où l'on peut s'attendre à ce que l'effet pour lequel il est démontré qu'il est provoqué par la caractéristique distinctive dans le contexte de l'essai comparatif se produise également dans le cadre de l'état de la technique le plus proche malgré l'existence de différences par rapport à l'exemple de référence de l'essai comparatif.
Dans l'affaire T 524/18, la chambre a estimé qu'une comparaison des résultats d'essai obtenus par immersion de plaques enduites d'un revêtement dans un environnement marin n'était significative que si les revêtements que l'on souhaitait comparer avaient été testés dans des conditions identiques, qui comprenaient, en l'espèce, la période de l'année et l'emplacement géographique car l'encrassement dépendait de différents facteurs tels que la population et les espèces des organismes salissants, la température, les niveaux d'éléments nutritifs, les débits et l'intensité du rayonnement solaire. Une comparaison de données obtenues dans deux rapports d'essai différents n'était significative que si l'on pouvait assurer que les conditions influençant l'encrassement étaient raisonnablement comparables.
Dans l'affaire T 1994/20, le matériau utilisé dans l'exemple comparatif du fascicule différait à de nombreux égards du matériau de l'état de la technique le plus proche. Cela n'invalidait pas en soi les arguments de l'intimé fondés sur la comparaison effectuée dans le fascicule puisque les chambres de recours avaient reconnu déjà dans la décision T 35/85 qu'il était possible d'utiliser une comparaison effectuée avec une variante de l'état de la technique le plus proche. Toutefois, comme la question posée concernait le problème résolu avec succès sur l'état de la technique le plus proche par l'objet revendiqué, la chambre a estimé qu'il n'était pas suffisant en soi de démontrer qu'un effet ou avantage résultant de la caractéristique distinctive était observé dans le cas d'une variante de l'état de la technique le plus proche utilisé comme exemple de référence dans l'essai comparatif. Il devait être en plus crédible que le même effet ou avantage ait lieu avec l'état de la technique le plus proche, c'est-à-dire quelle que soit la modification de l'état de la technique le plus proche opérée pour préparer l'exemple de référence de l'essai comparatif.