5.2.2 Cas de renversements de la charge de la preuve
Dans les décisions G 1/22 date: 2023-10-10 et G 2/22 date: 2023-10-10 (JO 2024, A50), la Grande Chambre de recours a conclu qu'il existe une présomption réfragable en vertu du droit autonome de la CBE qu’un demandeur qui se prévaut d'une priorité conformément à l'art. 88(1) CBE et aux dispositions correspondantes du règlement d'exécution est en droit de revendiquer cette priorité. Cette présomption est justifiée compte tenu de la finalité des droits de priorité, de l'absence d'exigences de forme en matière de transfert de droits de priorité et de l'intérêt commun présumé du demandeur de la demande dont la priorité est revendiquée et du demandeur ultérieur (G 1/22 date: 2023-10-10 et G 2/22 date: 2023-10-10, points 105, 112 des motifs et point I du dispositif). La présomption du droit à la priorité et sa réfutation, tout comme le droit à la priorité en général, relèvent du droit autonome de la CBE uniquement. Cependant, il ne peut pas être exclu que, dans le contexte de la réfutation de cette présomption, le droit national doive aussi être pris en considération.
La présomption réfragable entraîne le renversement de la charge de la preuve, c'est-à-dire qu'il incombe à la partie qui conteste le droit à la priorité du demandeur ultérieur de fournir la preuve que ce droit fait défaut. S'il existe une forte présomption, un niveau de preuve plus élevé est exigé pour la réfuter que dans le cas d'une présomption faible (G 1/22 date: 2023-10-10 et G 2/22 date: 2023-10-10, point 109 des motifs, citant T 63/06).
La présomption selon laquelle le demandeur ultérieur se prévaut à juste titre du droit de priorité est une présomption forte dans des circonstances normales, puisque les autres exigences relatives à la priorité (sur la base desquelles s'établit la présomption du droit à la priorité) ne peuvent habituellement être remplies qu'avec le consentement, voire la coopération, du demandeur de la demande dont la priorité est revendiquée (G 1/22 date: 2023-10-10 et G 2/22 date: 2023-10-10, point 110 des motifs). La partie qui conteste le droit à la priorité ne peut donc pas se contenter d'émettre des doutes à caractère spéculatif, mais doit démontrer que des faits concrets viennent étayer de sérieux doutes sur le droit à la priorité du demandeur ultérieur.
Voir chapitre II.D.2.4.1 "Introduction"- Priorité .