3. Recevabilité
3.3. Nécessité de motiver et d'étayer les demandes de récusation
Dans l'affaire T 1028/96 (JO 2000, 475), la chambre a indiqué qu'outre les deux conditions de recevabilité énoncées à l'art. 24(3) CBE, la CBE exige en règle générale que les objections soient motivées, c'est-à-dire que soient indiqués les faits et arguments sur lesquels se fonde une demande de récusation. Il s'ensuit tout d'abord qu'une demande de récusation fondée uniquement sur des doutes subjectifs déraisonnables doit être rejetée comme irrecevable. Il s'ensuit aussi que lorsque les faits et arguments invoqués ne peuvent étayer la demande de récusation d'un membre soupçonné de partialité, cette demande de récusation doit de même être rejetée comme irrecevable (voir aussi T 355/13 et T 2175/15 du 11 juin 2024 date: 2024-06-11).
Dans la décision R 12/09 du 3 décembre 2009 date: 2009-12-03, la Grande Chambre de recours a fait référence à la décision T 1028/96 (JO 2000, 475) et a estimé que lorsqu'il s'agit de déterminer si une demande de récusation est recevable, il faut établir si la demande est suffisamment étayée. Il suffit à cette fin de déterminer si ladite demande satisfait aux exigences minimales pour être objectivement motivée, et il n'y a pas lieu en revanche de décider si les motifs sont convaincants (voir aussi T 2440/16 du 17 mai 2022 date: 2022-05-17).
Dans la décision T 1760/11 du 13 novembre 2012 date: 2012-11-13, la chambre a relevé qu'aucune raison n'avait été donnée pour expliquer pourquoi le président aurait été influencé contre l'intimé 6 ou contre l'une quelconque des autres parties par le fait qu'il avait été employé par le Cabinet Regimbeau plus de treize ans auparavant, indépendamment de savoir s'il avait effectivement travaillé pour l'intimé 6 pendant le temps de son emploi dans ce cabinet. De telles allégations vagues et dépourvues de fondement ne pouvaient pas étayer une récusation pour soupçon de partialité.
Dans la décision G 1/21 du 28 mai 2021 date: 2021-05-28, la Grande Chambre de recours a considéré que la demande récusation pour soupçon de partialité à l’encontre de deux membres réguliers de la formation qui avaient précédemment été récusés dans une procédure intermédiaire antérieure (G 1/21 du 17 mai 2021 date: 2021-05-17) ne respectait pas l’exigence minimale objective de motivation et de justification. Elle ne reposait pas sur des faits ("nous avons des raisons de penser...") et les arguments s'appuyaient sur des spéculations. Il incombait à la partie déposant une demande de récusation de l'étayer par des faits et des arguments pertinents (voir aussi T 2078/17).
La Grande Chambre de recours a également relevé que les demandes de récusation 1, 2 et 4 n'étaient pas dirigées contre des personnes précises et étaient très générales ; elles pouvaient s'appliquer à n'importe quel membre de chambre prenant part à des discussions internes ou à des réunions avec les parties prenantes (demande de récusation 1), à tous les membres de la Grande Chambre de recours (demande de récusation 2), ou à tous les membres internes de la Grande Chambre de recours et des chambres de recours (demande de récusation 4). Elle a jugé douteux que de telles récusations générales et non spécifiques puissent être qualifiées de récusations pour partialité au sens de l'art. 24 CBE. Eu égard à la demande de récusation 1, le simple fait de limiter la récusation à certains membres ne suffisait pas pour la motiver eu égard aux membres concernés. Eu égard à la demande de récusation 4 – qui reposait sur le fait que la reconduction dans leurs fonctions de membres des chambres de recours et de la Grande Chambre de recours dépendait notamment d'un avis favorable du président des chambres de recours, qui est également Président de la Grande Chambre de recours – la Grande Chambre de recours a relevé que le mécanisme de l'art. 24 CBE n'était pas conçu pour des récusations basées exclusivement sur de telles préoccupations générales et institutionnelles, et n'était pas non plus en mesure de les dissiper (comme elle l'a fait en ce qui concerne la demande de récusation 2). À l'extrême, l'invocation de l'art. 24 CBE pour les préoccupations institutionnelles exprimées par le requérant pourrait potentiellement aboutir à une paralysie complète de la présente procédure.
Dans l'affaire T 2440/16 du 17 mai 2022 date: 2022-05-17, la chambre a fait observer qu'une récusation qui n'est pas étayée par les faits en cause dans la procédure, parce que ceux-ci sont manifestement inappropriés d'un point de vue juridique pour justifier un soupçon de partialité, est irrecevable. Cela est le cas lorsque la motivation de la demande repose sur une interprétation manifestement erronée des règles et obligations procédurales (voir T 1028/96, JO 2000, 475) ; R 12/09 du 3 décembre 2009 date: 2009-12-03 ; T 355/13).