3. Recevabilité
3.2. Obligation de demander immédiatement la récusation
Conformément à l’article 24(3) CBE, la récusation n'est pas recevable lorsque la partie en cause a accompli des actes de procédure bien qu’elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation. Les chambres ont systématiquement fait observer qu'une récusation fondée sur le soupçon de partialité devait être formulée immédiatement après que la partie a eu connaissance du motif de la récusation. Ce principe est déterminant pour empêcher tout abus éventuel du système (G 5/91, JO 1992, 617). Un "acte de procédure" peut inclure des actions telles que produire des lettres, soulever des objections au titre de la règle 106 CBE ou participer à des procédures parallèles, comme l'attestent entre autres les décisions T 49/11, T 568/17, et T 1677/11, dans lesquelles le calendrier et la nature des actes de procédure ont significativement pesé sur la recevabilité des récusations.
Dans la décision G 5/91 (JO 1992, 617), la Grande Chambre de recours a indiqué que bien que l'art. 24(3) CBE 1973 s'applique uniquement aux procédures de recours, il est également possible devant la première instance de passer outre à la récusation d'un membre fondée sur une présumée partialité si cette récusation n'intervient pas immédiatement après que la partie a eu connaissance du motif de récusation (ou si elle était fondée sur la nationalité des membres). Dans le cas contraire, le système pourrait conduire à des abus.
Dans l'affaire T 1020/06 du 28 novembre 2008 date: 2009-05-15, la chambre a estimé que la présentation de nouvelles requêtes après que la procédure visée à l'art. 24(4) CBE 1973 avait commencé ne rendait pas irrecevable la récusation pour partialité.
Dans l'affaire T 49/11, l'intimé, après avoir reçu la citation, qui indiquait aux parties la composition de la chambre, avait adressé deux lettres à la chambre avant de demander une récusation pour partialité. Dans sa première lettre, l'intimé exprimait son intention de parler allemand lors de la procédure orale. La chambre a estimé que lorsqu'une partie fait une telle déclaration, elle doit en aviser officiellement l'OEB en vertu de la règle 4(1) CBE et qu'il s'agit là d'un acte de procédure au sens de l'art. 24(3), deuxième phrase, CBE. Par conséquent, la récusation pour partialité a été rejetée pour irrecevabilité. Après avoir analysé le texte de cette disposition dans les trois langues officielles (art. 177(1) CBE) ainsi que la différence entre l'art. 24 CBE 2000 et l'art. 24 CBE 1973 et les dispositions transitoires de la CBE 2000, la chambre a déclaré qu'elle serait parvenue à la même conclusion avec l'ancien comme avec le nouveau texte de l'art. 24(3) CBE.
Dans l'affaire T 1677/11, la chambre a noté que les intimés savaient dès le début qu'un recours parallèle étroitement lié, qui avait été tranché une semaine auparavant par la chambre siégeant dans la même formation, était en instance dans l'affaire T 1760/11 du 16 novembre 2012 date: 2012-11-16. Néanmoins, ce n'est qu'après le prononcé d'une décision défavorable dans cette affaire que les intimés ont récusé les membres de la chambre pour soupçon de partialité. La chambre a déclaré qu'indépendamment de la question de savoir si les intimés avaient ou non accompli un acte de procédure dans la présente procédure de recours, ils n'avaient pas récusé les membres de la chambre immédiatement après avoir eu connaissance des motifs de la récusation. Étant donné que les récusations étaient liées aux deux recours, la participation à la procédure orale dans l'affaire T 1760/11 date: 2012-11-16 devait être considérée comme un acte de procédure dans le cadre factuel de la présente affaire au sens de l'art. 24(3) CBE. Les récusations faites en application de l'art. 24(3) CBE ont dès lors été rejetées comme irrecevables.
Dans l'affaire T 49/15, la chambre ne s'est pas ralliée à l'argument de l'intimé 4, selon lequel l'admission de la nouvelle requête principale dans la procédure était une condition nécessaire pour la demande de récusation étant donné que le requérant n'avait été avantagé qu'à compter de cette décision. Le motif de récusation pour soupçon de partialité ne prend pas naissance qu'au moment où une partie est lésée par la décision de la chambre.
Dans l'affaire T 2175/15 du 1 avril 2022 date: 2022-04-01, l'opposant a déposé une seconde demande de récusation pour partialité en même temps que d'autres actes de procédures et non après ceux-ci. Conformément à l'art. 24(3) CBE, une récusation n'est pas recevable lorsque la partie en cause a accompli des actes de procédure bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation. Selon la chambre compétente, la récusation soumise simultanément en l'espèce ne relevait pas de l'art. 24(3) CBE.
Dans l'affaire T 2440/16 du 17 mai 2022 date: 2022-05-17, l'intimé s'était déjà montré critique à l'égard de l'exposé de la notification de la chambre de recours et de la décision intermédiaire, et avait présenté diverses requêtes à cet égard, sans toutefois présenter de demande de récusation pour soupçon de partialité. La chambre a estimé que la présentation d'une demande était un acte de procédure au sens de l'art. 24(3), deuxième phrase, CBE, car il avait pour but d'engager un processus décisionnel de la chambre.
Dans la décision T 568/17, la chambre, se référant à la décision G 1/91, a estimé que si le requérant, dans l'affaire en cause, avait souhaité contester la composition de la division d'examen en raison des actions antérieures de l'examinateur durant la phase internationale, elle aurait dû le faire dans la phase régionale européenne lorsqu'elle a pris connaissance de cette composition.
Dans l'affaire T 1656/17, même si le requérant a affirmé n’avoir accompli aucun acte de procédure alors qu'il avait connaissance d'un motif de récusation fondé sur un soupçon de partialité, une objection a été déposée au titre de la règle 106 CBE à l'issue de la procédure orale. Selon la chambre, une telle objection représentait, sans conteste, un acte de procédure au sens de l’art. 24(3), deuxième phrase, CBE. La récusation pour soupçon de partialité émanant du requérant n'était toutefois pas limitée à des faits ayant eu lieu avant que ne soit déposée l'objection au titre de la règle 106 CBE. Elle était fondée sur une chaîne d’événements qui englobaient également des faits survenus après le dépôt de cette objection. Par ailleurs, la chambre a interprété les moyens soumis par le requérant comme indiquant qu'il n'avait pris conscience du comportement partial de la chambre à son égard qu'après la survenue de tous ces événements. En conséquence, la chambre a considéré que le dépôt de l'objection au titre de la règle 106 CBE n'avait pas pour effet de rendre irrecevable la demande ultérieure de récusation pour soupçon de partialité.
Dans l'affaire G 1/21 du 28 mai 2021 date: 2021-05-28, la Grande Chambre de recours a estimé que la troisième demande de récusation du requérant était irrecevable comme tardive. Le requérant avait avancé que puisque la première décision intermédiaire avait établi que le Président de la Grande Chambre de recours et un autre membre pouvaient être soupçonnés de partialité, les autres membres de la chambre dans cette formation allaient être "contaminés" par leurs approches partiales concernant la saisine et étaient donc également visés par le soupçon de partialité. La Grande Chambre de recours a déclaré que le risque de "contamination" existait principalement avant le dépôt de la première demande de récusation et que la demande de récusation basée sur cette circonstance aurait pu, et donc aurait dû être déposée à cette époque. Il n'était pas crédible que le risque d'influencer d'autres membres ne devienne préoccupant qu'après que la Grande Chambre de recours eut reconnu avec le requérant que la récusation du président était justifiée. De même, la Grande Chambre de recours a considéré que les demandes de récusation 2 et 4 avaient été déposées avec un retard les rendant irrecevables. Ces deux demandes reposaient sur des circonstances qui étaient connues depuis le tout début de la procédure de saisine et auraient donc pu et dû être déposées au plus tard dès le moment du dépôt de la première demande de récusation.
Dans l'affaire R 12/22, la Grande Chambre de recours a estimé que le droit d'être entendu pouvait également inclure le droit d'obtenir des informations afin de préserver le droit de récuser, le cas échéant, un nouveau membre de la chambre en vertu de l'art. 24 CBE. Le requérant aurait pu soumettre des questions correspondantes au membre concerné lors de la procédure orale devant la chambre de recours. Dans sa requête en révision, il n'a cependant fait état d'aucune violation possible de l'art. 24 CBE. Par conséquent, la Grande Chambre de recours ne pouvait pas non plus examiner un tel exposé des faits sous l'angle d'une possible violation du droit d'être entendu.
- T 0417/22
Before focusing on the parties' procedural requests, the board in T 417/22 dealt with the patent proprietor's objection of suspected partiality of the legal member of the board..
The board recalled that according to Art. 24(3), second sentence, EPC, an objection shall not be admissible if, while being aware of a reason for objection, the party has taken a procedural step. In this regard the question arose as to what exactly constituted in this case the reasons for objection within the meaning of Art. 24(3), second sentence, EPC and when the patent proprietor had become aware of these reasons.
In the board's understanding, the patent proprietor's reasons for the objection against the legal member were stated to be based on two facts: the allegedly biased opinion formulated in the board's preliminary opinion dated 22 May 2025 and the fact that the legal member had also sat on the board that issued referral decision T 1286/23 and inevitably must have played a decisive role, given the point of law that had been and was at the heart of the matter.
Concerning the point in time when the party had become aware of the reasons for the objection, the patent proprietor submitted that they had only become aware of the fact that the legal member in the present case had also acted as legal member in T 1286/23 on 4 July 2025. The patent proprietor also indicated that the reasons for the bias in the board's communication had become clear only once the patent proprietor had realised that the same legal member had been involved. Furthermore, general procedural fairness dictated that the board ought to have called the parties' attention to the fact that the legal member had been the same in both cases.
The board observed that, first of all, it had no obligation to point out to the parties that its members may have participated in decisions dealing with similar or even the same issues. Such facts alone cannot establish any suspicion of partiality (G 3/08).
Furthermore, the board held that if the alleged bias in the board's communication had become apparent only once the patent proprietor had realised the involvement of the same legal member in the referral decision T 1286/23, the objection should still have been made before undertaking a procedural step on 27 June 2025. The board observed that from an objective point of view, the patent proprietor must be presumed to have been aware of the board's composition in the case T 1286/23 at this point of time. The board recognised that the wording of Art. 24(3), second sentence, EPC suggested that factual, i.e. subjective knowledge of the reason for exclusion was required. However, subjective knowledge of a party was effectively impossible to verify for either the board or other parties. Thus, accepting subjective awareness of a party as the admissibility condition for the application of Art. 24(3), second sentence, EPC would lead to the result that a party could effectively raise an objection anytime in the proceedings, simply by stating that even if the necessary facts had been at their disposal, they subjectively had not recognised a relevant relationship between them. This would effectively make Art. 24(3), second sentence, EPC a provision without effect, which could not have been the legislative intention.
Thus, the board accepted the intervener's argument that the patent proprietor had dealt with T 1286/23 in great detail and, therefore, must be presumed to have known the decision in its entirety, including the composition of the deciding board, before they undertook a procedural step on 27 June 2025. In this regard, the board pointed out that the names of the board members form part of the decision pursuant to R. 102(c) EPC. That the name of the legal member in the present case must have been known to the patent proprietor since the beginning of the proceedings, at least since the issuance of the board's communication, had been undisputed. Accordingly, the patent proprietor had to be presumed to have been aware of the fact that the same legal member had been involved in both cases by the time they filed their submissions dated 27 June 2025. The board concluded that an objection under Art. 24(3), first sentence, EPC against the legal member on this basis was inadmissible, even if the board were to accept, for the benefit of the patent proprietor, that the alleged bias had not had to be apparent until they had realised the involvement of the same legal member.
Consequently, the board refused the request for replacement of the legal member.