4.3. Premier niveau de l'approche convergente – moyens dans le mémoire exposant les motifs du recours et sa réponse – article 12(3) à (6) RPCR
4.3.1 Principes
Selon la jurisprudence établie, les procédures de recours doivent normalement se baser sur les faits, preuves et requêtes qui ont amené à la décision attaquée (voir p. ex. J 12/18, renvoyant à la JCR, 9e éd. 2019, V.A.4.11.1). Ce principe se reflète dans l'art. 12(2) RPCR qui dispose de ce qui suit : "Étant donné que la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée, les moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours doivent porter sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves sur lesquels la décision attaquée était fondée".
L'art. 12(4) RPCR met en œuvre le premier niveau de l'approche convergente (voir CA/3/19, section VI, notes explicatives relatives à l'art. 12(4) RPCR , publication supplémentaire 2, JO 2020, 83). Aux termes de l'art. 12(4), première phrase, RPCR, tout élément des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours qui ne satisfait pas aux exigences prévues à l'art. 12(2) RPCR est généralement considéré comme une modification. Ce n'est toutefois pas le cas si la partie démontre que l'élément ne satisfaisant pas à ces exigences a été valablement soulevé et maintenu dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée. Pour des décisions relatives à la question de savoir ce qui est considéré comme une modification en vertu de l'art. 12(4) RPCR, voir le chapitre V.A.4.2.2 ci-dessus. L'admission de telles modifications est laissée à l'appréciation de la chambre (art. 12(4), deuxième phrase, RPCR).
Dans la décision T 1776/18, la chambre a fait référence à l'art. 114(2) CBE et expliqué que tout moyen qui n'a pas été invoqué au cours de la procédure de première instance est, dans la procédure de recours, considéré comme n'ayant pas été produit en temps utile au sens de cet article. Selon la chambre, des considérations telles que la question de savoir si une partie ne pouvait pas réagir de manière adaptée à une requête ou un document déposés à un stade tardif de la procédure en première instance ne permettent pas d'établir si un moyen était invoqué tardivement ou non ; en revanche, elles étaient pertinentes quant à la question de savoir comment une chambre devait exercer son pouvoir d'appréciation (voir aussi CA/3/19, pages 35 et 36, remarques explicatives relatives à l'art. 12(4) RPCR).
L'art. 12(3) RPCR– reprenant quasiment à l'identique le libellé de l'art. 12(2) RPCR 2007, tel que noté dans l'affaire T 1533/15 – prévoit l'exigence selon laquelle le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours. Conformément à l'art. 12(5) RPCR, la chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ne pas admettre les éléments soumis par une partie dans la mesure où ils ne satisfont pas aux exigences prévues à l'art. 12(3) RPCR (voir le chapitre V.A.4.3.5d) "Pouvoir d'appréciation en vertu de l'article 12(5) RPCR" ci-dessous).
Cette exigence de motivation s'applique également aux moyens (p. ex. aux requêtes, voir T 534/21) sur lesquels se fonde la décision contestée. Toutefois, afin de pouvoir présenter la jurisprudence relative à l'art. 12(3) et (5) RPCR dans le contexte des autres dispositions des art. 12 RPCR et Art. 13 RPCR, les décisions relatives à cette exigence sont mentionnées au chapitre V.A.4, même quand il ne s'agit pas de "nouveaux moyens invoqués dans la procédure de recours".
L'art. 12(6), première phrase RPCR porte sur l'admissibilité des éléments déposés qui n'ont pas été admis dans la procédure en première instance (voir le chapitre V.A.4.3.6 ci-dessous). Cette disposition ne concerne pas non plus uniquement les nouveaux moyens invoqués dans la procédure de recours, mais sera néanmoins présentée au chapitre V.A.4 dans le contexte global des dispositions des art. 12 RPCR et Art. 13 RPCR.
L'art. 12(6), deuxième phrase RPCR porte sur les éléments qui auraient pu et auraient dû être soumis dans la procédure en première instance ou qui n'ont pas été maintenus dans cette procédure, ce qui a empêché l'instance du premier degré de se prononcer sur eux (voir le chapitre V.A.4.3.7 ci-dessous). Selon les notes explicatives (CA/3/19) relatives à l'art. 12(6) RPCR, les première et deuxième phrases reprennent la jurisprudence établie ayant trait à l'art. 12(4) RPCR 2007 (voir T 791/20; sur cette jurisprudence, voir également JCR, 10e éd. 2022, V.A.5.11 "Art. 12(4) RPCR 2007").
L'art. 12(6), deuxième phrase RPCR (tout comme avant lui l'art. 12(4) RPCR 2007), exprime et codifie le principe selon lequel chaque partie doit présenter les faits, preuves, arguments et requêtes considérés pertinents dès que possible, afin de garantir une procédure équitable, rapide et efficace. Un requérant n'est pas libre de reporter au stade de la procédure de recours ses moyens comme bon lui semble et d'imposer à la chambre de se prononcer en premier sur les points essentiels ou de renvoyer l'affaire à la division d'opposition. Accorder une telle liberté au requérant irait à l'encontre d'une procédure de recours (sur opposition) ordonnée et efficace. En effet, cela permettrait une sorte de "forum shopping" qui porterait atteinte à la correcte répartition des fonctions entre les instances du premier degré et les chambres de recours, ce qui serait inacceptable à la lumière du principe d'économie de la procédure. Voir la décision T 101/17, citant les décisions T 162/09 et T 1848/12, et la décision T 878/21.
Les exigences du premier niveau de l'approche convergente – à savoir celles énoncées dans l'art. 12(4) à (6) RPCR – s'appliquent tout au long de la procédure de recours, c. à d. également à toutes les phases de la procédure de recours qui sont régies par l'art. 13(1) et (2) RPCR (voir chapitre V.A.4.1.2).