3. Eléments de la demande déterminants pour l'appréciation de la suffisance de l'exposé
3.1. Demande dans son ensemble
La question de savoir si une invention a été exposée de façon suffisamment claire et complète au sens de l'art. 83 CBE doit s'apprécier sur la base du contenu global de la demande de brevet, y compris donc la description et les dessins (cf. décisions fondamentales T 14/83, JO 1984, 105, et également T 169/83, JO 1985, 193). En tout état de cause, cette question ne saurait être tranchée uniquement sur la base de la teneur des revendications (cf. p. ex. T 202/83, T 179/87 du 16 janvier 1990 date: 1990-01-16, T 435/89, T 82/90, T 126/91). Les dessins sont à considérer comme un élément de la même importance que les autres éléments de la demande, lorsqu'il est examiné s'il a été satisfait aux conditions énoncées à l'art. 83 CBE (et à l'art. 84 CBE) (cf. T 169/83, JO 1985, 193 ; T 308/90 et T 818/93). Voir aussi T 1253/04 (point 10 des motifs).
Dans la décision T 32/84 (JO 1986, 9), il a été observé que le fait que certains éléments d'une invention indispensables à son fonctionnement ne figuraient ni explicitement dans le texte des revendications, ni dans le dessin représentant l'invention revendiquée, ni enfin dans la partie de la description s'y référant, n'impliquait pas obligatoirement que l'invention n'était pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour que la personne du métier puisse l'exécuter, comme l'exige l'art. 83 CBE 1973. Cette décision a été citée entre autres dans les décisions T 391/91, T 830/02 et T 25/09.
La jurisprudence constante énonce en substance que toute réalisation de l'invention telle que définie dans la revendication principale doit pouvoir être exécutée sur la base de l'exposé. Cela impliquait en particulier qu'une objection d'insuffisance de l'exposé pouvait être soulevée contre l'objet de toute revendication, indépendante ou dépendante (règle 29(3) CBE 1973, désormais règle 43(3) CBE). Du point de vue juridique il était donc sans importance que la caractéristique contestée soit ou non essentielle, ou de savoir dans quelle mesure l'étendue de la protection conférée par le brevet dépendait de la revendication en question (T 226/85, JO 1988, 336, citée dans de nombreuses décisions, comme p. ex. dans T 1011/01 et T 1129/09).
Dans l'affaire ex parte T 206/13, la chambre n'a pas pu accepter les arguments du requérant selon lesquels les caractéristiques préférées ou facultatives définies dans une revendication doivent être ignorées lors de l'évaluation au titre de l'art. 83 CBE. Selon la jurisprudence constante, il n'est satisfait à l'exigence relative à la suffisance de l'exposé définie à l'art. 83 CBE que si la divulgation de l'invention permet à la personne du métier d'exécuter, sans effort excessif, essentiellement tous les modes de réalisation couverts par l'invention revendiquée. Cela vaut en particulier pour les modes de réalisation spécifiques d'une invention définis dans les revendications dépendantes conformément à la règle 43(3) CBE (T 1011/01) et, par là même, pour toute caractéristique facultative définie dans une revendication, une telle caractéristique constituant également, par sa nature même, un mode de réalisation particulier de l'invention revendiquée, indépendamment du fait que la caractéristique facultative soit qualifiée de "préférée" ou non.
Dans l'affaire T 797/14, la chambre est parvenue à la conclusion que l'élément essentiel de l'invention revendiquée, à savoir la composition de revêtement Flurotec (TM), n'était pas connue du public et que la personne du métier ne disposait pas non plus d'informations suffisantes afin de déterminer de manière fiable la composition ou la structure du produit. Le pendant d'un monopole conféré par un brevet est toutefois l'exposé de l'invention, en particulier de ses éléments essentiels, et non la fourniture ou l'utilisation d'un produit commercial dont la structure et la composition ne sont pas publiques. (Sur la question de la divulgation du produit de départ, voir T 1596/16 qui se distingue de T 2399/10 et T 797/14 et en résume l'apport ; ces décisions avaient été invoquées par une partie).
L'exposé est insuffisant si la personne du métier, tenant compte de l'enseignement du brevet dans son ensemble, n'est pas en mesure de réaliser une invention qui est définie dans les revendications de manière tout à fait claire et compréhensible, à moins d'en ignorer une caractéristique significative (T 432/10, "catchword").
Dans la décision T 1170/20, en réponse à un argument de l'intimée (titulaire), la chambre a souligné que l'exigence du caractère suffisant de l'exposé concerne l'invention dans son intégralité, et non pas seulement la partie que le demandeur ou le titulaire considère comme étant la contribution inventive. Si une partie quelconque de l'invention définie dans les revendications ne peut pas être réalisée, cette invention peut alors faire l'objet d'une objection pour insuffisance d'exposé.
Il sera cité certaines décisions récentes à simple titre d'illustrations de l'articulation des exigences de l'art. 83 CBE avec les règles d'interprétations des revendications : voir p. ex. T 2824/19, T 1902/21, T 2020/22, cette dernière décision soulignant l'implication de la prise en compte de l'ensemble de la demande de brevet, comme explicitement prescrit par l'art. 83 CBE, sur l'interprétation correcte des revendications (T 2020/22, point 2.3 des motifs).