3.2. Accord sur le texte par le demandeur
3.2.1 Accord sur le texte clair et non équivoque
Plusieurs décisions commentées ci-après ont pour objet la règle 51(4) CBE 1973. Elles sont néanmoins susceptibles de concerner également la règle 71(3) CBE.
Dans l'affaire J 12/83 (JO 1985, 6), la chambre juridique a estimé que la décision de délivrer un brevet européen pouvait ne "pas faire droit" aux prétentions du demandeur au sens de l'art. 107 CBE 1973, si celui-ci n'a pas donné son accord sur le texte dans lequel est délivré le brevet, contrairement à ce qui est exigé à l'art. 97(2)a) CBE 1973. Aux fins de cet article, il convient d'établir l'existence d'un tel accord "dans les conditions prévues par le règlement d'exécution" (en l'occurrence, règle 51(4) CBE 1973).
Dans l'affaire J 13/94, la chambre juridique a relevé que tout accord sur le texte, conformément à la règle 51(4) CBE 1973, pouvait entraîner de graves conséquences procédurales pour le demandeur. Aussi, conformément à la jurisprudence de la chambre juridique, ne devrait-on considérer que les déclarations des demandeurs constituent un accord valable selon la règle 51(4) CBE 1973, que si elles sont claires et sans équivoque, ce qui implique en particulier que l'accord ne soit pas assorti de conditions (J 27/94, JO 1995, 831) et que l'on sache clairement sur quel texte le demandeur a donné son accord (J 29/95, JO 1996, 489).
Dans l'affaire J 27/94 (JO 1995, 831), la chambre juridique a déclaré que pour des raisons de sécurité juridique, une déclaration concernant un acte de procédure devait être sans équivoque (confirmant J 11/94, JO 1995, 596). Cela implique qu'elle ne doit pas être assortie de conditions, l'OEB ne pouvant sinon être certain qu'il pourra se fonder sur cette déclaration dans la suite de la procédure. La chambre a constaté que la division d'examen n'aurait pas dû traiter la lettre en question comme un accord donné en bonne et due forme conformément à la règle 51(4) CBE 1973, car cette lettre contenait une condition qui rendait non valable l'accord. Or, l'approbation par le demandeur du texte envisagé pour la délivrance est une condition nécessaire pour que l'OEB puisse passer à l'étape suivante de la procédure, à savoir l'envoi de la notification visée à la règle 51(6) CBE 1973. Lorsqu'il reçoit la déclaration par laquelle le demandeur marque son accord, l'OEB doit pouvoir établir sans doute possible s'il pourra ou non se fonder sur cette déclaration pour envoyer la notification en question. La chambre juridique a jugé que pour des raisons de sécurité juridique, une déclaration concernant un acte de procédure devait être sans équivoque. La division d'examen aurait dû objecter que cet accord n'était pas valable, ceci entraînant la conséquence finale prévue à la règle 51(5), première phrase CBE 1973.
Dans l'affaire T 971/06, la chambre a déclaré que toutes les décisions de l'OEB reposent sur le principe selon lequel le demandeur ou le titulaire du brevet doit avoir donné son accord conformément à l'art. 97(2)a) CBE 1973 (voir art. 113(2) CBE 1973). Par conséquent, toute décision de la division d'examen relative à la délivrance d'un brevet est subordonnée à la condition préalable absolue selon laquelle un demandeur doit avoir donné son accord sur le texte proposé. Si cette condition préalable n'est pas remplie, la division d'examen n'a d'autres choix que de rejeter la demande en application de l'art. 97(1) CBE 1973 ou, si des modifications ou rectifications éventuelles n'ont pas encore été prises en considération, poursuivre l'examen. La condition selon laquelle le demandeur doit donner son accord est tellement stricte que, comme le montre la jurisprudence, seul un accord non assorti de conditions, sans équivoque et clair est valable (voir J 13/94, J 27/94, J 29/95). La chambre a considéré qu'en l'absence d'accord valable, la division d'examen n'a pas pouvoir pour décider de délivrer un brevet, et toute décision relative à la délivrance qui a été prétendument rendue sans l'accord valable du demandeur ne peut produire d'effet juridique.
Dans l'affaire T 872/90, la chambre a relevé qu'eu égard à l'exigence prévue à l'art. 113(2) CBE 1973, selon laquelle l'OEB n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le requérant, on ne peut plus considérer que d'anciennes revendications représentent le texte qui a été approuvé par le demandeur, si elles ont été remplacées entre-temps par de nouvelles revendications.
Dans l'affaire T 1/92 (JO 1993, 685), la chambre a considéré que le demandeur n'est lié par l'accord qu'il a donné sur le texte que si, à l'expiration du délai visé à la règle 51(4) CBE 1973, cet accord est clairement maintenu. Le requérant avait, dans un premier temps, approuvé le texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet, avant de présenter, dans les délais prescrits dans la notification en vertu de la règle 51(4) CBE 1973 et avant la notification en vertu de la règle 51(6) CBE 1973, des requêtes visant à ce qu'il ne soit pas tenu compte de son approbation du texte du brevet et à ce que le délai de réponse à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE 1973 soit prorogé. La requête par laquelle le requérant demandait à la division d'examen de ne pas tenir compte de son approbation ayant été introduite en temps voulu, l'OEB ne pouvait établir, comme le veut la règle 51(6) CBE 1973, que l'approbation était clairement maintenue.
Les décisions ci-dessous concernent la règle 71(3) CBE dans la version en vigueur depuis le 1er avril 2012 (JO 2010, 637).
Dans l'affaire T 2864/18, le requérant, dans sa réponse à la première notification émise en vertu de la règle 71(3) CBE, avait demandé certaines corrections des traductions des revendications et avait ensuite formulé la déclaration suivante : "toutes les autres pages du texte joint à la notification établie en vertu de la règle 71(3) CBE ne requièrent pas de modifications ou de corrections et sont par la présente approuvées par le demandeur". La chambre a déduit de cette déclaration que le requérant avait pleinement connaissance de l'ensemble des documents proposés pour constituer le texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet. Elle a conclu que l'accord sur le texte était sans équivoque et avait été réitéré, même si cela n'avait pas été fait explicitement par écrit, au moyen de la réaction à la deuxième notification en vertu de la règle 71(3) CBE (paiement des taxes).
Dans l'affaire T 646/20, la chambre a retenu que rien n'oblige la division d'examen à différer une décision de délivrance jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois dans les cas où le demandeur a donné, dans ce délai, son accord sur la délivrance et ainsi permis à la division d'examen de rendre une décision correspondante. Il serait plutôt étrange que la division d'examen doive différer une décision pour l'éventualité où le demandeur changerait d'avis. Dans la présente affaire, après réception de la notification au titre de la règle 71(3) CBE, le demandeur a donné son accord explicite sur la décision de délivrance. Cependant, après cette décision, le requérant a exprimé son désaccord. La chambre a distingué la présente affaire de l'affaire T 1/92 (voir ci-dessus dans ce chapitre). Elle n'a pas non plus été convaincue par l'argument du requérant selon lequel un accord envoyé en réponse à une notification au titre de la règle 71(3) CBE ne peut pas être interprété comme une renonciation à des options ou voies de recours supplémentaires. Chaque accord sur le texte d'un brevet implique de renoncer à l'infinité restante de textes dans lesquels le brevet pourrait être délivré.