Une vie dédiée à l’ADN : Margarita Salas Falgueras, finaliste du Prix de l'inventeur européen 2019
- La scientifique espagnole Margarita Salas Falgeras est nommée finaliste du Prix de l'Office européen des brevets (OEB) pour l'ensemble de ses travaux en génétique et biologie moléculaire
- Sa technique d'amplification d'ADN, rapide et efficace, est à la base de la génétique moderne et a favorisé la commercialisation de kits de séquençage ADN faciles à utiliser
- Son invention est aujourd ' hui utilisée partout dans le monde, que ce soit dans les laboratoires, sur les sites archéologiques et les scènes de crime
- Au cours de ses 50 ans de carrière, Margarita Salas Falgueras a été une fervente ambassadrice de la place des femmes dans les sciences, du financement de la recherche fondamentale et de la génétique moléculaire en Espagne
Munich, le 7 mai 2019 - La scientifique espagnole, Margarita Salas Falgueras, a été nommée finaliste du Prix de l'inventeur européen 2019 de l'Office européen des brevets (OEB) pour avoir mis au point une invention de premier plan qui a permis aux tests ADN de recomposer des génomes complets à partir de petits échantillons tels qu'un follicule pileux ou une goutte de sang. Cette invention a été fondamentale pour la génétique moderne et a pu être appliquée dans un large éventail de domaines.
Nommée parmi les trois finalistes de la catégorie « Œuvre d'une vie », Margarita Salas Falgueras est aujourd'hui professeure honoraire au Centre de biologie moléculaire « Severo Ochoa » (CBMSO) du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC) à Madrid. Elle a inventé une technique amplifiant la quantité d'ADN, permettant ainsi une analyse complète du génome, et cela même à partir d'un très faible échantillon. Sa technique duplique les molécules d'ADN isolées en des millions de répliques identiques. Elle est aujourd'hui utilisée dans les laboratoires de génétique du monde entier.
« Margarita Salas Falgueras a consacré sa vie à démocratiser le test ADN, le faisant devenir un outil de travail incontournable dans ses secteurs aussi divers que la recherche médicale, l'oncologie, l'archéologie ou la médecine légale », a déclaré le Président de l'OEB, António Campinos, lors de l'annonce des finalistes du Prix de l'inventeur européen 2019. « Son invention a mis le séquençage de l'ADN à la portée de nombreux chercheurs et scientifiques, ouvrant la voie à de nouvelles découvertes en génétique. Le succès de la commercialisation de ses brevets lui a permis de financer de nouvelles recherches ».
Les lauréats de cette nouvelle édition du Prix de l'inventeur européen décerné chaque année par l'OEB seront annoncés lors d'une cérémonie à Vienne, le 20 juin prochain.
Virus minuscule, potentiel énorme
L'invention initiale de Margarita Salas Falgueras découle des conditions difficiles dans lesquelles elle a travaillé. Après avoir obtenu un doctorat en biochimie en 1963 à l'université Complutense de Madrid, elle a travaillé pendant trois ans à l'université de New York avec le biochimiste Severo Ochoa, lauréat du prix Nobel. Elle est ensuite revenue dans son Espagne natale, où le financement de la recherche scientifique était très limité.
Grâce à une bourse du Jane Coffin Childs Memorial Fund for Medical Research (États-Unis) et au soutien du CSIC de Madrid, Marguerita Salas Falgueras a pu y fonder en 1967 le premier groupe de recherche en génétique moléculaire d'Espagne. Consciente des coûts de ses recherches, elle les a d'abord concentrées sur le phi29, un virus bactériophage assez commun mais pourtant peu étudié - un choix qui allait définir toute sa carrière et ouvrir la voie à la génétique et à la criminalistique modernes.
En 1982, la génétique était devenue un domaine de recherche très dynamique, mais la duplication des génomes demeurait un défi. Les nouvelles techniques comme la réaction en chaîne par polymérase, une méthode de biologie moléculaire pour dupliquer des segments d'ADN spécifiques, étaient lentes et présentaient au moins une erreur toutes les 9 000 paires de base d'ADN. Margarita Salas Falgueras a découvert que le phi29 pouvait produire une enzyme, l'ADN polymérase phi29, qui assemblait les molécules d'ADN beaucoup plus rapidement et avec plus de précision que d'autres méthodes - c'est-à-dire avec moins d'une erreur par million de paires de base.
Margarita Salas Falgueras a isolé l'enzyme et a démontré qu'elle fonctionnait également dans les cellules humaines. Elle a pu alors être utilisée dans les tests ADN, une grande première. Cette duplication ultra précise a permis d'obtenir des résultats fiables simplement sur la base d'une toute petite quantité de matériel génétique. Cette technique est aujourd'hui utilisée dans la recherche médicale pour étudier les microbes qui ne peuvent être cultivés en laboratoire. Elle a également permis de préciser les premiers stades du développement embryonnaire et a permis aux oncologues d'identifier de petites sous-populations de cellules pouvant être à l'origine des tumeurs. Elle est aussi utilisée par le corps médico-légal et les archéologues, les traces d'ADN recueillies sur les lieux de crimes et les sites historiques pouvant maintenant être amplifiées par l'ADN polymérase phi29 pour identifier les victimes, les suspects et même les fossiles.
« La recherche fondamentale aboutit parfois à des applications pratiques inattendues qui peuvent bénéficier à la société toute entière », souligne Margarita Salas Falgueras.
Le potentiel de l'invention de Margarita Salas Falgueras a très vite été reconnu par l'United States Biochemical Corporation (USB) qui, à la fin des années 80, a demandé au CSIC de déposer une demande de brevet afin de pouvoir la commercialiser sous la forme de kits de séquençage ADN faciles à utiliser. En 1989, Margarita Salas Falgueras et le CSIC ont déposé une demande aux États-Unis pour protéger l'ADN polymérase phi29 et ses applications. Le brevet leur a été accordé en 1991. L'USB a alors obtenu une licence d'exploitation du brevet du CSIC et l'a concédé en sous-licence à Amersham Biosciences (acquise par la suite par General Electric Healthcare). Le brevet européen a quant à lui été délivré en 1997.
Faire progresser la génétique moléculaire
Le brevet accordé à Margarita Salas Falgueras est devenu le brevet le plus rentable jamais déposé par le CSIC, générant des redevances de plus de 6 millions d'euros entre 2003 et 2009. Le brevet européen de l'ADN polymérase phi29 a expiré en 2009, engendrant alors une concurrence accrue de nombreuses entreprises sur le marché de l'amplification d'ADN. Le marché des solutions recourant à de l'ADN polymérase phi29 générique représentait environ 50 millions d'euros en 2012 et devrait atteindre 156 millions en 2020.
Le brevet pour sa méthode recourant à l'ADN polymérase phi29 a fait progresser les recherches de Margarita Salas Falgueras et de son équipe, les redevances perçues par le CSIC permettant de financer les activités de son laboratoire. Un aspect particulièrement important compte-tenu du manque de fonds publics.
Aujourd'hui âgée de 80 ans, Margarita Salas Falgueras continue de se rendre tous les jours à son laboratoire. Ses autres brevets et ses recherches actuelles permettent d'élargir les fonctionnalités de l'ADN polymérase phi29 et portent notamment sur la mutation des propriétés du virus : plus grande efficacité d'amplification et résistance à la chaleur pour pouvoir amplifier l'ADN quelles que soient les conditions expérimentales.
Margarita Salas Falgueras utilise sa notoriété pour promouvoir la recherche fondamentale et une plus grande participation des femmes dans les sciences. Elle a été la première femme professeure de son département de recherche et la première femme à présider l'Institut d'Espagne, institution qui regroupe les huit Académie Royales du pays. « Quand j'ai commencé mon doctorat en 1961, il n'y avait presque aucune femme qui faisait de la recherche en Espagne », raconte-t-elle. « Dans nos laboratoires il y a désormais plus de femmes que d'hommes qui commencent un doctorat ».
Pendant sa carrière, elle n'a cessé de se consacrer à l'éducation. Elle a enseigné la biologie moléculaire aux étudiants de l'université Complutense de Madrid pendant 24 ans et a dirigé pas moins de 35 thèses de doctorat. Elle a également remporté de nombreux prix pour son travail, est membre de nombreuses académies des sciences - en Espagne, en Europe et aux États-Unis - et des rues portent son nom dans plusieurs villes espagnoles.
Après avoir introduit la génétique moléculaire dans son pays natal et révolutionné le secteur de l'amplification d'ADN, la chercheuse espagnole ne voit aucune raison d'arrêter ce qu'elle aime le plus : la science.
À propos du Prix de l'inventeur européen
Le Prix de l'inventeur européen est l'une des compétitions européennes les plus prestigieuses de sa catégorie. Lancé par l'OEB en 2006, ce prix annuel récompense, individuellement ou en équipe, les inventeurs dont les innovations ont apporté des réponses aux grands défis de notre temps. Les finalistes et les lauréats sont sélectionnés par un jury indépendant constitué d'autorités internationales issues du monde universitaire, des affaires, de la politique, des sciences et de la recherche. Il examine les innovations à l'aune de leur contribution au progrès technologique, au développement social, à la croissance économique et à la création d'emplois en Europe. Le Prix est décerné dans cinq catégories lors d'une cérémonie qui aura lieu à Vienne le 20 juin prochain. Par ailleurs, les internautes peuvent choisir le gagnant du Prix du public parmi les 15 finalistes en votant en ligne sur le site web de l'OEB dans la période précédant la cérémonie. Le vote est ouvert jusqu'au 16 juin 2019.
À propos de l'Office européen des brevets
Avec près de 7 000 agents, l'Office européen des brevets (OEB) est l'une des plus grandes institutions publiques européennes. Son siège est à Munich et il dispose de bureaux à Berlin, Bruxelles, La Haye et Vienne. L'OEB a été créé avec pour objectif de renforcer la coopération sur les brevets en Europe. Grâce à sa procédure centralisée de délivrance de brevets, les inventeurs peuvent obtenir une protection par brevet de haute qualité dans non moins de 44 pays, couvrant un marché de quelque 700 millions de personnes. L'OEB est aussi le premier fournisseur au monde d'informations et de recherches en matière de brevets.
Ressources additionnelles
Consultez les brevets : EP2450453, EP2450436, EP1970380, EP0527728
Des informations complémentaires, des visuels et des vidéos sur le Prix de l'inventeur européen 2019 sont disponibles dans le Centre des médias de l'OEB. Les utilisateurs de Smart TV peuvent télécharger notre application « Innovation TV » et accéder ainsi aux portraits vidéos de tous les finalistes sur leur écran. La cérémonie du 20 juin prochain sera retransmise en direct sur « Innovation TV », le site web et la page Facebook de l'OEB.
Contacts à l'Office européen des brevets
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