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T 0301/87 (Alpha-interferons s) 16-02-1989
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1. En cas de modifications apportées à un brevet au cours de la procédure d'opposition, il y a lieu de vérifier aux fins de l'article 102(3) CBE si ces modifications ne vont pas à l'encontre des conditions de la Convention, y compris celles énoncées à l'article 84 CBE ; l'article 102(3) CBE ne permet pas de formuler des objections au titre de l'article 84 CBE si elles n'ont pas leur origine dans les modifications effectuées (à la suite de la décision T 227/88, en date du 15 décembre 1988) (cf. point 3.7 des motifs).
2. Des variations de construction dans une classe de précurseurs génétiques tels que des molécules d'ADN recombinant revendiquées en des termes impliquant une combinaison de limitations structurales et de tests fonctionnels n'ont pas d'incidence sur la question de savoir si l'exposé de l'invention est suffisamment clair et complet, à condition que l'homme du métier puisse à coup sûr obtenir des membres de cette classe sans nécessairement savoir à l'avance lesquels (à la suite de la décision T 281/86, en date du 27 janvier 1988) (cf. point 4.5 des motifs).
3. En matière de priorité, le fait d'avoir divulgué une entité en tant que telle à l'homme du métier ne signifie pas obligatoirement que l'un des éléments entrant dans sa composition a également été divulgué, dans la mesure où celui-ci n'a pas été directement envisagé en tant que tel sans la moindre ambiguïté et où des recherches considérables sont nécessaires afin de l'identifier (cf. point 6.3 des motifs).
4. Lorsqu'une priorité est revendiquée pour une demande de brevet européen, le fait que le contenu de la demande dont la priorité est revendiquée ait été publié entre le dépôt de cette dernière et celui de la demande de brevet européen (version définitive) n'est opposable en ce qui concerne l'état de la technique à aucune des revendications de la demande ultérieure. Toutefois, si le contenu de cette publication va au delà de celui d'une demande déposée antérieurement, en englobant des éléments non divulgués dans cette demande antérieure, il est en principe opposable à toute revendication de la demande de brevet européen (version définitive) s'appuyant sur une date de priorité postérieure à la date de publication (cf. point 7.8 des motifs).
Motifs d'opposition
Eléments nouveaux introduits à la suite de modifications
Exposé suffisant
Obtention à coup sûr des membres d'une classe revendiquée
Nouveauté - banque d gènes
Priorité - entité et élément entrant dans sa composition
Priorité et activité inventive
Non-prise en compte, en ce qui concerne l'état de la technique opposable à une demande de brevet européen, de la publication ultérieure du contenu d'une demande dont la priorité est revendiquée
Convention de Paris - application
I. La demande de brevet européen n° 81 300 050.2, revendiquant la priorité de trois demandes antérieures, déposées respectivement le 8 janvier 1980 (BIOGEN I), le 3 avril 1980 (BIOGEN II) et le 2 octobre 1980 (BIOGEN III), a donné lieu à la délivrance, le 15 août 1984, du brevet européen n° 32 134 sur la base de trente- quatre revendications pour dix Etats contractants et de vingt- trois revendications pour l'Autriche. Les revendications 1, 2, 3 et 6 s'énoncent comme suit :
1. Molécule d'ADN recombinante destinée à cloner une séquence d'ADN dans des bactéries, des levures ou des cellules animales, la molécule d'ADN recombinante caractérisée en ce qu'elle est constituée par une séquence d'ADN sélectionnée parmi :
(a) les inserts d'ADN de Z-pBR322(Pst)/HclF-4c,
Z-pBR322(Pst)/HclF-2h, Z-pBR322(Pst)/HclF-SN35,
Z-pBR322(Pst)HclF-SN42 et Z-pKT287(Pst)/HclF-2h-AH6, ces inserts d'ADN étant donnés à titre d'exemples non limitatifs, ces inserts d'ADN de molécules d'ADN recombinantes étant portés par les microorganismes identifiés par les N° DMS 1699-1703, respectivement,
(b) des séquences d'ADN qui produisent par hybridation l'un quelconque des inserts d'ADN précédents, et qui représentent le code d'un polypeptide du type IFN-alpha, et
(c) des séquences d'ADN qui sont des éléments dégénérés, résultant du code génétique pour les séquences et inserts d'ADN définis en (a) et (b), et qui représentent le code pour un polypeptide du type IFN-alpha.
2. Molécule recombinante d'ADN selon la revendication 1, caractérisée en ce que la séquence d'ADN (b) qui donne par hybridation l'insert d'ADN (a), est sélectionnée parmi :
(d) les inserts d'ADN de Z-pBR322(Pst)/HclF-II-206 et Z- pBR322(Pst)/HclF-SN35-AHL6, ces inserts d'ADN étant donnés à titre d'exemples non limitatifs, ces inserts d'ADN des molécules recombinantes d'ADN étant portés par les microorganismes identifiés par les numéros ATCC 31633-31634, respectivement,
(e) des séquences d'ADN qui produisent par hybridation l'un quelconque des inserts d'ADN précédents et qui représentent le code d'un polypeptide du type IFN-alpha, et
(f) des séquences d'ADN qui sont des éléments dégénérés résultant du code génétique sur les séquences et inserts d'ADN définis en (d) et (e) et qui représentent le code d'un polypeptide du type
IFN-alpha.
3. Molécule recombinante d'ADN selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisée en ce que la séquence d'ADN (b) ou (e) qui produit par hybridation l'insert d'ADN (a) ou (d), est sélectionnée parmi :
(g) les portions d'hybridation des segments d'ADN chromosomiques Hif-chr1, Hif-chr3, Hif-chr10-1, Hif-chr12, Hif-chr13, Hif-chr16-1, Hif-chr23, Hif-chr26, Hif-chr30 et Hif-chr35, étant données à titre d'exemples non limitatifs, ces inserts d'ADN des molécules recombinantes d'ADN étant portées par les microorganismes identifiés par les numéros DSM 1914-1923 et ATCC 31760-31766, respectivement,
(h) des séquences d'ADN qui produisent par hybridation l'une quelconque des séquences d'ADN précédentes et qui représentent le code du type IFN-alpha , et
(i) des séquences d'ADN qui sont des éléments dégénérés, résultant du code génétique des séquences et inserts d'ADN en (g) et (h) et qui représentent le code d'un polypeptide du type IFN-alpha.
6. Molécule recombinante d'ADN selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisée en ce que la séquence d'ADN
est sélectionnée parmi les séquences d'ADN de formule :
(...)
II. Huit oppositions ont été formées à l'encontre de ce brevet européen entre le 18 août 1984 et le 15 mai 1985, et une déclaration d'intervention a été produite le 8 août 1985 conformément à l'article 105 CBE ; ces parties ( ci-après désignées "intimés I à IX") ont demandé la révocation du brevet en application de l'article 100a), b)et c) CBE. Pendant la procédure devant la division d'opposition, les documents suivants ont notamment été cités :
(10), Zoon, K.C. et al, Proc. Natl. Acad.Sci. USA,1979,76, 5601-560 5. (16), Nagata, S., et al, Nature, 1980, 284, 316-320. (21a), Streuli, M. et al, Science, 1980, 209, 1343-1347, (93), Lawn, R.T. et al, Cell, 1978, 15, 1157-1174. (108), Zoon et al, communication N° 32, qui se rapporte à un exposé oral présenté lors de la "Conference on Regulatory Functions on Interferons", tenue à New York en 1979.
III. Par une décision rendue le 10 décembre 1986 et notifiée le 10 juin 1987, la division d'opposition a révoqué le brevet au motif que l'exposé de l'invention était insuffisant, que les revendications n'étaient pas suffisamment claires et fondées sur la description (articles 83 et 100b), article 84 CBE), et que l'invention n'était pas nouvelle et n'impliquait pas d'activité inventive (article 100a) CBE). Pour ce qui concerne l'article 84 CBE, la division d'opposition a estimé qu'en raison des modifications apportées aux revendications par le titulaire du brevet, il convenait d'examiner si le brevet modifié remplissait ou non toutes les conditions de la CBE, y compris celles de l'article 84 CBE.
i) En ce qui concerne la clarté, la décision mentionnait que certains termes des revendications 1(b) et (c), par exemple "qui produisent par hybridation", "un polypeptide du type IFN-alpha- et "qui sont des éléments dégénérés", n'étaient pas clairs et qu'ils ne pouvaient donc être admis dans le texte du brevet. Par ailleurs, les tests auxquels ces termes renvoient, ne donnent pas d'indications claires à l'homme du métier. Les revendications caractérisées par ces termes sont donc dénuées de fondement, et demeurent trop larges et spéculatives eu égard à la condition fixée à l'article 84 CBE ; elles couvrent de ce fait des éléments qui ne sont pas suffisamment exposés dans la description.
ii) S'agissant de l'exposé suffisant de l'invention, la nécessité d'exprimer les molécules d'ADN revendiquées pour déceler la présence de polypeptides du type IFN-alpha implique le recours à des microorganismes. Or, à ladate pertinente, qui devrait être la date de priorité, seules des souches de E.coli étaient disponibles, d'autres hôtes n'ayant été rendus accessibles qu'à une date ultérieure. Par conséquent, la référence à l'utilisation de ces derniers implique d'autres inventions et une mise en oeuvre de l'invention. Les molécules d'ADN recombinant selon la revendication 1(b) ne répondent donc pas aux conditions fixées à l'article 83 CBE.
iii) La première instance a également révoqué le brevet au motif que les revendications 1(b), 2(e), 3(h) et 8 étaient dépourvues de nouveauté, vu que la "banque génomique de Lawn", collection publique regroupant de nombreux fragments de chromosomes humains foetaux contenait déjà des phages hybrides. Elle a par ailleurs fait valoir que l'objet des revendications 6, 20 et 23 était antériorisé par le document 21a de Streuli, qui divulguait l'objet desdites revendications puisque celles-ci ne pouvaient dériver leur priorité que de la demande BIOGEN III (2.10.1980).
iv) Eu égard à l'activité inventive, la division d'opposition a limité son examen aux revendications 2(d) et 14, qui portent sur de l'ADN contenant des fragments spécifiques et déposés. Le document 16 de Nagata a été publié le 27 mars 1980, donc avant la date de priorité de ces revendications (BIOGEN II, 3.4.1980), et il révèle des séquences dont la structure est suffisamment proche de celles revendiquées dans le brevet pour leur conférer un caractère évident, dès lors que l'existence d'améliorations inattendues n'a pas été prouvée. A partir du document 16, l'homme du métier serait parvenu, par des méthodes classiques, à obtenir les variants revendiqués, même s'il n'avait pu reproduire dans le moindre détail les étapes décrites dans ce document.
Les requêtes fondées sur des jeux de revendications subsidiaires ont également été rejetées aux mêmes motifs que ceux exposés ci- avant.
IV. Le 2 août 1987, le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe correspondante. Le 20 octobre 1987, il a déposé un mémoire exposant les motifs du recours. Les intimés I à VI, VIII et IX (c'est-à-dire les opposants respectifs et l'intervenant) ont présenté diverses observations entre le 13 février et le 5 mai 1988. A la suite d'une notification émise par la Chambre le 23 septembre 1988, le requérant a présenté des réponses et un nouveau jeu de revendications subsidiaires le 23 décembre 1988, ainsi que de nouvelles observations le 19 janvier 1989. Les observations des intimés VII et VIII ont été reçues respectivement le 30 octobre 1988 et le 19 janvier 1989, alors que les remarques et les résultats expérimentaux des intimés III, IV et IX ont été reçus le 24 janvier et le 8 février 1989.
V. Dans ses conclusions et au cours de la procédure qui a eu lieu du 14 au 16 février 1989, le requérant a développé essentiellement les arguments suivants :
a) Les conditions de l'article 84 CBE ne sont pas en discussion dans cette procédure, étant donné que l'objet de cet article n'est pas compris dans l'article 100 CBE. Quoi qu'il en soit, ces conditions sont remplies du fait de la clarté des techniques mises en oeuvre. Le brevet lui-même ne décrit que des méthodes d'hybridation utilisées dans des conditions classiques. Les rapports expérimentaux présentés le 19 janvier 1989 montrent que, dans de telles conditions, des séquences d'ADN codant pour IFN-alpha ne produiraient pas d'IFN-alpha ß et y par hybridation. La définition d'un polypeptide du type IFN-alpha figure dans la description, qui expose deux tests de détection des activités antivirale et immunologique.
b) Les conditions énoncées à l'article 83 CBE sont réunies, puisque le brevet divulgue plusieurs modalités d'exécution de l'invention, alors qu'il suffit d'en décrire une seule dans le détail. Les résultats expérimentaux produits par l'intimé V (moyen de preuve d'"Innis") indiquent uniquement que la substitution d'un acide aminé suffit à inactiver l'IFN-alpha, bien que l'ADN correspondant continue à s'hybrider. Ceci montre clairement que les intimés n'ont eu aucune difficulté à se rendre compte qu'un ADN n'était pas couvert par la revendication. Il n'y a donc pas de problème au titre de l'article 83 CBE, dès lors que l'on dispose de spécimens couverts par la revendication.
c) Le brevet satisfait aux conditions de l'article 54 CBE, puisque la "banque génomique de Lawn", citée dans le document 93 en tant que collection de fragments quelconques d'ADN génomique humain, est assimilable à une bibliothèque dépourvue d'index adéquat. L'homme du métier n'aurait pas envisagé de cribler la banque de gènes avec des anticorps IFN-alpha . Il ne se serait pas plus attendu à ce que les séquences d'ADN de la banque puissent s'exprimer directement dans E. coli. En outre, une séquence oligonucléotidique courte semblable à celle qui serait dérivée de la séquence de Zoon aurait nécessairement conduit à des résultats erronés. La priorité de BIOGEN II pouvant être revendiquée pour la revendication initiale 6, qui correspond à la présente revendication 5, et pour d'autres revendications connexes, le document 21a de Streuli ne saurait détruire la nouveauté de ces revendications.
d) En ce qui concerne le critère de l'activité inventive visé à l'article 56 CBE, tous les plasmides et inserts expressément divulgués dans le document 16 de Nagata codent pour l'interféron IFN-alpha1. Or, le document BIOGEN II a été le premier à divulguer des vecteurs d'expression, dont l'effet sur les cellules humaines ou le degré d'expression dépasse, contre toute attente, celui des vecteurs divulgués dans le document 16.
e) En tout état de cause, une fois que l'inventeur a déposé sa première demande de brevet, il devrait être libre de publier son invention. Si ce principe n'était pas applicable en règle générale, l'inventeur serait obligé de garder le secret pendant toute la période de priorité. Les éléments publiés pendant cette période, après le dépôt, devraient être exclus de l'état de la technique, afin de remplir les conditions énoncées dans la Convention de Paris.
VI. Au cours de la procédure, les intimés ont développé essentiellement les arguments suivants concernant les différents points de la décision rendue par la première instance :
a) La clarté des revendications et leur fondement sur la description sont essentiels pour apprécier le caractère suffisant de l'exposé. S'il n'était pas fixé de limites adéquates, l'homme du métier ne saurait absolument pas si les produits dont il dispose sont couverts par les revendications du brevet formulées en termes larges.
b) Les définitions telles que celles figurant dans les revendications 1 à 3 sont essentiellement des instructions en vue d'exécuter des tests, qui ne devraient pas être admises pour la caractérisation de matériels revendiqués en tant que tels. Ces mêmes revendications ont une portée spéculative et contreviennent à la pratique normalement suivie à l'OEB.
c) L'objet de la revendication 5, qui correspond à l'ancienne revendication 6, est dépourvu de nouveauté. Cette revendication ayant uniquement la date de priorité de la demande BIOGEN III, son objet est entièrement antériorisé par le document 21a de Streuli.
d) Ainsi que l'a confirmé la première instance, l'article 16 de Nagata a permis d'obtenir de manière évidente les variants recombinants définis en particulier dans la revendication 2(d). Les méthodes classiques mises en oeuvre pour résoudre le problème général visé par le brevet sont comprises dans l'état de la technique, d'où l'absence d'activité inventive.
e) Il a été en outre allégué qu'il était impossible d'obtenir, à partir de l'exposé de l'invention, le variant spécifique mature de IFN-alpha qui fait l'objet de la revendication 17.
VII. Les intimés ont également demandé formellement et par écrit, que la Grande Chambre de recours soit saisie des questions suivantes :
i) Faut-il ou non permettre que la règle 28 CBE soit utilisée pour tourner l'obligation d'exposer par écrit l'invention quand il s'agit d'une séquence d'ADN ?
ii) Est-il ou non décisif que la priorité matérielle soit fondée
a) soit sur une divulgation dont découle directement et sans ambiguïté l'objet de l'invention pour laquelle la priorité est revendiquée (conformément aux Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, C-V, 2.3 et 2.4),
b) soit sur une divulgation générale (en l'occurrence le dépôt d'un microorganisme) dont il convient d'abord de dériver (en l'espèce par des expériences en plusieurs étapes) l'objet de l'invention pour laquelle la priorité est revendiquée ?
iii) Une revendication se rapportant à une classe de substances est-elle ou non admissible si cette classe se caractérise par une propriété souhaitée et par ailleurs uniquement par l'utilisation d'un ADN en vue de repérer un gène codant pour un des constituants de cette classe ?
VIII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision rendue en première instance et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 32 telles que déposées en même temps que le mémoire exposant les motifs, compte tenu des modifications apportées le 23 décembre 1988 aux revendications 28 et 29. Au cours de la procédure orale, un jeu de revendications 1 à 29 a été présenté à titre de requête subsidiaire, amputé des revendications 5, 18 et 31 de la requête principale (anciennes revendications 6, 20 et 33 de la décision attaquée).
Les intimés ont demandé que le recours soit rejeté.
Au terme de la procédure orale, la Chambre a prononcé la décision ci-après.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Modifications (articles 123(2) et (3) CBE
(...)
Par conséquent, les modifications apportées aux revendications en vertu de l'article 123(2) et (3) CBE n'appellent pas d'objections.
3. Clarté et fondement des revendications (article 84 CBE)
3.1. A cet égard, certains intimés ont fermement soutenu que le brevet n'était pas valable et qu'il devait être révoqué au motif que les revendications définissaient l'invention de façon trop large, vu que la description des modalités d'exécution de l'invention avait une portée beaucoup plus restreinte. Il s'agit donc de savoir si une telle objection soulevée au cours d'une procédure d'opposition peut suffire à fonder la révocation du brevet en application (i) de l'article 100b)CBE, qui correspond à l'article 83 CBE, ou (ii) de l'article 84 CBE.
3.2. En ce qui concerne le point i), l'article 100 b) prescrit que l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Dans sa décision T 292/85 "Expression polypeptidique" en date du 27 janvier 1988 (JO OEB 1989,275), la Chambre de recours avait déjà précisé que cette condition était satisfaite "s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention". En d'autres termes, la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire aux fins des articles 83 et 100 b) CBE qu'un brevet soit divulgué de manière suffisante pour permettre à l'homme du métier d'exécuter l'invention selon tous les modes de réalisation imaginables inclus dans les revendications. Comme indiqué ci-après, la Chambre est d'avis que, dans la présente espèce, l'invention est divulguée de manière suffisante pour que l'homme du métier puisse l'exécuter. Par conséquent,les objections soulevées par les intimés en vertu des articles 83 et 100(b) CBE ne sont pas pertinentes.
3.3. S'agissant du point ii), l'article 84 CBE dispose que
"Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description".
A première vue, cette condition se distingue nettement de celle énoncée à l'article 83 CBE. Elle porte essentiellement sur l'étendue admissible des revendications eu égard à la description de l'invention. Comme indiqué dans la décision T 292/85 susmentionnée, l'étendue de la protection revendiquée doit être appropriée, compte tenu de la manière dont l'invention a été exposée et des informations contenues dans la description indiquant à l'homme du métier comment il peut exécuter l'invention. Dans la présente espèce, les intimés objectent essentiellement que les revendications du brevet litigieux enfreignent les dispositions de l'article 84 CBE.
3.4. Comme l'ont déjà noté les chambres de recours dans plusieurs décisions, l'article 84 CBE ne constitue pas un motif d'opposition au sens de l'article 100 CBE, bien que la clarté d'une revendication et son étendue puissent bien sûr entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'apprécier, par exemple, la nouveauté et l'activité inventive au titre de l'article 100 a) CBE. Selon la Chambre, les objections soulevées en l'espèce à l'encontre de l'étendue des revendications ne sauraient en principe être invoquées lors d'une procédure d'opposition au titre de l'article 100 b) CBE.
3.5. Dans la présente espèce, toutefois, la requérante a proposé d'apporter différentes modifications au texte du brevet pendant la procédure d'opposition. Dans ces conditions, l'article 102(3) CBE est applicable tant au cours de la procédure devant la division d'opposition qu'au stade du recours sur opposition (eu égard à l'article 111(1) CBE). Lorsque des modifications ont été apportées au brevet pendant la procédure d'opposition, l'article 102(3) CBE prescrit que la division d'opposition ou la chambre de recours doit examiner si, compte tenu de ces modifications, "le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions de la présente convention". L'article 102(3) CBE diffère sensiblement de l'article 101(1) CBE (qui définit l'étendue de l'examen effectué en cas d'opposition à un brevet, et dispose qu'il y a lieu d'examiner "si les motifs d'opposition visés à l'article 100 s'opposent au maintien du brevet européen") et de l'article 102(1) et (2) CBE, qui contiennent des formulations analogues. En particulier, les "conditions de la ... convention" incluent celles fixées par l'article 84 CBE, alors que "les motifs d'opposition visés à l'article 100" font l'objet d'une restriction ("only", "nur", et "ne...que"), excluant par conséquent l'article 84 CBE ou tout ce qui pourrait lui correspondre.
3.6. S'agissant en l'espèce d'interpréter correctement l'article 102(3) CBE, la question se pose donc également de savoir si une quelconque modification apportée au brevet pendant la procédure d'opposition donne immédiatement et automatiquement à l'opposant la possibilité de soulever toutes les objections susceptibles d'être formulées au titre de la CBE (y compris des objections au titre de l'article 84 CBE), ou si, en cas de modification avant le maintien du brevet sous une forme modifiée, il y a lieu de vérifier si les modifications elles-mêmes conduisent à une infraction aux dispositions de la Convention.
3.7. Dans sa décision T 227/88 "Compositions détergentes" en date du 15 décembre 1988 (JO OEB 1990, 292) la Chambre établit, comme indiqué ci-avant, une distinction entre les pouvoirs conférés par l'article 102(1) et (2) CBEainsique par l'article 102(3) CBE, et elle déclare également au point 3 des motifs que "lorsque des modifications de fond sont apportées à un brevet dans la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition, les deux instances ont le pouvoir de statuer sur les motifs et les questions découlant de ces modifications, sans que ceux-ci aient été expressément invoqués par l'opposant au titre de la règle 55 c) CBE". Il n'est pas suggéré que l'une ou l'autre instance a le pouvoir de statuer sur des motifs ou des questions qui ne découlent pas des modifications apportées et qui n'ont pas été soulevés par un opposant. Dans cette affaire, il apparaît clairement qu'il ne s'agit pas de savoir si un opposant peut formuler, par exemple au titre de l'article 84 CBE, des objections qui ne découlent pas des modifications apportées.
3.8. La Chambre estime que lorsque des modifications sont apportées à un brevet au cours d'une procédure d'opposition, l'une ou l'autre instance est tenue, aux termes de l'article 102(3) CBE, d'examiner si ces modifications aboutissent à une infraction aux dispositions de la Convention, y compris celles de l'article 84 CBE. Néanmoins, l'article 102(3) CBE ne permet pas de fonder des objections sur l'article 84 CBE, si celles-ci ne découlent pas des modifications apportées.
A l'appui de cette conclusion, il y a lieu d'ajouter qu'il semble absurde qu'une modification mineure permette de soulever des objections sortant du cadre de l'article 100 CBE et n'ayant aucun rapport avec la modification elle-même.
4. Exposé suffisant (article 83 CBE)
Reproductibilité
4.1. La Chambre ne peut suivre l'argumentation développée dans la décision attaquée, selon laquelle les prétendues insuffisances relevées dans la définition des plasmides recombinants au sein de la revendication 1(b) et (c) et, par conséquent, l'étendue ambiguë des revendications et leur caractère général créent une situation telle que l'homme du métier n'est pas en mesure d'exécuter l'invention. Il convient, en effet, de tenir compte du caractère spécial de l'invention.
4.2. L'invention décrite dans le brevet litigieux montre une voie qui mène à certains interférons à l'aide de techniques du génie génétique. Elle vise à produire ce matériel en plus grande quantité et à un coût raisonnable. Cet objectif a été atteint au prix de difficultés considérables, au terme d'un long processus, mais sans que les résultats puissent être reproduits chaque fois de maniére identique.
4.3. Comme indiqué ci-dessus, la Chambre a décidé dans des affaires antérieures que l'invention était exposée de manière suffisante s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention (cf. T 292/85 supra). Le cas échéant, il n'est même pas nécessaire de pouvoir reproduire exactement des exemples de procédés spécifiquement décrits. Des variations intervenant dans le matériel de départ sont acceptables dès lors que "le procédé revendiqué permet d'obtenir à coup sûr le produit désiré" (cf. T 281/86 "Préprothaumatine"en date du 27 janvier 1988, JO OEB 1989, 202). Dans l'affaire T292/85, la Chambre a notamment estimé que l'invention était exposée de manière suffisante en ce qui concerne la préparation d'hormones humaines ; or, dans ce cas, l'être humain ne peut, en tant que source de matériel, produire qu'un variant individuel d'un ADN codant pour l'hormone, et il n'est évidemment pas garanti qu'une telle source reste accessible au public.En l'occurrence, la Chambre avait fondé son argumentation sur une situation qui impliquait le recours à une méthodologie générale et qui ne nécessitait pas la mise à disposition préalable de chacun des matériels de départ, dès lors que les méthodes fonctionnaient à coup sûr.
4.4. Si la situation est quelque peu différente dans la présente espèce, elle n'en repose pas moins elle aussi sur une définition ouverte concernant un nombre inconnu mais probablement fini, d'interférons humains et animaux du type alpha. Malgré leurs légères différences de composition, ces matériels présentent une similitude structurelle mise en évidence par leur comportement dans les tests d'hybridation. Par ailleurs, en tant que membres d'une classe, ces substances permettent d'obtenir des produits finis ayant la même activité biologique. Dès lors que l'invention conduit à ce résultat, il n'est pas nécessaire de donner à l'avance des indications sur les modalités de préparation de chaque membre de la classe. Vu la nature de cette technique, il n'est pas davantage garanti que la répétition à l'identique des expériences longues et compliquées permette d'obtenir le même produit à partir de la même source. A ce niveau général, un membre quelconque d'une classe est suffisamment représentatif de l'invention.
4.5. La Chambre estime donc que des variations de composition intervenant dans une classe de précurseurs génétiques tels que des molécules d'ADN recombinant revendiquées en des termes impliquant une combinaison de limitations structurales et de tests fonctionnels, ne préjugent pas du caractère suffisamment clair et complet de la description dès lors que l'homme du métier peut obtenir à coup sûr quelques membres de cette classe sans nécessairement savoir à l'avance lequel serait ainsi rendu accessible.
4.6. Dans le cas des procédés visant à obtenir, à partir de sources naturelles, des gènes codant pour des polypeptides, il est inévitableque des variations apparaissent d'un individu à l'autre. Tant que l'utilisation et, comme c'est le cas en l'occurrence, l'activité du produit final restent inchangées, ces différences ne constituent pas des caractéristiques essentielles. Il aurait certes été souhaitable d'une manière générale, de cartographier tous les variants structurels de la formule générale, mais cela aurait nécessité la mise en route d'un vaste programme de recherche dont les retombées ne se seraient pas manifestées immédiatement. Ces précurseurs macromoléculaires peuvent, le cas échéant, être définis comme une classe par les propriétés des produits finaux auxquels ils se rapportent et par certaines caractéristiques structurales, telles que la similitude basée sur la faculté qu'ils ont de s'hybrider à des structures existantes, sans introduire nécessairement un facteur d'incertitude. Ce dernier aspect se traduit en l'espèce par l'hybridation à des séquences nucléotidiques rendues accessibles dans des microorganismes contenant les structures de base, alors que l'activité antivirale et immunologique de l'IFN-alpha constitue une limitation fonctionnelle de la classe.
4.7. Ceci vaut également pour l'objection soulevée par la division d'opposition eu égard à l'utilisation de bactéries et autres microorganismes pour les tests et l'expression, bien que seules des souches spécifiques d'E. coli aient été disponibles à la date de priorité pour une telle utilisation. Les revendications fondées sur des caractéristiques définies en termes de fonctions sont déjà admises dans le domaine de la génétique (cf. ibid. T 292/85), et il devrait en aller de même pour une classe qu'il n'est pas possible de délimiter avec une terminologie différente. Dans la décision T 292/85, il est spécifiquement question de savoir s'il convient d'élargir le champ de ces caractéristiquesde manière à ce qu'elles incluent les moyens existants et ceux qui restent à découvrir. Tant que des revendications présentant de telles connotations fonctionnelles ne seront pas admissibles, l'auteur d'une invention ne pourra pas bénéficier d'une protection valable contre un tiers qui reproduit fidèlement le procédé breveté et qui obtient des variantes nouvelles, mais tout aussi utiles, de l'invention.
4.8. Il va de soi que l'interprétation susmentionnée de la nature de l'invention, telle que définie dans la revendication 1, a des répercussions inévitables sur les conditions énoncées à l'article 83 CBE concernant l'exposé suffisamment clair et complet de l'invention. Les intimés n'ont pas prouvé de façon convaincante que le procédé revendiqué, tel que décrit dans le brevet, n'était pas reproductible, c'est-à-dire que l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir un précurseur utile capable de s'hybrider et de produire des polypeptides du type IFN-alpha, et appartenant par conséquent à la classe revendiquée. Il serait inopportun et excessif, dans le vaste domaine des recombinaisons génétiques, d'exiger que le brevet donne à l'homme du métier des indications sur la manière d'obtenir un membre revendiqué quelconque de la classe.
4.9. En reproduisant le procédé décrit dans le brevet, l'homme du métier peut bien entendu obtenir, entre autres, des précurseurs potentiels dont les caractéristiques fonctionnelles constituent des cas limites. Or, peu importe que dans une série de précurseurs potentiels ainsi obtenus, quelques-uns soient des cas limites dans la mesure où ils possèdent des caractéristiques fonctionnelles moins marquées que d'autres, si, dans les parties essentielles il s'en trouve beaucoup d'autres qui sont satisfaisants. Cela s'avère parfois problématique et donc indésirable pour l'homme du métier, mais il n'en demeure pas moins que les membres de la classe revendiquée peuvent être obtenus avec un degré de certitude et une fréquence suffisants.
Vu les conditions spéciales prévalant dans ce domaine, la Chambre admet en pareil cas la nécessité de se fonder en partie sur des caractéristiques fonctionnelles. En outre, elle n'est pas d'avis que cette question doit être soumise à la Grande Chambre de recours (cf. point VII iii)) puisqu'il ne s'agit pas d'un manque d'uniformité de la législation en la matière et qu'aucun point de droit important n'est en discussion.
Dépôt (règle 28 CBE)
4.10. Le dépôt de précurseurs dans des hôtes microbiologiques vivants pourrait renforcer la divulgation sur laquelle se fondent les revendications de formulation large, par exemple s'il fournit à la fois des structures utilisables aux fins de comparaison et du matériel de départ aux fins de modification. L'une des caractéristiques de la présente affaire tient à ce que le titulaire du brevet a fondé sa description sur un nombre considérable d'organismes déposés, offrant ainsi en pratique de nombreuses possibilités de choix aux tiers qui étudient l'invention plus en détail.
4.11. Il a été allégué qu'un dépôt ne doit jamais tenir lieu d'exposé écrit dès lors qu'il est possible de déterminer la structure par séquençage. Toutefois, dans la présente espèce, le dépôt ne représente pas l'objet revendiqué en tant que tel, comme ce serait le cas pour des microorganismes nouveaux et impliquant une activité inventive. Par conséquent, la requête en saisine de la Grande Chambre de recours, présentée en application de l'article 112 CBE (cf. point VII i)), est sans rapport avec les questions soulevées dans la présente espèce ; elle doit donc être rejetée.
La référence aux molécules d'ADN incorporées dans des microorganismes déposés pourrait bien définir une source disponible, c'est-à-dire un matériel de départ permettant d'obtenir le plasmide désiré, voire une partie de ce plasmide. Le dépôt est donc un point de départ disponible que l'on peut interpréter comme la base d'une définition implicite par le procédé d'obtention ("product-by-process") du produit final concerné, puisque ce dernier peut être obtenu à coup sûr par des opérations d'isolement connues de l'homme du métier ou être utilisé in situ, par exemple en vue d'un clonage.
Revendication 17
4.12. L'argument selon lequel il serait impossible d'obtenir le variant spécifique mature de la revendication 17 est fondé sur une déclaration faite par l'inventeur dans une publication ultérieure (cf. document 100, p. 126), d'où il ressort que le "polypeptide obtenu par ce procédé et par des procédés similaires est précédé d'une partie de la séquence signal et de quelques acides aminés de ß-galactosidase, la séquence signal n'étant en aucun cas coupée correctement dans E. coli". Dans ce cas, il est nécessaire d'ajouter des opérations en fonction des connaissances générales en matière de manipulation de séquences polypeptidiques, en procédant par exemple selon un schéma un peu plus élaboré, comme cela est suggéré dans la même publication. Cependant, faute de preuves spécifiques qu'il est absolument impossible d'obtenir ce composé particulier sur cette base, la Chambre n'est pas en mesure d'accepter cet argument.
Conclusions concernant l'exposé suffisant de l'invention
4.13. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre n'a aucune raison de conclure à l'insuffisance de l'exposé. Bien au contraire, il existe une description détaillée de la mise en oeuvre réelle de l'invention, ainsi que de nombreux dépôts qui pourraient offrir au public diverses possibilités d'aboutir rapidement à l'invention, sans emprunter la voie incommode des sources naturelles. La description constitue un point de départ adéquat pour obtenir, si on le souhaite, d'autres variants. Rien jusqu'à présent ne permet de mettre en doute la faisabilité de la solution présentée dans la description. Si l'invention doit être exposée de manière suffisamment claire et complète, ce n'est pas pour contenter les perfectionnistes, mais pour permettre à l'homme du métier de l'exécuter dans des conditions normales.
5. Nouveauté (article 54 CBE)
5.1. Dans sa décision, la première instance a souligné que certains fragments stockés dans la banque génomique de Lawn étaient du type IFN-alpha et qu'ils détruisaient de ce fait la nouveauté de la revendication 1(b). Or, aux termes de l'article 54 CBE, l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet.
Si la première instance était parvenue à une conclusion juste sur la base du document 93, la collection de fragments quelconques, de grande taille, d'ADN embryonnaire humain qui a été constituée par Lawn et al. comme décrit dans le document 93, aurait rendu accessible au public des séquences d'ADN produisant par hybridation l'un quelconque des inserts d'ADN explicitement désignés à l'alinéa (a) de la revendication 1 et codant pour un polypeptide du type IFN-alpha.
5.2. Toutefois, le contenu de l'exposé figurant dans l'antériorité 93 révèle sans aucun doute que les séquences d'ADN selon la revendication 1(b) n'ont pas été rendues accessibles au public par cette publication ni par la publication de la banque. En effet, rien dans cette publication n'indique au public, représenté en l'occurrence par l'homme du métier, qu'il existe dans la banque génomique de Lawn un clone quelconque contenant des séquences d'ADN codant pour un polypeptide du type IFN-alpha (interféron leucocytaire) ; il n'est par ailleurs guère probable que le public décèle, sur la base de leurs propriétés d'hybridation, la présence de ces séquences d'ADN dans la banque de gènes susmentionnée.
5.3. L'homme du métier aurait reconnu que la banque génomique de Lawn avaitété constituée à partir d'ADN de foie humain foetal, alors que l'état de la technique dans le domaine de l'interféron leucocytaire partait de préférence de leucocytes induits par un traitement spécifique permettant d'obtenir des interférons ayant un degré d'activité acceptable. On savait que les leucocytes ne contenaient qu'une quantité très faible d'ARN messager de l'interféron. Néanmoins, l'homme du métier se serait également rendu compte que le document 93 portait uniquement sur l'isolement et la caractérisation de gènes codant spécifiquement pour la globine et qu'à ces fins, la collection en question de clones d'ADN humain a été criblée avec un plasmide spécifique codant pour l'ADNc de la ß-globine humaine, en tant que sonde d'hybridation.
5.4. Si l'homme du métier avait dû envisager, par analogie, de cribler la banque génomique de Lawn pour repérer des séquences quelconques d'ADN codant pour un polypeptide du type IFN-alpha, il aurait eu besoin d'une sonde d'hybridation appropriée. Or, le document 93 montre clairement que seules des séquences très longues d'ADN, par exemple des fragments d'un plasmide codant pour l'ADNc de la ß-globine, contenant la portion de gène de ß- globine, ont été utilisées en l'occurrence en tant que sondes d'hybridation.
Pour pouvoir détecter une séquence quelconque d'ADN selon la revendication 1(b) parmi les inserts d'ADN qui se cachent dans la profusion de clones de la banque génomique, l'homme du métier aurait donc logiquement dû utiliser des sondes d'hybridation spécifiques, de longueur comparable, qui n'étaient pas divulguées avant la première date de priorité du brevet litigieux.
5.5. Autrement, la collection aurait dû être explorée avec des séquences oligonucléotidiques restant à synthétiser à partir de membres de la chaîne polypeptidique, dont Zoon a établi (cf. document 108) qu'elle fait partie d'un interféron lymphoblastique. Il aurait été nécessaire de synthétiser des chaînes nucléotidiques correspondantes, en tenant compte de la dégénérescence. Etant donné que les outils expérimentaux auraient été par exemple plus courts que la séquence "Hif-2h"mentionnée par le titulaire du brevet, tout en restant variables conformément aux lois de la dégénérescence, le champ des interactions aurait été beaucoup plus vaste et la probabilité d'hybridation beaucoup plus élevée avec des spécimens ne conduisant pas à des produits finaux actifs. L'homme du métier n'aurait d'ailleurs disposé d'aucune indication directe et sans ambiguïté, susceptible de le conduire à des fragments pertinents figurant dans la collection. Pour cela, il aurait été obligé de se référer à d'autres sources d'information et à des publications, ce qui déborde naturellement le cadre de l'examen quant à la nouveauté.
5.6. D'une manière générale, même si certains fragments de la collection possédaient toutes les propriétés requises, il n'est pas prouvé qu'il seraient accessibles sans effort excessif. Le fait que ces phages soient dissimulés dans une collection de 240 000 échantillons quelconques, individuels et non identifiés, n'est pas sans importance en l'espèce.
Certes, le texte du brevet fait état de résultats d'hybridation positifs obtenus à l'aide de la sonde "Hif-2h", mais cela ne signifie pas pour autant que certains matériels de la banque génomique auraient également répondu aux critères indépendants d'une activité du type IFN-alpha après expression.
Il n'a pas été signalé d'essais pertinents à cet égard.
5.7. L'existence présumée de fragments répondant aux critères énoncés dans la revendication ne peut être comparée à la présence fortuite d'un ouvrage non indexé dans une bibliothèque. En effet, la recherche d'un ouvrage dans une bibliothèque constitue, au moins pour une certaine partie du public, une démarche mentale directe. En l'espèce, l'exploration de la collection nécessite des interactions physiques et autant de processus biochimiques consécutifs. Bien que chaque récipient contenant le phage pertinent constitue en l'occurrence une entité séparée, il est impossible d'y accéder sans examiner au préalable des dizaines de milliers d'échantillons. Tout se passe comme si le matériel était conservé sous clé, et qu'il faille d'abord fabriquer cette clé et l'utiliser.
5.8. La situation est assez comparable à celle des substances naturelles, les phages n'étant pas directement accessibles, tel un composant ou une bactérie que l'on veut extraire d'un sol o" ils existent mélangés à d'autres substances inutiles. On ne saurait donc admettre l'idée selon laquelle la banque génomique détruit une fois pour toutes la nouveauté d'une invention se rapportant à une séquence nucléotidique susceptible d'être contenue quelque part dans ladite banque.
Par conséquent, la seule présence, parmi les nombreux clones de la banque de Lawn, d'une séquence d'ADN codant pour un polypeptide du type IFN-alpha ne signifie pas automatiquement que le composé chimique concerné (le polynucléotide) est compris dans l'état de la technique. Pareil cas ne se présente que si le composé en question a été rendu accessible au public de manière reconnaissable.
Les revendications 1(b), 2(e) et 7 sont nouvelles.
6. Priorité (articles 87, 88 et 89 CBE) et nouveauté de la revendication 5 (article 54 CBE)
6.1. La revendication 5 de la requête principale, qui est l'ancienne revendication 6, concerne premièrement une séquence codant pour un IFN, précédée de nucléotides correspondant à une portion de séquence signal, et deuxièmement une séquence induisant la synthèse de l'IFN-alpha-2, formant ainsi la partie opérante de la séquence nucléotidique "HcIF-II-206". Celle-ci a été publiée le 19 septembre 1980 dans le document 21a de Streuli, avec la partie opérante pertinente de la séquence nucléotidique. Cet aspect n'a été décrit de manière aussi détaillée que dans la demande BIOGEN III, déposée ultérieurement, le 2 octobre 1980.
6.2. C'est à juste titre que la division d'opposition a décidé que l'ancienne revendication 6 et les revendications correspondantes 20 et 33, pouvaient uniquement dériver leur priorité de la demande BIOGEN III. La Chambre ne saurait admettre l'allégation selon laquelle la référence à la séquence "II-206" dans la demande BIOGEN II et au dépôt correspondant d'une souche contenant la séquence entière sous une forme recombinante, donne implicitement naissance à une priorité pour une partie de la séquence. Dans sa décision T 81/87 "Préprorennine" en date du 24 janvier 1989 (JO OEB 1990, 250), la Chambre a souligné que l'objet des revendications "devait se dégager clairement de l'ensemble des pièces de la demande antérieure", et qu'il devait se rapporter à la "même invention" pour ce qui est de la priorité. Elle précise par ailleurs que tous les éléments essentiels doivent soit être divulgués expressément, soit "ressortir directement et sans ambiguïté du texte tel que déposé" (cf. points 5 et 13 des motifs). Bien que l'ensemble du plasmide recombinant et la séquence "II-206" qui lui est incorporée, soient divulgués en totalité dans la demande BIOGEN II par suite du dépôt et de la description correspondante de certaines caractéristiques de la séquence "II-206", il n'en va pas de même pour les détails, c'est-à-dire les divers éléments constitutifs de ces entités, qui n'ont pas du tout été divulgués dans la demande BIOGEN II.
6.3. Dans la décision susmentionnée, il est également précisé que "les éléments dont on constate plus tard seulement qu'ils sont essentiels ne font... pas partie de la divulgation".
La Chambre estime qu'en matière de priorité le fait d'avoir divulgué une entité en tant que telle à l'homme du métier ne signifie pas obligatoirement que l'un des éléments entrant dans sa composition a également été divulgué, dans la mesure où celui-ci n'a pas été directement envisagé en tant que tel sans la moindre ambiguïté et où des recherches considérables sont nécessaires afin de l'identifier.
6.4. C'est pourquoi l'objet de la revendication 5, fondé uniquement sur la partie, importante du point de vue opératoire, de la séquence beaucoup plus longue "II-206", n'a pas été divulgué dans la demande BIOGEN II, mais seulement ultérieurement dans la demande BIOGEN III. Il est donc antériorisé par le document 21a, qui décrit expressément toutes ces séquences. Ceci vaut également pour les nouvelles revendications 18 et 31.
6.5. En conséquence, la requête principale est rejetée, mais la requête subsidiaire déposée, amputée des revendications ci- dessus, n'est pas antériorisée eu égard à l'une quelconque des revendications ; elle peut donc faire l'objet d'un nouvel examen. Les renvois aux revendications portent ci-après la même numérotation que dans la requête subsidiaire.
6.6. La question étant tranchée en faveur des intimés, leur requête en saisine de la Grande Chambre de recours (cf. point VII, ii)), n'a plus de raison d'être en vertu de l'article 112 CBE ; elle est donc rejetée.
7. Activité inventive (article 56 CBE)
Opposabilité du document "Nagata"
7.1. Ainsi qu'il ressort de l'exposé des faits et des conclusions (cf. supra point III iv)), la division d'opposition n'a examiné la question de l'activité inventive qu'en relation avec les revendications 2(d) et 12, jugées évidentes eu égard à l'enseignement du document 16. Il s'agit d'un article qui porte sur la synthèse, dans E. coli, d'un polypeptide possédant l'activité d'un interféron leucocytaire humain ; il a été publié dans la revue Nature le 27 mars 1980, notamment avec la participation de Charles Weissmann qui est l'auteur de l'invention dans la présente espèce. Pendant la procédure, cet article a généralement été cité sous l'appellation "Nagata", du nom de l'un de ses auteurs.
7.2. Lors de la procédure devant la division d'opposition, il a été conclu que les revendications 2(d) et 12 ne pouvaient bénéficier que de la priorité de la demande BIOGEN II déposée le 3 avril 1980, donc postérieurement à la publication du document "Nagata". Le titulaire du brevet (le requérant) a toutefois fait valoir que le document "Nagata", dans lequel seul est décrit l'objet divulgué dans la demande BIOGEN I, déposée le 8 janvier 1980, donc avant la publication dudit document, ne pouvait pas être compris dans l'état de la technique eu égard aux revendications 2(d) et 12 aux fins de l'article 56 CBE. A l'appui de cet argument, il a invoqué les articles 87, 88 et 89 CBE et, en particulier, l'article 4B de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (ci-après dénommée "Convention de Paris"). La division d'opposition a rejeté cet argument, estimant que le document "Nagata" était opposable aux revendications 2(d) et 12, puisqu'il avait été publié avant la date de priorité de ces revendications.
7.3. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant n'a pas maintenu l'argument ci-dessus, mais il a allégué que les revendications en cause impliquaient une activité inventive par rapport à l'enseignement du document "Nagata". A une étape ultérieure de la procédure devant la Chambre, il est cependant revenu à ce point de droit et a vigoureusement défendu la position qu'il avait adoptée lors de la procédure d'opposition. Les intimés, pour leur part, se sont opposés tout aussi vigoureusement à ce que le document "Nagata" soit exclu de l'état de la technique opposable eu égard aux revendications 2(d) et 12.
7.4. Si ce seul point de droit avait été décisif pour la Chambre, celle-ci aurait parfaitement pu saisir la Grande Chambre de recours. Toutefois, que le document "Nagata" soit ou non opposable, elle considère, comme indiqué ci-après, que les revendications 2(d) et 12 impliquent une activité inventive par rapport à l'enseigement du document "Nagata". Dans ces conditions, la Chambre s'abstient de saisir la Grande Chambre de recours, Néanmoins, elle juge opportun de ne pas laisser entièrement en suspens cette question de droit capitale et d'intérêt général, et de clarifier sa propre position à cet égard.
7.5. La réponse à la question de savoir si le document "Nagata" est ou non opposable aux revendications 2(d) et 12 dépend de l'interprétation des dispositions de la CBE en matière de priorité, c'est-à-dire des articles 87, 88 et 89 CBE.
Comme l'a exposé la Chambre de recours juridique dans sa décision J 15/80 (JO OEB 1981, 213), ces dispositions constituent un système de priorité autonome pour les demandes de brevet européen, la Convention de Paris ne liant pas formellement l'OEB. Toutefois, eu égard notamment au fait que la CBE représente un arrangement particulier au sens de l'article 19 de la Convention de Paris, l'intention des auteurs de la CBE était clairement de ne pas contrevenir aux principes fondamentaux de priorité énoncés dans la Convention de Paris. Par conséquent, les dispositions, entre autres, de l'article 4B de la Convention de Paris, qui définit l'effet fondamental du droit de priorité, doivent aussi être dûment prises en compte lors de l'interprétation des dispositions pertinentes de la CBE. En réalité, faute de définir explicitement l'effet du droit de priorité, la CBE doit être considérée à cet égard comme fondée sur les mêmes principes que ceux énoncés à l'article 4B de la Convention de Paris.
7.6. Aux termes de l'article 4B de la Convention de Paris, "le dépôt ultérieurement opéré" pendant l'année de priorité "ne pourra être invalidé", entre autres, par la publication, dans le délai de priorité, de l'invention telle qu'exposée par le premier dépôt. Cela signifie en particulier qu'une telle publication ne détruit pas la nouveauté de l'invention pour laquelle la priorité est revendiquée dans la demande ultérieure, et qu'elle ne diminue pas l'activité inventive impliquée par ladite invention, compte tenu de la date de dépôt de la première demande fondant le droit de priorité (cf. Guide de Bodenhausen relatif à l'application de la Convention de Paris, BIRPI 1968, p. 40 à 43). Cela a bien entendu pour but de mettre l'inventeur en mesure de divulguer son invention sans tarder - il y est même encouragé -, ce qui est parfaitement en accord avec l'un des objectifs fondamentaux du système des brevets, à savoir la promotion d'une diffusion rapide de l'information et des techniques. Cela lui offre également une bonne possibilité d'exploiter l'invention dans un délai raisonnable.
7.7. Les principes exposés ci-dessus ne suscitent pas de difficultés majeures lorsqu'il s'agit d'affaires simples, dans lesquelles le dépôt ultérieur porte exactement sur la même invention (objet, éléments, etc.) que celle faisant l'objet de la première demande dont la priorité est revendiquée. La situation est toutefois plus compliquée dans le cas présent, puisque le requérant revendique des priorités multiples pour des revendications différentes de son brevet européen, ce qui est admissible aux termes de l'article 88 CBE, à condition bien sûr qu'il y ait unité d'invention au sens de l'article 82 CBE (cf. article 4F de la Convention de Paris). Pour les revendications 2(d) et 12, il revendique la priorité de la demande BIOGEN II, comme indiqué ci-dessus. Ces revendications portent entre autres sur des éléments (séquences spécifiques d'ADN) qui ne sont pas couverts par la divulgation de la demande BIOGEN I, qui est la première demande fondant une priorité. La demande BIOGEN II représente donc un développement de l'invention divulguée dans BIOGEN I. De même, BIOGEN III, qui est la dernière demande fondant une priorité, constitue un développement par rapport aux divulgations des deux demandes antérieures. Il faut noter à cet égard que de telles extensions dans des demandes ultérieures n'empêchent pas, s'il y a revendication de priorités multiples, d'admettre la protection des éléments de l'invention qui existaient déjà dans les demandes antérieures (cf. article 88(3) CBE et page 54 du Guide de Bodenhausen, mentionné au point 7.6 supra). Dans la présente espèce, et vu ce qui précède, le fait que BIOGEN II contienne également des éléments allant au-delà de la divulgation de BIOGEN I, et que les revendications 2(d) et 12 puissent uniquement bénéficier de la priorité BIOGEN II, n'empêche pas de reconnaître aux éléments divulgués dans cette première demande la protection conférée par BIOGEN I.
7.8. De l'avis de la Chambre, la situation juridique peut se résumer comme suit :
Lorsqu'une priorité est revendiquée pour une demande de brevet européen au titre de l'article 88 CBE, le fait que le contenu de la demande dont la priorité est revendiquée ait été publié (ou divulgué de toute autre façon au sens de l'article 4 B de la Convention de Paris) entre le dépôt de cette dernière et celui de la demande de brevet européen (version définitive), n'est opposable en ce qui concerne l'état de la technique à aucune des revendications figurant dans la demande ultérieure. Toutefois, si le contenu de cette publication va au-delà de celui d'une demande déposée antérieurement, en englobant des éléments non divulgués dans cette demande antérieure, il est en principe opposable à toute revendication de la demande de brevet européen (version définitive) s'appuyant sur une date de priorité postérieure à la date de publication. En outre, le système des priorités multiples, deviendrait assez illusoire si l'on adoptait un point de vue différent.
7.9. Dans la présente espèce, les faits indiquent clairement que le document "Nagata" constitue ni plus ni moins une véritable divulgation de l'objet de la demande BIOGEN I en ce qui concerne la revendication 1 du brevet européen en cause. Par conséquent, la publication du document "Nagata", postérieure au dépôt de la demande BIOGEN I, n'empêche pas la demande de brevet européen de bénéficier de la protection conférée par BIOGEN I, quant à l'objet divulgué dans la demande BIOGEN I. Aux termes de l'article 89 CBE, cela signifie que, bien que les revendications 2(d) et 12 puissent seulement bénéficier de la priorité de BIOGEN II, la date de priorité de la demande BIOGEN I, c'est-à-dire le 8 janvier 1980, est considérée comme date de dépôt de la présente demande de brevet européen eu égard à l'objet correspondant. Par conséquent, le document "Nagata" ne fait pas partie de l'état de la technique au sens de l'article 56 CBE pour ce qui concerne les revendications 2(d) et 12 (ou en fait toute revendication) du brevet européen en cause. Il n'y a donc pas lieu, en principe, de conclure à un défaut d'activité inventive en ce qui concerne ces revendications.
Activité inventive par rapport à "Nagata"
7.10. Même si le document "Nagata" était opposable, il ne serait pas possible de maintenir la conclusion de la division d'opposition, selon laquelle les deux plasmides de la revendication 2(d) n'impliquent pas d'activité inventive par rapport à l'enseignement général divulgué par le document "Nagata", qui concerne les modalités de préparation de plasmides capables d'exprimer dans E. coli des polypeptides possédant l'activité d'un interféron leucocytaire humain.
7.11. Comme indiqué précédemment, le document "Nagata" divulgue les parties pertinentes de la demande BIOGEN I.
Il décrit, entre autres, les recombinants pertinents figurant dans la revendication 1(a), c'est-à-dire ceux qui contiennent les éléments permettant de repérer des structures similaires au moyen de la réaction d'hybridation, par exemple avec les séquences sondes "HcIF-4c", "HcIF-2h" etc. Il a été suggéré que la publication de ces résultats devrait permettre à l'homme du métier d'obtenir, de manière évidente, les autres séquences pertinentes spécifiques énumérées dans la revendication 2(d).
7.12. Le problème technique dans ce domaine aurait consisté à obtenir, en poursuivant le traitement, certains précurseurs possédant les propriétés spécifiques et les structures particulières mentionnées. La solution de ce problème consistait à produire spécifiquement des structures "II-206" et "SN35-AHL6", à l'exception de toute autre. En fait, les hôtes transformés (revendication 12) contiennent les inserts selon la revendication 2(d), qui présentent certains effets techniques surprenants par rapport à l'objet divulgué dans le document "Nagata". Au cas o" un homme du métier de compétence moyenne aurait réussi à identifier un clone E. coli HB101 (Z-pBR322(Pst)/HcIF-II-206) en s'apercevant que le plasmide hybride ("HcIF-II-206" en abrégé) de ce clone, et son insert d'ADN ("Fragment - Hif-II-206" en abrégé) s'hybridaient faiblement à Hif-4c et au fragment Hif-2h, tous deux divulgués dans le document Nagata, il n'aurait certainement pas pu prévoir que le fragment Hif-II- 206 était le précurseur d'une autre protéine intéressante du type interféron, dénommée IFN-alpha"2. Il est apparu, en déterminant l'activité interféron relative (cf. EP-B-32 134, p. 33, lignes 10 à 29 et 35) à l'aide d'un procédé similaire à celui divulgué dans le document "Nagata" (cf. explication relative au tableau 3), que l'IFN-alpha"2 exerçait sur les cellules humaines CCL23 une activité 30 fois supérieure à celle de l'IFN-alpha"1 exposé dans le document "Nagata", dont les structures sont différentes.
Ces résultats montrent que les différences de structure existant respectivement au niveau de l'ADN et de la protéine confèrent de façon inattendue une propriété utile à l'objet des revendications 2(d) et 12.
7.13. A cet égard, les intimés ont fait valoir que cette activité antivirale accrue, citée dans le brevet (p. 33, ligne 35), avait été déterminée de manière purement visuelle, de sorte que l'essai en question n'avait qu'un caractère qualitatif d'information approximative, et que son imprécision ne permettait pas d'étayer suffisamment la brevetabilité. Par ailleurs, aucun des intimés n'a présenté de résultats appuyant le point de vue selon lequel l'activité biologique, apparemment favorable à l'IFN-alpha"2 dans le test mentionné plus haut pourrait être réduite, voire inversée, si un test différent, plus approprié, était mis en oeuvre pour détecter l'activité antivirale sur les cellules humaines.
7.14. Le plasmide modifié Z-pBR322(Pst)/HcIF-SN35-AHL6 est également considéré comme possédant des propriétés inattendues par rapport au plasmide de départ Hif-SN35, divulgué par le document "Nagata". Le hôtes transformés à l'aide de ce plasmide modifié (cf. revendication 12) produisent cent fois plus de protéine exerçant l'activité d'un interféron leucocytaire humain que l'on ne pourrait en obtenir avec des hôtes transformés à l'aide du plasmide non modifié Z-pBR322(Pst)/HcIF-SN35 exposé dans le document "Nagata" (cf. brevet p. 27, lignes 53 à 63). Cet effet technique surprenant au niveau de la production n'est pas invalidé par l'obtention, chez E. coli, d'une protéine ayant six acides aminés supplémentaires fusionnés à la portion amino- terminale de la séquence IFN-alpha1 (SN35). Les intimés ont soutenu, sans toutefois prouver le bien-fondé de cette allégation, que l'extension de la séquence protéique constituait, a priori, un net inconvénient. En l'absence de résultats expérimentaux pertinents, rien ne permet de conclure que l'augmentation, d'un facteur 100 environ, de l'expression protéique pourrait finalement constituer un inconvénient dû au traitement aval ou à l'extraction des protéines.
L'objet des revendications 2(d) et 12 implique par conséquent une activité inventive.
8. Divers
Compte tenu de ce qui précède, la requête subsidiaire est recevable eu égard à l'ensemble des motifs examinés jusqu'à présent par la division d'opposition, y compris l'objection de défaut d'activité inventive soulevée à l'encontre des revendications 2(d) et 12. Il conviendrait d'examiner désormais les questions concernant l'activité inventive que la première instance n'a pas encore examinées dans la présente espèce.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Toutes les requêtes visant à soumettre des questions de droit à la Grande Chambre de recours sont rejetées.
2. La requête principale est rejetée.
3. La décision de la division d'opposition est annulée.
4. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition pour examen sur la base de la requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale.